Selon bail sous seing privé du 20 juin 1983, Monsieur X... est devenu locataire de divers lieux à usage de café-restaurant, 25 rue Brassat à COLOMBES dont Monsieur Y... est l'actuel propriétaire.
Le bail venant à expiration le 1er avril 1992, Monsieur X... en a, le 30 mars, demandé le renouvellement.
Selon acte signifié le 22 juin 1992, Monsieur Y... a notifié à son locataire son refus de renouveler le contrat en offrant le paiement d'une indemnité d'éviction et lui a donné congé pour le 1er novembre 1992.
Puis il a, le 11 mai 1993, saisi le juge des référés aux fins d'évaluation de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation.
Par ordonnance du 02 juin 1993, le juge des référés a désigné un expert qui a déposé son rapport le 11 avril 1994.
Il estime que l'indemnité d'éviction doit être évaluée à 721.600 francs et l'indemnité d'occupation due à compter du 1er novembre 1992 à 70.200 francs.
Monsieur X... a alors assigné son bailleur afin de voir constater la reconduction tacite du bail et dire qu'il n'y a pas lieu à révision du loyer.
Par le jugement déféré en date du 12 mai 1995, le tribunal de grande instance de NANTERRE a dit Monsieur X... forclos en son action tendant à contester le refus de renouvellement et voir déclarer la reconduction tacite du bail et a fixé l'indemnité d'éviction à 721.600 francs et l'indemnité d'occupation à 70.200 francs par an.
Il a enfin alloué à Monsieur X... la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelant de cette décision, Monsieur Y... estime qu'il n'est pas possible d'asseoir une indemnité d'éviction sur un fonds de commerce exploité dans le cadre d'un bail dont le locataire n'a pas respecté
les termes, Monsieur X... ayant, sans autorisation, profondément modifié les lieux loués.
Il demande, par contre, confirmation du jugement en ce qu'il fixe l'indemnité d'occupation à 70.200 francs à compter du 1er novembre 1992, laquelle devra être portée à 120.000 francs par an et sollicite en outre 20.000 francs "HT" sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'intimé, Monsieur X... relève que l'appelant fait état de nouvelles prétentions en discutant le droit à l'indemnité d'éviction en raison d'une prétendue contravention aux clauses du bail. Il relève, par ailleurs, que les travaux effectués l'ont été avant la prise de possession de Monsieur Y... qui ne pouvait, dès lors, pas les ignorer.
Il estime, par ailleurs, que le nouveau congé délivré par Monsieur Y... le 27 février 1996, établi pour les besoins de la cause, est inopérant.
D'autre part, il considère que la forclusion de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 ne concerne pas le refus de renouvellement avec indemnité d'éviction. Le congé déduit des termes du refus pour le 1er novembre 1992 ne correspond pas à l'expiration du bail venant le 1er avril 1992.
Le bail est dès lors reconduit tacitement.
En outre, les modalités de délivrance du congé ou du refus de renouvellement n'ont pas été respectées. Concernant l'indemnité d'occupation, il estime que le jugement ne pourra qu'être infirmé.
Enfin, Monsieur X... soutient que, compte tenu de la plus value considérable apportée à l'établissement, il est fondé à demander une indemnité d'éviction de 1.200.000 francs.
En outre, il sollicite l'allocation de 40.000 francs "HT" sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le bailleur conteste l'argumentation développée par Monsieur X... sur le renouvellement du bail .
Par ailleurs, il considère que les moyens tirés de la violation des clauses du bail intéressent le débat sur l'indemnité d'éviction et ne constituent dès lors pas une demande nouvelle. Il estime que Monsieur X... ne prouve pas la connaissance qu'il aurait eue des travaux litigieux, ni même l'autorisation qu'il aurait pu avoir des précédents propriétaires.
