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17/10/1997 | FRANCE | N°1995-2641

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17 octobre 1997, 1995-2641


Suivant acte notarié du 7 avril 1982, les consorts X... ont donné en location à Monsieur Y... pour une durée de douze ans à compter du 1er mai 1982, un immeuble situé à DAMPIERRE SUR AVRE (28), au "Bois Compteux".

Par acte d'huissier du 7 octobre 1993, les consorts X... ont délivré un congé à Monsieur Y... en vue de reprise pour habiter

Le 30 juin 1994, Madame Z... veuve X... et sa fille Madame Marie-José A... ont fait assigner Monsieur Guy Y... devant le tribunal d'instance de DREUX, afin de voir :

- valider le congé délivré le 7 octobre 1993,

-

ordonner en tant que de besoin l'expulsion de Monsieur Y... sous astreinte définitive ...

Suivant acte notarié du 7 avril 1982, les consorts X... ont donné en location à Monsieur Y... pour une durée de douze ans à compter du 1er mai 1982, un immeuble situé à DAMPIERRE SUR AVRE (28), au "Bois Compteux".

Par acte d'huissier du 7 octobre 1993, les consorts X... ont délivré un congé à Monsieur Y... en vue de reprise pour habiter

Le 30 juin 1994, Madame Z... veuve X... et sa fille Madame Marie-José A... ont fait assigner Monsieur Guy Y... devant le tribunal d'instance de DREUX, afin de voir :

- valider le congé délivré le 7 octobre 1993,

- ordonner en tant que de besoin l'expulsion de Monsieur Y... sous astreinte définitive de 200 Francs par jour de retard,

- condamner Monsieur Y... au paiement d'une indemnité d'occupation de 2.000 Francs par mois à compter du 1er mai 1994 jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamner Monsieur Y... à payer à Madame Z... veuve X... et Madame A... la somme de 4.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

Monsieur Y... a répliqué que l'acte du 7 octobre 1993 est irrégulier et donc nul, aux motifs qu'il ne porte pas mention de la date de sa remise en mairie, que Monsieur Y..., son destinataire n'a pas reçu l'avis de passage de l'huissier à son domicile, ni l'avis de signification ; que subsidiairement, le congé a été délivré hors délai en référence à l'article 17 de la loi du 22 juin 1982.

Il a donc demandé au tribunal de :

- débouter Madame Z... veuve X... et sa fille Madame A... de leur demandes,

- constater son droit à renouvellement du bail,

- condamner Madame Z... veuve X... et sa fille Madame A... à lui payer la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 7 février 1995, le tribunal d'instance de

DREUX a rendu la décision suivante

- valide le congé délivré le 7 octobre 1993 à Monsieur Y... par Mesdames Z... veuve X... et A...,

- ordonne en tant que de besoin, l'expulsion de Monsieur Y... de l'immeuble sis "Le Bois Compteux" 28350 COMMUNE DE DAMPIERRE SUR AVRE,

- condamne Monsieur Y... à payer à Mesdames Z... veuve X... et A... :

* une indemnité de 2.000 Francs par mois à compter du 1er mai 1994 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux,

* la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamne le défendeur aux dépens.

Le 9 mars 1995, Monsieur Y... a interjeté appel.

Il soutient que le congé a été signifié en mairie alors que l'acte ne contient aucune mention précise de ce qui aurait pu empêcher l'huissier de signifier à personne, l'ensemble de ses diligences et vérifications se résumant à l'apposition d'une croix en face de mentions stéréotypées sur une formule pré-imprimée.

Il fait valoir également que le bail en cause est soumis au régime de la loi QUILLIOT du 22 juin 1982, dont l'article 17 prévoit que le délai de préavis suite à un congé court à compter du premier jour du mois suivant la réception du congé ; que cependant, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 applicable aux contrats en cours indique que le délai de préavis est de six mois lorsque le congé émane du bailleur, sans préciser alors le point de départ du délai ; que par conséquent, il convient de se reporter sur ce point à l'article 17 de la loi du 22 juin 1982 ; qu'en l'espèce, le congé ayant été donné le 7 octobre 1993, le délai de préavis de six mois a couru à compter du 1er novembre 1994 pour se terminer le 1er mai 1994 à 24 heures, alors que la période initiale du bail expirait le 30 avril 1994.

