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08/10/1997 | FRANCE | N°1997-41

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 octobre 1997, 1997-41


Jean-Louis X... a été engagé par la Compagnie Foncière des Champs Elysées, selon contrat du 31 Mai 1979, en qualité de Directeur Adjoint.

La Compagnie Foncière des Champs Elysées était alors une holding contrôlant les activités immobilières de la Banque Crédit Commercial de France et avait une participation dans la Société INTERBAIL. Par courrier du 22 Décembre 1982, Jean-Louis X... était engagé par la Société INTERBAIL, à compter du 1er Janvier 1983, en qualité de directeur adjoint, position hors classe de la convention collective des banques, avec pour mission d

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Jean-Louis X... a été engagé par la Compagnie Foncière des Champs Elysées, selon contrat du 31 Mai 1979, en qualité de Directeur Adjoint.

La Compagnie Foncière des Champs Elysées était alors une holding contrôlant les activités immobilières de la Banque Crédit Commercial de France et avait une participation dans la Société INTERBAIL. Par courrier du 22 Décembre 1982, Jean-Louis X... était engagé par la Société INTERBAIL, à compter du 1er Janvier 1983, en qualité de directeur adjoint, position hors classe de la convention collective des banques, avec pour mission de développer des activités de suivi et de prospection de la clientèle de crédit bail et de location. Il était spécifié que son contrat de travail avec la Compagnie Foncière des Champs Elysées était maintenu en application de l'article L 122-12, 2ème alinéa du Code du Travail. Il se voyait également confier la présidence, puis la direction générale d'une filiale du groupe C.C.F orientée vers les économies d'énergie.

A partir de 1986, par suite de diverses modifications, l'influence du C.C.F sur Interbail allait disparaître et de ce moment jusqu'en 1988, la direction de cette société était renouvelée et modifiée.

A côté de ses activités professionnelles, Jean-Louis X... exerçait des fonctions politiques, en particulier, depuis 1983, il était conseiller de PARIS, élu du 20ème arrondissement de PARIS, de 1983 à 1989 Adjoint au Maire de cet arrondissement. Il était Vice Président de la la 6ème commission du Conseil de PARIS, et Administrateur de deux Sociétés d'économie mixte et Vice Président Délégué de l'une d'entre elles. Il est à noter que les Conseillers municipaux de PARIS sont également Conseillers Généraux du département.

Par lettre recommandée datée du 5 Mai 1989, Jean-Louis X... prenait acte de la rupture de son contrat de travail du fait de son employeur, ajoutant que la situation qui avait été créée ne lui

permettait pas d'effectuer son préavis, mais qu'il réglerait les affaires en cours jusqu'au 31 Mai.

Par lettre recommandée datée du 19 Mai 1989, la Société INTERBAIL répondant point par point à la lettre susvisée, contestait les griefs de Jean-Louis X... à son encontre et, estimant qu'il avait décidé de quitter l'entreprise de son plein gré, prenait acte de sa démission, formant enfin toutes réserves quant à sa prétention de ne pas effectuer intégralement son préavis.

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Jean-Louis X... a saisi le Bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes le 31 Mai 1989 des demandes en paiement de : - 386.421,00 F d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts de droit à compter du 6 Août 1989, - 86.944,73 F d'indemnité compensatrice de préavis, - 4.816,94 F de solde de congés payés avec intérêts de droit à compter du 6 Avril 1989, - 293.139,24 F d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 20.000,00 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

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Par jugement en date du 21 Septembre 1990 le Conseil de Prud'hommes de PARIS a : - Débouté Monsieur X... de l'ensemble de sa demande, - Condamné Monsieur X... à verser à la société INTERBAIL la somme de : - 80.000,00 F (QUATRE VINGT MILLE FRANCS) à titre de préavis non effectué avec intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande reconventionnelle et jusqu'au jour du paiement, - Rappelé qu'en vertu de l'article R 516-37 du Code du Travail, cette condamnation est exécutoire de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de

36.872,00 F, - Débouté la Société INTERBAIL du surplus de sa demande reconventionnelle.

