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14/11/1997 | FRANCE | N°JURITEXT000006934983

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 novembre 1997, JURITEXT000006934983


Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 27 mars 1991, Monsieur X... a contracté un prêt à la consommation dit "Prêt Express" d'un montant en capital de 37.000 francs auprès de la B.R.O.P. à son agence de DREUX, remboursable en 36 mensualités de 1.282,08 francs au taux effectif global de 15,46 % en sus les frais d'assurance.

Concomitamment, Monsieur X... a adhéré à l'assurance groupe décès-incapacité de travail de la compagnie GENERAL-VIE.

Le 27 septembre 1991, il est décédé au centre hospitalier de DREUX des suites d'une tumeur cérébrale.

Ant

érieurement, il avait adressé à la société GENERALI VIE, le 9 juillet 1991, une décl...

Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 27 mars 1991, Monsieur X... a contracté un prêt à la consommation dit "Prêt Express" d'un montant en capital de 37.000 francs auprès de la B.R.O.P. à son agence de DREUX, remboursable en 36 mensualités de 1.282,08 francs au taux effectif global de 15,46 % en sus les frais d'assurance.

Concomitamment, Monsieur X... a adhéré à l'assurance groupe décès-incapacité de travail de la compagnie GENERAL-VIE.

Le 27 septembre 1991, il est décédé au centre hospitalier de DREUX des suites d'une tumeur cérébrale.

Antérieurement, il avait adressé à la société GENERALI VIE, le 9 juillet 1991, une déclaration de sinistre établi le 22 juin 1991 par le docteur Y..., son médecin traitant, aux termes de laquelle, il ressortait que l'assuré se trouvait en état d'invalidité absolue et définitive, après avoir été hospitalisé le 12 avril 1991.

Le 31 décembre 1991, la société GENERALI-VIE adressait à la B.R.O.P. un courrier sur lequel elle contestait la validité de l'engagement contracté par feu Monsieur X... sur le fondement de l'article L.113-8 du code des assurances.

Par acte d'huissier en date du 9 juin 1992, Madame Veuve X... a fait citer la société d'assurance GENERALI VIE devant le tribunal d'instance de DREUX pour voir

* dire et juger que le contrat d'assurance intervenu le 27 mars 1991 entre son défunt époux et la Société GENERALI était valable,

* condamner la société GENERALI à régler le solde du prêt, intérêts compris, soit la somme de 34.774,31 francs,

* condamner la même à lui payer les sommes de 10.000 francs à titre

de dommages et intérêts et de 3.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

le tout avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

En réplique, et à titre principal, la société GENERALI VIE a conclu au débouté de Madame Veuve X... et a sollicité qu'il soit constaté que Monsieur feu X... avait commis des réticences et des fausses déclarations en ne déclarant pas les maux de tête dont il souffrait et dont la première constatation était antérieure à son adhésion à l'assurance-groupe du 27 mars 1991.

La défenderesse a donc sollicité la constatation de la nullité de l'adhésion de feu Monsieur X... à l'assurance-groupe pour réticence et fausses déclarations en vertu des dispositions de l'article L. 113-8 du code des assurances.

Elle a conclu, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert.

Le tribunal, statuant par jugement du 6 juillet 1993, a rendu la décision suivante :

Vu les dispositions de l'article L.113-9 alinéas 1. et 3 du Code des assurances,

Dit que le contrat intervenu le 27 mars 1991 entre Monsieur X... et la compagnie d'assurance GENERALI est valable.

Constate, cependant l'omission de la part de Monsieur X...,

En conséquence,

Condamne la compagnie d'assurance GENERALI à prendre en charge tout

ou en partie du prêt restant dû au moyen d'une indemnité qui sera réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si le risque avait été complètement et exactement déclaré.

Condamne la compagnie GENERALI à payer à Madame X... la somme de UN FRANC à titre de dommages intérêts.

Déboute la compagnie GENERALI de l'ensemble de ses demandes y compris sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Condamne la compagnie GENERALI à payer à Madame X... la somme de 3.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 19 avril 1995, Madame Z... veuve X... a interjeté appel.