Il ajoute donc queä conformément à l'article 7 de la loi du 22 juin 1982, à défaut de congé régulier donné pour l'issue de la période initiale, le bail doit être renouvelé de plein droit pour une période qui ne peut être inférieure à 3 ans.

Subsidiairement, il critique le montant de l'indemnité d'occupation fixée par le tribunal, en précisant qu'il est de bonne foi et qu'une indemnité supérieure au loyer ne serait qu'une sanction de son désir légitime de faire valoir ses droits.

Enfin, il allègue la défense de son droit au logement pour demander le paiement de ses frais irrépétibles.

Il demande à la Cour de :

- infirmer cette décision en toutes ses dispositions,

- constater la nullité du congé donné par les consorts X... avec toutes conséquences de droit,

- dire et juger que Monsieur Y... bénéficie en application de l'article 7 de la loi du 22 juin 1982 d'un renouvellement de plein droit de son bail au principal pour douze ans et subsidiairement pour trois ans à compter du 30 avril 1994 aux même conditions,

- à titre subsidiaire, ramener l'indemnité d'occupation à 780 Francs mensuels,

- condamner les consorts X... au paiement d'une somme de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - les condamner également aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Madame Z... veuve X... et Madame A... répliquent qu'il ressort très clairement de l'acte de signification du congé en date du 7 octobre 1993, que l'huissier a effectué des diligences complètes et précises afin de parvenir à une signification à personne ; que les mentions figurant sur l'acte d'huissier font foi jusqu'à inscription

de faux ; que la loi applicable au congé n'est pas celle du 22 juin 1982, mais celle du 6 juillet 1989 ; que l'acte de congé est particulièrement explicite sur son motif, à savoir la reprise pour habiter au bénéfice de Madame Z... veuve X... ; qu'en outre, le délai de préavis de 6 mois a commencé à courir de manière effective 6 mois avant la date d'expiration du bail, soit le 30 octobre 1993 pour s'achever le 30 avril 1994 ; qu'en raison du congé régulièrement délivré à Monsieur Y..., le bail n'a pu se reconduire tacitement ; qu'enfin l'indemnité d'occupation se doit d'être dissuasive.

Elles demandent à la Cour de :

- débouter Monsieur Y... de son appel et de l'y dire mal fondé,

- confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant,

- condamner Monsieur Y... à leur payer la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Monsieur Y... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP LEFEVRE TARDY, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 26 juin 1997 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 16 septembre 1997.

SUR CE LA COUR

1) Sur la régularité de l'acte de signification du congé en date du 7 octobre 1993 :

Considérant que sur l'acte litigieux du 7 octobre 1993, dont le second original est versé aux débats par les intimées, il est précisé que les circonstances rendent impossible la signification à personne ; que l'huissier n'ayant trouvé personne au domicile (après vérification que le destinataire de l'acte demeure bien à l'adresse indiquée, son nom figurant sur la boîte aux lettres), les portes restant closes malgré ses appels, s'est adressé aux voisins qui ont déclaré ignorer le lieu de travail du destinataire et ont refusé l'acte ; qu'il est également indiqué qu'un avis de passage a été laissé et que l'avis de signification a été adressé avec copie de l'acte dans les délais légaux ; qu'il ressort de ces mentions précises que la signification à personne s'est avérée impossible et que l'huissier de justice a procédé aux vérifications et aux diligences exigées par les articles 656, 657 et 658 du nouveau code de procédure civile ; que certes, ces mentions sont pré-imprimées, cochées et signées par l'huissier ; que cependant, elles valent jusqu'à inscription de faux ; que par suite, à défaut d'avoir eu recours à cette procédure, l'appelant n'est pas fondé à contester la régularité de la signification ; qu'au surplus, les intimées produisent le récépissé de remise en mairie de l'acte le 8 octobre 1993, ce qui établit que cette formalité a été également accomplie ; que par conséquent, la Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a

constaté que le congé avait été signifié régulièrement dans les formes légales ;

