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16/10/1997 | FRANCE | N°JURITEXT000006935008

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 octobre 1997, JURITEXT000006935008


Monsieur Jean-Pierre X... a été désigné en qualité de commissaire aux comptes de la SA LOIREUMAT en 1983. Son mandat a pris fin avec l'approbation des comptes de l'exercice clos le 30 mars 1989.

La société LOIREUMAT ayant refusé de solder les honoraires de Monsieur X..., ce dernier a obtenu une injonction de payer à hauteur de 110.000 francs signifiée à la société susdésignée le 23 septembre 1993

Statuant sur l'opposition formée par la société LOIREUMAT, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a, par jugement du 11 octobre 1995, déclaré cette opposition receva

ble mais l'a dite mal fondée et a condamné la société LOIREUMAT à payer à Monsi...

Monsieur Jean-Pierre X... a été désigné en qualité de commissaire aux comptes de la SA LOIREUMAT en 1983. Son mandat a pris fin avec l'approbation des comptes de l'exercice clos le 30 mars 1989.

La société LOIREUMAT ayant refusé de solder les honoraires de Monsieur X..., ce dernier a obtenu une injonction de payer à hauteur de 110.000 francs signifiée à la société susdésignée le 23 septembre 1993

Statuant sur l'opposition formée par la société LOIREUMAT, le Tribunal de Commerce de VERSAILLES a, par jugement du 11 octobre 1995, déclaré cette opposition recevable mais l'a dite mal fondée et a condamné la société LOIREUMAT à payer à Monsieur X... la somme de 110.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 1993, autorisé la capitalisation des intérêts et alloué à l'intéressé une indemnité de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

Appelante de cette décision, la société LOIREUMAT, reprenant son argumentation de première instance, soutient tout d'abord que le litige relevait de l'appréciation préalable du Président de la Compagnie Régionale des experts comptables saisi à son initiative et demande à la Cour de se déclarer incompétente, comme aurait dû le faire le tribunal et de renvoyer la cause devant cette instance ordinale.

Elle estime ensuite, à titre subsidiaire, partiellement prescrite la demande formée par Monsieur X... et prétend que seul le recouvrement de la somme de 36.000 francs HT afférente aux honoraires des années 1988 et 1989, peut être poursuivie.

Elle conteste également le bien fondé de la facturation qui, selon elle, excède les pratiques habituelles de la profession. Elle

demande, en conséquence, pour le cas où l'exception d'incompétence serait écartée, à être déchargée des condamnations prononcées à son encontre ou à voir celles-ci ramenées à 36.000 francs HT.

Elle sollicite également une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'intimé réfute point par point l'argumentation adverse et conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, sauf à se voir accorder une indemnité complémentaire de 10.000 francs en couverture des frais qu'il a été contraint d'exposer devant la Cour. MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'exception d'incompétence

Considérant que l'article 232 de la loi du 24 juillet 1966 dispose, dans son 2ème alinéa, que la Chambre Régionale de discipline et, en appel, la Chambre Nationale de discipline sont compétentes pour connaître de tout litige, tenant à la rémunération (des honoraires des experts comptables fixés selon des modalités arrêtées par décret en Conseil d'Etat) ; que l'article 122 du décret d'application du 12 août 1969, modifié par le décret du 03 juillet 1985, précise :

" Que si le nombre d'heures de travail normalement nécessaires à la réalisation du programme de travail du ou des commissaires aux comptes apparaît excessif ou insuffisant, le Président de la Compagnie Régionale est saisi par la partie la plus diligente d'une demande de dérogation aux nombres indiqués à l'article 120 ; (que) cette demande indique le nombre d'heures estimées nécessaires et les motifs de la dérogation demandée ; (que) l'autre partie fait connaître son avis, (que) le Président de la Compagnie Régionale rend sa décision dans les quinze jours de la demande ; (que) cette décision peut faire l'objet d'un recours devant la Chambre Régionale de discipline qui est saisie et statue dans les conditions prévues à l'article 126 ; (que) la procédure ci-dessus ne s'applique pas si le

dépassement des limites fixées aux articles 120 et 121 recueille l'accord des parties".

