Madame X... a acquis un fonds de commerce de café-restaurant-hôtel à MONTIGNY SUR AVRE, dont les murs appartiennent aux époux Y.... Le 27 septembre 1993, les bailleurs ont consenti le renouvellement du bail.
Le 30 septembre 1993, Madame X... a cessé son activité et obtenu le 10 novembre sa radiation du registre du commerce et des sociétés. Les bailleurs ont fait constater le défaut d'exploitation des lieux en décembre 1993.
Le 22 avril 1994, Madame X... a cédé son bail aux époux Z... et signifié la cession le 27 juin 1994. Entre temps, les bailleurs avaient assigné Madame X... devant le tribunal d'instance de DREUX en résiliation du bail.
Par le jugement déféré en date du 04 avril 1995, le tribunal d'instance de DREUX s'est déclaré compétent et a prononcé la résiliation du bail au 05 mai 1994, date de l'assignation et ordonné l'expulsion des lieux. En outre, il a sursis à statuer sur l'appel en garantie formulé par Madame X... à l'encontre des époux Z... et a désigné un constatant afin de faire contradictoirement les comptes. Il a débouté Madame X... de ses demandes et l'a condamnée à 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelante de cette décision, Madame X... demande avant toute défense au fond, le sursis à statuer dans l'attente d'une décision à intervenir sur la tierce-opposition formée par Maître LELOUCHE, notaire, dont la responsabilité risque d'être engagée du fait de la résiliation du bail vis à vis des cessionnaires.
Maître LELOUCHE, intervenant volontaire, entend porter à la connaissance de la cour une action pendante devant le tribunal de grande instance de CHARTRES à son encontre. La résiliation du bail est, selon lui, infondée puisque la cessation d'activité était
justifiée par l'état de santé de Madame X... et a débouché sur la cession dont a eu connaissance le représentant du propriétaire par courriers du 14 avril 1994, puis du 06 mai 1994. Il estime qu'en réalité le propriétaire tente de récupérer les lieux en invoquant l'absence de propriété commerciale au 22 avril 1994.
Or, la patrimonialité du fonds ne pouvant être limitée par le propriétaire, la cessibilité est libre. Il se prévaut, en outre, de deux arrêts (29 et 30 avril 1997) de la cour de cassation.
Madame X... conclut que la résiliation ne pourra être prononcée pour le seul motif de la non inscription au registre du commerce et des sociétés, d'autant qu'elle est intervenue après renouvellement du bail et que la cessation d'activité et la radiation reposent sur un motif grave et légitime.
Par ailleurs, elle conteste la prétendue dévaluation du fonds et le fait que les bailleurs n'auraient eu connaissance de la cession que 2 mois après l'assignation. Concernant les loyers arriérés, elle estime être bien fondée à obtenir la garantie des cessionnaires du bail.
En outre, elle demande 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les bailleurs concluent à la confirmation du jugement. Ils invoquent l'article 1er du décret du 30 septembre 1953 et le défaut d'exploitation du fonds à l'appui de leurs demandes. En outre, ils estiment que la cession leur est inopposable du fait de sa signification tardive.
Par ailleurs, ils soulignent qu'il ressort du rapport du consultant déposé le 31 août 1995, que Madame X... est débitrice de 11.000 francs, outre les intérêts et considèrent que les époux Z... devront être condamnés à payer 30.249,46 francs au titre des loyers et charges impayés.
Ils sollicitent, enfin, 5.000 francs sur le fondement de l'article
700 du nouveau code de procédure civile.
Les époux Z... ont constitué avoué, mais n'ont pas conclu. SUR CE LA COUR
- Sur la recevabilité de l'intervention volontaire
Attendu que Maître LELOUCHE n'a été ni partie ni représenté en première instance ; que la décision déférée étant susceptible de conduire à la mise en oeuvre de sa responsabilité professionnelle, il a intérêt à la critiquer ; que son intervention volontaire est dès lors, par application de l'article 554 du nouveau code de procédure civile, recevable ;
- Sur la demande de sursis à statuer
Attendu que l'intervention volontaire de Maître LELOUCHE sur l'appel formé contre le jugement auquel il a formé tierce opposition est recevable ; qu'il en résulte, la voie de recours ordinaire à laquelle il participe en intervenant volontairement étant recevable, que la tierce opposition, voie de recours extraordinaire qu'il a formée contre le même jugement n'est plus recevable ; qu'en conséquence, il ne saurait être fait droit à la demande de sursis à statuer formée par Madame X... qui est devenue sans objet ;
- Sur la demande de résiliation du bail
Attendu que l'inscription du locataire au registre du commerce conditionne son droit au bénéfice du statut des baux commerciaux ; que le bailleur ne saurait pour autant demander la résiliation du bail en cours au motif que le preneur n'est pas inscrit au registre du commerce dès lors que ladite inscription n'est pas mentionnée au bail comme une condition de celui-ci qui, si elle n'est pas remplie justifie la résolution du contrat ; qu'en effet, une telle demande ne saurait trouver son fondement sur la contestation du bénéfice du statut des baux commerciaux mais seulement sur un manquement aux clauses du bail ;
Attendu en l'espèce que, dans leurs conclusions, les consorts Y... demandent non la nullité de la cession du fonds de commerce, mais la résiliation du bail au motif que Madame X... n'est plus inscrite au registre du commerce ;
Attendu qu'aucune des clauses du bail dont bénéficie Madame X... n'impose son immatriculation au registre du commerce; que dès lors la demande des consorts Y..., en ce qu'elle se fonde sur la radiation de Madame X... du registre du commerce ne saurait prospérer ;
Attendu que les consorts Y... demandent, en outre, la résiliation du bail pour défaut d'exploitation,
Attendu qu'il résulte des pièces produites que si, en décembre 1993, les locaux objet du bail commercial consenti à Madame X... n'étaient pas exploités, ce défaut d'exploitation était justifié par l'état de santé de la preneuse qui se préoccupait de trouver un successeur pour l'exploitation du fonds de commerce ; que dès lors le défaut d'exploitation invoqué ne saurait être retenu pour prononcer la résiliation du bail ;
- Sur les demandes concernant les loyers et charges
Attendu que le premier juge a ordonné une mesure d'instruction en désignant un consultant ; que celui-ci a déposé son rapport qui a été communiqué devant la cour; que l'évocation de cette partie du litige est possible ;
Attendu cependant qu'un jugement rendu par le tribunal de commerce de DREUX en date du 25 avril 1996, dont aucun élément versé à la procédure ne permet de savoir s'il est définitif, prononce sur une demande en nullité et subsidiairement en résolution de la cession de fonds de commerce par Madame X... au profit des époux Z... ; que dans ces conditions, il n'est pas de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'évoquer les demandes en paiement de loyers et charges ;
Attendu que l'équité et la situation économique des parties condamnées s'opposent à condamnation sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement dans les limites de l'appel,
- Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
- Déboute les consorts Y... de leur demande en résiliation du bail, - Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamne les consorts Y... aux dépens,
- Admet les SCP FIEVET etamp; ROCHETTE etamp; LAFON et KEIME et GUTTIN et Maître TREYNET au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ARRET REDIGE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET