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27/01/1998 | FRANCE | N°1998-58TI

France | France, Cour d'appel de Versailles, 27 janvier 1998, 1998-58TI


Suite à la réouverture des débats ordonnée par Jugement avant dire droit du 21 Octobre 1997, sollicitant la production de diverses pièces, les parties ont déposé leur dossier à l'audience du 2 Décembre 1997. Monsieur X... Y... maintient ses précédentes conclusions, sollicitant la condamnation de Monsieur Z... A... :

- à effectuer les tailles nécessaires conformément aux dispositions de l'article 671 du Code Civil dans un délai de 15 jours à compter du jugement, - au paiement d'une astreinte définitive de 500,00 Francs par jour de retard à l'expiration de ce délai dans

l'hypothèse où la taille réglementaire ne serait pas effectuée, outre l...

Suite à la réouverture des débats ordonnée par Jugement avant dire droit du 21 Octobre 1997, sollicitant la production de diverses pièces, les parties ont déposé leur dossier à l'audience du 2 Décembre 1997. Monsieur X... Y... maintient ses précédentes conclusions, sollicitant la condamnation de Monsieur Z... A... :

- à effectuer les tailles nécessaires conformément aux dispositions de l'article 671 du Code Civil dans un délai de 15 jours à compter du jugement, - au paiement d'une astreinte définitive de 500,00 Francs par jour de retard à l'expiration de ce délai dans l'hypothèse où la taille réglementaire ne serait pas effectuée, outre le bénéfice de l'exécution provisoire et la somme de 1.500,00 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur Z... sollicite le remboursement des frais d'huissier (1.500,00 Francs), une somme de 1.500,00 Francs à titre de dommages et intérêts, en rappelant qu'il est contraint de quitter la région en raison des "agissements" de la famille X.... Monsieur X... demande en outre de condamner Monsieur Z... et Monsieur Georges B..., auteur d'un propos qu'il considère insultant et diffamatoire à son égard, au paiement, chacun, de la somme de 10.000,00 Francs au profit de l'Association "Aime la Vie". Monsieur X... demande, dans cette perspective, de faire réserver sur le produit de la vente de la maison de Monsieur Z... les sommes qui conviennent. SUR QUOI, LE TRIBUNAL : Attendu qu'il convient de s'interroger à la lumière des pièces produites par les parties, sur l'existence d'usages locaux dans le Hameau de la Brosse à SAINT LAMBERT DES BOIS, autorisant à laisser les haies séparatives atteindre une hauteur de trois mètres ; Attendu que l'Article 671 du Code Civil renvoie expressément aux usages constants et reconnus, s'agissant notamment des plantations d'arbres et des haies ; Attendu que les propriétés des parties ont été acquises dans un lotissement en 1973 qui était régi par le Cahier

des Charges de la Société Civile Immobilière de Construction "Le Jardin de la Brosse" ; Attendu que l'Association Syndicale libre "Le Jardin de la Brosse" a été dissoute, rendant caduques les dispositions du Cahier des Charges ; Attendu que le Plan d'Occupation des Sols de la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS (approuvé le 15 janvier 1986, modifié et approuvé le 21 Juin 1990) édicte des dispositions particulières sur les clôtures, page 18 : "Elles seront constituées, soit de murs pleins, traités comme les bâtiments, soit de haies végétales taillées. Sur une voie publique ou privée, elles ne dépasseront pas 1,80 mètres de hauteur, avec la possibilité d'un mur plein de 1 mètre." ; que par ailleurs, le P.O.S. (page 50) indique "qu'on recherchera l'isolement visuel des logements entre eux." ; Attendu que la hauteur des clôtures prescrite par le P.O.S. à un mètre et quatre vingt centimètres, ne peut concerner les haies mitoyennes ; Attendu que le P.O.S. rappelle que le Hameau de la Brosse est un habitat pavillonnaire dans un petit lotissement, étant précisé que la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS se situe en Région Parisienne, à moins de cinquante kilomètres de PARIS ; Attendu qu'en raison de l'exigu'té des parcelles sur lesquelles sont implantés les pavillons d'habitation, un usage ancien constant, de notoriété publique et consacré par la Jurisprudence, autorise dans les banlieues pavillonnaires de la Région Parisienne, la plantation d'arbres et de haies jusqu'à l'extrême limite des jardins (C.A. PARIS 24 Avr. 1985, C.A. PARIS 19 Déc. 1986, C.A. PARIS 10 Oct. 1990, C.A. VERSAILLES 18 Mars 1988, C.A. PARIS 30 Avr. 1993) ; Attendu que la Jurisprudence consacre judiciairement les usages locaux à caractère agricole, même s'ils ne sont pas systématiquement codifiés par les Chambres d'Agriculture (cf. C.A. ANGERS 11 Déc.1989) ; qu'ils sont le reflet des traditions locales et ont une valeur jurisprudentielle incontestable (question écrite Sénat N° 5645 du 13/7/1989 P : 1073) ;

