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16/01/1998 | FRANCE | N°1995-8781

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 janvier 1998, 1995-8781


En 1974, la S.A. CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE (ci-après le C.M.C.E.) a conclu avec Monsieur X... et avec Monsieur Y..., médecins radiologues, des contrats d'exclusivité en vertu desquels ils ont, jusqu'en 1987, exercé leur art à la clinique sous la forme d'une société de fait.

Par convention du 29 juillet 1987, dont un exemplaire a été déposé au cabinet de Maître Z..., conseil juridique, Monsieur Y... s'est engagé à céder à Monsieur A... : - la participation de 50 % dans le cabinet médical d'électro-radiologie, - cent parts d'intérêts de la S.C.M. du CENTRE

MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE, - 4.207 actions de la S.A. CENTRE MEDICO...

En 1974, la S.A. CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE (ci-après le C.M.C.E.) a conclu avec Monsieur X... et avec Monsieur Y..., médecins radiologues, des contrats d'exclusivité en vertu desquels ils ont, jusqu'en 1987, exercé leur art à la clinique sous la forme d'une société de fait.

Par convention du 29 juillet 1987, dont un exemplaire a été déposé au cabinet de Maître Z..., conseil juridique, Monsieur Y... s'est engagé à céder à Monsieur A... : - la participation de 50 % dans le cabinet médical d'électro-radiologie, - cent parts d'intérêts de la S.C.M. du CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE, - 4.207 actions de la S.A. CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL DE L'EUROPE, sous condition suspensive de l'agrément de Monsieur A... par la clinique.

Le 10 septembre 1987, le Conseil d'Administration du C.M.C.E. adopta une délibération aux termes de laquelle " la cession du contrat d'exclusivité Y... au Docteur A... n'est acceptée que sous condition... si fin juin 1988, le Conseil ne pouvait confirmer son accord, il assurerait au Docteur A... le remboursement de sa mise de fonds, avec les intérêts financiers ad hoc si besoin, en attendant que le Docteur Y... trouve un deuxième candidat ".

Monsieur A... a commencé à exercer son activité au sein de la clinique le 1er janvier 1988.

A l'issue de la période probatoire expirant le 30 juin 1988, le C.M.C.E. n'a exprimé aucune opinion et Monsieur A... a poursuivi son activité.

Le 05 octobre 1988, le Conseil d'Administration, faisant état de " critiques relatives au comportement du Docteur A... " déclara refuser de signer " le contrat d'exercice définitif " et proposa, à titre subsidiaire, une nouvelle période probatoire de six mois à Monsieur A....

Monsieur A... répondit qu'il s'estimait définitivement aux droits de

Monsieur Y... depuis le 1er juillet 1988, date d'expiration du délai de six mois fixé par le C.M.C.E. ce que celui-ci contestait.

En janvier 1989, le C.M.C.E. mettait en demeure Monsieur A... de cesser immédiatement son activité au sein de l'établissement et Monsieur X... mettait fin, sans préavis, à la société de fait avec Monsieur A....

Par deux décisions rendues en référé, un administrateur judiciaire a été désigné pour gérer la société de fait et le cabinet de radiologie et le C.M.C.E. a été condamné à payer à Monsieur A... une provision de 2.320.000 francs correspondant à sa mise de fonds.

