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16/10/1997 | FRANCE | N°1995-8671

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 octobre 1997, 1995-8671


Suivant acte sous seing privé en date des 31 octobre et 06 novembre 1961, la SCI LA COMETE a consenti à la société d'Exploitation du supermarché de Seine et Oise, aux droits de laquelle se trouve la SA AUX GALERIES DE LA CROISETTE, un bail sur un local à usage commercial situé à POISSY (78) à l'angle de la rue du Général de Gaulle nos 79 à 89 et du Boulevard Devaux n° 1, pour une durée de 30 ans à compter du 1er novembre 1961 .

Il a été prévu dans cette convention, un loyer annuel de 158.525 francs pour la période du 1er novembre 1961 au 31 décembre 1963, puis à pa

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Suivant acte sous seing privé en date des 31 octobre et 06 novembre 1961, la SCI LA COMETE a consenti à la société d'Exploitation du supermarché de Seine et Oise, aux droits de laquelle se trouve la SA AUX GALERIES DE LA CROISETTE, un bail sur un local à usage commercial situé à POISSY (78) à l'angle de la rue du Général de Gaulle nos 79 à 89 et du Boulevard Devaux n° 1, pour une durée de 30 ans à compter du 1er novembre 1961 .

Il a été prévu dans cette convention, un loyer annuel de 158.525 francs pour la période du 1er novembre 1961 au 31 décembre 1963, puis à partir du 1er janvier 1964 un loyer variable égal à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé dans les lieux par la preneuse, déterminé d'une façon définitive et pour le temps du bail restant à courir et de ses renouvellements éventuels et un loyer minimum garanti de 158.525 francs stipulé ni révisable, ni indexable, et porté à 162.350 francs selon avenant des 9 et 16 juillet 1962.

Par exploit du 25 septembre 1989, la propriétaire a donné congé à la locataire pour le 1er novembre 1991, avec offre de renouvellement, moyennant un loyer de 914.733,45 francs par an et y a annexé un projet de bail modifiant les conventions originaires.

La société AUX GALERIES DE LA CROISETTE ayant refusé la majoration du loyer et les modifications proposées, le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a été saisi à l'initiative de la société LA COMETE.

Par jugement avant dire droit du 27 septembre 1992, ce magistrat a désigné en qualité de consultant Monsieur X... aux fins d'avis sur la valeur locative en renouvellement au 1er novembre 1991.

L'appel relevé par la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE à l'encontre de cette décision a été déclaré irrecevable par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat de la 12ème Chambre de la Cour du 05 juillet 1994.

Le 06 mars 1995, Monsieur X... a déposé son rapport concluant à une valeur locative de 1.141.728 francs par an HT.

Par un second jugement rendu le 26 septembre 1995, le même juge a dit qu'à défaut d'accord exprès entre les parties sur la reconduction des clauses particulières du bail expiré, sur la fixation du prix, le retour à la valeur locative s'imposait, fixé à 1.141.728 francs HT le loyer annuel en renouvellement au 1er novembre 1991, dit que les intérêts légaux courront sur l'arriéré de loyers à compter du 1er novembre 1991, rejeté les prétentions au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et partagé par moitié entre les parties les dépens comprenant les frais de consultation.

Appelante de cette décision, la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE soutient que la volonté commune des parties affirmée lors de la signature du bail, comme tout au long de son exécution, a été de ne laisser subsister que le loyer variable, le loyer minimum garanti ayant vocation à s'appliquer uniquement pendant les premières années au cours desquelles la locataire a effectué les travaux de second oeuvre, puis a procédé à l'ouverture de son commerce et de pérenniser leur convention à l'occasion des renouvellements.

Elle en déduit que les parties ont ainsi entendu exclure les dispositions supplétives de l'article 23 du décret du 30 septembre 1953 pour prendre seulement en compte des notions économiques.

Elle ajoute que le principe du renouvellement d'un bail commercial aux clauses et conditions du bail expiré exclut, en l'espèce, la substitution de la clause recettes seule compatible avec son activité de magasin populaire à rayons multiples par un loyer fixé à la valeur locative qui aboutirait à rendre l'exploitation déficitaire.

Elle demande, en conséquence, à la Cour de dire que le renouvellement du bail à effet au 1er novembre 1991, interviendra aux mêmes clauses,

charges et conditions que le bail des 31 octobre et 06 novembre 1961 et que le loyer sera déterminé en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires réalisé par le preneur dans les lieux loués et selon la clause recettes antérieurement convenue.

Elle réclame, en outre, une indemnité de 20.000 francs HT en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société LA COMETE oppose que le loyer du bail échu a été convenu à compter du 1er janvier 1964 selon une structure binaire comportant outre le loyer variable, un prix minimum garanti au bailleur et qu'à aucun moment, les cocontractants n'y ont apporté une quelconque novation, ni décidé de renouveler le bail moyennant un prix fondé sur un seul pourcentage du chiffre d'affaires.

