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17/12/1997 | FRANCE | N°1996-22477

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 décembre 1997, 1996-22477


Madame Jocelyne X... a interjeté appel d'un jugement contradictoirement rendu le 13 mai 1996 par le Conseil de Prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE qui l'a déboutée de l'ensemble des demandes qu'elle avait présentées à l'encontre de la S.A BULL.

Madame X... a été engagée le 20 août 1973 par la compagnie C2I devenue la S.A BULL en qualité d'analyste programmeur.

Elle a été promue analyste programmeur d'études niveau V-2 le 31 mars 1976 puis analyste d'études niveau V-3 le 1er octobre 1985.

Elle a été nommée ingénieur cadre position II le 1er décembre

1992.

Elle a quitté la S.A BULL le 30 juin 1994 dans le cadre d'un plan FNE.

Le 2...

Madame Jocelyne X... a interjeté appel d'un jugement contradictoirement rendu le 13 mai 1996 par le Conseil de Prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE qui l'a déboutée de l'ensemble des demandes qu'elle avait présentées à l'encontre de la S.A BULL.

Madame X... a été engagée le 20 août 1973 par la compagnie C2I devenue la S.A BULL en qualité d'analyste programmeur.

Elle a été promue analyste programmeur d'études niveau V-2 le 31 mars 1976 puis analyste d'études niveau V-3 le 1er octobre 1985.

Elle a été nommée ingénieur cadre position II le 1er décembre 1992.

Elle a quitté la S.A BULL le 30 juin 1994 dans le cadre d'un plan FNE.

Le 24 avril 1995, Madame X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE aux fins de l'entendre condamner la S.A BULL à lui payer les sommes suivantes, selon le dernier état de ses demandes: - 350 000 F à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant des pertes de salaire de 1984 à 1988, - 258 961 F à titre de rappel de salaire de juin 1989 à juin 1994, - 26 985 F à titre de congés payés, - 57 027 F à titre de rappel sur l'indemnité de licenciement, - 30 640 F à titre de complément d'indemnité FNE, - 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La S.A BULL a résisté à ces demandes et a sollicité la condamnation de Madame X... à lui payer la somme de 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour se déterminer, après départage, le Conseil de Prud'hommes de SAINT GERMAIN EN LAYE a retenu qu'étaient établis des problèmes relationnels et techniques qui avaient amené à plusieurs reprises l'employeur "à retirer la salariée à la demande de clients, qu'il résultait de trois attestations que Madame X... avait des insuffisances techniques qui l'amenaient à faire fréquemment appel à ses collègues, également que l'absence de formation initiale rendait difficile la comparaison de sa carrière et de son salaire avec ceux d'ingénieurs plus diplômés, enfin que la salariée n'avait jamais été amenée à exercer des fonctions d'encadrement.

Il en a conclu qu'il n'était nullement démontré que la carrière de l'intéressée ait été la conséquence d'une discrimination sexiste, l'employeur démontrant au contraire que différents critères subjectifs étaient entrés en ligne de compte dans sa progression au sein de l'entreprise.

Devant la Cour, Madame X... soutient qu'elle a fait l'objet tout au long de sa carrière d'une discrimination sexiste en matière salariale.

Elle ajoute qu'elle n'a bénéficié de la position de cadre qu'en 1992 alors qu'elle pouvait y prétendre dès 1984 et qu'à l'intérieur de chaque catégorie ses salaires étaient inférieurs à ceux de ses collègues masculins.

Elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la S.A BULL à lui payer les sommes suivantes: - 350 000 F à titre de dommages et intérêts compensatoires de la perte de revenu, - 258 961 F à titre de rappel de salaire de juin 1989 à juin 1994, - 26 985 F à titre de congés payés incidents, - 57 027 F à titre de rappel d'indemnité de licenciement, - 30 640 F à titre de complément d'indemnité FNE, - 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Devant la Cour, la S.A BULL demande le rejet des débats des pièces communiquées la veille de l'audience.

Elle conteste la discrimination sexiste tant en matière salariale qu'en ce qui concerne l'avancement de Madame X....