Monsieur A..., reprochant au C.M.C.E. et à Monsieur X... leur comportement fautif, les a fait assigner en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 04 septembre 1995, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a : - constaté que le Docteur Y... a, le 07 janvier 1988, cédé au Docteur A... l'intégralité de ses droits sociaux dans la société de fait existant entre lui et le Docteur X... et ayant pour objet l'exploitation du cabinet de radiologie au sein du CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'EUROPE, - constaté que la cession du contrat d'exclusivité, conclu en 1974 entre le Docteur Y... et la S.A. " C.M.C.E ", a, sous réserve, été acceptée par le Conseil d'Administration de cette société, - constaté que, dans le délai imparti, la S.A. " C.M.C.E. " n'a pas fait connaître à X... A... qu'elle ne pouvait confirmer son accord, - constaté que le contrat d'exclusivité, liant la S.A. " C.M.C.E. " au Docteur A... a, à l'initiative de cette société, été rompu le 18 janvier 1989, - constaté que la S.A. " C.M.C.E. " ne peut exciper d'aucune faute grave à l'encontre du Docteur A..., - dit qu'aucun élément relevant du seul tort du Docteur A... n'est caractérisé par la S.A. " C.M.C.E. " à l'encontre de X... A..., - condamné la S.A. CENTRE

MEDICO CHIRURGICAL DE L'EUROPE à payer à X... A..., en application de l'alinéa 2 du paragraphe B de l'article VIII du contrat d'exclusivité la somme de sept millions six cent trente trois mille neuf cent six francs) (7.633.906 francs), - constaté que la rupture, à l'initiative du Docteur X..., de l'association de fait existant entre lui et le Docteur A..., ne fut pas empreinte de bonne foi, - fixé à trois mois la durée du préavis qui aurait dû être respecté par le Docteur X..., - dit que cette durée de préavis sera prise en compte dans la liquidation des droits des deux praticiens dans la société de fait ayant existé entre eux, - dit n'y avoir lieu à solidarité entre la S.A. " C.M.C.E. " et Claude X... quant au paiement de l'indemnité de rupture mise à la charge de cette société en faveur de X... A..., - rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la S.A. " C.M.C.E. ", - rejeté les demandes de X... A..., de la S.A. " C.M.C.E. " et de Claude X... fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - mis hors de cause le Docteur Y... et X... Z....

Le C.M.C.E. a interjeté appel de ce jugement.

Il demande à la Cour de : - débouter Monsieur A... de toutes ses demandes, - recevoir le C.M.C.E. en ses demandes reconventionnelles, - constater la nullité d'ordre public de la société de fait constituée entre les Docteur Y... et X..., - subsidiairement, constater la nullité d'ordre public de la prétendue cession de droits sociaux en date du 07 janvier 1988 comportant en réalité une cession de clientèle médicale prohibée, - plus subsidiairement, constater l'inopposabilité à la clinique des droits résultant pour le Docteur Y... de son association de fait avec le Docteur X..., - plus subsidiairement encore, constater l'absence de cession au profit du Docteur A... du contrat intervenu entre le Docteur Y... et le C.M.C.E. et ainsi, en tout état de cause, que l'absence de signature

d'un acte de cession conforme aux conditions posées par le C.M.C.E. quant à l'agrément futur du Docteur A..., - en déduire que celui-ci ne peut prétendre venir aux droits du Docteur Y..., ni solliciter le remboursement de sa mise de fonds, - constater que le Docteur A... ne peut prétendre bénéficier des dispositions de l'article VIII de la convention signée avec le Docteur Y..., - constater, en outre, que les stipulations certaines dans cet article VIII constituent une clause pénale manifestement excessive qu'il convient de réduire à de plus justes proportions et la fixer à un semestre d'exercice professionnel, - plus subsidiairement encore, constater l'absence de confirmation par la clinique, fin juin 1988, de son agrément, - dans ce cas, prononcer la résolution de l'engagement pris par le C.M.C.E. de rembourser au Docteur A... sa mise de fonds, en raison de graves fautes commises par lui dans l'exécution de ses obligations au cours de la période d'essai, - dire, en tout état de cause, que ce remboursement ne saurait s'étendre au coût de l'achat des actions de la S.A. faite par les Docteurs A... et Y... et préciser que l'engagement de remboursement du C.M.C.E. ne pourrait qu'être limité au paiement de la somme de 1.057.900 francs, - condamner, en conséquence, le Docteur A... à rembourser au C.M.C.E. la somme de 2.320.000 francs ou, à tout le moins, celle de 1.263.100 francs avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, soit le 18 mai 1990, - ordonner la capitalisation des intérêts, - condamner le Docteur A... au paiement de la somme de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de 100.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le C.M.C.E. fait valoir essentiellement que: - l'agrément du Docteur A... nécessitait une confirmation expresse et ne peut résulter de la seule abstention du C.M.C.E. à l'expiration de la période probatoire, - la société de fait est atteinte d'une nullité d'ordre public de

