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15/01/1998 | FRANCE | N°1994-8797

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15 janvier 1998, 1994-8797


Ayant constaté qu'une statue d'Aristide MAILLOL figurait dans un film publicitaire pour une automobile CITROEN, la SOCIETE DES AUTEURS DES ARTS VISUELS (dite SPADEM) a adressé le 15 décembre 1991 à la société MOVIE BOX, réalisateur du film, une facture de droits de représentation d'un montant de 159.750 francs.

Les mises en demeure étant demeurées vaines, la SPADEM a assigné la société MOVIE BOX en paiement de cette somme avec intérêts au taux légal, ainsi que d'une somme de 20.000 francs de dommages-intérêts pour résistance abusive et d'une indemnité de 8.000 franc

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Ayant constaté qu'une statue d'Aristide MAILLOL figurait dans un film publicitaire pour une automobile CITROEN, la SOCIETE DES AUTEURS DES ARTS VISUELS (dite SPADEM) a adressé le 15 décembre 1991 à la société MOVIE BOX, réalisateur du film, une facture de droits de représentation d'un montant de 159.750 francs.

Les mises en demeure étant demeurées vaines, la SPADEM a assigné la société MOVIE BOX en paiement de cette somme avec intérêts au taux légal, ainsi que d'une somme de 20.000 francs de dommages-intérêts pour résistance abusive et d'une indemnité de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par jugement rendu contradictoirement le 5 octobre 1994, le tribunal de grande instance de NANTERRE a condamné la société MOVIE BOX à payer à la SPADEM la somme de 100.000 francs en réparation de son préjudice ainsi qu'une somme de 8.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

La société MOVIE BOX, appelante, soutient à titre principal que la preuve n'est pas rapportée que la statue apparaissant dans son film publicitaire est une oeuvre de MAILLOL.

Elle souligne qu'il a d'abord été prétendu que l'oeuvre représentée était "LA MEDITERRANEE", et ensuite qu'il s'agissait de "LA MONTAGNE".

Elle conclut à titre principal à l'infirmation du jugement déféré et au débouté de la SPADEM en toutes ses prétentions.

Elle demande à la Cour, pour le cas où après avoir visionné le film, elle considérerait qu'il y a représentation d'une oeuvre de MAILLOL, de réformer le jugement sur le montant du préjudice et de le réduire à un franc symbolique, en considérant que la statue n'est pas un élément déterminant du film et qu'elle n'y apparait que pendant 7,9 secondes sur 30.

Elle sollicite également la condamnation de la SPADEM au paiement d'une somme de 7.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

La société SPADEM, intimée, a conclu à la confirmation du jugement et, formant appel incident, a demandé que les dommages-intérêts soient portés à la somme de 159.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 1994, date de l'assignation, et qu'une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile lui soit allouée.

Elle a répliqué que si les deux statues, "LA MEDITERRANEE", et "LA MONTAGNE", sont très ressemblantes, on peut aisément reconnaître la statue "LA MONTAGNE" sur le film publicitaire réalisé par la société MOVIE BOX.

Elle a fait valoir qu'elle était fondée à réclamer la somme de 159.000 francs calculée en fonction du barème de reproduction et de représentation en vigueur à l'époque de la diffusion du film et qu'il serait inique qu'aux termes d'une longue procédure la société MOVIE BOX soit condamnée au paiement d'une somme inférieure à celle qu'elle aurait dû verser si elle avait sollicité l'autorisation de représenter l'oeuvre.

La SPADEM a été mise en redressement judiciaire par jugement du 26 janvier 1996, puis en liquidation judiciaire par jugement du 14 mai 1996.

Maître X..., administrateur judiciaire, et Maître Y..., représentant des créanciers, puis mandataire liquidateur, sont intervenus volontairement et ont repris les actes précédemment régularisés par la SPADEM.

Cependant, en considération de l'interdiction faite à la SPADEM par le tribunal de commerce de poursuivre ses activités, la procédure a été reprise par tous les ayants droit d'Aristide MAILLOL, cités ci-dessus, qui demandent à la Cour de leur accorder le bénéfice de tous les actes et écritures régularisés au nom et dans l'intérêt de la SPADEM.

