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23/01/1998 | FRANCE | N°1995-8545

France | France, Cour d'appel de Versailles, 23 janvier 1998, 1995-8545


Suivant offre préalable acceptée le 7 octobre 1992, la Société SOVAC a consenti à Monsieur Jean X... une ouverture de crédit permanent et reconstituable d'un montant maximum en capital de 20.000 Francs, remboursable en mensualités dépendant du capital utilisé et incluant les intérêts au taux effectif global variable de 18,45 % au jour de l'offre.

Le 20 août 1994, la Société SOVAC a fait assigner respectivement Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X... décédé le 5 février 1993, devant le Tribunal d'Instance de

BOULOGNE BILLANCOURT, afin d'obtenir leur condamnation à lui payer, au ti...

Suivant offre préalable acceptée le 7 octobre 1992, la Société SOVAC a consenti à Monsieur Jean X... une ouverture de crédit permanent et reconstituable d'un montant maximum en capital de 20.000 Francs, remboursable en mensualités dépendant du capital utilisé et incluant les intérêts au taux effectif global variable de 18,45 % au jour de l'offre.

Le 20 août 1994, la Société SOVAC a fait assigner respectivement Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X... décédé le 5 février 1993, devant le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT, afin d'obtenir leur condamnation à lui payer, au titre des sommes dues en vertu du contrat du 7 octobre 1992, 26.588,77 Francs en principal, les intérêts contractuels à compter de l'assignation, ainsi que 2.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 8 novembre 1994, Madame X... née Y... et Madame Z... née X... ont fait assigner la Société ASSOCRED devant le même tribunal aux fins de garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre. Elles ont fait valoir que Monsieur X... avait adhéré à une assurance facultative qui devait prendre en charge ce sinistre.

A l'audience du 6 avril 1995, la Société VIE PLUS est intervenue volontairement au lieu et place de la Société ASSOCRED qui n'est qu'un cabinet de courtage et qui a demandé sa mise hors de cause.

La Société VIE PLUS s'est opposée à la demande de garantie de Mesdames X... et Z... au motif, qu'en raison de la fausse déclaration de Monsieur X... sur son état de santé lors de la souscription de l'assurance garantissant son décès, la garantie n'était pas acquise.

Mesdames X... et Z... ont répliqué que la Société CAVIA a écrit le 16 juillet 1993 à leur conseil qu'il n'avait jamais été question de refuser cette prise ne charge.

Par jugement en date du 11 mai 1995, le Tribunal d'Instance de BOULOGNE BILLANCOURT a rendu la décision suivante :

- reçoit l'intervention volontaire de la SA VIE PLUS, - met hors de cause la SA ASSOCRED, - condamne Madame Madeleine X... et Madame Martine Z... au paiement à la Société SOVAC de la somme de

26.588,77 francs outre intérêts au taux de 18,45 % sur 20.162,94 francs à compter du 16 août 1994, déboute Madame X... et Madame Z... de leurs demandes formées à l'encontre de la SA VIE PLUS, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne Madame Madeleine X... et Madame Martine Z... aux dépens.

Le 26 septembre 1995, Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., prises en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X..., décédé le 5 février 1993, ont interjeté appel.

Elles soutiennent que Monsieur X..., lorsqu'il a souscrit le 7 octobre 1992 l'assurance garantissant le paiement des sommes dues en vertu du contrat de prêt en cas de décès, a déclaré en toute bonne foi qu'il n'était pas atteint, à sa connaissance, ni d'infirmité, ni de maladie chronique ou à caractère évolutif et ne pas devoir subir prochainement d'intervention chirurgicale ; qu'en effet, il n'était pas alors au courant de la gravité de sa maladie qui devait causer son décès ; que ni la preuve de son intention de tromper ni celle de sa mauvaise foi, ne sont rapportées ; que la mauvaise foi est nécessaire pour qu'une réticence ou une fausse déclaration entraîne la nullité d'un contrat d'assurances.

Elles rappellent les termes du courrier de la Société SOVAC du 16

juillet 1996, déjà invoqué en première instance.

A titre subsidiaire, elles font valoir que la clause du contrat d'assurance obligeant Monsieur X... à faire une déclaration sur une éventuelle maladie s'analyse en une clause potestative ayant une cause illicite, puisqu'elle a pour but de faire échec à la législation sur le respect de la vie privée.