même que la cession d'une clientèle médicale, - la société de fait n'a jamais été titulaire d'un contrat d'exclusivité, car ces contrats ont été souscrits par ses membres, à titre personnel, - la cession du contrat n'a jamais eu lieu faute d'agrément par le C.M.C.E., - Monsieur A... a reconnu lui-même dans ses écritures que l'agrément ne lui avait pas été donné, - Monsieur A... ne peut prétendre obtenir une indemnité égale à trois annuités puisqu'il n'a pas travaillé au sein de la clinique pendant une période équivalente, - Monsieur A... a commis des fautes graves attestées par divers documents.

Monsieur A... conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis hors de cause Messieurs Y... et Z...

Il forme un appel incident de ce chef pour que, si la Cour annule les conventions de cessions des droits sociaux et d'exclusivité, elle condamne Monsieur Y... à lui rembourser la somme de 1.056.900 francs, outre celle de 1.119.281,20 francs représentant le montant des prêts consentis à Monsieur Y... auquel Monsieur A... s'est substitué, soit un total de 2.176.181,20 francs avec intérêts légaux à compter du 1er janvier 1988.

Dans cette hypothèse, également, il demande la condamnation de Monsieur Z..., conseil juridique, à lui payer la somme de 7.701.361,20 francs, montant de l'indemnité compensatrice de la rupture.

Il sollicite, en tout état de cause, le paiement d'une indemnité de 50.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il fait sienne la motivation retenue par le Tribunal et insiste sur le fait que le C.M.C.E. ne pouvait revenir sur son acceptation qu'en manifestant expressément sa volonté dans le délai probatoire, et que

les membres du conseil d'administration n'ont pas protesté contre l'organisation d'un cocktail par le Docteur A..., le 29 septembre 1988, à l'occasion de son installation.

Il soutient encore que les fautes qui lui sont reprochées ne sont pas établies.

Il reproche à Monsieur X... d'avoir dissous abusivement et unilatéralement la société de fait existant entre eux, alors que son inactivité au sein du cabinet de radiologie lui a été imposée.

Monsieur X... forme un appel incident pour voir : - dire que c'est à bon droit et de bonne foi qu'ils a mis fin à la société de fait qui existait entre Monsieur A... et lui-même, - dire qu'il était en droit de mettre fin sans préavis à la société de fait dont la date effective de dissolution sera fixée au 23 janvier 1989, - subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à trois mois le délai de préavis, - dire que les frais de l'administration judiciaire confiée à Maître PISAN en février 1989 seront partagés par parts égales entre Messieurs A... et X..., de même que tous les autres frais et honoraires de liquidation, - dire que Monsieur X... est étranger à la contestation existant entre Monsieur A... et le C.M.C.E. à propos de la convention d'exclusivité dont était titulaire le Docteur Y..., - débouter le Docteur A... de toutes ses demandes, notamment celle de la condamnation solidaire de Monsieur X..., - condamner Monsieur A... à lui payer une indemnité de 40.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il expose que l'affectio societatis avait disparu et que Monsieur A... n'avait plus d'activité professionnelle, ce qui rendait impossible le maintien de la société de fait.