Attendu que la Cour de Cassation a précisé que les Juges du Fait constatent souverainement l'existence des usages locaux relatifs aux distances à observer pour les plantations près de la ligne séparative des fonds (Ch. Civ. 28 Juil. 1873 - Dalloz 1874 - I - 22) ; que dès 1872, la Cour de Cassation a dit que dans le Canton de GONESSE et généralement dans la Banlieue de PARIS, un usage ancien et persistant autorise à ne pas s'astreindre à garder rigoureusement la distance légale pour les plantations d'arbres de basse tige destinées à former charmille ou palissade sous la condition d'aménager et tailler les arbres de manière à ce que ni le tronc ni les branches ne dépassent jamais la clôture (Ch. Civ. 10 Juil.1872 - Dalloz 1872 - I - 257) ; que plus récemment, la Cour de Cassation a rappelé que lorsque le Juge de Fond pour rejeter une demande en arrachage d'arbres plantés à une distance inférieure à la distance légale, retient les usages en vigueur dans la Banlieue Parisienne de planter les haies à moins de cinquante centimètres de la limite du fonds, il n'est pas tenu de préciser les éléments d'où résultent les usages dont il constate souverainement l'existence (3° Ch. Civ. 14 Fév. 1984 concernant la Commune de SAVIGNY SUR ORGE) ; que la seule réserve émise par la Jurisprudence est que l'usage ne doit pas causer une gêne excessive au propriétaire du fonds voisin (C.A. VERSAILLES 21 Sept. 1990) ; Attendu, enfin, que les usages locaux ont une portée générale, qu'ils s'appliquent à toutes espèces de plantations ; Attendu cependant, que l'on ne peut se prévaloir d'un usage existant que dans la mesure où cela ne cause aucun trouble aux voisins ; Attendu en l'espèce, que le Maire de la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS, dans un courrier adressé le 14 Août 1997 à Monsieur Z... indique expressément : "Je vous rappelle que dans la Commune de SAINT LAMBERT, l'usage est de laisser les haies séparatives atteindre une hauteur de trois mètres. Cette habitude, qui remonte à plusieurs dizaines d'années est en

harmonie avec l'environnement exceptionnel dont nous bénéficions. La taille de vos haies est donc conforme à nos coutumes." ; Attendu que les propos développés par Monsieur le Maire de SAINT LAMBERT DES BOIS, dans le Bulletin Municipal d'Octobre 1997 ne peuvent être retenus, dans la mesure où Monsieur X... a demandé expressément au Maire de revenir sur ses propos ("Même si ce geste est inamical à mon égard, je prétends que l'équipe municipale fait un excellent travail dans notre village et qu'elle a toute mon estime, c'est pourquoi je ne souhaitais pas avoir à mettre l'accent sur des preuves embarrassantes pour notre Maire. Je propose donc qu'il soit demandé à l'auteur de ce document de l'annuler ou en tout état de cause, que celui-ci ne soit pas versé au dossier de l'affaire X.../Z...") ; Attendu que l'existence d'usages locaux est attesté par le Maire de SAINT LAMBERT DES BOIS, en charge de la Commune depuis plus de dix ans ; Attendu que l'existence d'usages locaux constants et reconnus applicables à SAINT LAMBERT DES BOIS, autorisant des haies à une hauteur d'au moins trois mètres, est également attestée par Monsieur C... et Monsieur LE D..., résidant dans le Hameau des Jardins de la Brosse depuis de très nombreuses années ; Attendu que Monsieur LE D... précise notamment que la configuration actuelle de la haie d'une hauteur de trois mètres environ est justifiée, car elle assure une bonne protection contre les vents dominants, l'intimité de chacun, un aspect décoratif indéniable, sa hauteur ne créant aucune nuisance au développement normal de la végétation située sur les terrains voisins ; Attendu que Monsieur C..., souligne que l'ombre portée par la haie de Monsieur Z... ne saurait influer sur l'ensoleillement du séjour de Monsieur et Madame X... ; qu'il convient de rappeler que Monsieur X... n'a abaissé sa haie à deux mètres qu'en Avril 1997, et qu'auparavant sa haie était d'une hauteur comparable à celle de Monsieur Z... ; Attendu que Monsieur X... a sollicité la taille

