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29/01/1998 | FRANCE | N°1996-2325

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 janvier 1998, 1996-2325


La SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE a confié à la société PROTEC FEU la réalisation de travaux de protection incendie, par réseaux sprinklers et CO2, du Paquebot Transbordeur SNCM D 31.

La société PROTEC FEU a sous-traité une partie de ces travaux à la société SITUB, étant précisé que le cahier des charges du marché prévoyait que les tubes GRP seraient fournis par la société SEPMA, spécialisée dans cette fabrication et agréée par la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE.

Prétendant que la société PROTEC FEU lui aurait remis tardivement un plan d'études et que la s

ociété SEPMA lui aurait également fourni tardivement des tubes pour la réalisation de ...

La SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE a confié à la société PROTEC FEU la réalisation de travaux de protection incendie, par réseaux sprinklers et CO2, du Paquebot Transbordeur SNCM D 31.

La société PROTEC FEU a sous-traité une partie de ces travaux à la société SITUB, étant précisé que le cahier des charges du marché prévoyait que les tubes GRP seraient fournis par la société SEPMA, spécialisée dans cette fabrication et agréée par la SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE.

Prétendant que la société PROTEC FEU lui aurait remis tardivement un plan d'études et que la société SEPMA lui aurait également fourni tardivement des tubes pour la réalisation de la prestation ce qui aurait entraîné "un glissement général du programme" et la nécessité d'exécuter des travaux supplémentaires, la société SITUB a saisi le Président du Tribunal de Commerce de PONTOISE pour obtenir, sur le fondement des articles 145, 872 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, l'organisation d'une mesure d'expertise. [*

Par ordonnance du 18 janvier 1996, ce magistrat a statué dans les termes ci-après : "- Constatons que la demande de la SA SITUB excède les pouvoirs du juge des référés ; En conséquence, - Déboutons la société SITUB de sa demande d'expertise et la renvoyons à mieux se pourvoir ; - Condamnons la société SITUB à payer à la société SEPMA la somme de 3.500 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - Condamnons la société SITUB aux dépens" ; *]

Appelante de cette décision, la société SITUB fait grief au premier juge d'avoir mal apprécié les éléments de la cause en retenant d'une part, que les conditions d'application de l'article 873 alinéa 1 du Nouveau Code de Procédure Civile n'étaient pas réunies et que, sur le fondement de l'article 145 du même Code, il n'y avait pas lieu de faire droit à la mesure sollicitée dès lors qu'elle aurait eu partiellement pour objet d'analyser des pièces contractuelles dont

l'appréciation relève du seul juge du fond et qu'une mesure générale d'expertise quant aux conditions d'exécution du marché a été déjà ordonnée le 05 décembre 1995 par le Président du Tribunal de Commerce de SAINT-NAZAIRE.

Elle soutient au contraire que la mesure d'expertise est parfaitement justifiée dès lors qu'elle permettra d'établir non seulement la réalité des retards imputables aux sociétés PROTEC FEU et SEPMA mais également l'étendue du préjudice subi par elle du fait de ces retards et du bouleversement de l'économie générale du marché ainsi que de chiffrer les travaux supplémentaires qui ont été imposés. Elle demande en conséquence à la Cour de : - Désigner tel expert qu'il appartiendra sur le fondement des articles 145 et 872 du Nouveau Code de Procédure Civile, mais autre que celui retenu par le Président du Tribunal de Commerce de SAINT-NAZAIRE qui a fait preuve de partialité, avec mission :

. "de prendre connaissance des documents contractuels liant les

parties ;

. de déterminer la date contractuelle de remise des études par PROTEC FEU ;

. de dire si la société PROTEC FEU a effectué la remise des études

dans les délais contractuels prévus, et conformément aux

hypothèses

du devis du 23 décembre 1994 remis par la société

SITUB ;

. chiffrer le préjudice éventuel subi par elle du fait du retard allégué dans

la remise par la société PROTEC FEU de ces études ;

. préciser la nature et l'étendue du préjudice subi par elle ;

. dire si la société SEPMA a fourni dans les délais contractuels

prévus

les fournitures de tubes et raccords GRP ; dans la négative apporter toute précision dans l'importance du retard de la société SEPMA et sa conséquence sur le glissement du planning prévisionnel ;

. apporter toute précision sur la nature du préjudice allégué de ce chef

par elle ;

. fournir tous éléments qui permettront ultérieurement au juge du fond

d'apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis ;

. dire également que l'expert commis aura pour mandat de dire si elle a

exécuté des travaux supplémentaires ;

. dans l'affirmative de préciser à partir de la remise de quel document,

d'en chiffrer le coût et de préciser la cause de la non validation actuelle

de ces derniers par la société PROTEC FEU ;

Elle réclame également à chacune des sociétés PROTEC FEU et SEPMA une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile".

