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14/11/1997 | FRANCE | N°1994-2146

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 novembre 1997, 1994-2146


Par acte d'huissier en date du 3 août 1993, Monsieur Pierre X... a assigné Monsieur Michel Y... devant le Tribunal d'Instance de MONTMORENCY pour obtenir sa condamnation, assortie de l'exécution provisoire, à lui verser :

- la somme de 45.500 francs, montant du solde débiteur du décompte de résiliation du contrat de location, - celle de 6.000 francs de dommages et intérêts, - et celle de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Pierre X... a exposé à l'appui de sa demande, avoir, par acte en date du 22 janvier 1987, donné

en location à Monsieur Michel Y... un local de laboratoire d'analyses m...

Par acte d'huissier en date du 3 août 1993, Monsieur Pierre X... a assigné Monsieur Michel Y... devant le Tribunal d'Instance de MONTMORENCY pour obtenir sa condamnation, assortie de l'exécution provisoire, à lui verser :

- la somme de 45.500 francs, montant du solde débiteur du décompte de résiliation du contrat de location, - celle de 6.000 francs de dommages et intérêts, - et celle de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Pierre X... a exposé à l'appui de sa demande, avoir, par acte en date du 22 janvier 1987, donné en location à Monsieur Michel Y... un local de laboratoire d'analyses médicales situé 13, Place de la République et 139 rue Maurice Berteaux à FRANCONVILLE.

Monsieur Y... ayant cédé le bail avec l'accord de Monsieur X..., un décompte des sommes dues a été établi duquel il résulte que Monsieur Y... restait redevable d'une somme de 45.500 francs à titre de loyers et charges échus.

Monsieur Michel Y... a fait valoir en défense que la cession du laboratoire, le 22 janvier 1987, s'était accompagnée d'un engagement de Monsieur X... à le présenter aux clients comme étant son successeur.

Que postérieurement à la cession, il aurait découvert que la clientèle de ce laboratoire était une clientèle "indirecte", en ce qu'elle était dirigée par une pharmacie voisine, moyennant une rétrocession d'honoraires sur le chiffre d'affaires.

Qu'en 1991 ladite pharmacie avait décidé de ne plus diriger sa

clientèle vers le laboratoire.

Qu'il s'en serait suivi, selon Monsieur Y..., une baisse du chiffre d'affaire de 50 % et qu'il aurait été contraint de revendre son laboratoire pour le franc symbolique ;

Que c'est dans ces conditions qu'il avait décidé de ne plus verser les loyers à Monsieur X... afin que ceux-ci se compensent avec le préjudice qu'il aurait subi du fait de la dissimulation par Monsieur X... de ce que la clientèle cédée était essentiellement une clientèle "indirecte".

Monsieur Y... a donc demandé au tribunal d'enjoindre à Monsieur X... de verser aux débats la promesse de vente du laboratoire, les bilans des années 1983, 1984, 1985, 1986 et 1987 tels que certifiés par Monsieur X... dans l'acte de cession ainsi que le montant des honoraires rétrocédés à la pharmacie HOULET pour ces mêmes périodes. Subsidiairement, il a sollicité la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et de dire que ces sommes se compenseraient avec le montant des arriérés de loyers et charges.

Très subsidiairement, il a demandé au tribunal de ramener le montant des loyers et charges dus à la somme de 39.500 francs et de lui accorder les plus larges délais de paiement.

Le tribunal d'instance statuant, par jugement contradictoire du 25 novembre 1993, a rendu la décision suivante : - condamne Monsieur Michel Y... à payer à Monsieur Pierre X... la somme de 42.000

francs, montant du solde locatif, - déboute Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts,

- déclare irrecevable la demande reconventionnelle formée par Monsieur Y..., - dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire, - condamne Monsieur Y... à payer à Monsieur X... la somme de 800 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamne Monsieur Michel Y... aux dépens.

Le 21 février 1994, Monsieur Michel Y... a interjeté appel. Il demande à la Cour de : Vu les dispositions des articles 1110 et 1116 du Code Civil, - Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - constater que la demande formulée par Monsieur Y... à l'encontre de Monsieur X... n'a pas pour objet par une inexactitude contenue dans l'acte de cession du LABORATOIRE D'ANALYSES MEDICALES, - constater que la demande de Monsieur Y... concerne, en revanche, l'omission d'une mention essentielle de l'acte, une telle omission étant constitutive d'un dol par réticence, En conséquence, - condamner Monsieur X... à restituer à Monsieur Y... une somme de 150.000 francs sur le prix de vente du LABORATOIRE D'ANALYSES MEDICALES qu'il lui a cédé, - constater également que Monsieur Y... n'est débiteur que d'une somme de 39.500 francs à l'égard de Monsieur X... au titre de loyers demeurés impayés et non pas d'une somme de 42.000 francs, - dire que la somme de 39.500 francs se compensera avec la somme de 150.000 francs due par Monsieur X... à Monsieur Y..., - condamner Monsieur X... à payer à Monsieur Y... une somme de 111.500 francs à titre de solde, - condamner également Monsieur X... à payer à Monsieur Y... une somme de 10.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur X... en tous les dépens qui seront

recouvrés par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, Avoués, ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Pierre X... est décédé le 14 mars 1994 ; sa fille et héritière Madame Dominique Z... a repris l'instance.

