Par acte sous seing privé, la SCI VENDOME devenue la SCI VENDOME BUREAUX a donné à bail à la Société CORATRANS des locaux situés à COURBEVOIE 22, Boulevard de la Paix, pour une durée de neuf années à compter du 1er novembre 1989 et moyennant un loyer annuel de 44.400 francs hors taxes et hors charges payable par trimestre et d'avance. Suivant acte sous seing privé du 26 octobre 1989, Madame X... s'est portée caution solidaire de la Société CORATRANS.
Par jugement du 16 juin 1994, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a prononcé la liquidation judiciaire de la Société CORATRANS.
La SCI VENDOME BUREAUX a déclaré sa créance au mandataire liquidateur pour une somme de 10.254,05 francs.
Après plusieurs lettres de rappel, le bailleur a fait délivrer à Madame X... le 30 septembre 1994 une sommation de payer la somme de 27.373,31 francs en sa qualité de caution des loyers et charges.
Par exploit d'huissier en date du 24 janvier 1995, la SCI VENDOME BUREAUX a assigné Madame Jacqueline X... devant le Tribunal de COURBEVOIE aux fins de la voir condamner, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 67.907,17 francs à titre principal et celle de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens.
A l'audience, la SCI VENDOME BUREAUX a actualisé sa demande à la somme de 93.409,64 francs tandis que Madame X... a contesté devoir cette somme mais a reconnu devoir la somme de 9.918,44 francs.
Madame X... a, d'autre part, sollicité reconventionnellement la condamnation de la SCI VENDOME BUREAUX à lui verser la somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par jugement contradictoire et en premier ressort rendu le 19 octobre 1995, le Tribunal d'Instance de COURBEVOIE a condamné Madame Jacqueline X... à payer à la SCI VENDOME BUREAUX la somme de 63.929,33 francs avec les intérêts de droit à compter du jugement ainsi que les dépens.
* Madame Jacqueline X..., appelante, soutient à l'appui de ses prétentions que : - la SCI VENDOME BUREAUX a reconnu avoir reçu dès le 28 juillet 1994 la décision de Maître Y..., liquidateur de la Société CORATRANS, de ne pas poursuivre le bail, - la SCI VENDOME BUREAUX n'a pas fait toutes les diligences nécessaires pour obtenir la restitution de ses locaux dans les meilleurs délais, - Maître Y..., contre toute règle, n'a payé aucune indemnité d'occupation à la SCI VENDOME BUREAUX, - elle ne saurait donc supporter les conséquences néfastes d'une attitude irresponsable du bailleur et du mandataire liquidateur ou de son commissaire priseur, - elle ne s'est pas engagée, en qualité de caution, à payer des loyers dus par la seule faute du bailleur et ne correspondant à aucune occupation réelle des lieux, mais à un maintien unilatéral et malveillant du contrat, - il convient de soustraire de la somme de 10.062,92 francs réclamée par la SCI VENDOME BUREAUX le montant du dépôt de garantie de 11.100 francs conservé par le bailleur.
Madame Jacqueline X... prie donc la Cour de : - constater que la SCI
VENDOME BUREAUX a délibérément trompé la religion du tribunal en dissimulant la décision prise par le mandataire liquidateur le 28 juillet 1994 de ne pas poursuivre le bail, - dire que la résiliation du bail est intervenue dès la réception de la décision de l'administrateur par le bailleur, soit le 28 juillet 1994, - dire qu'il appartenait à la SCI VENDOME BUREAUX de faire toutes diligences nécessaires dès réception de la décision du liquidateur pour entrer en possession de ses locaux, - constater que la SCI VENDOME BUREAUX a attendu plus de quatre mois avant d'adresser un courrier non comminatoire au commissaire priseur, qui a reconnu avoir eu les clefs en mains mais les avoir transmises à un tiers, et qu'elle doit seule supporter les conséquences de sa propre carence, - dire et juger que la caution du preneur ne saurait être tenu des conséquences pécuniaires de l'occupation des lieux par le mandataire liquidateur après résiliation par celui-ci du bail garanti, - constater que le bailleur n'a produit à la liquidation du débiteur principal le 