Messieurs Y... et Z... concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il les a mis hors de cause et sollicitent le paiement d'une

indemnité de 10.000 francs chacun par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE L'ARRET

- Sur la nullité de la société de fait :

Attendu que le C.M.C.E. soulève la nullité de la société de fait ayant existé entre les Docteurs Y... et X... ;

Mais attendu que le Tribunal a relevé à juste titre que le C.M.C.E. n'était pas partie aux conventions FAIVRE-GORIN et ne pouvait de ce fait se prévaloir d'une éventuelle nullité de la société de fait;

Que de plus, le C.M.C.E. a souscrit un contrat de co-exclusivité avec chacun des médecins radiologues et n'est pas lié avec la société de fait qu'ils ont constituée entre eux ;

Qu'il importe peu dès lors que les Docteurs Y... et X... aient exercé leur activité en association de fait, dans la mesure où chacun d'eux est titulaire d'un contrat d'exclusivité qu'il peut céder, sous réserve de l'agrément du cessionnaire par le C.M.C.E.;

Attendu que la validité ou la nullité de la société de fait FAIVRE-MICHEL est sans incidence sur la solution du litige, étant observé que cette société a fonctionné depuis 1974 sans aucune critique de la part du C.M.C.E. et que le Docteur X... exerce actuellement son art en association de fait avec deux autres médecins sans que cela ne gêne particulièrement le C.M.C.E. ;

Que le moyen tiré de la nullité de la société de fait sera écarté ;

- Sur la nullité de la cession des droits sociaux FAIVRE-GORIN :

Attendu que le C.M.C.E. soutient que, en fait, Monsieur Y... a cédé sa clientèle médicale à Monsieur A..., ce qui est prohibé par la loi ;

Mais attendu que Monsieur Y... a cédé à Monsieur A... ses parts dans la S.A. et dans la S.C.M. C.M.C.E. et son contrat d'exclusivité

le liant au C.M.C.E. ;

Que ce faisant, il n'a fait qu'user de son droit de présentation tel que prévu à l'article 8 du contrat souscrit le 21 décembre 1974 ;

Attendu que l'exclusivité de l'activité de radiologie au sein de la clinique a une valeur patrimoniale indépendante de la clientèle et peut être cédée ;

Que la nullité de cette cession n'est pas encourue ;

- Sur l'inopposabilité des droits du Docteur A... dans la société de fait :

Attendu que l'article 15 du contrat d'exclusivité prévoit que les praticiens peuvent constituer entre eux toutes associations ou sociétés de leur choix mais que ces associations ou sociétés ne seront jamais considérées de plein droit comme partie au contrat ;

Attendu que le présent litige oppose Monsieur A... au C.M.C.E. ;

Que les relations entre Monsieur A... et Monsieur X... au sein de la société de fait ayant existé entre eux ne concernent pas le C.M.C.E. auquel il n'est rien demandé à ce titre ;

Qu'il n'est pas discuté que c'est le praticien et non la société de fait qui est titulaire du contrat d'exclusivité ;

Que dès lors, le seul problème est de savoir si un tel contrat a été souscrit entre Monsieur A... et le C.M.C.E. et dans l'affirmative qui est responsable de sa rupture ;

- Sur la cession du contrat :

Attendu que l'article 8 du contrat d'exclusivité dont bénéficiait Monsieur Y... dispose que le praticien peut résilier le contrat à tout moment moyennant un préavis de six mois et devra présenter un candidat qualifié qui sera agréé par la clinique dans un délai de six mois ;

Que la clinique peut refuser son agrément ;

Attendu qu'usant de son droit, Monsieur Y... a présenté au C.M.C.E. un successeur en la personne du Docteur A... ;

Attendu que le Conseil d'Administration du C.M.C.E. réuni le 10 septembre 1987 a décidé que :

" Le contrat d'exclusivité Y... au Docteur A... n'est accepté par le Conseil que sous condition. Un délai de six mois à partir du 1er janvier 1988 est demandé par le Conseil pour juger si le Docteur A... a bien les compétences et les qualités humaines nécessaires pour donner au service radio l'efficacité souhaitée par tous. Si fin juin 1988, le Conseil ne pouvait confirmer son accord, il assurerait au Docteur A... le remboursement de sa mise de fonds, avec les intérêts financiers ad hoc si besoin, en attendant que le Docteur Y... trouve un autre candidat " ;

