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26/09/1997 | FRANCE | N°1996-2406

France | France, Cour d'appel de Versailles, 26 septembre 1997, 1996-2406


Le 7 mai 1993, la société COFINOGA a consenti à Madame Marie-France X... un prêt personnel d'un montant de 100.000 Francs, remboursable en 60 mensualités de 2.695,52 Francs, au taux de 17,20 % l'an. Monsieur Jean-Yves X... a signé ce contrat en qualité de co-emprunteur. Le même jour, Madame X... a souscrit un contrat d'assurance-groupe auprès de la Compagnie d'assurances ALICO, pour décès, interruption pour maladie et accident, et perte d'emploi.

Le 27 mai 1994, Madame X... a trouvé la mort dans un accident de voiture.

Les mensualités de remboursement du prêt n'ay

ant plus été versées depuis avril 1994, par lettre recommandée adressée l...

Le 7 mai 1993, la société COFINOGA a consenti à Madame Marie-France X... un prêt personnel d'un montant de 100.000 Francs, remboursable en 60 mensualités de 2.695,52 Francs, au taux de 17,20 % l'an. Monsieur Jean-Yves X... a signé ce contrat en qualité de co-emprunteur. Le même jour, Madame X... a souscrit un contrat d'assurance-groupe auprès de la Compagnie d'assurances ALICO, pour décès, interruption pour maladie et accident, et perte d'emploi.

Le 27 mai 1994, Madame X... a trouvé la mort dans un accident de voiture.

Les mensualités de remboursement du prêt n'ayant plus été versées depuis avril 1994, par lettre recommandée adressée le 26 janvier 1995, la société COFINOGA a fixé la déchéance du terme au 19 septembre 1994 et mis Monsieur X... en demeure de lui payer la somme de 107.383,60 Francs.

Le 28 février 1995, la société COFINOGA a fait assigner Monsieur X... devant le tribunal d'instance de DREUX, afin de le voir condamner à lui payer, avec exécution provisoire, outre les dépens : - la somme de 107.383,60 Francs avec intérêts au taux conventionnelle à compter du 26 janvier 1995,

- les intérêts capitalisés pour une année entière au même taux,

- la somme de 2.500 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 25 avril 1995, Monsieur X... a assigné la Compagnie d'Assurances

ALICO, pour la voir condamner à le garantir de toute condamnation en principal, intérêts et frais qui pourrait être prononcée contre lui. La compagnie d'assurances ALICO s'est opposée à garantir Monsieur X... au motif que son épouse aurait mis fin volontairement à ses jours, moins de deux ans après la signature du contrat.

Elle a demandé au tribunal à être mise hors de cause et subsidiairement à ne garantir l'ayant droit de l'assurée que des sommes dues à compter du jour de l'accident. Elle a également sollicité la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 5 décembre 1995, le tribunal d'instance de DREUX a rendu la décision suivante :

- condamne Monsieur X... à payer à la SA COFINOGA les sommes suivantes :

[* 95.839,10 Francs avec intérêts au taux de 17,20 % à compter du 26 janvier 1995,

*] 6.483,27 Francs avec intérêts au taux légal à compter du même jour, - dit n'y avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts,

- dit que la Compagnie d'assurances ALICO garantira Monsieur X... des condamnations ci-dessus, à hauteur de 86.192,83 Francs,

- déboute les sociétés COFINOGA et ALICO de leurs demandes fondées

sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par Monsieur X... et la Compagnie d'assurances ALICO,

- ordonne l'exécution pour moitié des condamnations prononcées.

Le 31 janvier 1996, la Compagnie AIG VIE FRANCE (anciennement dénommée ALICO) a interjeté appel.

Elle fait valoir qu'il était indiqué sur la notice d'information nécessairement remise à Madame X..., qui en a pris connaissance ainsi que cela résulte de l'offre de prêt signée par les époux X..., qu'était exclu de la garantie le décès survenu par suicide au cours des deux années suivant l'adhésion ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que Madame X... a décidé de mettre fin à ses jours, en cherchant délibérément à entrer en collision avec un ensemble routier venant en sens inverse et qu'elle a ainsi trouvé la mort.

Elle demande à la Cour de :

- déclarer l'appel de la compagnie d'assurances ALICO recevable et bien fondée,

- dire et juger que Madame X... a mis délibérément fin à ses jours,

- dire et juger que le suicide survenu dans les deux années suivant l'adhésion au contrat d'assurances est exclu contractuellement,

- mettre hors de cause la compagnie d'assurances ALICO,

En conséquence,

- réformer la décision rendue par le tribunal d'instance de DREUX en ce qu'il a estimé que Madame X... n'avait pas mis fin à ses jours, A titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger, si par impossible la Compagnie d'assurances ALICO devait être condamnée à relever et garantir Monsieur X..., que l'indemnisation ne saurait être supérieure au montant de la dette existant au jour du sinistre à savoir la somme de 86.192,83 Francs,

- condamner Monsieur X... à verser à la Compagnie d'assurances ALICO la somme de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP KEIME ET GUTTIN, Avoués, en vertu de l'article de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions additionnelles signifiées le 7 mai 1997, la Compagnie d'assurances ALICO a sollicité, en outre, la condamnation de la société COFINOGA à lui restituer la somme de 43.096,42 Francs, versée directement entre ses mains en règlement des condamnations prononcées au titre de l'exécution provisoire.