La société PROTEC FEU estime tant irrecevable que mal fondée la demande d'expertise formée par la société SITUB et conclut à la

confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance déférée, sauf à se voir allouer une indemnité de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Subsidiairement, elle estime que la mission confiée à l'expert devra être complétée dans les termes ci-après : - décrire les travaux réalisés par la société SITUB et les méthodes d'exécution employées par cette dernière ; - dire si les méthodes d'exécution employées par la société SITUB étaient adaptées à la nature particulière des travaux et aux conditions dans lesquelles ils devaient être exécutés ; - dire si la société SITUB a exécuté son marché dans les délais contractuels ; - dans la négative, dire si les retards sont imputables à l'entreprise ; - fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu les préjudices subis.

La société SEPMA, représentée par son liquidateur amiable Monsieur Michel X..., estime également tant irrecevable que mal fondée la demande d'expertise formée à son encontre par la société SITUB et elle conclut, comme la société PROTEC FEU, à la confirmation de l'ordonnance entreprise sauf à se voir allouer une indemnité complémentaire de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Subsidiairement elle demande également que la mission donnée à l'expert soit complétée ainsi qu'il suit ; - prendre connaissance des documents contractuels liant les parties ; - déterminer la date à laquelle elle a remis les études à la société SITUB ; - dire si une date précise de remise de ces études a été contractuellement fixée ; - dans l'affirmative, dire si elle a effectué la remise des études à la société SITUB dans les délais contractuellement prévus ; - dire si la société SEPMA a fourni les tubes et raccords GRP dans les délais

contractuellement prévus ; - dire si la société SITUB a exécuté avec retard des prestations de montage du réseau incendie du transbordeur SNCM D 31 ; - dans l'affirmative dire si ce retard est imputable aux sociétés SITUB, à PROTEC FEU ou à elle même ; - prendre connaissance et examiner tous les documents comptables et financiers de la société SITUB pour évaluer le montant du préjudice éventuel allégué par celle-ci ; - dire si la société SITUB a réalisé ses prestations en respectant les recommandations de pose SEPMA .

Enfin, il convient de noter que la société LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE a été appelée en intervention forcée pour la première fois devant la Cour par la société SITUB et que la société LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE estime irrecevable cette mise en cause, faute d'évolution du litige et, subsidiairement mal fondée, la même société réclamant une indemnité de 8.000 francs en couverture des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. *

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'une demande d'expertise formée devant le juge des référés, tant sur le fondement général de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile que sur celui de l'article 872 du même code, ne saurait servir de moyen à une partie pour critiquer des investigations déjà en cours confiées à un autre expert et permettre à cette partie d'alimenter de la sorte un contentieux à naître ou déjà né ; qu'elle ne saurait davantage être utilisée pour interpréter et analyser des documents contractuels dont l'appréciation relève de la seule compétence du juge du fond ;

Considérant qu'en l'espèce, il apparaît des documents de la cause, que par ordonnance du référé rendue le 05 décembre 1995 par le Président du Tribunal de Commerce de SAINT-NAZAIRE, à la requête de la société LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, Monsieur Paul LE Y... a été désigné en qualité d'expert avec mission de : - se rendre dans

les locaux des CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE à SAINT-NAZAIRE, à bord du navire D 31, en cours de construction, pour y procéder à toutes constatations et investigations utiles concernant les désordres allégués et affectant le système de protection réalisé et installé par la société PROTEC FEU, la société SITUB et la société SEPMA ; - se faire remettre par les parties toutes les pièces et documents utiles à sa mission ; - rechercher si les désordres dont fait état la société LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE existent bien et dans l'affirmative les décrire, les analyser, en déterminer l'origine et en préciser les effets, décrire les travaux propres à y remédier ; - vérifier le bien fondé des mesures éventuellement prises par la société LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE pour limiter les conséquences dommageables des désordres constatés ; - fournir tous éléments d'appréciation quant à la conformité ou à la non conformité du système de protection contre l'incendie réalisé et installé par la société PROTEC FEU, la société SITUB et la société SEPMA et dire si celui-ci était ou est non conforme à sa destination ; - rechercher si les spécifications de pose ont été respectées ; - donner tous éléments d'appréciation quant aux différents chefs de préjudice susceptibles d'avoir été subis par la société LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE ; - s'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission ci-dessus, sur les dires et observations des parties, si besoin est après avoir entendu tous sachants, tous techniciens et toutes personnes de l'art compétentes ; - apurer tous dires et réquisitions des parties ;

