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28/11/1997 | FRANCE | N°1995-5058

France | France, Cour d'appel de Versailles, 28 novembre 1997, 1995-5058


Par acte d'huissier en date du 6 janvier 1995. Monsieur Jacques X... a fait citer Monsieur et Madame Y... devant le Tribunal d'Instance de VERSAILLES afin de les voir condamner, avec exécution provisoire, au paiement de la somme de 30.000 francs de dommages-intérêts.

Il a sollicité, en outre, l'allocation d'une somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le demandeur a exposé : qu'au mois d'octobre 1993, Monsieur Y... avait commandé la pose dans son immeuble, d'une cheminée en pierre taillée avec tous accessoires, pour u

n montant de 52.000 francs, les travaux devant être réalisés en octo...

Par acte d'huissier en date du 6 janvier 1995. Monsieur Jacques X... a fait citer Monsieur et Madame Y... devant le Tribunal d'Instance de VERSAILLES afin de les voir condamner, avec exécution provisoire, au paiement de la somme de 30.000 francs de dommages-intérêts.

Il a sollicité, en outre, l'allocation d'une somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le demandeur a exposé : qu'au mois d'octobre 1993, Monsieur Y... avait commandé la pose dans son immeuble, d'une cheminée en pierre taillée avec tous accessoires, pour un montant de 52.000 francs, les travaux devant être réalisés en octobre 1994 ; Monsieur X... devant prendre sa retraite le 31 décembre 1994, avait acheté la pierre nécessaire à la réalisation et avait tenu compte dans son plan

de charge, pour les commandes qu'il avait encore à exécuter avant sa retraite (le 31 décembre 1994), d'une intervention de 15 jours pour exécuter les travaux ; Monsieur Y... avait attendu la fin du mois d'octobre et la mise en demeure de l'artisan pour lui notifier qu'il n'entendait pas donner suite à ce projet ;

Monsieur X... a fait état d'un manque à gagner ainsi qu'un trouble commercial et il fait valoir qu'il avait perdu, de ce fait, une somme de 24.760 francs représentant le coût de deux salaires des employés pendant ces 15 jours, augmenté des charges sociales, ainsi que le montant de la pierre perdu pour un montant de 6.000 francs ;

Il soutient que son manque à gagner s'élevait à la somme de 18.000 francs.

Il a ajouté qu'il convenait de déduire de ces dommages-intérêts l'acompte de 5.200 francs ;

Monsieur et Madame Y... ont conclu au débouté de Monsieur X... en l'intégralité de ses prétentions et ont formulé une demande reconventionnelle tendant à obtenir le remboursement de l'acompte de 5.200 francs et l'allocation d'une somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Tribunal d'Instance statuant par jugement du 20 avril 1995, a

rendu la décision suivante :

Vu le contrat du 23 octobre 1993,

- constate que les époux Y... ont résilié le marché de travaux du 23 octobre 1993,

- juge que cette résiliation est abusive,

- condamne, en conséquence, Monsieur et Madame Y... à payer à Monsieur X... la somme de 5.200 francs à titre de dommages-intérêts,

- déboute Monsieur X... du surplus de ses prétentions,

- autorise Monsieur X... à conserver l'acompte de 5.200 francs versé par Monsieur Y... le 23 octobre 1993,

- ordonne, en conséquence, la compensation entre les deux sommes,

- déboute Monsieur et Madame Y... de leur demande reconventionnelle,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- ondamne Monsieur et Madame Y... aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1.800 francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 16 mai 1995, Monsieur Jacques X... a interjeté appel.

Il demande à la Cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que Monsieur et Madame Y... avaient résilié de façon abusive le marché de travaux du 23 octobre 1993 en autorisant Monsieur X... à conserver l'acompte qui lui avait été remis lors de la signature du marché,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à titre de dommages et intérêts à Monsieur X... la somme de 5.200 francs,

- dire et juger que le montant du préjudice subi par Monsieur X... s'élève à la somme de 37.560 francs déduction faite de cet acompte,

- condamner Monsieur et Madame Y... à payer la somme de 30.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Monsieur X... du fait de la résiliation abusive du marché de travaux en cause,

- condamner Monsieur et Madame Y... à payer à Monsieur X... la somme de 8.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- voir condamner Monsieur et Madame Y... en tous les dépens, dont distraction au profit de la SCP LEFEVRE etamp; TARDY, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les époux Y... demandent à la Cour de :

- débouter Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- accueillir les époux Y... en leur demande reconventionnelle,

- condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 5.200 francs versée le 23 octobre 1993 et dépourvu de cause depuis la résiliation du bon de commande en avril 1994,

- condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 20.000 francs pour procédure abusive,

- le condamner au paiement de la somme de 20.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- le condamner aux entiers dépens,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, titulaire d'un office d'Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 25 septembre 1997 et l'affaire plaidée à l'audience du 28 octobre 1997.