Elles demandent à la Cour de :

Vu l'article L.113-8 du Code des assurances, Vu la convention du 7 octobre 1992, - dire et juger que la SA VIE PLUS sera condamnée à relever et garantir les appelantes contre toute condamnation prononcée à leur encontre et de toutes conséquences éventuelles de l'action diligentée par la SOVAC, A titre subsidiaire, Vu l'article 1131 du Code civil, - constater la cause illicite de la clause imposant une déclaration quant à une éventuelle maladie du contrat d'assurance, - prononcer son annulation, - infirmer le jugement du 11 mai 1995 en toutes ses dispositions, - condamner les intimées à payer aux appelantes la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner les intimés en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront pour ceux-ci recouvrés par la SCP MERLE CARENA DORON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société SOVAC souligne que les appelantes ne remettent pas en cause , pas plus devant la cour que devant le tribunal, le montant de sa créance à leur encontre et qu'aucune demande n'est dirigée contre elle ; que par conséquent, son intimation est inutile.

Elle demande à la Cour de :

- déclarer irrecevable, en tous cas mal fondé l'appel interjeté par Madame X... née Y... et Mme Z... née X..., - les en débouter, - confirmer, par conséquent, le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - condamner Madame X... née Y... et Madame Z... née X... à lui payer la somme de 8.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner Madame X... née Y... et Madame Z... née X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Société VIE PLUS expose que lors de la conclusion d'un contrat d'assurance, il pèse sur chacun des contractants (assureur et assuré) une obligation d'informer; qu'en l'espèce, Monsieur X... a reconnu avoir reçu une notice détaillant les conditions d'application des garanties souscrites, parmi lesquelles la clause d'exclusion des

risques afférents aux maladies connues de l'assuré antérieurement à son adhésion et non déclarées alors ; que cette clause a pour but d'attirer l'attention de l'assuré sur son obligation d'informer l'assureur sur ses antécédents médicaux ; que la nullité du contrat est encourue en cas d'omission intentionnelle par l'assuré d'antécédent médical ; que Monsieur X... a déclaré lors de la souscription du contrat d'assurance, "n'être atteint ni d'infirmité ni de maladie chronique ou à caractère évolutif et ne pas devoir subir prochainement d'intervention chirurgicale", alors qu'il était atteint de la maladie qui a causé son décès dès mars 1991 ; qu'au cours des années 1991 et 1992, il a été hospitalisé à plusieurs reprises ; qu'il lui appartenait d'informer son assureur de ces événements, afin qu'il puisse apprécier correctement le risque couvert ; que le secret médical invoqué par les appelantes pour expliquer que Monsieur X... ignorait la nature exacte de sa maladie, s'impose seulement au médecin et non au patient.

Elle ajoute qu'en indiquant dans son courrier du 16 juillet 1993 que le dossier "a bien été pris en charge par la Compagnie d'assurance", la Société CAVIA s'est engagée hâtivement ; que seul l'assureur peut renoncer à se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie par une manifestation de volonté non équivoque.

Enfin, sur la demande subsidiaire des appelantes, elle réplique que

la clause qui oblige l'assuré lors de la souscription du contrat d'assurance à signaler toutes les maladies n'est pa illicite, une telle clause participant à la description du risque et, en conséquence, à la définition de la garantie à la charge de l'assureur ; que cette obligation d'information trouve sa source dans les dispositions légales, notamment celles de l'article L.113-2 du Code des assurances ; que la seule omission volontaire de la maladie à l'origine de diverses hospitalisations de Monsieur X... et qui devait causer son décès, établit l'existence d'une fausse déclaration.

Elle demande à la Cour de :

- déclarer recevable, mais mal fondé l'appel interjeté par Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - débouter Madame X... née Y... et Madame Z... née X... de toutes leurs demandes, fins et conclusions, - condamner Madame X... née Y... et Madame Z... née X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 4 décembre 1997 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 9 décembre 1997.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que les appelantes ne formulent aucun grief à l'encontre du jugement déféré en ce qu'il a porté condamnation à leur encontre de payer à la Société SOVAC la somme de 26.588,77 Francs outre les intérêts au taux de 18,45 % sur 20.162, 94 Francs à compter du 16 août 1994, puisque tous les moyens développés par elles sont relatifs au débouté de leur demande de garantie ;

Considérant qu'en l'absence de moyen développé à l'encontre de ce chef du jugement, il y a lieu de le confirmer ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.113-2 du Code des assurances, l'assuré est obligé de "répondre aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge";

Considérant que les parties versent aux débats le contrat de crédit signé par Monsieur X... le 7 octobre 1997, sur lequel figure son adhésion à l'assurance facultative ; que Monsieur X... a signé la déclaration préimprimée rédigée en ces termes : "Je déclare être âgé de moins de 70 ans, jouir habituellement d'une bonne santé, ne pas être actuellement en arrêt de travail par suite de maladie ou d'accident, ne pas l'avoir été plus de 30 jours au cours des deux dernières années" ; que de plus, il y reconnaît "qu'une notice détaillant les conditions d'application des garanties lui a été remise en annexe de l'offre" ;