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris, le débouté de Madame X... de l'ensemble de ses demandes et la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que le 17 novembre 1997, 17 pièces ont été communiquées par le Conseil de Madame X... au Conseil de la S.A BULL qui n'a pu les soumettre à sa cliente;

Considérant que le respect du contradictoire n'ayant pas été assuré, il y a lieu d'ordonner le rejet des débats de l'intégralité desdites pièces, y compris du procès-verbal du comité d'entreprise du 19 juin 1997 étant précisé que les parties ont été convoquées à la présente audience par courriers recommandés réceptionnés le 21 juin 1997 pour Madame X... et le 23 Juin 1997 pour la société BULL, ce qui leur laissait un temps suffisant pour procéder à toute communication de pièces en temps utile;

Considérant qu'aux termes de l'article L.140-2 du code du travail l'employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes alors que l'article L.123-1 et C du même code interdit de prendre en considération du sexe toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de formation promotionnelle ou de mutation;

Considérant qu'aux termes de l'article L.140-8 du code du travail, en cas de litige relatif à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier l'inégalité de rémunération invoquée et le juge doit former sa conviction au vu des éléments fournis par l'employeur et de ceux fournis par le salarié après avoir ordonné, si besoin est, une mesure d'instruction;

Considérant en l'espèce que ni le fait que le comité d'entreprise ait, à plusieurs reprises, notamment le 27 juillet 1995, relevé que la situation des femmes sur les plans qualifications, salaires, promotions, augmentations, formation était notablement inférieure à celle des hommes, avec maintien des femmes dans le statut collaborateur, la discrimination s'exerçant selon lui sur deux points: les femmes restant plus longtemps dans leur niveau et les augmentations étant d'un montant et d'une répétitivité moindre, ni la simple référence aux moyennes de rémunération hommes et femmes dans l'entreprise, ne permettent d'établir, compte-tenu de leur approche globale, que Madame X... a été victime d'une discrimination, cette notion devant être appréciée individuellement pour chaque salariée, comme le précisent à juste titre les premiers juges;

Considérant, en ce qui concerne la discrimination salariale à position égale, que s'il est établi que les planchers fixés par la convention collective et les grilles de rémunérations internes et prescriptions internes ont été respectés, il ressort du dossier, en particulier de l'article 211 bis relatif à l'évolution des rémunérations mensuelles à effectif permanent relatif à l'établissement des CLAYES où Madame X... a été mutée en 1991 ainsi que du tableau "évolution salaire brut" 1976-1994 et de la courbe qui y est jointe établis par l'appelante, et des écritures mêmes de la S.A BULL où il apparaît que dans les fonctions d'ingénieur cadre position II seuls 10 % des salariés avaient un salaire inférieur à celui de Madame X..., que l'évolution du salaire de celle-ci, qui a bénéficié d'augmentations individuelles accordées aux cadres de sa catégorie plus nombreuses que la moyenne mais d'un montant moindre, a eu une évolution de salaire inférieure à la moyenne de celle des salariés de l'entreprise au regard des différentes catégories dont elle a successivement relevé;

Considérant, en ce qui concerne la discrimination dans la classification conventionnelle, que Madame X... soutient que la position ingénieur cadre niveau 2 ne lui a été accordée qu'en 1992, alors qu'elle aurait dû l'être dès 1984 compte-tenu des critères de carrière résultant des négociations salariales en cours dans l'entreprise, l'employeur devant se fonder sur les performances, le changement réussi de responsabilités, le positionnement par rapport aux autres;

Considérant que s'il est établi qu'elle a bénéficié de notation globalement satisfaisante, il apparaît du dossier, notamment de l'analyse de l'activité dans le poste de 1980, du compte-rendu d'entretien de 1987, de la proposition de changement de salaire de 1990, d'un courrier du 12 mai 1987 en réponse à une demande d'explication de Monsieur Y..., député européen et ancien ministre, également d'un message du 28 avril 1987 relatif à la FRANCAISE DE MECANIQUE dont aucun élément ne permet de retenir qu'il ait été falsifié, que Madame X... a connu tout au long de sa carrière des difficultés relationnelles; que l'on peut lire sur lesdits documents "n'a pas marché sur le plan relationnel" et "pas de dialogue avec son chef actuel" ou encore "personne très complexée et difficulté de communication" ou encore a fait preuve sur le site "d'un tel caractère associable que le client nous demandait très officiellement son retrait" également de "problèmes sérieux d'ordre relationnel"; qu'aux termes des documents produits, Madame X... a du être retirée à plusieurs reprises de sites à la demande de clients qui refusaient son intervention suite à des problèmes relationnels;