Le jugement l'a débouté au motif que dans la lettre de prise d'acte de la rupture, Jean-Louis X... reprochait essentiellement à son employeur d'avoir imposé des restructurations illégales d'exercice de ses mandats électoraux, alors qu'il n'avait antérieurement élevé aucune protestation ; que si jusqu'en 1987 il avait toutes facilités d'horaire et qu'à partir du 4 Juin 1987 la Société INTERBAIL lui avait confirmé par écrit qu'il pourrait être absent le jeudi matin sans réduction de salaire, cette modification ne constituait pas une modification substantielle du contrat de travail ; que dans ces conditions la rupture du contrat lui incombait.

Le jugement retient encore que les deux observations qu'il avait reçues étaient justifiées et ne constituaient pas des brimades. Enfin, que s'étant dispensé lui-même d'effectuer le préavis, il le devait à son employeur.

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Monsieur X... a relevé appel de cette décision.

Devant la Cour, Jean-Louis X... a sollicité l'infirmation du jugement et a repris ses demandes telles qu'elles étaient présentées en première instance à l'exception de l'indemnité compensatrice de préavis qu'il a ramené à 86.816,94 F, et la demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile qu'il a porté à 50.000 F.

La Société INTERBAIL a sollicité la confirmation du jugement et a demandé en outre de condamner Jean-Louis X... à lui payer 25.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par arrêt du 9 Décembre 1993 la Cour d'appel de PARIS a :

Confirmé le jugement soumis à l'examen,

Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Condamné Jean-Louis X... aux entiers dépens.

Les juges d'appel relevaient, notamment, que la note du 4 Juin 1987 de l'employeur ne permettait pas de respecter les obligations prévues par les articles L 121-24 du Code des Communes et 19 de la loi du 10 Août 1971, que toutefois l'inobservation de ces textes est sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts et que Monsieur X... a toujours été payé à temps plein.

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La Société INTERBAIL mettait à exécution cet arrêt alors qu'elle avait renoncé à l'exécution de la décision de première instance pourtant assortie de l'exécution provisoire.

Monsieur X... réglait alors à la Société INTERBAIL la somme de 80.000 F à laquelle il avait été condamné à titre de préavis non effectué.

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Monsieur X... formait un pourvoi à l'encontre de cet arrêt, essentiellement fondé sur le fait que la Société INTERBAIL ne lui avait pas laissé le temps nécessaire pour participer aux séances du Conseil Municipal et du Conseil Général de PARIS et des commissions qui en dépendent comme la Cour d'appel de PARIS l'avait constaté et qu'ainsi ces manquements devaient rendre responsable l'employeur de la rupture du contrat de travail dont Monsieur X... avait été contraint de prendre acte.

Par un arrêt en date du 28 Octobre 1996 la Chambre sociale de la Cour de cassation cassait et annulait en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 9 Décembre 1993 par la Cour d'appel de PARIS.

Elle relevait en effet que dès lors que la Cour d'appel avait constaté que la Société INTERBAIL avait, en violation des articles L 121-24 du Code des Communes et 19 de la Loi du 10 Août 1971, fait obstacle à l'exercice par Monsieur X... de ses mandats électifs elle devait se voir imputer la rupture du contrat de travail, l'inobservation des textes précités n'étant pas sanctionnée exclusivement par l'allocation de dommages et intérêts.

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L'arrêt de cassation a été notifié le 28 Novembre 1996 à Monsieur X... qui a régulièrement saisi la Cour de renvoi le 18 Décembre 1996.

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*]

Monsieur X... fait valoir que :

- La Société INTERBAIL l'a empêché d'exercer ses mandats électifs de conseiller municipal et de conseiller général de PARIS.

- L'entrave à l'exercice des mandats électifs a été en outre accompagnée de brimades et d'actes discriminatoires.

