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23/01/1998 | FRANCE | N°1995-9736

France | France, Cour d'appel de Versailles, 23 janvier 1998, 1995-9736


Par convention du 10 octobre 1991, la SOFIAC NORMANDIE a commandé à Monsieur Guy X... une "action de formation spécifique à la vente" concernant six de ses salariés bénéficiant d'une formation professionnelle continue.

Le coût de la prestation était fixé à 94.880 francs T.T.C.

La SOFIAC a demandé l'annulation de la convention et le remboursement des sommes versées, en reprochant à Monsieur X... d'utiliser ces stages pour faire du prosélytisme en faveur de l'église de scientologie.

Par jugement du 09 octobre 1995, le Tribunal de Grande Instance de PONTOIS

E a :

- constaté que le contrat n'avait pas été exécuté de bonne foi,

- dit q...

Par convention du 10 octobre 1991, la SOFIAC NORMANDIE a commandé à Monsieur Guy X... une "action de formation spécifique à la vente" concernant six de ses salariés bénéficiant d'une formation professionnelle continue.

Le coût de la prestation était fixé à 94.880 francs T.T.C.

La SOFIAC a demandé l'annulation de la convention et le remboursement des sommes versées, en reprochant à Monsieur X... d'utiliser ces stages pour faire du prosélytisme en faveur de l'église de scientologie.

Par jugement du 09 octobre 1995, le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE a :

- constaté que le contrat n'avait pas été exécuté de bonne foi,

- dit qu'il a été résilié à bon droit par la SOFIAC,

- condamné Guy X... à rembourser à la SOFIAC la totalité des sommes par lui perçues au titre dudit contrat, avec intérêts légaux à compter de l'assignation.

Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement.

Il demande à la Cour de débouter la SOFIAC de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 50.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 35.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Après avoir rappelé que la cause de la convention est la formation de commerciaux, ce qui n'est ni illicite, ni immoral, il soutient que cette formation a été correctement assurée comme en témoignent les nombreux documents qu'il verse aux débats.

Il conteste avoir détourné cette formation de son but normal et fait valoir que les deux seules attestations produites sont insuffisantes pour établir que, dans le cadre de la formation, il a "démarché" les stagiaires au bénéfice de l'église de scientologie.

La Société SOFIAC conclut à la confirmation du jugement mais forme un appel incident pour voir condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 400.000 francs à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 100.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ordonner la publication du dispositif de l'arrêt dans certains journaux économiques.

Elle fait valoir que l'appartenance de Monsieur X... à l'église de scientologie est notoire et que deux stagiaires attestent qu'ils ont été démarchés par Monsieur X... qui utilise les principes de scientologie dans la formation qu'il dispense.

Elle expose, enfin, que dix salariés, membres du stage, ont quitté l'entreprise ce qui lui a causé un préjudice.

Monsieur X... répond que cette demande de dommages-intérêts est nouvelle en cause d'appel et, à ce titre, irrecevable et en tout cas mal fondée.

La S.A.R.L. DIACE CONSEIL est intervenue volontairement à l'instance aux lieu et place de Monsieur X... et a déposé de nouvelles conclusions le 13 novembre 1997 ; la SOFIAC a demandé le rejet des débats de ces conclusions.

La procédure a été clôturée le 13 novembre 1997.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu qu'il sera donné acte à la S.A.R.L. DIACE CONSEIL de son intervention aux lieu et place de Monsieur X... ;

Attendu que si la Société DIACE CONSEIL a conclu en réponse le jour de l'ordonnance de clôture, un délai suffisant s'est écoulé entre cette date et le jour de l'audience de plaidoiries pour que la SOFIAC ait la possibilité de demander la révocation de l'ordonnance de clôture pour lui permettre de répliquer ;

Qu'elle ne l'a pas fait ;

Qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'écarter les conclusions signifiées le 13 novembre 1997 ;

Attendu qu'en application de l'article 1134 du Code Civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ;