Attendu que le 18 novembre 1987, Monsieur B..., secrétaire du Conseil d'Administration du C.M.C.E., certifiait que le Conseil avait accepté la cession du contrat d'exercice de la radiologie par le Docteur Y... au Docteur A..., sous condition d'acceptation par le Docteur A... d'une période d'essai de six mois à partir du 1er janvier 1988 ;

Qu'il précisait que si fin juin 1988, le Conseil ne pouvait confirmer son accord -pour des raisons d'incompatibilité mises en évidence au cours de cette période- le Conseil assurerait au Docteur A... le remboursement de sa mise de fonds, avec intérêts financiers ad hoc ; Attendu que la clinique soutient qu'elle n'a jamais confirmé expressément son accord et que donc elle n'a pas accepté la cession du contrat, tandis que Monsieur A... prétend que le silence de la clinique, fin juin 1988, vaut acceptation ;

Attendu d'abord que contrairement à ce que soutient le C.M.C.E., il n'y a jamais eu d'aveu judiciaire de la part de Monsieur A... sur

l'absence de confirmation de l'agrément par le C.M.C.E. ;

Qu'en effet, la lecture de l'ordonnance du 22 juin 1989 et de l'arrêt du 30 novembre 1989 montre que Monsieur A... demandait aux juridictions saisies de constater la rupture unilatérale par le C.M.C.E. de ses engagements envers Monsieur A... et le paiement d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;

Que la Cour, statuant en référé, a dit qu'il ne lui appartenait pas de dire si une convention est ou non devenue définitive et si elle a ou non été rompue abusivement ;

Que par contre, elle a constaté que le C.M.C.E., qui refusait son agrément, s'était engagé dans ce cas, à restituer au Docteur A... sa mise de fonds et a condamné le C.M.C.E., à titre provisionnel, à restituer cette somme ;

Qu'en ne formant pas de pourvoi en cassation contre cet arrêt qui, en référé, lui donnait partiellement satisfaction en lui allouant une partie de la provision sollicitée, Monsieur A... n'a pas acquiescé à la motivation de l'arrêt, ni reconnu que le C.M.C.E. n'avait pas donné son agrément définitif ;

Que Monsieur A... est recevable à reprendre le moyen tiré du caractère définitif de la cession ;

Attendu que le Conseil d'Administration du 10 septembre 1987 a accepté la cession du contrat au Docteur A... sous la condition d'une période probatoire de six mois lui permettant d'apprécier les qualités professionnelles et humaines de Monsieur A... ;

Que le principe de l'accord ayant été donné, il appartenait au C.M.C.E. de refuser de confirmer son accord à l'expiration de la période probatoire, soit au 30 juin 1988, alors surtout que l'accomplissement de la condition ne résultait pas d'un fait objectif extérieur aux parties mais d'une décision du C.M.C.E. ;

Attendu que le C.M.C.E. n'a manifesté aucune opinion après le 1er

juillet 1988 mais a laissé le Docteur A... exercer son activité dans le service de radiologie et n'a émis aucune réserve quant à l'organisation, fin septembre 1988, d'un cocktail à l'occasion du départ du Docteur Y... et de l'arrivée du Docteur A... ;

Que ce n'est que le 05 octobre 1988 que le Conseil d'Administration a refusé d'agréer Monsieur A... ;

Attendu qu'à cette date, la période probatoire était expirée depuis plus de trois mois ;

Que l'acceptation de la cession du contrat d'exclusivité étant acquise au 1er juillet 1988, à défaut de remise en cause de l'accord de principe à l'issue de la période probatoire, le C.M.C.E. ne pouvait revenir sur son agrément ;