Monsieur X... demande à la Cour de :

Dire et juger que la responsabilité de la rupture du contrat de travail intervenue à l'initiative de Monsieur X... est imputable à la Société INTERBAIL,

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamner la Société INTERBAIL à payer à Monsieur X... : - la somme de 40.000 F à titre de dommages et intérêts pour avertissement notifié de façon notoirement abusive le 6 Juillet 1988, - la somme de 386.421 F à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - la somme de 86.944,73 F à titre d'indemnité complémentaire de préavis, -

la somme de 4.816,94 F à titre de solde d'indemnité de congés payés, - la somme de 439.719,66 F à titre d'indemnité pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse et imputable à l'employeur.

Dire que ces cinq sommes seront assorties des intérêts légaux à compter du 31 Mai 1989 et que ces intérêts seront capitalisés en application de l'article 1154 du Code Civil pour ceux qui seront dus pour une année entière,

Condamner la Société INTERBAIL à restituer à Monsieur X... la somme de 80.000 F qu'il lui a versé indûment le 1er Avril 1994,

Dire que cette dernière somme sera assortie des intérêts légaux à compter du 1er Avril 1994 et que ces intérêts seront capitalisés pour ceux dus pour une année entière en application de l'article 1154 du Code Civil,

Condamner enfin la Société INTERBAIL à payer à Monsieur X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile la somme de 121.000 F.

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*

La Société INTERBAIL réplique que :

- Qu'elle n'a jamais empêché Monsieur X... d'exercer ses fonctions électives,

- La note du 4 Juin 1987 n'a jamais été appliquée strictement et n'avait pas été rédigée avec la volonté de restreindre l'exercice des mandats électifs de Monsieur X...,

- Monsieur X... disposait d'une totale liberté d'action et ne faisait l'objet d'aucun contrôle de la part de ses supérieurs,

- les prétextes invoqués par Monsieur X... à l'appui de sa démission sont fallacieux,

- Monsieur X... ne fut l'objet d'aucune brimade.

La Société INTERBAIL demande à la Cour de :

* Débouter Monsieur X... de toutes ses demandes ;

* Le condamner à payer à la Société INTERBAIL la somme de 80.000 F au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non effectué ;

* Le condamner au paiement de la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

* Le condamner aux entiers dépens.

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*

SUR CE

Il résulte des explications des parties et des pièces produites ce qui suit :

LES OBLIGATIONS DE LA SOCIETE INTERBAIL A L'EGARD DE MONSIEUR X... EN MATIERE D'EXERCICE DE SES MANDATS ELECTIFS DE CONSEILLER MUNICIPAL ET DE CONSEILLER GENERAL E PARIS

L'article L 121-24 du Code des Communes dispose :

"Les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur "entreprise, membres d'un Conseil Municipal, le temps nécessaire pour "participer aux séances plénières de ce Conseil ou des Commissions qui en "dépendent.

"Le temps passé par les salariés aux différentes séances du Conseil "et des Commissions en dépendant ne leur est pas payé comme temps de "travail. Ce temps peut être remplacé.

"La suspension de travail prévue au présent article ne peut être une "cause de rupture par l'employeur du contrat de louage de services et ce, à "peine de dommages et intérêts au profit du salarié".

L'article 19 de la loi du 10 Août 1871, applicable au moment des faits comportait des dispositions identiques.

Il résulte de ces textes que les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise, membres d'un Conseil Municipal ou d'un

Conseil Général, le temps nécessaire pour participer aux séances plénières de ces conseils ou des commissions qui en dépendent.

Monsieur Jean-Louis X... a été du 19 Mars 1983 jusqu'en 1995 conseiller de PARIS c'est à dire conseiller municipal de PARIS et conseiller général du département de PARIS.

De 1983 à 1989, il a été élu par le Conseil du 20ème arrondissement de PARIS, 2ème adjoint au Maire chargé de la Construction et de l'Urbanisme.

La population du 20ème arrondissement était au moment des faits de l'ordre de 180.000 habitants.

Ces mandats électoraux l'obligeaient également à participer à un certain nombre de commissions diverses qui ont été précédemment énumérées.