Elle observe que le principe du maintien des clauses du bail, en renouvellement dont la portée est limitée, ne peut faire obstacle à la fixation judiciaire du loyer conformément à l'article 23 du décret du 30 septembre 1953.

Elle souligne que les modalités de fixation du loyer poursuivies par la locataire ne sont pas conformes aux conventions, ni davantage aux dispositions de l'article 1134 du Code Civil.

Elle estime que le maintien du loyer variable n'exclurait nullement, en toute hypothèse, la fixation à la valeur locative du loyer fixé.

Après avoir relevé le prix dérisoire de 208.376,74 francs du loyer réglé en dernier lieu par la locataire, elle fait valoir que l'abattement pratiqué par l'expert ne peut pas être appliqué, compte tenu du prix déjà très inférieur de 800 francs le m proposé par ce dernier et de sa compensation avec les avantages inhabituels dont bénéficie la preneuse.

Elle conclut donc à la confirmation du jugement déféré du chef de la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative conformément aux articles 23 à 23-5 du décret du 30 septembre 1953, mais forme

appel incident pour le voir évaluer à la somme de 1.359.200 francs en principal à compter du 1er novembre 1991 et solliciter subsidiairement la fixation à ce même montant de l'élément minimum garanti.

Elle sollicite, en outre, les intérêts au taux légal sur tous les rappels de loyers depuis chacune des échéances contractuelles et une indemnité de 20.000 francs HT pour frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mai 1997.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant que les parties ont le pouvoir de fixer librement le prix d'un bail commercial, lors de sa conclusion, et de déterminer conventionnellement les modalités selon lesquelles le loyer du bail renouvelé sera fixé dès lors que les dispositions de l'article 35 du 30 septembre 1953 ne confèrent pas à celles des articles 23 à 23-9 un caractère impératif.

Considérant notamment que les clauses stipulant comme en l'espèce, un loyer calculé à partir d'un pourcentage du chiffre d'affaires avec un minimum garanti, sont valables.

Considérant que la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail doit s'opérer conformément à la convention des parties, ces dernières ayant voulu ne pas soumettre leurs relations à cet égard à l'application des articles susvisés auxquels elles ont entendu déroger, comme la faculté leur en était réservée.

Considérant que la force obligatoire d'un contrat exprimé par l'article 1134 du Code Civil, ne peut être envisagée qu'au vu de la situation existant au moment où la convention a été conclue.

Que le juge ne peut, sous prétexte d'interprétation, étendre et modifier les stipulations claires et précises que renferment les conventions et les adapter à une situation nouvelle qui n'entrait pas dans les prévisions des parties à la date où elles ont contracté.

Considérant qu'aux termes du bail en date des 31 octobre et 06 novembre 1961 et des avenants intervenus les 09 et 16 juillet 1962, 04 juillet 1968 et 15 et 23 septembre 1980, les locaux loués comprenaient originairement uniquement le gros oeuvre à l'exclusion de tous les travaux d'aménagement et de second oeuvre mis à la charge de la locataire ; que l'exploitation ne pouvant donc débuter immédiatement lors de la prise d'effet du bail le 1er novembre 1961, il a été prévu deux périodes distinctes, la première s'écoulant depuis cette date jusqu'au 31 décembre 1963 où le loyer annuel a été fixé à un certain montant d'abord de 158.525 francs, puis de 162.350 francs soit, selon les correspondances en date des 11 août 1961 et 1er décembre 1961 sur la base de 8 %, puis de 8,50 % des investissements du bailleur et la seconde, à partir du 1er janvier 1964 où les parties y ont substitué un loyer variable égal à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par la locataire au cours de l'année civile 1963, selon une formule consistant à rapporter la rentabilité d'investissements du chiffre d'affaires du preneur étant précisé que ce "pourcentage serait déterminé de façon définitive et pour tout le temps du bail restant à courir et de ses renouvellements éventuels" et prévu que le prix de base demeurerait le loyer minimum garanti, sans être révisable, ni indexable.

Considérant qu'il s'infère de ces dispositions, que les parties ont entendu choisir, lors de la signature du bail, un mode de détermination du loyer prenant en compte à la fois l'investissement du bailleur et le chiffre d'affaires réalisé par le preneur et le maintenir ultérieurement puisque les avenants conclus postérieurement procèdent seulement à des ajustements des bases de calcul sans remettre en cause la structure binaire d'un loyer variable en fonction du chiffre d'affaires assorti d'un prix minimum garanti, laquelle à l'instar de toutes les autres clauses et conditions

antérieures a toujours été stipulée comme demeurant inchangée.

