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20/11/1997 | FRANCE | N°1995-9688

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 novembre 1997, 1995-9688


Les consorts X... ont consenti un bail renouvelé aux époux Y... à partir du 1er octobre 1981 portant sur des locaux à usage de coiffure pour dame. Le 29 septembre 1989, les bailleurs ont fait délivrer un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 60.000 francs.

Les locataires ont accepté le principe du renouvellement mais proposé la fixation du loyer annuel à 18.840 francs.

Aussi, les bailleurs ont-ils demandé la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé devant le tribunal de grande instance de PONTOISE. Par un jugement, avant dire droit du

06 juillet 1993, cette juridiction a ordonné une mesure d'expertise et...

Les consorts X... ont consenti un bail renouvelé aux époux Y... à partir du 1er octobre 1981 portant sur des locaux à usage de coiffure pour dame. Le 29 septembre 1989, les bailleurs ont fait délivrer un congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 60.000 francs.

Les locataires ont accepté le principe du renouvellement mais proposé la fixation du loyer annuel à 18.840 francs.

Aussi, les bailleurs ont-ils demandé la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé devant le tribunal de grande instance de PONTOISE. Par un jugement, avant dire droit du 06 juillet 1993, cette juridiction a ordonné une mesure d'expertise et fixé un loyer provisionnel à 20.000 francs.

Le rapport d'expertise conclut à l'absence de modification des facteurs locaux de commercialité et propose un loyer fixé à 17.328 francs.

Par un jugement du 12 septembre 1995, le tribunal de grande instance de PONTOISE a fixé le loyer à 17.328 francs avec exécution provisoire. Le tribunal a condamné les consorts X... à rembourser le trop-perçu sur le loyer provisionnel outre les intérêts légaux et les a condamnés à 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Appelants de cette décision, les consorts X... concluent à la sous évaluation du loyer par rapport à la valeur locative des locaux. Par ailleurs, ils contestent le renouvellement puisque le locataire ne remplit plus les conditions imposées par la loi, n'exploitant plus lui-même le commerce et n'étant plus immatriculé au registre du commerce et des sociétés. Ils demandent, dès lors, l'expulsion des occupants et la fixation de l'indemnité d'occupation à 5.000 francs

par mois.

Subsidiairement, les consorts X... contestent l'application du coefficient légal fixant le loyer à un montant inférieur à la valeur locative et considèrent que le loyer devrait, en tout état de cause et conformément à l'article 23 du décret du 30 septembre 1953 être fixé en fonction de la valeur locative et estiment qu'il convient de le déplafonner et de le fixer à 52.800 francs par an en principal, subsidiairement à la valeur locative soit 30.000 francs. Ils énumèrent en effet les différents éléments qui, selon eux, ont modifié les facteurs locaux de commercialité : augmentation de la population, création d'un parc de stationnement, création de classes dans l'école maternelle, ouverture de galeries commerciales, installation du RER et augmentation de son trafic. Ils sollicitent, enfin, 10.000 francs "HT" sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux Y... soulignent que, par acte du 07 décembre 1995, Monsieur Y... a donné le fonds en location-gérance à la SARL CLARY'S COIFFURE et rappellent qu'en vertu de l'article 1er - 2° alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953, le propriétaire du fonds, mis en location-gérance, bénéficie du statut sans avoir à justifier de son immatriculation effective.

Par ailleurs, ils estiment que le plafonnement constitue la limite maximum à laquelle le loyer doit être fixé, la valeur locative restant le principe de fixation, si celle-ci est inférieure au loyer plafonné.

Au surplus, ils soulignent que comme l'ont rappelé les premiers juges, la modification notable lorsqu'elle existe, doit présenter un intérêt pour le commerce exercé.