Attendu que dans le cadre de la mission de formation spécifique des vendeurs de la SOFIAC qui lui avait été confiée, Monsieur X... a organisé un stage de trois jours ;

Qu'à l'issue de ce stage, la SOFIAC a appris que Monsieur X... était membre de l'église de scientologie et avait "démarché" certains de ses salariés, raison pour laquelle elle entendait mettre fin aux relations contractuelles ;

Attendu qu'il n'est reproché à Monsieur X... ni d'appartenir à l'église de scientologie, ce qui relève de sa liberté de conscience, ni d'avoir fourni une prestation de mauvaise qualité mais seulement d'avoir utilisé la session de formation pour inciter ses interlocuteurs à partager ses idées philosophiques et rejoindre l'organisation à laquelle il adhérait, détournant ainsi l'objet du contrat ;

Attendu que les attestations versées aux débats et rédigées par deux participants au stage, Madame Y... et Monsieur Z..., rapportent des faits précis dont Monsieur X... ne conteste pas l'exactitude ;

Qu'il en résulte que :

- Monsieur X... a bien effectué du prosélytisme pour l'église de scientologie, notamment en recommandant et en proposant même à la vente les livres écrits par L. RON HUBBARD, fondateur de cette "église" et en allant jusqu'à inviter Monsieur Z... à passer une soirée à son domicile pour l'initier et le soumettre à quelques tests, et en prévenant Madame Y... qu'ils seraient appelés à se revoir pour approfondir l'étude du livre "La Dianétique" écrit par L. RON HUBBARD,

- ce prosélytisme a eu lieu pendant la session de formation, soit au cours des repas pris en commun, soit lors de visite à la clientèle et même pendant le stage proprement dit en apportant un livre à Monsieur Z...,

- Monsieur X... savait pertinemment que un tel comportement dépassait les limites dans lesquelles un formateur, même en "management", doit se cantonner, puisqu'il demandait à ses interlocuteurs de ne rien dire à leur entourage et à leur employeur, des propos qui leur étaient tenus.

Attendu que ce faisant, Monsieur X... n'a pas exécuté sa mission avec loyauté et bonne foi ;

Que c'est à juste titre que le Tribunal a dit que la résiliation du contrat par la SOFIAC était justifiée ;

Attendu que Monsieur X..., qui n'a pas exécuté son contrat de bonne foi, ne peut obtenir une rémunération pour sa prestation ;

Qu'il doit restituer à la SOFIAC les sommes qu'il a perçues ;

Attendu que la demande en paiement d'une somme de 400.000 francs à titre de dommages-intérêts n'est étayée par aucune pièce permettant de penser que la SOFIAC a subi un préjudice ;

Que cette demande sera rejetée de même que celle concernant la publication de l'arrêt qui ne se justifie pas ;

Attendu que la S.A.R.L. DIACE CONSEIL, qui succombe, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et condamné à payer à la Société SOFIAC une indemnité de 10.000 francs pour les frais irrépétibles exposés par celle-ci.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

Donne acte à la S.A.R.L. DIACE CONSEIL de son intervention aux lieu et place de Monsieur X...,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la Société SOFIAC de sa demande de dommages-intérêts et en publication de l'arrêt,

Condamne la Société DIACE CONSEIL à payer à la Société SOFIAC une indemnité de 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la Société DIACE CONSEIL aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-9736
Date de la décision : 23/01/1998

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Exécution - Bonne foi - Défaut

Aux termes de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Manque à cette obligation l'organisateur d'un stage de formation qui, à l'occasion de la mission contractuellement confiée, met à profit le temps de ce stage pour effectuer du prosélytisme en faveur de l'église de scientologie en recommandant et proposant à la vente les ouvrages écrits par le fondateur de cette église, allant jusqu'à inviter certains stagiaires à passer une soirée à son domicile pour s'initier, alors que conjointement il recommande aux stagiaires la discrétion sur ses démarches


Références :

Code civil 1134

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Falcone

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-23;1995.9736 ?
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