Monsieur X... réplique que la notice d'information dont se prévaut la Compagnie d'assurances ALICO et qu'elle verse aux débats, n'a jamais été portée à sa connaissance, ni à celle de son épouse; que

d'ailleurs, contrairement à ce que soutient la Compagnie d'assurances ALICO, ni sa signature, ni celle de Madame X... n'y figurent de sorte que rien ne permet d'affirmer que la notice produite est conforme à celle qui leur aurait été remise ; que cette notice ne lui est donc pas opposable ; que la clause d'exclusion de garantie qui y figure doit être écartée ;

Monsieur X... souligne que c'est à bon droit que le tribunal d'instance a estimé que rien ne permet d'affirmer que son épouse a mis fin volontairement à ses jours, les présomptions existantes n'établissant pas qu'elle s'est suicidée en percutant volontairement un véhicule qui venait en sens inverse.

Il fait valoir que la Compagnie d'assurances ALICO lui a causé un préjudice moral en faisant appel, éveillant chez lui les mauvais souvenirs liés au décès de son épouse.

Il demande à la Cour de :

- déclarer tant irrecevable que mal fondé l'appel interjeté par la Compagnie d'assurances ALICO,

- l'en débouter,

Ce faisant,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la Compagnie d'assurances ALICO à verser à Monsieur X... la somme de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts, compte-tenu du préjudice moral subit par Monsieur X... et du caractère abusif de la présente procédure,

- condamner la Compagnie d'assurances ALICO à verser à Monsieur X... la somme de 15.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner la Compagnie d'assurances ALICO aux entiers dépens tant en première instance qu'en appel, lesquels seront directement recouvrés par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La société COFINOGA expose que sa créance n'est contestée ni dans son principe, ni dans son montant ; qu'aux termes de l'offre de crédit du 7 mai 1993, Madame X... a expressément reconnu avoir pris connaissance de la notice d'information sur l'assurance facultative ; que Monsieur X... a également paraphé ces mentions ; qu'elle établit ainsi avoir remis cette notice.

La société COFINOGA demande à la Cour de :

- donner acte à la société COFINOGA de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien fondé de l'appel interjeté par la Compagnie d'assurances ALICO,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de DREUX le 5 décembre 1995,

Y ajoutant,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus, année par année, à compter du 28 février 1994,

- condamner solidairement Monsieur X... à verser à la société COFINOGA la somme de 12.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Monsieur X... et la compagnie d'assurances ALICO aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction est requise au profit de la SCP, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 12 juin 1997. A l'audience du 26 juin 1997, l'affaire a été plaidée pour la Compagnie AIG VIE FRANCE (anciennement ALICO) et la société COFINOGA, tandis que Monsieur X... faisait déposer son dossier.

SUR CE LA COUR

1) Sur les sommes dues par M. X... à la société COFINOGA :

Considérant qu'il n'est fait aucun grief au jugement déféré en ce qu'il a porté condamnation à paiement de Monsieur X... envers la société COFINOGA ;

Considérant qu'en revanche, la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, prévue par l'article 1154 du code civil, n'est soumise à aucune autre condition, dès lors qu'elle est demandée par le créancier ; qu'il convient donc de faire droit à la demande de la société COFINOGA à ce titre ;

2) Sur la communication de la notice d'information :

Considérant que l'obligation de communiquer cette notice à l'adhérent à la police d'assurances incombait à la société COFINOGA ; qu'il est indiqué sur la partie pré-imprimée du contrat de prêt du 7 mai 1993, au paragraphe assurance facultative, que l'emprunteur "reconnaît satisfaire aux conditions ci-dessus et avoir pris connaissance de la notice d'information sur l'assurance facultative" ; que Madame X... a souscrit à cette assurance facultative et a porté sa signature au bas de ce paragraphe ; que Monsieur X..., a également signé au bas de ce paragraphe ;

Considérant que cette mention fait certes seulement présumer que

Madame X... a pris connaissance de cette notice, mais non qu'elle lui a été remise en même temps qu'un exemplaire du contrat de prêt ; que néanmoins, Monsieur X... ne rapporte pas la preuve contraire, qui lui incombe, de la non communication de cette notice à son épouse ; que la Cour écarte donc son argumentation sur ce point ; que par conséquent, les exclusions de garantie prévues par cette notice d'information sont opposables à Monsieur X..., notamment celle tirée d'un suicide survenu moins de deux ans après l'adhésion ;

3) Sur les causes de la mort de Madame X... :