Elle demande à la Cour de : - déclarer Monsieur Michel Y... tant irrecevable que mal fondé en son appel, - l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer le jugement rendu le 25 novembre 1993 par le Tribunal d'Instance de MONTMORENCY en ce qu'il a condamné Monsieur Michel Y... au paiement du solde locatif, En conséquence, condamner Monsieur Michel Y... à payer à Madame Z... les sommes de 45.500 francs avec intérêts au taux légal, - condamne Monsieur Y... à payer à Madame Z... la somme de 10.000 francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, Société titulaire d'un office d'Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 9 octobre 1997 et l'affaire plaidée à l'audience du 10 octobre 1997.

SUR CE, LA COUR,

I/ Considérant qu'il sera d'abord souligné, à toutes fins utiles, que Monsieur Y... n'a engagé aucune action à titre principal pour réclamer la nullité de la convention, notamment pour cause de dol,

alors que, dès la date de la cession de son fonds à Madame A... née B..., le 23 décembre 1992, il n'ignorait plus l'existence des prétendues réticences ou omissions dolosives qu'il impute maintenant à Monsieur X... ; que ce n'est donc que par voie de demandes reconventionnelles et pour répondre à l'action principale en paiement de loyers engagée contre lui par Monsieur X..., que Monsieur Y... a contesté la régularité et la validité de l'action de location et de vente litigieux, du 22 janvier 1987 ;

Considérant, de plus, que le fondement tiré du dol et la nullité devant en résulter, n'ont pas été expressément invoqués devant le premier juge qui, à bon droit, a donc placé le débat sur le terrain de l'action prévue par les articles 13 et 14 de la loi du 29 juin 1935 ;

Considérant que devant la Cour, l'appelant choisit maintenant le nouveau fondement explicite du dol et que ce moyen nouveau est recevable en vertu de l'article 563 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que ce seul fondement sera donc étudié par la Cour ;

II/ Considérant, au fond, que le dol ne se présume pas et qu'il doit être prouvé (article 1116 alinéa 2 du Code Civil) ;

Considérant que l'acte de vente du 22 janvier 1987 stipulait (page 4 de l'acte - 2ème que le cédant Monsieur X... s'obligeait à : - présenter Monsieur Y... aux clients du "LABORATOIRE D'ANALYSES MEDICALES" comme son successeur et à l"'engager à reporter sur Monsieur Y... la confiance qu'ils lui accordaient" ;

Considérant que cette formule est rédigée en termes assez vagues et

que, notamment, elle n'indique pas que la clientèle était une clientèle dite "directe" ou, au contraire, une clientèle dite "indirecte" ;

Considérant que cette incertitude, cependant, ne constitue pas une omission ou une réticence dolosive de la part de Monsieur X..., alors qu'il constant que Monsieur Y... est Docteur en médecine, biologiste, qu'il est né en 1946, qu'il est donc un professionnel averti, et qu'il n'ignorait pas, en 1987, les usages et le particularisme de ce type de cession de clientèle ; qu'il lui appartenait donc de faire toutes diligences et toutes vérifications utiles, préalables, notamment par consultation élémentaire des documents comptables, des bilans et des chiffres d'affaires pour se renseigner sur l'origine des clients ; qu'il aurait pu ainsi, facilement, constater que cette clientèle était principalement "indirecte" et qu'il se serait lui-même mis en mesure d'apprécier la vraie situation et la vraie valeur de ce laboratoire ; que de plus, et surtout, Monsieur Y... qui prétend avoir été "acculé à la ruine" ne démontre nullement que les mauvais résultats de son laboratoire seraient dus, de manière certaine et directe, à la décision prise en 1991 par la pharmacie HOULET, de ne plus diriger sa clientèle vers son laboratoire ; que les mauvais résultats allégués peuvent n'être que le résultat de l'impéritie de l'imprévoyance, et de la mauvaise gestion de Monsieur Y..., et qu'en tout état de cause, entre 1987 et 1991, il a bénéficié de la "clientèle indirecte" que lui procurait cette pharmacie HOULET ; qu'il lui appartenait, en outre, de mener une action pour développer sa propre clientèle et notamment pour se créer une nouvelle clientèle, soit "directe", soit "indirecte" ; qu'il est établi qu'à partir de 1991, Monsieur Y... a travaillé, à temps partiel au sein du Laboratoire BIOMED dont il est d'ailleurs le

directeur-adjoint actuel ; qu'il est donc évident que ces nouvelles fonctions l'ont éloigné de la gestion directe de son laboratoire de FRANCONVILLE et ont nui directement à la rentabilité de cette affaire ;