Jusqu'en 1987 et tout particulièrement jusqu'au 4 Juin 1987, la Société INTERBAIL a laissé Monsieur Jean-Louis X... exercer normalement ses mandats électoraux conformément aux dispositions légales précitées.

Mais par note du 4 Juin 1987 l'employeur faisait connaître à Monsieur X... ce qui suit :

"J'ai fait part au Président du Directoire de l'entretien que nous avons eu ensemble la semaine dernière à propos de votre emploi du temps chez INTERBAIL.

Nous sommes d'accord, et selon vos convenances, pour que vous soyez absent le jeudi matin afin d'assurer vos engagements extra professionnels.

Compte tenu de cette tolérance, nous nous devons d'insister pour que vous respectiez les horaires habituels de notre maison".

Si Monsieur MARECHAL Y..., directeur général d'INTERBAIL, accordait à Monsieur X... la libre disposition de ses jeudis matins, il exigeait de lui pour le reste du temps le strict respect des horaires

de l'entreprise.

Il est bien évident que cette restriction imposée soudainement par l'employeur ne permettait plus à Monsieur Jean-Louis X... d'exercer normalement ses mandats électoraux et notamment de participer à l'ensemble des réunions du Conseil Municipal et du Conseil Général et des commissions.

Monsieur X... produit les attestations de Monsieur Didier Z..., ancien secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères, député du 20ème arrondissement de PARIS, de Monsieur Yves A..., Ministre du Commerce Extérieur, vice-président du Parlement Européen, et de Monsieur Jean-Loup B..., Maire Adjoint de PARIS, vice-président du Conseil Régional d'Ile de France.

Dans son attestation, Monsieur A... indique notamment que Monsieur Jean-Louis X... a cessé à partir de la mi-1987 de participer régulièrement aux réunions du Conseil de PARIS, de la 6ème Commission du Conseil de PARIS (présidée par Monsieur A...) et des réunions de travail tenues à l'Hôtel de Ville de PARIS.

La situation a rapidement empiré, Monsieur Jean-Louis X... lui indiquant :

- Que son employeur souhaitait qu'il cesse ses activités publiques,

- que son employeur refusait d'appliquer les textes assurant la protection des élus, pourtant d'ordre public, et de réduire en conséquence son salaire en fonction du temps passé dans l'entreprise, en l'obligeant à choisir entre son travail salarié et la politique.

Monsieur A... rappelle en outre :

- les absences répétées de Monsieur Jean-Louis X... au cours du 2ème semestre 1988 et du 1er semestre 1989 aux réunions de l'Hôtel de Ville,

- son impossibilité de participer pleinement aux réunions du Conseil de PARIS (qui durent toute la journée), son employeur lui interdisant

de s'absenter plus d'une heure ou deux,

- l'annonce par Monsieur Jean-Louis X..., en Mars 1989, de sa renonciation malgré sa réélection à son poste d'Adjoint au Maire du 20ème arrondissement au motif que son entreprise lui avait promis, contre ce renoncement, de le laisser exercer ses fonctions de Conseiller de PARIS.

Les faits relatés par Monsieur Z... vont dans le même sens.

C'est ainsi qu'il déclare :

"Monsieur Jean-Louis X... s'est de plus en plus fait excuser "pour ses absences.

"Monsieur Jean-Louis X... en est même venu, fin 1988 début "1989 à n'assister que quelques instants aux réunions mensuelles du Conseil "de PARIS pour signer la feuille de présence.

"Monsieur Jean-Louis X..., à qui j'en faisais le reproche, "m'a annoncé que la société où il travaillait, qui faisait partie, à l'origine, "du groupe CCF, avait quitté ce groupe et que les nouveaux dirigeants "cherchaient à le faire partir en l'empêchant d'exercer ses mandats, et en "plus, en lui confiant des tâches subalternes très prenantes.

"J'ai dit à Monsieur X... qu'il touchait une indemnité, qu'il "n'avait qu'à demander en application des textes assurant la protection des "élus et prévoyant une réduction de salaire proportionnelle au temps passé, "dont l'indemnité de Conseiller de PARIS est la contrepartie.