de la haie de Monsieur Z... en invoquant les dispositions de l'article 671 du Code Civil, sans faire référence à une quelconque gêne ou nuisance ; qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé par Maître LE HONSEC, Huissier de Justice, le 5 Août 1997 que la haie de thuyas de Monsieur Z... d'une hauteur de trois mètres et cinquante centimètres, est parfaitement à l'aplomb de la propriété X..., et qu'aucune branche ne dépasse ; Attendu en conséquence, qu'il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus rappelés, que le Hameau de la Brosse situé dans la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS doit bénéficier des usages reconnus par la Jurisprudence dans le voisinage de PARIS qui autorisent la plantation d'arbres et de haies jusqu'à l'extrême limite des jardins, et qui en particulier permettent de déroger à la hauteur de deux mètres prévue de façon supplétive par le Code Civil ; Attendu en conséquence, que Monsieur X... sera débouté de l'ensemble de ses demandes ; que la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts pour propos diffamatoires, sera rejetée dans la mesure où l'écrit incriminé est une attestation dont la confidentialité a été préservée, qui ne saurait être communiquée à des tiers ; Attendu que reconventionnellement, Monsieur Z... paraît bien fondé à demander à Monsieur X... des dommages et intérêts pour les indiscrétions commises et les remarques désobligeantes dites, qui peuvent être évaluées à 1.500,00 Francs, ainsi que la somme de 1.500,00 Francs en remboursement des frais d'huissier ; PAR CES MOTIFS : Le Tribunal, statuant publiquement, par Jugement contradictoire, et en premier ressort ; - Dit que le Hameau des Jardins de la Brosse sur la Commune de SAINT LAMBERT DES BOIS bénéficie d'usages constants et reconnus, autorisant des haies d'une hauteur d'au moins trois mètres, - Déboute Monsieur X... Y... de l'ensemble de ses demandes, - Reconventionnellement, condamne Monsieur X... Y... à verser à

Monsieur Z... la somme de MILLE CINQ CENTS FRANCS (1.500,00 Francs) à titre de dommages et intérêts, outre la somme de MILLE CINQ CENTS FRANCS (1.500,00 Francs) de frais d'Huissier de Justice, - Et condamne Monsieur X... Y... aux dépens. Ainsi jugé et prononcé, à la date indiquée. LE GREFFIER, LE JUGE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-58TI
Date de la décision : 27/01/1998

Analyses

SERVITUDE - Servitudes diverses - Plantations

Dès lors qu'en raison de l'exigu'té des parcelles un usage ancien, constant, de notoriété publique et consacré par la jurisprudence autorise dans les banlieues pavillonnaires de la région parisienne, les plantations jusqu'à l'extrême limite des jardins, par dérogation aux dispositions supplétives de l'article 671 du Code civil et sous réserve que cet usage ne cause aucune gêne excessive au fonds voisin, il appartient au juge du fait de constater souverainement l'existence des usages locaux relatifs aux distances d'établissement des plantations et si une commune de la région parisienne doit bénéficire de tels usages


Références :

Code civil, article 671

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-27;1998.58ti ?
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