Que, par ailleurs, par acte du 21 mars 1997, la société SITUB a formé devant le Tribunal de Commerce de PARIS, à l'encontre des sociétés PROTEC FEU, SEPMA et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, une demande d'indemnisation fondée sur les mêmes éléments que ceux qui servent d'appui à la présente demande d'expertise ;

Considérant qu'il résulte de ces constatations, que la Cour statuant en matière de référé se doit de prendre en compte, qu'une mesure d'expertise in futurum la plus large possible et relative aux mêmes faits à laquelle ont été attraites toutes les parties en cause, a déjà été ordonnée à la requête de la société LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, mesure d'expertise au cours de laquelle la société appelante pouvait faire valoir toutes les observations et contestations qu'elle estimait utiles, à charge pour elle de solliciter le cas échéant une extension de mission, ce qu'elle n'a pas entendu faire, motif pris que l'expert LE Y... "est suspect de ne pas conduire ses opérations en toute impartialité" ; que par ailleurs, l'appelante a saisi à ce jour des mêmes faits litigieux le juge du fond ; qu'il apparaît ainsi que l'objectif poursuivi par la société SITUB est d'obtenir une nouvelle mesure d'instruction lui permettant de critiquer les conclusions du premier expert qui ne lui sont pas, de son propre aveu, favorables et d'alimenter ainsi le contentieux au fond qu'elle a engagé devant le Tribunal de Commerce de PARIS avec quelques chances de succès ; que cette stratégie procédurale ne saurait cependant être admise dès lors qu'il n'existe plus désormais, eu égard à ce qui vient d'être dit, aucun motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits qui ont déjà été pour l'essentiel analysés dans le cadre de la première expertise et que la réclamation de l'appelante se heurte, pour les mêmes motifs, à une contestation sérieuse et qu'elle n'est plus justifiée par le différent opposant les parties d'autant qu'il est demandé à l'expert qui pourrait être désigné, de se prononcer, en préalable à toute constatation, sur l'interprétation de documents contractuels, ce que seul le juge du fond a pouvoir de faire ; que dans ces conditions, la mesure d'instruction sollicitée sera rejetée tant sur le fondement de l'article 145 que sur celui de l'article 872

du même code et l'ordonnance entreprise confirmée en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser aux sociétés intimées la charge des frais qu'elles ont été contraintes d'exposer devant la Cour, que la société SITUB sera condamnée à payer à chacune d'elles une indemnité de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant enfin que l'appelante, qui succombe, supportera les entiers dépens. * PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Reçoit la société SITUB en son appel ;

- Mais le dit mal fondé ;

- Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise formée par la société SITUB ;

Y ajoutant,

- Condamne la société appelante à payer à chacune des sociétés PROTEC FEU, SEPMA et LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, une indemnité de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée en première instance à la société SEPMA ;

- La condamne également aux entiers dépens exposés à ce jour et autorise les Avoués en cause à poursuivre directement le recouvrement de la part les concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE

LE PRESIDENT A. PECHE-MONTREUIL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-2325
Date de la décision : 29/01/1998

Analyses

REFERE

Une demande d'expertise formée devant le juge des référés, tant sur le fondement général de l'article 145 du NCPC que sur celui de l'article 872 du même code, ne peut constituer un moyen, pour une partie, de critiquer les investigations en cours d'un expert et permettre à cette partie d'alimenter un contentieux né ou à naître, elle ne peut, non plus, être utilisée pour interpréter et analyser des documents contractuels dont l'appréciation relève de la seule compétence du juge du fond.Lorsqu'une partie sollicite une nouvelle mesure d'expertise alors que parallèlement elle a saisi le juge du fond en raison des mêmes faits litigieux et que cette demande fait suite à une expertise précédemment ordonnée in futurum et sur le plus charge champ, l'objet de cette demande tend nécessairement à critiquer les conclusions du premier expert désigné et à alimenter le contentieux au fond déjà engagé. En application des articles 145 et 872 précités cette demande d'expertise doit être rejetée alors qu'au surplus elle porte sur l'interprétation d'un contrat, laquelle relève du seul juge du fond.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-29;1996.2325 ?
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