"Il m'a dit que sa société s'y refusait".

Il poursuit de la façon suivante :

"Lorsqu'il m'a annoncé en Mars 1989 que sa société lui avait fait "promettre de renoncer à son poste d'Adjoint s'il était réélu, je me suis "rendu compte que la situation était vraiment très difficile pour Monsieur "X..., car il est rarissime qu'un élu refuse les

mandats qui lui sont "offerts.

"Je lui ai conseillé de refuser ce chantage. Mais Monsieur "X..., âgé de 51 ans en 1989, espérait que sa situation "professionnelle, moyennant ce sacrifice, s'améliorerait.

"Il n'en a rien été, et la situation en Avril 1989 a été pire "qu'auparavant, Monsieur X... était invisible tant à la Mairie du "20ème arrondissement qu'à l'Hôtel de Ville de PARIS".

La preuve que ces restrictions illégalement imposées par l'employeur et de l'impossibilité pour Monsieur Jean-Louis X... d'exercer ses mandats électoraux qui en est résulté est également apportée par l'attestation de Madame Fabienne C..., assistante de direction ayant travaillé à INTERBAIL de 1973 à 1989.

Madame C... indique notamment qu'après le départ de Monsieur D... à la BANQUE HERVET, la nouvelle direction de la Société INTERBAIL s'est efforcée d'empêcher Monsieur Jean-Louis X... de se rendre à ses réunions en lui donnant au dernier moment des rendez-vous ou des travaux à effectuer, l'empêchant ainsi d'exercer ses fonctions d'élu.

Dans ces conditions l'employeur qui a imposé à Monsieur X... des restrictions illégales d'exercice de ses mandats électoraux a rendu impossible, pour le salarié, la poursuite de son contrat de travail et doit se voir imputer la responsabilité de la rupture du contrat de travail.

Sur les brimades destinées à provoquer la démission de Monsieur X...

Monsieur X... prétend avoir été écarté de la présidence de la BANQUE ENERGIE SA alors qu'en réalité cette banque n'a jamais eu l'occasion de fonctionner en tant que telle dans le cadre de son objet initial, à savoir le financement d'énergie ;

Le C.C.F, actionnaire principal, a décidé par la suite d'affecter

cette structure, à d'autres emplois c'est dans ce contexte qu'était nommé un nouveau Président ;

A l'époque, jamais Monsieur X... ne s'est plaint de cette situation ;

Il est resté Administrateur de la Banque (devenue ELYSEES-BAIL).

Monsieur X... se plaint également de s'être vu interposer deux échelons hiérarchiques entre le Président de la Société INTERBAIL et lui-même ;

Ce renforcement de la Direction d'INTERBAIL a été rendu nécessaire par l'augmentation du chiffre d'affaires ;

Monsieur X... soutient également que les tâches à lui confiées auraient perdu peu à peu de leur importance jusqu'à devenir, pour partie, pratiquement subalternes ;

La Société INTERBAIL rappelle à bon droit :

Que le travail de Monsieur X... a toujours comporté un certain nombre de tâches administratives ;

Qu'à cet égard, il se trouve qu'à la fin des années 1980, sont venus à échéance un certain nombre de contrats de crédit-bail et de location qui avaient été conclus dix ans auparavant et ont donc posé les problèmes - classiques en la matière - de levée d'option et d'acquisition ;

Que ces problèmes sont importants et appellent une appréhension non seulement commerciale mais également technique et administrative ;

Qu'il n'est pas besoin d'insister ici sur la nécessité de l'intervention à l'instruction de ce dossier du Responsable commercial en charge de la relation avec le client comme s'y appliquaient normalement tous les autres cadres commerciaux d'INTERBAIL collègues de Monsieur X... chacun pour le dossier client dont il était responsable ;

Qu'il convient d'ajouter qu'un certain nombre de dossiers donnaient lieu - c'est inévitable - à des contentieux liés par exemple à l'évolution de la situation du client, et nécessitant là aussi l'intervention du Responsable commercial intéressé ;

Que ces tâches n'avaient nullement un caractère subalterne ;