Considérant que l'appelante verse au dossier la copie des procès-verbaux de l'enquête préliminaire menée par la Gendarmerie d'EVREUX à la suite de l'accident mortel de circulation dont Madame X... a été la victime ; qu'il convient de remarquer que cette copie est parfaitement lisible, à l'exception de la première page du procès-verbal d'audition du chauffeur du camion, seul témoin des faits, laquelle est totalement illisible ; qu'au paragraphe "circonstances", les gendarmes ont indiqué que Madame X... entamait une manoeuvre de dépassement et circulait sur la partie gauche de la chaussée, lorsqu'est arrivé en face l'ensemble routier et qu'elle ne s'est pas alors rabattue sur sa droite ; qu'ils écrivent également qu'elle a cherché délibérément à entrer en collision avec l'ensemble routier ; que néanmoins, cette appréciation subjective ne s'appuie

pas sur des constatations matérielles, mais est manifestement induite par la découverte sur la victime de la lettre manuscrite par laquelle elle déclare son intention de mettre fin à ses jours ; que les gendarmes n'ont pas alors poursuivi leurs investigations, pour déterminer quel était le véhicule dont Madame X... avait entamé le dépassement ;

Considérant que pour sa part, Monsieur X... produit un article de journal relatant cet accident ; qu'il y est indiqué que la route est dangereuse en raison de son étroitesse qui la rend obsolète mais que la visibilité y est bonne ; que cet article précise que cet accident est le second en deux jours à moins d'un kilomètre du premier ; que cette information permet de douter sérieusement du caractère volontairement provoqué de l'accident survenu à Madame X... ; que cet accident peut tout aussi bien raisonnablement s'expliquer par une défaillance passagère de la conductrice (alors dépressive, ainsi que le reconnaît son époux), ou par une faute de conduite ; que d'ailleurs, il apparaît beaucoup plus sûr, si l'on veut se suicider au volant d'une automobile, de se précipiter contre la pile d'un pont ou un arbre à toute allure et ce, sans faire courir de risques à autrui, la tendance suicidaire ne comportant pas d'intention malveillante envers autrui ;

Considérant que c'est donc à juste titre et par une exacte

appréciation des circonstances de la cause, que la premier juge a estimé qu'en dehors de la seule lettre manuscrite de Madame X..., il n'existait pas d'autres présomptions graves, précises et concordantes susceptibles d'expliquer et de conforter l'affirmation selon laquelle elle se serait suicidée et qu'il a jugé donc, que l'origine de l'accident demeurait inconnue ; que la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur n'est donc pas démontrée ; que la Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a, a bon droit, dit que la Compagnie d'assurances devait garantir Monsieur X... des sommes mises à sa charge à compter du jour du décès de son épouse ;

4) Sur la limitation de la garantie de la Compagnie ALICO :

Considérant que la Cour n'est saisie d'aucun grief, ni d'aucune prétention sur ce point puisque, tant la Compagnie d'assurances que Monsieur X..., sollicitent la confirmation du jugement déféré ;

Considérant que, par conséquent, la Cour confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

5) Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que Monsieur X... n'apporte pas la preuve que la Compagnie AIG VIE FRANCE (anciennement dénommée ALICO) a interjeté appel "abusivement" ou de façon "dolosive" à son encontre, dans l'intention de lui porter préjudice ; que la Cour le déboute donc de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour "procédure abusive" ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à la société COFINOGA la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la Cour condamne l'appelante, la Compagnie AIG VIE FRANCE (anciennement dénommée ALICO) à lui payer cette somme ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du

nouveau code de procédure civile ; que la Cour condamne l'appelante à lui payer cette somme ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

Et y ajoutant :

- ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- DEBOUTE Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- DEBOUTE la Compagnie d'assurances AIG VIE FRANCE (anciennement dénommée ALICO) des fins de toutes ses demandes ;

- CONDAMNE la Compagnie d'assurances AIG VIE FRANCE (anciennement dénommées ALICO) à payer à la société COFINOGA la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNE la Compagnie d'assurances AIG VIE FRANCE (anciennement dénommée ALICO) à payer à Monsieur X... la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- LA CONDAMNE à tous les dépens d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP LAMBERT DEBRAY CHEMIN et la SCP GAS, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER

LE PRESIDENT Sylvie RENOULT

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-2406
Date de la décision : 26/09/1997

Analyses

PREUVE - Charge - Applications diverses - Assurance - Garantie

Si la signature d'un paragraphe optionnel d'un contrat de prêt, selon lequel l'emprunteur "reconnaît satisfaire aux conditions ci-dessus et avoir pris connaissance de la notice d'information sur l'assurance facultative", fait simplement présumer que l'emprunteur à pris connaissance de ladite notice mais n'établit pas qu'un exemplaire du document lui a été effectivement remis, il appartient à celui qui invoque l'inopposabilité des exclusions de garanties, contenues dans la notice précitée, de rapporter la preuve de la non communication de ladite notice


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-09-26;1996.2406 ?
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