Considérant qu'il ressort des pièces des débats que la société LOIREUMAT a laissé sans réponse les courriers de relances que lui a adressé Monsieur X... en mars 1990, mars 1991 et mars 1992 et qu'elle a seulement saisi la Chambre Régionale, par requête en date du 14 mars 1991, d'une demande de restitution de pièces prétendument détenues par ce Commissaire aux comptes, demande que la chambre a décidé de classer sans suite au vu des explications fournies par Monsieur X... qui affirmait ne pas détenir les pièces en question ; qu'il suit de là que dès lors qu'aucune contestation préalable n'a été élevée par la société LOIREUMAT sur le montant des honoraires qu'elle avait été mise en demeure de régler et que le litige avait trait seulement au recouvrement d'honoraires impayés, Monsieur X... était parfaitement en droit de s'adresser aux juridictions judiciaires pour en obtenir le règlement et de requérir, à l'encontre du débiteur défaillant, une injonction de payer, une telle demande n'entrant pas dans le champ d'application des dispositions susvisées ; que le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société LOIREUMAT.

- Sur la prescription

Considérant que la société LOIREUMAT entend se prévaloir de la prescription quinquennale instituée par l'article 2277 du Code Civil. Mais considérant qu'en application des dispositions de l'article 2248 du même code, la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance, un effet interruptif de prescription qui ne peut se fractionner.

Or considérant qu'il apparaît que la société LOIREUMAT a toujours reconnu dans ses écritures que Monsieur X... a été son commissaire aux comptes de 1983 à 1987, qu'en rapport avec cette activité, il a émis des notes d'honoraires, que certaines de ces notes ont été réglées notamment celles afférentes à la période 1984-1985 par un paiement de 35.000 francs effectué en 1987 ; qu'il se déduit de là que la société LOIREUMAT a reconnu la dette au moins partiellement en réglant des notes d'honoraires relatives à la période prétendument prescrite, étant observé que cet aveu n'est soumis à aucune condition de forme et qu'il doit seulement être dépourvu, comme c'est le cas en l'espèce, de toute équivoque ; que l'appelante est d'autant plus mal venue à soutenir le contraire qu'elle a pris l'initiative, avant tout procès, de saisir la Chambre Régionale d'une demande de restitution de pièces sans émettre pour autant la moindre contestation sur le montant des honoraires.

- Sur la contestation des honoraires émis pour les exercices 1986 et 1987

Considérant que la contestation élevée tardivement par la société LOIREUMAT ne repose sur aucun fondement sérieux ; que l'appelante n'établit pas notamment le caractère excessif desdits honoraires au regard des critères d'évaluation édictés par le décret susvisé du 12 août 1989 ; que, comme il a été dit précédemment, si le montant des honoraires n'avait pas été contractuellement accepté, la société LOIREUMAT aurait pour le moins protesté lorsqu'elle a reçu des courriers de relance ou saisi la Chambre Régionale ; que, dans ces conditions, le jugement dont appel ne pourra être que confirmé en toutes ses dispositions.

- Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... les frais qu'il a été contraint d'exposer devant la

Cour pour parvenir au recouvrement de sa créance ; que la société LOIREUMAT sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant par ailleurs que l'appelante, qui succombe, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Reçoit la société LOIREUMAT SA en son appel, mais le dit mal fondé, - Confirme, en conséquence, mais partiellement par substitution et adjonction de motifs, en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant,

- Condamne la société LOIREUMAT SA à payer à Monsieur Jean-Pierre X... une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée à l'intéressé au même titre en première instance,

- La condamne également aux entiers dépens et autorise la SCP d'Avoués JULLIEN etamp; LECHARNY etamp; ROL à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET PRONONCE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE

POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ A. PECHE-MONTREUIL

A. MARON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006935008
Date de la décision : 16/10/1997

Analyses

SOCIETE ANONYME

En matière de rémunération des experts comptables, si l'article 232 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966 donne compétence à la Chambre régionale de discipline et, en appel, à la Chambre nationale de discipline pour connaître de tout litige tenant à leur rémunération, cette attribution de compétence ne peut avoir pour effet de rendre le juge judiciaire incompétent dès lors que le litige porte sur le recouvrement d'honoraires impayés dont le montant n'a fait l'objet d'aucune contestation préalable, alors même que la Chambre de discipline avait été préalablement saisie d'une autre difficulté. C'est donc à bon droit qu'un expert comptable requiert, à l'encontre de son débiteur défaillant, une injonction de payer.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-10-16;juritext000006935008 ?
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