Monsieur X... se plaint d'avoir été écarté du Comité des engagements de INTERBAIL, qu'il aurait ainsi été coupé des nécessaires sources d'information ;

Ce Comité qui permettait l'étude des dossiers en cours a été scindé en deux parties en 1989 ; un Comité de crédit proprement dit composé de membres du Directoire et du Directeur Central Commercial et une réunion "SICOMI" comprenant les autres cadres et dont faisait évidemment partie Monsieur X... ;

L'unique attestation de Madame Fabienne C... n'établit pas le bien fondé des brimades invoquées par Monsieur X... à l'occasion des élections municipales de 1989 ;

La Société INTERBAIL précise, en ce qui concerne l'incident d'Avril 1989 que la lettre préparée par Monsieur X... concernait un client très important VALEO, que cette lettre a été rédigée sans avoir contacté le client qui en avait pourtant manifesté le désir ; que Monsieur E..., Directeur Général a rédigé une simple note justifiée par les circonstances.

Sur l'avertissement du 6 Juillet 1988

L'avertissement est justifié uniquement parce qu'un client très important avait pris un rendez-vous et que Monsieur X... a fait répondre par sa secrétaire au Directeur Commercial qu'il n'était pas disponible.

Il n'est établi aucune malveillance de l'employeur pour Monsieur X... qui, au demeurant, à l'époque des faits n'a pas sollicité le retrait de cet avertissement.

Il y a donc lieu de réformer le jugement déféré ; de faire droit aux demandes justifiées de Monsieur X... en ce qui concerne les indemnités conventionnelles de licenciement, complémentaire de préavis et d'allouer à Monsieur X... la somme de 150.000 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Monsieur X... ne peut prétendre à un complément de congés payés dans la mesure où les gratifications n'ont pas à être incluses dans l'assiette du calcul de l'indemnité compensatrice dès qu'est appliquée la règle du douzième.

Par contre Monsieur X... a droit à la restitution de la somme de 80.000 F à laquelle il a été condamné par le Conseil de Prud'hommes pour préavis non effectué et qu'il a réglé à la Société INTERBAIL le 1er Avril 1994.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... les frais hors dépens et il y a lieu de lui allouer la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, en audience solennelle, Vu l'arrêt de renvoi en date du 28 Octobre 1996,

REFORME le jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS en date du 21 Septembre 1990,

Condamne la Société INTERBAIL à payer à Monsieur X... les sommes de : - 386.421 F à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - 86.944 F à titre d'indemnité complémentaire de préavis, -150.000 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle

et sérieuse avec intérêts de droit à compter du 31 Mai 1989, - 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la Société INTERBAIL à restituer à Monsieur X... la somme de 80.000 F avec intérêts de droit à compter du 1er Avril 1994, calculés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

Déboute Monsieur X... de ses autres demandes,

Condamne la Société INTERBAIL aux dépens.

Et ont signé le présent arrêt, Monsieur JEANNOUTOT, Président, et Monsieur F..., Greffier en Chef. Chambres sociales réunies, Président Monsieur JEANNOUTOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-41
Date de la décision : 08/10/1997

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Imputabilité - Imputabilité à l'employeur

Dès lors que les dispositions d'ordre public des articles L121-24 du Code des Communes et 19 de la loi du 10 août 1871 reconnaissent au salarié membre d'un conseil municipal le droit de disposer du temps nécessaire pour participer aux séances plénières du conseil ainsi qu'aux commissions qui en dépendent, sans autre limitation que la défalcation du salaire du temps non travaillé, les restrictions à l'exercice du mandat électif, imposées par l'employeur, ne peuvent se résoudre par l'allocation de dommages et intérêts au salarié démissionnaire mis dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat de travail. La responsabilité de la rupture du contrat de travail doit être imputée à l'employeur qui, en limitant illégalement à une demi journée par semaine les absences tolérables de son salarié conseiller municipal, a rendu impossible la poursuite du contrat de travail et a conduit ce dernier à démissionner


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-10-08;1997.41 ?
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