Que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la cession du contrat était définitive ;

- Sur la rupture du contrat :

Attendu que le C.M.C.E. a rompu le contrat le 18 janvier 1989 en interdisant au Docteur A... d'exercer son art au sein du service de radiologie ;

Attendu que l'article VIII B du contrat dispose que :

" Si la rupture du contrat provient du chef de la clinique, celle-ci s'engage, après préavis de six mois, ...à prendre en considération les deux cas suivants : - si la rupture est provoquée par une faute grave, c'est-à-dire sanctionnée par le Conseil de l'Ordre par un arrêt d'exercer supérieur à six mois, ou à la suite d'incidents inhabituels préjudiciables au malade et à la bonne réputation de la clinique et reconnue telle par décision des Tribunaux et au seul tort du praticien, la clinique versera le montant du compte-courant au praticien et fera son affaire de son remplacement sans indemnité à la charge de la clinique, - si cette rupture est provoquée par toute

autre cause, la clinique versera au praticien :

. le montant du compte-courant

. une indemnité de rupture, soit trois annuités calculées sur la moyenne des sommes perçues par le docteur au cours des trois dernières années d'exercice " ;

Attendu qu'il appartient à la clinique qui a pris l'initiative de la rupture de rapporter la preuve de la faute grave commise par Monsieur A... ;

Que la gravité de cette faute doit être telle qu'elle aurait entraîné le prononcé par le Conseil de l'Ordre d'une interdiction d'exercer pendant au moins six mois ;

Attendu d'abord que tous les faits qui sont rapportés et qui sont postérieurs à la rupture ne peuvent être pris en compte ;

Que tel est le cas notamment de la lettre du Président du Conseil de l'Ordre des Médecins ;

Attendu ensuite que le fait d'avoir signé un contrat définitif avec le Docteur Y..., sans attendre l'expiration de la période d'essai, ne constitue pas une faute à l'égard du C.M.C.E. qui n'était pas partie au contrat ;

Attendu encore que si plusieurs médecins se sont plaints des prestations fournies par Monsieur A..., les griefs reprochés à celui-ci sont ponctuels et ne sont pas d'une gravité telle qu'ils ont porté atteinte à la réputation de la clinique ou ont été préjudiciables aux malades ;

Attendu, en outre, que les attestations, versées aux débats, démontrent que la mauvaise ambiance existant à l'intérieur du service de radiologie n'est pas le fait du seul Docteur A..., mais que le Docteur X... est également responsable de l'incohérence dans la gestion du service ;

Que le départ de certains salariés n'est pas seulement imputable à la présence de Monsieur A..., mais au fait que la gestion du cabinet de radiologie, jusqu'alors exercée par le Docteur Y... à la satisfaction générale, n'a pas été correctement poursuivie par Messieurs A... et X... ;

Que si un dysfonctionnement est apparu, il n'est pas le résultat des seuls torts de Monsieur A...;

Attendu, enfin, sur la fixation des honoraires, que le Docteur A... a expliqué que, d'une part, ces titres universitaires lui permettaient d'appliquer des honoraires supérieurs à ceux de ses confrères, d'autre part, que, même pour des examens pratiqués par le Docteur X..., celui-ci l'avait consulté pour en analyser les résultats et avait accepté qu'une rémunération lui soit octroyée de ce fait ;

Attendu que ces explications sont pertinentes et n'ont pas été contredites par le C.M.C.E. et le Docteur X... ;

Qu'ainsi, s'il est certain que pour des raisons personnelles les relations professionnelles entre le Docteur A... et ses confrères ont été mauvaises, les incidents rapportés ne sont pas constitutifs d'une faute grave imputable à Monsieur A... seul ;

Que dès lors, Monsieur A... est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité de rupture ;

- Sur le montant de l'indemnité :