SUR CE,

Considérant qu'il y a lieu de constater la mise en liquidation judiciaire de la SPADEM et, compte tenu de l'interdiction qui lui est faite de poursuivre ses activités, de recevoir les ayants droit d'Aristide MAILLOL en leur intervention devant la Cour et de mettre hors de cause, la SPADEM, Maître X... et Maître Y..., ès-qualités d'administrateur, de représentant des créanciers et de mandataire-liquidateur de cette société d'auteurs ;

SUR LA REPRESENTATION ILLICITE DE L'OEUVRE,

Considérant que comme le tribunal (jugement page 3), la Cour, en visionnant le film réalisé par la société MOVIE BOX pour la promotion du véhicule AX CITROEN, constate que le véhicule circule sur un décor stylisé où apparaît une statue de MAILLOL, laquelle, au vu du catalogue versé aux débats est bien identifiable ; qu'il s'agit incontestablement de l'oeuvre "LA MONTAGNE" 1937 - Plomb 165 x 185 cm - Etat français au Jardin des Tuileries - PARIS - collection nationale" ;

Considérant qu'il est constant que la société MOVIE BOX, laquelle a utilisé pour la création du décor où évolue le véhicule dont elle fait la promotion, l'image de la sculpture "LA MONTAGNE" d'Aristide MAILLOL, n'a pas sollicité l'autorisation préalable à la représentation de cette oeuvre auprès de la SPADEM, étant relevé que les héritiers d'Aristide MAILLOL avaient adhéré à cette société d'auteurs en apportant leur droit d'autoriser ou d'interdire la représentation ou la reproduction des oeuvres de l'artiste et de gérer leur droit à percevoir toute redevance ou rémunération ;

Considérant que la représentation ou la reproduction intégrale ou partielle d'une oeuvre, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit, est illicite ;

Considérant qu'en l'espèce, la séquence n'a pas été tournée en décor naturel, ce qui justifierait une apparition fugace de la sculpture, placée dans le Jardin des Tuileries, totalement accessoire au sujet traité ;

Qu'au contraire l'oeuvre de MAILLOL, filmée intégralement, avec un mouvement de zoom, est utilisée comme élément du décor, pour évoquer, avec la Tour Eiffel, la Ville de PARIS où circule le véhicule dans le film intitulé "TOUT EST PERMIS" ;

Que cette utilisation de la sculpture, sans autorisation préalable de la SPADEM, constitue une représentation illicite de l'oeuvre du sculpteur ;

SUR LE PREJUDICE,

Considérant que le préjudice résultant de cette représentation illicite est, comme l'ont exactement caractérisé les premiers juges, équivalent à la perte des droits de reproduction qui auraient été perçus si l'autorisation avait été sollicitée et obtenue ;

Que comme le soutiennent à juste titre les ayants droit de l'artiste, le montant de l'indemnisation ne saurait être réduit au motif que l'apparition de la sculpture est fugace ; que l'oeuvre a été utilisée dans un film publicitaire diffusé à 134 reprises à la télévision entre le 23 septembre et le 6 octobre 1991 et que le calcul opéré par la SPADEM, en fonction du barème en vigueur à l'époque de la représentation illicite, prend en considération la durée exacte de l'utilisation de l'oeuvre pendant la campagne de publicité ;

Considérant que dans ces conditions, il y a lieu d'allouer, en réparation de l'entier préjudice causé par la représentation illicite de l'oeuvre, la somme de 159.000 francs ainsi que les intérêts de droit sur cette somme à compter de l'assignation qui compenseront le refus abusif de la société MOVIE BOX de s'acquitter de l'obligation de rémunérer l'utilisation de l'oeuvre, malgré les réclamations de la SPADEM ;

Considérant que succombant en son appel, la société MOVIE BOX sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer aux consorts Z..., A... et autres la somme de 8.000 francs en indemnisation des frais non taxables exposés devant la Cour ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONSTATE la mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire de la SPADEM ;

DONNE ACTE aux consorts Z..., A... et autres, ayants droit d'Aristide MAILLOL, de leur intervention et de leur reprise d'instance aux lieu et place de la SPADEM ;

REFORME partiellement le jugement sur le quantum des dommages-intérêts ;

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE la société MOVIE BOX à payer aux consorts Z..., A... et autres la somme de CENT CINQUANTE NEUF MILLE FRANCS (159.000 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 1994 à titre de dommages-intérêts ;

CONFIRME pour le surplus en toutes ses dispositions, y compris sur les dépens, la décision déférée ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE en outre la société MOVIE BOX à payer aux consorts Z..., A... et autres la somme de HUIT MILLE FRANCS (8.000 francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société MOVIE BOX aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1994-8797
Date de la décision : 15/01/1998

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits patrimoniaux - Droit de représentation - Atteinte

La représentation ou la reproduction intégrale ou partielle d'une oeuvre, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits, est illicite. La séquence d'un film publicitaire dans laquelle une sculpture est filmée intégralement, avec un mouvement de zoom, pour servir d'élément à un décor, constitue une reproduction de l'oeuvre. A défaut d'autorisation préalable, délivrée par les ayants droit ou leur représentant, la représentation de l'oeuvre est illicite et ouvre droit à indemnisation du préjudice à concurrence de la perte des droits de reproduction qui auraient été perçus si l'autorisation avait été sollicitée et obtenue


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Mazars

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-15;1994.8797 ?
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