Considérant que sur cette notice, qui figure parmi les pièces communiquées en première instance par la Société VIE PLUS, il est précisé que tous les risques sont couverts sauf, entre autres, les maladies connues de l'assuré, ou les accidents survenus antérieurement à l'adhésion sauf si l'assuré les a déclarés lors de son adhésion et si l'assureur n'a pas formulé de restriction de

garantie à ce sujet ;

Considérant que la Société VIE PLUS a également produit devant le tribunal le certificat médical établi le 20 mars 1993 à la demande de la Société SOVAC par le médecin ayant constaté le décès de Monsieur X..., le docteur A..., qui indique que la cause du décès est la maladie qui remonte à mars 1991 ; qu'il en résulte que Monsieur X... était atteint de la maladie (qui a causé sa mort), lors de la souscription du contrat d'assurance ; que c'est à juste titre que le premier juge a relevé que Monsieur X... avait alors connaissance de sa maladie, ayant déjà été hospitalisé ; qu'en effet, il ressort de la liste des hospitalisations du centre régional François Baclesse à ROUEN que Monsieur X... y a été hospitalisé 4 fois entre mars 1991 et octobre 1992, pour de courtes durées ; que dans ces conditions, Monsieur X... ne pouvait ignorer sa maladie, lorsqu'il a souscrit le contrat litigieux, même s'il ne savait pas, avec certitude, quelle en était la gravité et encore moins qu'elle serait cause de son décès, nul ne pouvant faire de prévision certaine en ce domaine ; qu'il ne pouvait manifestement pas affirmer qu'il jouissait habituellement d'une "bonne santé" ;

Considérant que néanmoins, conformément aux dispositions de l'article L.113-2 précitées, l'assuré doit informer loyalement l'assureur de tous les aléas de santé, de façon que celui-ci puisse apprécier le

risque et définir sa garantie ; que l'omission par l'assuré de déclarer sa maladie, prévue d'ailleurs expressément comme étant une cause d'exclusion de la garantie, constitue une fausse déclaration, sans qu'il soit besoin de prouver l'intention frauduleuse de l'assuré ; que par conséquent, en raison de la fausse déclaration de Monsieur X... sur son état de santé, la Société VIE PLUS est fondée à refuser sa garantie ;

Considérant que la lettre du 16 juillet 1993, adressée par la Société CAVIA appartenant au groupe SOVAC, à l'avocat des appelantes, aux termes de laquelle le créancier confirme que le crédit a été pris en charge par la compagnie d'assurance, ne peut être opposée à celle-ci et valoir renonciation de sa part à se prévaloir de la clause d'exclusion de garantie ;

Considérant qu'il n'est pas porté atteinte au respect de la vie privée, lorsque dans des rapports contractuels privés, un assuré informe lui-même son assureur sur son état de santé qui rentre dans le champ du contrat aléatoire qu'il a librement souscrit ; que par conséquent, l'obligation qui pèse à cet égard sur l'assuré n'a pas une cause illicite ; que les appelantes ne sont donc pas fondées à en demander l'annulation ;

Considérant que par conséquent, la Cour confirme en tous points le

jugement déféré ;

Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de la Société SOVAC les frais irrépétibles de la présente instance ; que la Cour la déboute de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

ET Y AJOUTANT :

DEBOUTE Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., prises en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X..., décédé le 5 février 1993, des fins de toutes leurs demandes ;

DEBOUTE la Société SOVAC de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE Madame X... née Y... et Madame Z... née X..., prises en leur qualité d'ayants-droit de Monsieur Jean X..., décédé le 5 février 1993, à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elles par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES et la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Sylvie RENOULT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-8545
Date de la décision : 23/01/1998

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Risque - Déclaration - Réticence ou fausse déclaration - Article L. 113-8 du Code des assurances - Influence sur l'opinion de l'assureur

Il résulte des dispositions de l'article L. 113-2 du Code des assurances l'obligation pour l'assuré d'informer loyalement l'assureur de tous les aléas de sa santé de sorte que celui-ci puisse apprécier le risque et définir la garantie. L'omission de déclarer sa maladie, en l'espèce plusieurs hospitalisations connues du souscripteur au moment de la déclaration, constitue une fausse déclaration entraînant exclusion de garantie, et ce, indépendamment de toute preuve d'une intention frauduleuse de l'assuré, non exigée par ce texte


Références :

Code des assurances, article L113-2

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-23;1995.8545 ?
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