Attendu qu'en application de l'article VIII alinéa 2, paragraphe B du contrat, le C.M.C.E. doit verser au praticien une indemnité de rupture égale à trois annuités calculées sur la moyenne des sommes perçues par le docteur au cours des trois dernières années d'exercice ;

Attendu que pour calculer la somme revenant à ce titre à Monsieur A..., le Tribunal a pris en considération le chiffre d'affaires

réalisé par le cabinet de radiologie en 1986, 1987 et 1988, puis l'a divisé par deux ;

Mais attendu qu'aux termes du contrat doivent seules être prises en compte les sommes perçues par le médecin au cours des trois dernières années d'exercice;

Attendu que le Docteur A... n'a travaillé au sein du C.M.C.E. qu'en 1988 et n'a perçu de revenus qu'au cours de cette année-là ;

Que ne peuvent donc être prises en compte les sommes perçues en 1986 et 1987 par le Docteur Y...;

Attendu qu'au cours des trois dernières années d'exercice, Monsieur A... a perçu zéro franc en 1986, zéro franc en 1987 et 5.720.198 en 1988, soit une moyenne annuelle de 953.366,33 francs ; 2

Que trois annuités correspondent à 2.860.089,90 francs ;

Que l'indemnité qui lui est due, après une seule année d'activité, doit être fixée à cette somme;

Attendu, en outre, que si

Que l'indemnité qui lui est due, après une seule année d'activité, doit être fixée à cette somme;

Attendu, en outre, que si le C.M.C.E. doit rembourser à Monsieur A... la mise de fonds qu'il a faite en pure perte, ce remboursement ne saurait concerner la valeur des actions de la société anonyme du C.M.C.E. que Monsieur A... a légitimement acquise et qu'il peut conserver ou revendre s'il le désire ;

Qu'en référé, le C.M.C.E. a été condamné à payer la somme de 1.262.100 francs à ce titre ;

Que Monsieur A... doit être condamné au remboursement de cette somme qui se compensera avec l'indemnité qui lui est due ;

Attendu que le C.M.C.E., qui succombe pour l'essentiel de sa demande, ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à une indemnité fondée sur l'article 700 ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur A... les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel à hauteur de 30.000 francs ;

- Sur l'action dirigée contre Messieurs Y... et Z...:

Attendu que la demande de condamnation de Messieurs Y... et Z... n'a été formulée qu'à titre subsidiaire par Monsieur A... au cas où les conventions de cession de droits sociaux et d'exclusivité seraient annulées par la Cour ;

Attendu que cette hypothèse ne s'étant pas réalisée, la demande de Monsieur A... dirigée contre Messieurs Y... et Z... est sans objet ;

Attendu que Messieurs Y... et Z... ont été intimés par le C.M.C.E. alors qu'ils avaient été mis hors de cause par le Tribunal et que le C.M.C.E. ne formulait aucune demande contre eux ;

Attendu que le C.M.C.E. aurait pu laisser à Monsieur A... le soin de faire un appel provoqué contre eux, s'il l'estimait utile;

Que le C.M.C.E. sera condamné à payer à Messieurs Y... et Z... une indemnité de 8.000 francs chacun au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- Sur les relations contractuelles GORIN-MICHEL :

Attendu que, dans le dispositif de ses conclusions, Monsieur A... demande à la Cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a mis hors de cause Monsieur Y... et Monsieur Z... ;

Que le Tribunal avait " dit n'y avoir lieu à solidarité entre la S.A. C.M.C.E. et Claude X... quant au paiement de l'indemnité de rupture mise à la charge de cette société en faveur de X... A... " ;

Qu'en concluant à la confirmation du jugement, Monsieur A... renonce à sa demande de condamnation solidaire contre Monsieur X... ;

Que la Cour en prend acte ;

Attendu certes que dans les motifs de ses conclusions, Monsieur A... avait repris sa demande de condamnation de Monsieur X... ;