2) Sur le respect du délai de préavis pour le congé donné par les bailleurs :

Considérant que l'article 25 II alinéa 1er de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que notamment, les dispositions de son article 15, relatif aux congés, s'appliquent aux contrats en cours ; que l'alinéa 2 de l'article 15 I modifie non seulement la durée du préavis lorsque le congé émane du bailleur, en le portant de 3 à 6 mois, mais également le point de départ de ce délai, qui est désormais le jour

de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier ; que contrairement à ce qu'allègue l'appelant, ce point de départ, précisé en fin du second alinéa, concerne donc tous les congés qui y sont visés et non pas seulement celui donné par le locataire en cas de mutation ou perte d'emploi ; que par conséquent, il n'y a pas lieu de se reporter aux dispositions de l'article 17 de la loi du 22 juin 1982 ;

Considérant qu'en l'espèce, les bailleresses ont fait délivrer régulièrement le congé en vue de reprise pour habiter le 7 octobre 1993, pour le 30 avril 1994, soit un délai de préavis de plus de six mois ; que par conséquent, le délai prévu par l'article 15 I alinéa 2 de la loi du 6 juillet 1989 a bien été respecté ; que la Cour confirme le jugement déféré qui a validé le congé du 7 octobre 1993 ; 3) Sur le renouvellement du bail :

Considérant que Monsieur Y..., qui s'est vu signifier un congé régulier pour la date d'expiration du bail, n'a pas droit au renouvellement de celui-ci ; que par conséquent, la Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné, en tant que de besoin, l'expulsion de Monsieur Y... ;

4) Sur le montant de l'indemnité d'occupation :

Considérant que l'indemnité d'occupation due par l'occupant sans

droit, ni titre, a un caractère à la fois compensatoire et indemnitaire ; qu'elle doit donc à la fois correspondre à la valeur locative des lieux et réparer le préjudice subi par le propriétaire du fait de cette occupation fautive ;

Considérant qu'en l'espèce, le loyer mensuel initial avait été fixé par le bail du 7 avril 1982 à 500 Francs et avait été indexé sur l'indice national du coût de la construction ; que selon la grille indiciaire versée aux débats par les intimées, le loyer se serait élevé à 780 Francs en Juin 1994 ; que compte tenu du montant de la valeur locative et du préjudice subi par les propriétaires du fait d'une occupation qui se prolonge depuis plus de trois ans pour une petite maison d'habitation, la Cour fixe à 1.600 Francs par mois le montant de l'indemnité d'occupation que l'appelant sera condamné à payer à Madame Z... veuve X... et Madame A... ;

5) Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame Z... veuve X... et Madame A..., la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

Et y ajoutant et réformant :

- CONDAMNE Monsieur Y... à payer à Madame Z... veuve X...

et Madame A..., la somme de 1.600 Francs par mois, à titre d'indemnité d'occupation à compter du 1er mai 1994 jusqu'à libération effective des lieux ;

- DEBOUTE Monsieur Y... des fins de toutes ses demandes ;

- CONDAMNE Monsieur Y... à payer à Madame Z... veuve X... et Madame A... la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui

seront recouvrés directement contre lui par la SCP LEFEVRE TARDY, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

S. RENOULT

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-2641
Date de la décision : 17/10/1997

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 6 juillet 1989) - Congé - Validité - Conditions - Préavis - Délai

Aux termes de l'article 25 II de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, les dispositions de ce texte s'appliquent immédiatement aux contrats de location en cours. Dès lors, s'il résulte de l'article 15-I de la loi précitée que le congé donné par un bailleur doit être assorti d'un préavis d'une durée de six mois, ce même texte fixe de manière uniforme comme point de départ des différents délais de préavis qu'il édicte la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-10-17;1995.2641 ?
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