Considérant, en outre, que l'analyse précitée de 1980, qui fait état de résultats non concluants comparativement aux objectifs techniques fixés et les attestations constanciées et concordantes de Messieurs Z..., A... et B... démontrent l'existence de difficultés d'ordre technique qui amenaient l'intéressée, qui n'avait pas de formation initiale en ce domaine, à solliciter une aide constante de la part de ses collègues, entraînant pour eux un surplus d'activité; Considérant, en outre, qu'il apparait des définitions de poste de Madame X... et de l'attestation particulièrement claire établie par Monsieur C..., ingénieur informatique et supérieur hiérarchique, où l'on peut lire, "Madame X... n'a jamais exercé de fonctions hiérarchiques pendant la période où elle a été dans mon groupe, à s'avoir l'année 1989 et dans mon équipe, à savoir les années 90, 91 et 92 ainsi que les mois de janvier, février 1993" que Madame X... n'a jamais eu de responsabilité d'encadrement, comme elle le prétend;

Considérant que les quelques témoignages produits par elle, en particulier celui de Monsieur D... qui indique qu'il est habituel de faire appel à toutes les compétences et de consulter les collègues et qui soutient que de très nombreux salariés sont passés cadre dans l'entreprise sans être titulaires de diplômes particuliers, ce qui est une évidence mais peut justifier un temps plus long que les diplômés pour acquérir cette qualité, et l'attestation de Monsieur E... de BULL AMSTERDAM qui indique avoir été satisfait des services de l'appelante, en 1987 ne remettent pas en cause les documents et témoignages précités produits par la société BULL;

Considérant qu'il ne ressort pas du dossier que Madame X... ait exercé de fait de 1984 à 1988 les fonctions d'ingénieur position II, qui ne lui ont été confiées qu'en 1992, nonobstant le fait qu'elle ait effectué des missions de pilotage dès 1984, ce qui n'établit rien;

Considérant qu'il résulte des nombreux documents et témoignages versés aux débats par l'employeur que l'évolution de salaire et de carrière de Madame X... était motivée non par une discrimination sexiste mais par des éléments pertinents tenant à une absence de formation initiale, à des problèmes relationnels importants avec les clients dont l'employeur devait tenir compte, peu importe d'ailleurs l'imputabilité de la responsabilité des incidents, et à des insuffisances techniques justifiant que le passage de l'intéressée à la position ingénieur niveau II n'ait été décidée qu'en 1992 et que son salaire ait été inférieur à celui de certains de ses collègues de travail occupant les mêmes postes;

Considérant qu'il s'ensuit que la décision entreprise doit être confirmée et Madame X... déboutée de l'ensemble de ses demandes;

Considérant que l'équité ne commande pas en l'espèce l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement;

Rejette des débats les documents visés au bordereau de communication daté de 13 novembre 1997 communiqués le 17 novembre 1997 à l'intimée; Confirme le jugement entrepris;

Déboute les parties de toute autre demande;

Condamne Madame X... aux dépens;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-22477
Date de la décision : 17/12/1997

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Egalité des salaires - Egalité de rémunération entre hommes et femmes - Discrimination - Caractérisation

En application des articles L.140-2 et L.123-1 c) du code du travail l'employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, alors qu'il lui est interdit de prendre, en considération du sexe, toute mesure relatives, notamment, à la rémunération, à la qualification ou à la classification professionnelle. Lorsqu'il résulte des éléments versés aux débats par l'employeur que l'évolution de rémunération et de carrière d'une salariée a été motivée par des considérations pertinentes, tenant à une absence de formation initiale, à des problèmes relationnels important avec la clientèle, dont l'employeur devait tenir compte, ainsi qu'à des insuffisances techniques, ces éléments établissent suffisamment que la situation professionnelle de l'intéressée ne résulte pas d'une discrimination sexiste


Références :

Code du travail L140-2, L123-1 c

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Bellamy

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-12-17;1996.22477 ?
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