Subsidiairement, il demande qu'il soit ordonné une expertise afin de calculer l'indemnité d'éviction en retranchant les recettes résultant des travaux sans autorisation du bailleur. SUR CE LA COUR
- Sur le renouvellement du bail
Attendu que selon l'article 5 alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953, à défaut de congé, le bail par écrit se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat, conformément à l'article 1738 du Code civil ;
Attendu que le bail dont bénéficiait Monsieur X... venait à expiration le 31 mars 1992 ; qu'aucun congé ne lui a été délivré pour cette date au moins six mois à l'avance ;
Attendu que le 30 mars 1992, Monsieur X... a fait notifier à Monsieur Y... une demande de renouvellement du bail ; que Monsieur Y... lui a alors, le 22 juin 1992, fait signifier un refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction ;
Attendu que selon l'article 6, dernier alinéa, du décret du 30 septembre 1953, le locataire qui entend soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement ;
Attendu que le délai de forclusion, dérogatoire au droit commun, est d'application stricte et ne saurait jouer en dehors des limites que lui a assignées le législateur ; que ce délai de forclusion n'étant prévu que pour les actions tendant soit à contester le refus de renouvellement, soit à demander le paiement d'une indemnité d'éviction, il en résulte qu'il ne saurait s'appliquer à une action en contestation d'un refus de renouvellement comportant offre de payer une indemnité d'éviction ;
Attendu que Monsieur X... fait valoir que le refus de renouvellement serait nul comme n'étant pas motivé, en méconnaissance des prescriptions de l'article 6 alinéa 4 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu cependant que le refus de renouvellement est assorti d'une offre de paiement d'une indemnité d'éviction ; que cette offre motive suffisamment le refus de renouvellement et que le moyen de nullité de celle-ci tiré de son prétendu défaut de motivation ne saurait dès lors être retenu ;
Attendu en conséquence que le bail a pris fin le 1er novembre 1992 ; qu'à partir de cette date, Monsieur X... est redevable d'une indemnité d'occupation ;
- Sur le droit à indemnité
Attendu que le congé avec refus de renouvellement sans indemnité pour motifs graves et légitimes délivré le 27 février 1996 revenant sur le refus de renouvellement du 22 juin 1992 se fonde sur le fait que le locataire a effectué des travaux sans le consentement exprès et écrit du propriétaire ; qu'un tel congé ne saurait être admis, reposant sur un motif dont il résulte des correspondances versées aux débats par Monsieur X... qu'il était déjà connu du bailleur à la date du refus de renouvellement ; que Monsieur X... a donc droit à indemnité du fait du refus de renouvellement de son bail ;
- Sur le montant de l'indemnité
Attendu que pour des motifs exacts, que la cour adopte, le premier juge a fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 721.600 francs ;
- Sur le montant de l'indemnité d'occupation
Attendu que les éléments de comparaison pris par le premier juge sont conformes aux prescriptions de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 et prennent en considération les différents éléments énumérés au titre V dudit décret ; qu'il y a lieu de fixer le montant de cette indemnité à la somme de 70.200 francs par an à compter du 1er novembre 1992 ;
Attendu que l'équité conduit à condamnation de Monsieur Y... à payer à Monsieur X... la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 pour frais irrépétibles d'appel ; que, compte tenu de la formulation de la demande, il y a lieu de préciser que si les frais irrépétibles engagés sont assujettis à la TVA, à des taux d'ailleurs différents selon le type de frais, il en est autrement de l'indemnité qui, allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, les prend en considération ; qu'une telle somme n'étant pas assujettie à cet impôt, elle ne saurait être allouée ni "HT" ni "TTC" ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit Monsieur René X... forclos en son action en contestation du refus de renouvellement de bail avec offre d'indemnité,
- Le confirme sur le surplus,
- Statuant plus avant, condamne Monsieur Fabien Y... à payer à Monsieur René X... la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Le condamne aux dépens,
- Admet Maître TREYNET au bénéfice de l'article 699 du nouveau code
de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE
LE PRESIDENT A. PECHE-MONTREUIL
F. ASSIÉ