25 juillet 1994 que pour la somme de 10.062,92 francs, représentant une facture de régularisation de charges (408,87 francs) et le loyer du 2ème trimestre 1994 (15.789,80 francs) après déduction d'un règlement d'un montant de 5.126,98 francs, - dire que ce dernier est, par conséquent, mal fondé à actionner la caution en paiement de loyers dus postérieurement, - dire que la restitution du dépôt de garantie sera imputée sur les loyers produits, - dire et juger qu'il en résulte que la SCI VENDOME BUREAUX est, en fait, débitrice de la somme de 937,08 francs à l'égard de la Société CORATRANS, Par conséquent, réformer le jugement entrepris en ce qu'il préjudicie aux droits de la concluante, - condamner la SCI VENDOME BUREAUX au paiement de la somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - condamner la SCI VENDOME BUREAUX au paiement de la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article
700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître GAS, avoué, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
* La Société VENDOME BUREAUX, intimée, soutient qu'elle n'a nullement manqué à ses obligations contractuelles et légales, et a fait preuve de diligence en relançant le liquidateur et le commissaire-priseur pour obtenir les clés des locaux loués à COURBEVOIE, que n'ayant pas eu la possibilité, sous l'emprise de la loi du 25 janvier 1985, de poursuivre la résiliation du bail, et qu'aucun commandement de payer n'ayant été notifié à la Société CORATRANS, la clause résolutoire visée dans le contrat de location n'a pas pu jouer et ne lui est donc pas opposable, que de plus, il appartenait au liquidateur de lui restituer les clés des locaux loués libres de toute occupation.
Elle ajoute que Madame X... est tenue, en sa qualité de caution solidaire, du paiement des loyers, indemnités d'occupation, des charges, frais engendrés par une procédure contre le débiteur principal, et frais de remise en état dus par la Société CORATRANS jusqu'au 23 janvier 1995, date à laquelle elle a pu reprendre possession des lieux, et que le montant des sommes restant à sa charge en sa qualité de caution de la Société CORATRANS s'élève, selon décompte arrêté au 23 janvier 1995, à la somme de 92.235,84 francs.
Par conséquent, elle prie donc la Cour de : - confirmer le jugement rendu le 19 octobre 1995 par le Tribunal d'Instance de COURBEVOIE, Y ajoutant, - condamner Madame X... à lui payer la somme de 28.306,51 francs correspondant au solde de la facture n° 9501349 et déduction faite de la facture n° 9601483 de - 1.173,80 francs, - condamner
Madame X... à lui payer la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP KEIME ET GUTTIN, avoués, suivant les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
* Maître Laurence Y..., mandataire judiciaire ès-qualités de mandataire liquidateur de la Société CORATRANS, intimée assignée en intervention forcée, soutient d'une part, qu'ayant été attraite seulement en cause d'appel sans pour autant que les données du litige aient été modifiées, elle a donc manifestement été privée du double degré de juridiction, et d'autre part, que Madame X... ayant diligenté à son encontre une action en responsabilité à titre personnel, ses demandes sont donc manifestement irrecevables puisqu'elle a été attraite en sa qualité de mandataire liquidateur,
Subsidiairement, elle ajoute n'avoir commis aucune faute dans sa mission,
En conséquence, elle prie la Cour de : - déclarer irrecevable Madame X... tant en son action qu'en ses demandes formées à l'encontre de Maître Y... ès-qualités de mandataire liquidateur de la Société CORATRANS, Subsidiairement, - la déclarer mal fondée en son appel en garantie ainsi que de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Maître Y..., ès-qualités, - condamner la SCI VENDOME BUREAUX et Madame X... solidairement à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Maître Laurent Z..., avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 29 mai 1997 et l'affaire plaidée pour les parties à l'audience du 10 juin 1997.