SUR CE, LA COUR,

I) Considérant que la convention liant les parties se présente sous la forme d'un bon de commande signé le 23 octobre 1993 qui ne comporte aucune condition ni aucune réserve mais stipule expressément la nature des travaux à exécuter (une cheminée RENAISSANCE R.14 en pierre SAINT MAXIMIN), le prix (52.000 francs), le délai d'exécution des travaux (octobre 1994) et le versement d'un acompte de 5.200 francs que la simple mention : "voir un autre modèle sur place au prix du 23 octobre 1993", ne modifie en rien le caractère parfait et définitif de cette convention qui représente un contrat de louage d'ouvrage au sens de l'article 1710 du Code Civil (ou contrat d'entreprise) ;

Considérant, de même, que la simple circonstance que les époux Y... aient pu envisager de changer de modèle de cheminée, en mai 1994 (le prix et le délai d'exécution restant cependant les mêmes) ne remet pas en cause le caractère parfait et définitif du contrat du 23 octobre 1993 ; que cette convention légalement formée devait donc être exécutée de bonne foi par les époux Y... (article 1134 du Code Civil) ; qu'il en résulte que ceux-ci n'étaient pas en droit, en juin 1994 (ou octobre 1994) de révoquer, de leur propre chef ce contrat, et de refuser son exécution normale, au simple motif qu'ils ne voulaient plus donner de suite à "la commande du 23 octobre 1993", et, ce, selon eux, "pour des problèmes d'ordre technique et financier et ce pour le moment" ;

Considérant que cette inexécution volontaire de leurs obligations contractuelles, en-dehors de tout cas de force majeure, par les époux Y..., a un caractère fautif qu'elle engage leur responsabilité et ouvre droit à une indemnisation au profit de Monsieur X... ; que le jugement déféré est donc confirmé, de ce chef ;

II) Considérant, quant au préjudice directement et immédiatement causé par cette inexécution fautive du contrat, à la charge des époux Y..., qu'il est patent que ce préjudice consiste d'abord en la perte d'une chance et un manque à gagner (article 1151 du Code Civil) ; que Monsieur X..., dans la lettre que son avocat adressait aux époux Y..., le 18 novembre 1994, évaluait ce chef de préjudice à 18.000 francs ; que cette demande est fondée et justifiée et qu'il y est fait droit ; que cette condamnation est prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte de la somme de 5.200 francs déjà versée par les intimés et qui reste acquise à l'appelant ;

Considérant, par ailleurs, que Monsieur X... prétend s'être fait livrer des pierres, pour un total de 12.245 francs, le 15 novembre 1994, mais que rien ne démontre que ces matériaux auraient été destinés à la construction de la cheminée litigieuse, alors surtout qu'il était contractuellement prévu que ces travaux devaient se faire dans le courant d'octobre 1994 ; que dans sa propre lettre du 26 octobre 1994, Monsieur X... indiquait qu'il pouvait "encore faire

cette cheminée d'ici fin décembre 1994", mais qu'il n'expliquait pas les raisons de son retard, alors que ce n'est que par la lettre des époux Y..., du 21 octobre 1994, qu'il avait appris que ceux-ci avaient "renoncé" à leur commande ; qu'en tout état de cause, ces pierres ont été laissées par Monsieur X... à son fils qui a pris sa succession professionnelle et qu'il n'y a donc pas eu de perte, de ce chef ;

Considérant enfin que l'arrêt de ses activités pendant les 15 jours nécessaires à l'exécution prévue de cette cheminée litigieuse a causé une perte qui est déjà réparée par l'allocation ci-dessus de 18.000 francs de dommages-intérêts ;

III) Considérant que compte tenu de l'équité, le jugement est confirmé en ce qu'il a, à bon droit, accordé à Monsieur X... la somme de 1.800 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de

Procédure Civile ; que la Cour, y ajoutant et eu égard à l'équité, condamne les époux Y... à payer à l'appelant la somme de 5.000 francs en vertu de ce même article, pour ses frais irrépétibles devant la Cour ;

IV) Considérant qu'il résulte de la motivation ci-dessus développée, qu'à la suite de la rupture fautive et abusive imputable aux époux Y..., Monsieur X... est en droit de conserver les 5.200 francs versés lors de la signature du contrat ; que les intimés sont donc déboutés de leur demande en restitution de cette somme ;

Considérant que l'appelant a fait valoir des moyens trés sérieux, que

le jugement déféré est réformé à son avantage et que, contrairement à ce que prétendent les époux Y..., cet appel ne constitue pas une "procédure abusive" ; qu'ils sont donc déboutés de leur demande en paiement de 20.000 francs de dommages-intérêts de ce chef ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, les époux Y... qui succombent en leurs demandes, sont également déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

I) - REFORMANT sur les dommages-intérêts et STATUANT A NOUVEAU :

- CONDAMNE les époux Y... à payer à Monsieur Jacques X... 18.000 francs (DIX HUIT MILLE FRANCS) de dommages-intérêts, en deniers ou quittances (pour tenir compte de la somme de 5.200 francs (CINQ MILLE DEUX CENT FRANCS) qui reste acquise à l'appelant) ;

II) - DEBOUTE les époux Y... des fins de toutes leurs demandes ; III) - CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions non contraires aux présentes ;

Y AJOUTANT :

- CONDAMNE les époux Y... à payer à Monsieur X... la somme de 5.000 francs (CINQ MILLE FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- LES CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par la SCP d'Avoués LEFEVRE etamp; TARDY, conformément aux dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier,

Le Président,

Sylvie RENOULT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-5058
Date de la décision : 28/11/1997

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE - Résiliation

La réalisation sur commande d'une cheminée constitue un contrat de louage d'ouvrage qui acquiert un caractère définitif et parfait par la signature du bon de commande en application de l'article 1134 du Code civil. Ainsi, dès lors que le bon de commande précise le prix, détermine l'objet du contrat et fixe le délai de réalisation, sans aucune autre clause, l'acquéreur qui entend résilier unilatéralement l'exécution du contrat, en dehors de tout cas de force majeure, commet une faute engageant sa responsabilité et ouvrant droit à indemnisation de son cocontractant


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-11-28;1995.5058 ?
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