Elle demande à la Cour de :

Vu l'absence de démonstration par la compagnie d'assurance GENERALI de l'existence de réticence ou de fausse déclaration d'une part, de l'existence d'une intention de tromper d'autre part, du changement ou de la diminution de l'opinion pour l'assureur, enfin

Dire et juge inapplicable l'article L.113-8 du Code des Assurances,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valable le contrat d'assurance conclu le 27 mars 1991, entre feu Monsieur X... et la compagnie d'assurance GENERALI,

L'infirmant pour le surplus, et statuant à nouveau :

Dire et juger en conséquence inapplicable l'article L. 113-9 alinéas 1 et 3 du code des assurances,

Dire que les maux de tête dont pouvait souffrir feu Monsieur X... à la date du 27 mars 1991 ne pouvaient alors constituer un trouble au sens de la déclaration, faute d'être, à cette époque, médicalement déclarés.

Condamner en conséquence, la compagnie d'assurance GENERALI à payer à Madame Veuve X... la somme de 34.774,31 francs, intérêts compris au titre du solde du prêt contracté auprès de la B.R.O.P.

Condamner la même à payer à Madame veuve X... les sommes de 10.000 francs pour résistance abusive et de 3.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la compagnie d'assurance GENERALI aux entiers dépens.

Ultérieurement, l'appelante demande à la Cour de

* A titre subsidiaire :

Désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la Cour avec pour mission de déterminer si les maux de tête dont souffrait feu Monsieur X... auraient malgré tout entraîné l'acceptation de la compagnie d'assurance à garantir l'assuré en cas de décès et d'incapacité, sachant que celle-là ne démontre pas qu'elle l'aurait fait.

La société d'assurances "GENERALI-VIE",(anciennement"GENERALI-FRANCE") demande à la Cour de :

Débouter purement et simplement Madame veuve X... de ses chefs de demande :

Dire et juger que Monsieur X... a commis des réticences et des fausses déclarations en déclarant lors de l'adhésion à l'assurance-groupe du 27 mars 1991 " ne souffrir d'aucun trouble..., n'avoir suivi récemment, ne pas suivre actuellement ou devoir suivre un traitement médical" alors qu'il souffrait de violents maux de tête, qu'il avait subi différents examens spéciaux et inhabituels : radio des yeux, angiographie, radio de la tête et qu'il suivait un traitement médical(lettre de Madame X... du 8 janvier 1992).

Statuant sur l'appel incident de la Compagnie GENERAL VIE :

- Réformer le jugement entrepris,

- Dire et juger qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.113-8 du Code des assurances,

- Prononcer la nullité de l'adhésion à l'assurance-groupe souscrite

par Monsieur X... ;

A tire éminemment subsidiaire :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 113-9 du Code des assurances,

- Condamner Madame X... au paiement de la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- La condamner en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 9 octobre 1997 et l'affaire plaidée à l'audience du 16 octobre 1997.

SUR CE LA COUR :

Considérant qu'il est constant que, le 27 mars 1991, Monsieur X... (qui était né en 1932 et était pré-retraité) a déclaré notamment :

"être exempt de toute maladie et affecte à quelconque, ne souffrir d'aucun trouble, ne pas être en arrêt de travail même partiel pour une raison de santé..., ni être atteint d'aucune infirmité ou invalidité, ni d'aucune séquelle de maladie ou d'accident, n'avoir pas suivi récemment, ne pas suivre actuellement ou devoir suivre un traitement médical ou autre thérapeutique et ne pas devoir subir une intervention chirurgicale" ;

Mais considérant que la déclaration de sinistre du 22 juin 1991 portant le cachet du docteur Y... (généraliste, médecin-traitant de Monsieur X...) et signée par Madame veuve X... indiquait que la date d'apparition des premières manifestations de la maladie se situait à février 1991 (c'est-à-dire donc un mois avant la signature de ce questionnaire de santé du 27 mars 1991) ;

Considérant, en outre, que dès avant ce questionnaire, et plus

précisément dès le 8 mars 1991, Monsieur X... avait subi une angiographie (radiothérapie des vaisseaux) et qu'à cette même époque, ainsi que le reconnaît expressément l'appelante, dans sa lettre du 8 janvier 1992, son mari "était soigné pour des maux de tête avec des médicaments tout à fait courants, tel que l'efferalgan"; qu'elle précisait aussi que son médecin avait fait subir à son mari "plusieurs examens dont des radios des yeux", une angiographie, radio de la tête" ;