SUR CE, LA COUR,
I/ Considérant qu'en application de l'article 555 du Nouveau Code de Procédure Civile, Maître Y... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société CORATRANS ne pouvait être assignée en intervention forcée devant la Cour le 3 février 1997, que si l'évolution du litige impliquait sa mise en cause ; qu'en réalité, il n'y a eu, depuis le prononcé du jugement déféré, le 19 octobre 1995, aucune existence ou apparition d'un quelconque fait ou élément nouveau, né ce de jugement ou survenu postérieurement ; que l'appelante n'est pas recevable à invoquer une lettre du 28 juillet 1994, connue d'elle dès l'origine, et dont elle aurait donc dû se prévaloir devant le tribunal d'instance pour appeler dans la cause Maître Y..., ès-qualités, qui avait été nommée dans ses fonctions, dès le 16 juin 1994 ; qu'en ne le faisant pas, Madame X... a privé celle-ci, ès-qualités, du bénéfice du premier degré de juridiction ; qu'en application de l'article 555 du Nouveau Code de Procédure Civile, cette assignation en intervention forcée contre Maître Y..., ès-qualités, est donc déclarée irrecevable ;
Considérant, en outre, qu'en tout état de cause, l'actuelle demande en responsabilité personnelle (sur le fondement de l'article 1382 du Code civil) formée contre Maître Y... pourtant assignée ès-qualités, ne se rattache pas aux demandes originaires par un lien suffisant (article 70 du Nouveau Code de Procédure Civile) et qu'elle a pour effet de priver l'intéressée d'un premier degré de juridiction
; que cette demande est donc irrecevable ; que de surcroît, en application de l'article 174 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, cette action en responsabilité civile aurait dû être engagée devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE ;
Considérant que, compte tenu de l'équité, Madame X... est condamnée à payer à Maître Y..., ès-qualités, la somme de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
II/ Considérant qu'il est constant que la Société VENDOME-BUREAUX a seulement déclaré entre les mains du représentant des créances de la Société CORATRANS une créance de 10.254,05 francs qui a été vérifiée et admise ; que postérieurement au 25 juillet 1994, cette société intimée n'a procédé à aucune autre déclaration de créance ; que le cautionnement fourni par Madame X... ne peut donc excéder ce qui est dû par la société débitrice (article 2013 alinéa 1° du Code civil) ; que l'admission irrévocable de cette créance (cautionnée) de 10.254,05 francs au passif de la Société CORATRANS, faute par la bailleresse d'avoir formulé ses réclamations dans le délai réglementaire, s'impose à l'égard de la caution ; que Madame X... en sa qualité de caution solidaire, ne peut donc être, éventuellement tenue au paiement d'une somme supérieure à ces 10.254,05 francs ;
Considérant que la Société VENDOME-BUREAUX est donc déboutée de son actuelle demande contre cette caution en paiement d'une somme de 28.306,51 francs ;
Considérant, par ailleurs, que certes Maître Y..., ès-qualités, ne fait état d'aucun dépôt de garantie qui serait à restituer à la Société CORATRANS (en liquidation judiciaire) mais que la caution
Madame X... est en droit (article 2036 du Code civil) d'opposer à la société bailleresse-créancière toutes les exceptions appartenant à la débitrice principale, et notamment une compensation éventuelle avec ce dépôt de garantie à restituer, et qui, selon elle, serait de 11.000 francs ;
Considérant que la Société VENDOME-BUREAUX ne répondant rien sur ce point précis, la Cour ordonne donc une réouverture d'office des débats, pour que Madame X... et cette société intimée s'expliquent à ce sujet ; que la Cour sursoit donc à statuer sur toutes les demandes entre ces deux parties et réserve leurs dépens ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
I/ Vu les articles 70 et 555 du Nouveau Code de Procédure Civile :
. Déclare irrecevable l'assignation en intervention forcée contre Maître Y... ès-qualités ; déclare irrecevables toutes les demandes de Madame X... contre Maître Y..., ès-qualités ;
. Condamne Madame X... à payer à Maître Y..., ès-qualités, la somme de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
. La condamne à tous les dépens de Maître Y..., ès-qualités, qui seront recouvrés directement contre elle par Maître Z..., avoué,
conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
. Réformant et statuant à nouveau :
II/ . Constate que la Société VENDOME BUREAUX n'a déclaré qu'une seule créance de 10.254,05 francs (vérifiée et admise) ;
Vu l'article 2015 du Code civil :
. Dit et juge que Madame X..., caution, ne peut être, éventuellement, tenue à une somme supérieure à cette créance ;
. Déboute la Société VENDOME-BUREAUX de sa demande contre Madame X... en paiement de 28.306,51 francs ;
Vu l'article 2036 du Code civil :
. Ordonne d'office une réouverture des débats et renvoie l'affaire devant le Conseiller de la mise en état avec injonctions données, dès à présent, aux deux parties de conclure et de se communiquer tous documents utiles au sujet d'un dépôt de garantie (de 11.000 francs) qui n'aurait pas été restitué par la Société VENDOME-BUREAUX, et au sujet d'une possible compensation qui pourrait être invoquée par Madame X... ;
. Sursoit à statuer sur les demandes entre ces deux parties et réserve leurs dépens ;