Considérant en définitive, que l'appelant ne fait pas la preuve qui lui incombe du prétendu "dol" qui aurait vicié son consentement et qu'il est donc débouté des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte, et notamment de sa demande en fixation de son prétendu préjudice à une somme de 150.000 francs de dommages-intérêts ;

III/ Considérant que Monsieur Y... avait l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat le liant à Monsieur X... et qu'il n'avait donc pas le droit, de son propre chef, de décider d'arrêter en octobre 1991, le paiement régulier des loyers aux termes convenus ; qu'il lui appartenait de prendre l'initiative de demander en justice, à titre principal, la nullité de ce contrat, ce qu'il n'a pas fait, et que c'est donc fautivement qu'il n'a plus payé les loyers dus ; qu'il n'est donc pas fondé à prétendre, maintenant, qu'il avait conservé ces loyers dus pour qu'ils se compensent "avec le préjudice qu'il avait dû subir du fait des manoeuvres dolosives de son vendeur Monsieur X..." ; que ce n'est, d'ailleurs, que bien tardivement, par lettre du 7 avril 1993, que Monsieur Y... a reproché à Monsieur X... sa "déloyauté" ; qu'en outre dans sa lettre du 23 décembre 1992, Monsieur Y... reconnaissait sa dette de loyers, ne parlait pas expressément de "dol" et n'évoquait pas son intention explicite de faire annuler en justice cette vente ;

Considérant que l'appelant a cédé son laboratoire, le 22 décembre

1992, pour la somme symbolique de 1 franc et qu'à cette date, il est constant et démontré que sa dette envers Monsieur X... était de 44.000 francs ; que le mois de janvier 1993 (3.500 francs) n'est pas dû par Monsieur Y... ;

Considérant que Monsieur Y... est donc condamné à payer à Madame Dominique Z... (en sa qualité d'héritière de Monsieur Pierre X..., décidé le 14 mars 1994) cette somme justifiée de 44.000 francs, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le Tribunal d'Instance du 3 août 1993, à concurrence 42.000 francs confirmés, et à compter des conclusions du 13 juin 1994 valant sommation de payer, pour le surplus ;

Considérant, de plus, que compte tenu de l'équité, Monsieur Y... est condamné à payer à Madame Z... la somme de 6.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour ses frais irrépétibles en appel ; que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a, à bon droit, et compte tenu de l'équité , déjà accordé 800,00 francs en vertu de ce même article ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

I/ DEBOUTE Monsieur Michel Y... des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

II/ EMENDANT le jugement déféré ;

- CONDAMNE Monsieur Y... à payer à Madame Dominique Z... la somme de 44.000 francs (QUARANTE QUATRE MILLE FRANCS) avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 1993 (à concurrence des 42.000 francs confirmés) , et à compter du 13 juin 1994 (à concurrence du surplus) ;

III/ CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur Y... à payer 800 francs (HUIT CENT FRANCS) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et LE CONDAMNE, de plus, à payer à Madame Z... la somme de 6.000 francs (SIX MILLE FRANCS) en vertu de ce même article ;

- CONDAMNE Monsieur Y... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'Avoués JULLIEN-LECHARNY-ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier,

Le Président, Sylvie RENOULT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1994-2146
Date de la décision : 14/11/1997

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol - RETICENCE

Aux termes de l'article 1116, alinéa 2, du Code civil, le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Etant constant qu'un acte de cession de clientèle d'un laboratoire d'analyses médicales stipulait que le cédant s'obligeait à présenter le cessionnaire comme son successeur et à engager les clients à reporter sur lui sa confiance, sans autre précision quant à la nature "directe" ou "indirecte" de la clientèle cédée, cette indétermination génératrice d'incertitude ne constitue pas une omission ou une réticence dolosive de la part du cédant, eu égard à la qualité du cessionnaire, Docteur en médecine et biologiste. Il incombait à ce professionnel averti d'effectuer toutes les diligences et vérifications utiles quant à l'appréciation de la valeur du laboratoire cédé, et qu'en l'absence de telles diligences, il ne rapporte pas la preuve qu'un dol aurait vicié son consentement lors de la cession


Références :

Code civil, article 1116

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-11-14;1994.2146 ?
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