Considérant qu'il est donc manifeste que, le 27 mars 1991, Monsieur X... n'a pas parlé de traitements médicaux et thérapeutiques ci-dessus analysés et que pour le moins, il n'a pas parlé de trouble (c'est-à-dire l'anomalie de fonctionnement d'un organe) que constituaient ses maux de tête pour lesquels il était soigné par prise de médicaments ; qu'il n'a donc pas respecté l'obligation qu'il avait, en vertu de l'article L. 113-2-2° du Code des assurances, de "répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge";

Considérant qu'il est patent que ces "circonstances", (c'est-à-dire, ici, les traitements médicaux et thérapeutiques alors suivis, ainsi

que les troubles consistant en des maux de tête) n'ont pas été déclarées à l'assureur ;

Considérant qu'il est donc certain qu'il y a eu réticence et même fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, Monsieur X..., dont les maux de tête avaient un degré de gravité tel que l'intéressé avait dû avoir recours à des examens des yeux et de la tête dont une angiographie en ophtalmologie ; qu'au demeurant et en tout état de cause, ces maux de tête à eux seuls, constituaient un

"trouble" qui devait être déclaré dans ce questionnaire ;

Considérant que la société d'assurances, si elle avait été pleinement informée de ces troubles et traitements médicaux et thérapeutiques et de ces circonstances de nature à lui faire apprécier le risque à prendre en charge, n'aurait pas manqué de réclamer un examen médical approfondi et ce, notamment, en vue de l'application de l'article 5 de la convention d'assurance-groupe (entre elle et le B.R.O.P.) qui lui permettait de refuser le risque si l'état de santé de Monsieur X... ne lui paraissant pas suffisamment bon, ou de ne l'accepter qu'avec certaines restrictions ou exclusions, ou moyennant surprime ;

Considérant que cette réticence ou cette fausse déclaration intentionnelle de la part de Monsieur X... n'ont pas permis à l'assureur d'apprécier le risque et qu'il n'appartenait pas à l'assuré de juger, subjectivement, que certaines circonstances, pourtant connues de lui, n'avaient pas à être déclarées, au motif, selon lui, qu'elles ne pouvaient avoir aucune influence sur l'appréciation du risque par l'assureur ou qu'elles n'avaient pas de gravité ;

Considérant que la société d'assurances GENERALI-VIE est donc fondée à invoquer l'application des dispositions de l'article 113-8 du Code des assurances ; que la Cour, infirmant et statuant à nouveau, prononce la nullité de l'adhésion à l'assurance -groupe souscrite par Monsieur X..., le 27 mars 1991 ; que , par conséquent, Madame Veuve X... née Z... est déboutée de toutes ses demandes contre cette société ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, il n'y a pas lieu de condamner Madame Veuve X... en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et que la société GENERALI-VIE est donc déboutée de sa demande en paiement de ce chef;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement,contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'article L. 113-2-2° et l'article 113-8 du Code des assurances :

INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau:

PRONONCE la nullité de l'adhésion à l'assurance-groupe souscrite par

Monsieur X... le 27 mars 1991 ;

DEBOUTE Madame Veuve X... née Z... des fins de toutes ses demandes contre la société GENERALI-FRANCE (actuellement GENERALI-VIE) ;

DEBOUTE cette société de sa demande en paiement fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CONDAMNE Madame Veuve X... née Z... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la S.C.P. d'avoués LISSARRAGUE-DUPUIS et associés, conformément aux dispositions de l'arti- cle 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier, Le Président,

S. RENOULT

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006934983
Date de la décision : 14/11/1997

Analyses

ASSURANCE DE PERSONNES

L'article L113-2 2° du code des assurances dispose que le souscripteur d'un contrat d'assurance s'oblige, notamment, à répondre exactement aux questions posées dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur interroge l'assuré sur les circonstances de nature à lui permettre d'apprécier le risque qu'il prend en charge; obligation sanctionnée de nullité par l'article L113-8 du code précité lorsque la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré a pour effet de changer le risque, indépendamment de toute conséquence sur le sinistre.Un assuré qui déclare "être exempt de toute maladie et affection quelconque, ne souffrir d'aucun trouble, etc ", alors que, au moment de cette déclaration, il est affligé de violents maux de tête et que du fait de ces troubles il est sous traitement médical et a subi des explorations fonctionnelles approfondies, ne permet pas à l'assureur d'apprécier exactement le risque pris, dont il n'appartient pas à l'assuré de préjuger de la portée. Dès lors, cette déclaration constitue une réticence ou une fausse déclaration sanctionnable par la nullité du contrat d'assurance.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-11-14;juritext000006934983 ?
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