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17/12/1997 | FRANCE | N°1996-22122

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 décembre 1997, 1996-22122


La SNC BANQUETING a relevé appel d'un jugement contradictoire rendu le 8 mars 1996 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE qui a:

- requalifié le contrat de travail liant Monsieur Joseph X... et la SNC BANQUETING en contrat à durée indéterminée,

- dit que le licenciement de Monsieur X... ne procédait d'aucune cause réelle et sérieuse,

- condamné la SNC BANQUETING à payer à Monsieur X... les sommes de: - 14.312 frs à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 1.431 frs à titre de congés payés sur préavis, - 2.146 frs à titre d'indemnité de licen

ciement, - 42.936 frs à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et série...

La SNC BANQUETING a relevé appel d'un jugement contradictoire rendu le 8 mars 1996 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE qui a:

- requalifié le contrat de travail liant Monsieur Joseph X... et la SNC BANQUETING en contrat à durée indéterminée,

- dit que le licenciement de Monsieur X... ne procédait d'aucune cause réelle et sérieuse,

- condamné la SNC BANQUETING à payer à Monsieur X... les sommes de: - 14.312 frs à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 1.431 frs à titre de congés payés sur préavis, - 2.146 frs à titre d'indemnité de licenciement, - 42.936 frs à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 4.000 frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X... a été engagé le 1er juin 1990 par la SNC BANQUETING en qualité d'agent d'entretien.

Chaque jour, son employeur soumettait à sa signature un nouveau contrat de travail débutant le matin pour s'achever le soir, suivant un nombre d'heures variable mais égal le plus souvent à huit heures. Cet état de fait a duré du 1er juin 1990 au 30 juin 1993 avec deux périodes de suspension, une première courant 1991 en raison de la survenance d'un accident du travail et une seconde du 15 décembre 1992 au 5 février 1993 pour congés sans solde.

Fin juin 1993, la société BANQUETING a annoncé à Monsieur X... qu'elle n'entendait plus reconduire son contrat à durée déterminée au-delà du 30 juin 1993.

En dernier lieu, le salaire mensuel moyen de celui-ci s'élevait à 7.156 frs.

Contestant la qualification de son contrat de travail, Monsieur X... a saisi, le 9 juillet 1993, la juridiction prud'homale pour voir condamner son ex-employeur à lui régler, dans le dernier état de ses demandes, les sommes de: - 14.312 frs à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 1.431 frs à titre de congés payés sur préavis, - 2.146 frs à titre d'indemnité de licenciement, - 43.000 frs à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, - 7.156 frs à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, - 4.000 frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le Conseil a estimé que Monsieur X... n'occupait pas un emploi de nature temporaire mais au contraire lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise de sorte que l'employeur ne pouvait pour cet emploi avoir recours à une succession de contrats à durée déterminée. Les premiers juges ont ainsi requalifié le contrat de travail de Monsieur X... en contrat à durée indéterminée et, de ce fait, à défaut de motif de licenciement énoncé par l'employeur, ils ont estimé que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses conclusions d'appel, la SNC BANQUETING soutient qu'exerçant une activité de restauration, elle était fondée, en application de l'article D.121-2 du code du travail, à recourir à des contrats à durée déterminée pour pourvoir l'emploi de nettoyeur occupé par Monsieur X....

Faisant valoir que son activité était soumise à des variations de charges de travail imprévisibles et de durée variable, ce qui l'obligeait à adapter en permanence son effectif à ces variations par le recours à des contrats de vacation journalière ou temporaire, la société appelante ajoute que de 1990 à 1993 la moyenne mensuelle d'heures travaillées par Monsieur X... s'est élevée à 107,97 heures.

La SNC BANQUETING, qui conteste que Monsieur X... ait exercé une fonction de responsable de l'équipe de nettoyage, demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur X... de ses demandes.

Monsieur X..., intimé, conclut au principal à la confirmation du jugement et, subsidiairement, fait appel incident pour demander de condamner la SNC BANQUETING à lui payer la somme de 7.156 frs à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

Réclamant en outre la condamnation de la société appelante au paiement de la somme de 7.000 frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'intimé souligne qu'il a travaillé sans interruption du 1er juin 1990 au 30 juin 1993 au service de la SNC BANQUETING en qualité de responsable de l'équipe de nettoyage, ce qui correspondait à une activité par nature permanente, ajoutant qu'il travaillait la plupart du temps à temps complet.