Qu'à supposer que cette demande doive être prise en considération, il n'est pas établi que Monsieur X... soit intervenu dans la rupture du contrat liant Monsieur A... à la C.M.C.E. ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a refusé de condamner Monsieur X... solidairement avec le C.M.C.E. ;

Attendu sur la responsabilité de la rupture de l'association de fait ayant existé entre Monsieur A... et Monsieur X... que les éléments des débats analysés ci-dessus et par le Tribunal montrent que celle-ci était inéluctable ;

Qu'il convient donc seulement d'apprécier si en mettant fin à l'association le 23 janvier 1989, Monsieur X... a agi de façon prématurée et donc abusive ;

Attendu qu'au mois de janvier 1989, le fonctionnement du service de radiologie présentait des dysfonctionnements graves tant du fait de Monsieur A... qui n'avait plus de clients personnels, et qui, selon des témoins, avait une attitude déplaisante au sein du service, que de Monsieur X... dont l'inorganisation et l'absence de prise de décision ont été mises en exergue par d'autres témoins ;

Qu'ainsi, constatant que toute affectio societatis avait disparu entre les associés, c'est à juste titre que Monsieur X... a pris l'initiative de la rupture, sans qu'il puisse lui être reproché d'avoir agi de mauvaise foi ;

Que, par contre, en l'absence d'urgence, il aurait dû respecter un préavis que le Tribunal a justement fixé à trois mois ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu que la rupture de la société de fait n'ayant pas été abusive et l'administration judiciaire ayant été ordonnée dans l'intérêt des deux associés, les frais correspondant à cette administration et les

frais de liquidation seront supportés par moitié, étant précisé que les décisions rendues en référé n'ont pas autorité de la chose jugée au fond ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 au bénéfice de Monsieur X... ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la S.A. C.M.C.E. à payer à X... A... la somme de 7.633.906 francs et en ce qu'il a constaté que la rupture, à l'initiative du Docteur X... de l'association de fait existant entre lui et le Docteur A..., ne fut pas emprunte de bonne foi,

L'infirme sur ces deux chefs et statuant à nouveau,

Condamne la S.A. CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L'EUROPE à payer à Monsieur A... la somme de 2.860.089,90 francs à titre d'indemnité de rupture,

Condamne Monsieur A... à restituer à la S.A. C.M.C.E. la somme de 1.262.100 francs, correspondant à la valeur des actions qu'il possède,

Ordonne la compensation entre ces deux créances,

Dit que les frais de l'administration judiciaire confiée à Maître PISAN en février 1989 seront partagés par parts égales entre Messieurs A... et X..., de même que tous les frais et honoraires de liquidation,

Condamne la S.A. C.M.C.E. à payer à Monsieur A... une indemnité de 30.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à Messieurs Y... et Z... une indemnité de 8.000 francs chacun sur le même fondement,

Déboute les parties du surplus de leur demande,

Condamne la S.A. C.M.C.E. aux dépens d'appel qui seront recouvrés par

la SCP LEFEVRE-TARDY, la SCP MERLE DORON CARENA et la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, Avoués, selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt prononcé par Monsieur FALCONE, Président,

Assisté de Monsieur C..., Greffier Divisionnaire,

Et ont signé le présent arrêt,

Monsieur FALCONE, Président,

Monsieur C..., Greffier Divisionnaire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-8781
Date de la décision : 16/01/1998

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Contrat avec une clinique - Clause d'exclusivité

Lorsque la cession d'un contrat d'exclusivité par son bénéficiaire, contractuellement soumise à l'agrément du concédant, est acceptée par celui-ci sous condition suspensive d'un délai probatoire de six mois permettant d'apprécier les qualités professionnelles et humaines du cessionnaire, il appartient au concédant de refuser de confirmer son agrément à l'expiration du délai précité, à défaut la cession du contrat devient définitive à compter de la date d'expiration


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-16;1995.8781 ?
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