Que le fait que ce prix n'ait pas été indexé à une époque où d'ailleurs un tel mode de fixation n'était pas courant, ni réactualisé hormis en 1962, ni encore facturé depuis 1967, ne peut valoir novation des engagements précis préalablement souscrits sur ce point, ni emporter renonciation non équivoque des parties à l'appliquer dans le cadre de la structure binaire dont il constitue l'un des deux éléments indissociables.

Considérant ainsi que la volonté commune des parties, clairement exprimée et réitérée a été de déterminer exclusivement le loyer sur des critères économiques non seulement pour la fixation d'origine, mais également pour les "renouvellements éventuels" puisqu'elles ont expressément spécifié qu'elles souhaitaient qu'à cette occasion, le pourcentage sur le chiffre d'affaires continue de s'appliquer.

Considérant, en outre, qu'en retenant, selon des stipulations non sujettes à interprétation ayant vocation à s'appliquer lors de la prise d'effet du bail initial comme de son renouvellement, un mode de détermination particulier du loyer, ne faisant aucune référence à la valeur locative telle qu'elle est définie par les articles 23 et suivants du décret du 30 septembre 1953, les parties ont nécessairement entendu déroger à ces dispositions légales.

Qu'elles n'ont d'ailleurs jamais évoqué cette notion de valeur locative dans aucune de leurs conventions tandis que la société LA COMETE, propriétaire qui recherche désormais unilatéralement son application, n'en avait pourtant pas fait état dans son congé, ni dans son mémoire en demande, mais seulement en tant que prétention subsidiaire dans son mémoire en réplique devant le premier juge.

Considérant que cette société ne peut utilement invoquer le pouvoir reconnu au juge des loyers commerciaux en matière de fixation du prix du bail pour prétendre, en l'espèce, à la fixation du loyer selon la

valeur locative au sens du décret du 30 septembre 1953, dès lors que ce pouvoir qui doit s'exercer dans le respect de la volonté clairement exprimée par les parties, ne saurait avoir pour objet de substituer un loyer classique au loyer financier qu'elles ont convenu, ni pour finalité de modifier l'économie du contrat qu'elles ont librement conclu.

Considérant que la société bailleresse ne peut davantage solliciter la fixation du minimum garanti à la valeur locative qui n'a jamais non plus été dans l'intention des parties et ruinerait leur volonté puisqu'en transformant ce minimum garanti en maximum garanti, elle priverait de toute efficacité la clause recettes ; qu'en outre, le loyer ayant été déterminé selon deux composantes indivisibles et des modalités étrangères aux éléments de nature à établir la valeur locative, définis par l'article 23 du décret du 30 septembre 1953, il serait antinomique d'appliquer ces deux notions simultanément, comme de soumettre une partie du loyer à l'appréciation judiciaire tout en laissant l'autre à celle des cocontractants, dont la convention serait alors dénaturée.

Considérant dans ces conditions, que le renouvellement du bail au 1er novembre 1991 devant donc intervenir aux clauses et conditions du bail expiré, en ce compris les modalités de détermination du loyer dérogatoire aux articles 23 et suivants du décret du 30 septembre 1953, la société LA COMETE doit donc être déboutée de toutes ses prétentions et le jugement intégralement infirmé.

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société AUX GALERIES DE LA CROISETTE une somme de 20.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, laquelle eu égard à son caractère indemnitaire n'est pas soumise à la TVA.

Considérant que l'intimée qui succombe en toutes ses demandes et supportera les entiers dépens des deux instances, n'est pas fondée en

sa prétention au même titre. PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- Dit que le renouvellement au 1er novembre 1991 du bail commercial conclu entre la SCI LA COMETE SA et la SA AUX GALERIES DE LA CROISETTE doit s'opérer aux clauses et conditions du bail expiré en ce compris la détermination du loyer dont les modalités sont dérogatoires aux articles 23 et suivants du décret du 30 septembre 1953,

- Déboute en conséquence la SCI LA COMETE SA de toutes ses prétentions,

- La condamne à verser à la SA AUX GALERIES DE LA CROISETTE une indemnité de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Rejette sa demande sur le même fondement,

- La condamne aux dépens des deux instances comprenant les frais de consultation et autorise Maître BOMMART, Avoué, à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER ET PRONONCE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE

POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ A. PECHE-MONTREUIL

A. MARON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-8671
Date de la décision : 16/10/1997

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Prix - Fixation du loyer du bail renouvelé

Un bailleur ne peut prétendre, à l'occasion du renouvellement d'un bail commercial, substituer aux clauses originelles du contrat relatives au calcul du montant du loyer les dispositions supplétives de l'articles 23 du décret du 30 septembre 1953, alors que les parties ont toujours entendu expressément exclure toute référence à la valeur locative et que la force obligatoire des conventions posée par l'article 1134 du Code civil ne permet pas au juge d'interpréter les clauses claires et précises qu'elles contiennent ou de les adapter à une situation nouvelle, étrangère aux prévisions des parties à la date où elles ont contracté


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-10-16;1995.8671 ?
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