SUR CE

Considérant que même si la SNC BANQUETING appartient au secteur de la restauration, activité visée à l'article D.121-2 du code du travail pour laquelle il est d'usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, seuls les emplois par nature temporaires et non liés à l'activité normale ou permanente de l'entreprise peuvent donner lieu à la conclusion de contrats à durée déterminée;

Considérant, en l'espèce, qu'il résulte du dossier qu'excepté deux périodes de suspension de juillet à octobre 1991 à la suite d'un arrêt de maladie et du 15 décembre 1992 au 5 février 1993 pour congés sans solde à la demande du salarié, Monsieur X... a travaillé de façon permanente pour la SNC BANQUETING en qualité d'agent d'entretien, l'employeur lui ayant même reconnu dans une attestation en date du 13 juillet 1993 la qualité de "responsable du nettoyage", peu important le fait que l'employeur ait cru bon, pour justifier le recours à des contrats à durée déterminée, d"ajouter "en qualité d'extra"; que compte-tenu des périodes de congés et de suspension du contrat de travail à la suite d'un accident du travail, Monsieur X... a travaillé une moyenne mensuelle de 151 heures, et non pas de 107 heures comme l'allègue à tort son employeur;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur X... a occupé en fait un emploi permanent d'entretien lié à l'activité normale de l'entreprise et qui n'était pas directement affecté par les fluctuations possibles de l'activité de la SNC BANQUETING;

Considérant qu'il est donc manifeste que l'emploi occupé par lui n'était pas par nature temporaire et que, de ce fait, la SNC BANQUETING ne pouvait conclure des contrats successifs à durée déterminée sur une période aussi longue;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il y avait lieu de requalifier le contrat de Monsieur X... en contrat à durée indéterminée;

Considérant qu'il s'ensuit que l'employeur ne pouvait rompre le contrat de travail de Monsieur X... qu'en respectant la procédure légale de licenciement comportant la convocation du salarié à un entretien préalable et l'envoi d'une lettre motivée de licenciement; que le défaut d'énonciation du motif de licenciement rend celui-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui oblige l'employeur, en application de l'article L.122-14-4 du code du travail, à indemniser son ex-salarié du préjudice consécutif au licenciement ainsi qu'à lui régler les indemnités de rupture;

Considérant qu'en allouant à Monsieur X... une indemnité de 42.936 frs correspondant à six mois de salaire, les premiers juges ont fait une exacte évaluation du préjudice de l'intéressé qu'il convient de confirmer;

Considérant qu'il y a lieu également de confirmer l'indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire, outre les congés payés, ainsi que l'indemnité de licenciement égale à 3/10 ème de mois de salaire (ancienneté de 3 ans);

Considérant, en définitive, qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la SNC BANQUETING de son appel en la condamnant aux dépens;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais et honoraires non inclus dans les dépens qu'il a dû exposer pour faire assurer sa défense;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déboute la SNC BANQUETING de son appel;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Condamne la SNC BANQUETING à payer à Monsieur X... la somme de 5.000 frs ( CINQ MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Ordonne le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement, dans la limite de trois mois;

Condamne la SNC BANQUETING aux dépens;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-22122
Date de la décision : 17/12/1997

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Cas de recours interdits - Emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise - Emploi durable - Critères - Détermination

Si, en application de l'article D. 121-2 du Code du travail, la restauration est un secteur d'activité pour lequel il est d'usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, seuls les emplois par nature temporaires et non liés à l'activité normale ou permanente de l'entreprise peuvent donner lieu à la conclusion de contrat à durée déterminée. Lorsque, excepté deux périodes de suspension, un salarié à été employé en qualité d'agent d'entretien, pendant trois ans, de façon permanente à raison d'une moyenne horaire mensuelle de 151 heures, il en résulte que l'emploi occupé avait, en fait, le caractère d'un poste permanent d'entretien lié à l'activité normale de l'entreprise et qui, à ce titre, n'était pas directement affecté par les fluctuations possibles de l'activité de restauration de l'employeur. Dès lors qu'il est manifeste qu'un tel emploi n'était pas, par nature, temporaire, c'est à juste titre que les contrats successifs à durée déterminée sont requalifiés en contrat à durée déterminée


Références :

Code du travail D121-2

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Bellamy

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-12-17;1996.22122 ?
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