En conséquence, ils sollicitent la confirmation du jugement et 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure

civile. SUR CE LA COUR

- Sur la dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux au profit des locataires

Attendu que selon l'article 1er 2°, alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953, si le fonds est exploité sous forme de location-gérance en application de la loi n° 56-277 du 20 mars 1956 relative à la location-gérance des fonds de commerce et des établissements artisanaux, le propriétaire du fonds bénéficie des dispositions du décret du 30 septembre 1953 sans avoir à justifier de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ;

Attendu qu'en l'espèce un contrat de location-gérance a été consenti le 7 décembre 1995 par Monsieur Y... à la SARL CLARY'S COIFFURE ; que le moyen pris du défaut d'immatriculation de Monsieur Y... au registre du commerce ne saurait dès lors conduire à lui refuser le bénéfice du statut des baux commerciaux ;

- Sur l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce considéré

Attendu que l'expert note, pour la période de référence, une augmentation de population générale de la commune de 16%, la création d'une galerie commerciale au 34 rue Jean Jaurès et d'une autre galerie MILTENBERG située à moins de 300 m des locaux objets du litige, mais de l'autre côté de la gare, et attirant une clientèle potentielle assez importante, ainsi que l'installation d'une nouvelle ligne de RER ;

Attendu que les consorts X... versent, en outre, aux débats des éléments montrant que le nombre de voyageurs entrant dans la gare de Villiers le Bel, proche des lieux, a augmenté de près de 25% sur la période de référence ;

Attendu que l'expert précise enfin qu'un agrandissement de quatre à

sept classes de l'école maternelle "située pratiquement en face des locaux litigieux" est intervenu durant la même période mais précise que si "théoriquement cet agrandissement peut entraîner un apport de clientèle (de jeunes femmes) d'une centaine de personnes", cette clientèle n'est pas nécessairement attirée par le salon de coiffure objet du bail car la clientèle de ce salon "est vraisemblablement une clientèle fidélisée de la même génération que celle (sic) de Monsieur et Madame Y..." qui ont respectivement 64 et 60 ans ;

Attendu que, contrairement à l'appréciation erronée de l'expert, ces différents éléments constituent une modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce considéré ; qu'en effet, cette modification doit s'apprécier objectivement en fonction de la nature du commerce autorisé contractuellement et non subjectivement, comme l'a fait l'expert, en fonction du mode de gestion effectivement appliqué par le preneur ;

- Sur la fixation du prix du loyer

Attendu que la cour ne dispose pas des éléments d'appréciation lui permettant de fixer le prix du loyer ; qu'il y a lieu de désigner un expert aux fins de recueillir les éléments qui lui permettront de le faire ; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

- Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

- Dit les consorts X... mal fondés à dénier aux époux Y... le bénéfice du statut des baux commerciaux,

- Les dit bien fondés à voir le loyer du bail renouvelé fixé sans référence au plafonnement,

- Avant dire plus ample droit,

Désigne : Monsieur Maurice Z...,

19 rue Pasteur

78000 VERSAILLES

Tél : 01.39.51.83.85 en qualité d'expert

Avec pour mission de recueillir les éléments qui permettront à la cour de fixer le loyer renouvelé,

- Dit que les consorts X... devront consigner au greffe du service des expertises de la cour de céans la somme de 5.000 francs de provision à valoir sur la rémunération de l'expert,

- Dit que celui-ci devra rendre son rapport dans les trois mois de l'acceptation de sa mission,

- Réserve les dépens. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE

LE PRESIDENT A. PECHE-MONTREUIL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-9688
Date de la décision : 20/11/1997

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Prix - Fixation du loyer du bail renouvelé - Plafonnement - Exceptions - Modification notable des facteurs locaux de commercialité - Conditions

Pour permettre le déplafonnement du loyer lors du renouvellement d'un bail commercial, la modification notable des facteurs locaux de commercialité favorable à un commerce considéré doit s'apprécier objectivement en fonction de la nature du commerce autorisé contractuellement, et non subjectivement, comme le fait un expert lorsqu'il se réfère au mode de gestion d'un salon de coiffure par son preneur


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-11-20;1995.9688 ?
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