Monsieur et Madame X... ont, suivant acte authentique du 30 octobre 1987, acquis un pavillon situé à DEUIL LA BARRE, 5, avenue du Bois, jouxtant une propriété occupée par le GARAGE DES TROIS COMMUNES qui y exploite un fonds de garage, comprenant un atelier de peinture.
Se plaignant de nuisances provenant de l'exploitation du garage, du fait de bruits importants et d'odeurs nauséabondes, ils ont saisi le tribunal d'instance de MONTMORENCY, suivant acte du 19 août 1988, aux fins de voir ordonner tous travaux d'aménagement propres à y remédier.
Au vu du rapport déposé par Monsieur Y... qui avait été commis en qualité d'expert par jugement avant dire droit du 20 octobre 1988, le tribunal, a, par jugement en date du 16 novembre 1989, ordonné la réalisation de l'isolation phonique du local compresseur et l'aménagement de son tuyau de prise d'air par le GARAGE DES TROIS COMMUNES dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 500 Francs par jour de retard passé ce délai, et condamné le GARAGE DES TROIS COMMUNES à payer à Monsieur et Madame X... une somme de 7.000 Francs à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 1989, ainsi qu'une somme de 3.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les parties ont été déboutées du surplus de leurs demandes et les dépens de l'instance mis à la charge du GARAGE DES TROIS COMMUNES.
Celui-ci a interjeté appel de la décision. Il a conclu à son infirmation en demandant à la Cour de débouter les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes sur la base de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation et de les condamner au paiement d'une somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Monsieur et Madame X..., intimés et appelants incident ont demandé à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré,
Et y ajoutant de :
- confirmer la décision entreprise du chef de la condamnation du GARAGE DES TROIS COMMUNES à procéder aux travaux d'isolation phonique préconisés par l'expert, sous astreinte de 500 Francs par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- porter à 20.000 Francs le montant des dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice subi du fait des nuisances sonores,
- constater l'existence de nuisances tenant aux odeurs nauséabondes dégagées par le garage,
- condamner le GARAGE DES TROIS COMMUNES à supprimer la grille
d'aération sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et de le condamner en outre à régler la somme de 10.000 Francs en réparation du préjudice subi du fait de ces nuisances, outre une somme de 8.000 Francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamner le GARAGE DES TROIS COMMUNES aux dépens.
Par arrêt avant-dire droit en date du 13 mars 1992, la Cour de céans a rendu la décision suivante :
- ordonne un complément d'expertise,
- commet pour y procéder Monsieur Y..., expert, demeurant 34, rue de Pontoise 95000 CERGY, et lui donne mission, en entendant tous sachants, en consultant tous documents utiles et en s'entourant de tous renseignements, parties présentes ou dûment appelées de :
* se rendre sur les lieux, 5, avenue du Bois à DEUIL LA BARRE, en tant que de besoin et entendre les parties en leurs explications,
[* rechercher si le local compresseur mentionné dans le précédent rapport d'expertise du 14 avril 1989 est ou non conforme aux dispositions réglementaires actuellement en vigueur, en matière d'isolation phonique et compte-tenu de la nature de l'établissement et de la configuration du site,
*] dire si les nuisances éprouvées à l'heure actuelle par les époux X... excèdent et dans quelle mesure, celles qui sont normalement à attendre du fait d'habiter dans une maison située à proximité immédiate d'un garage,
* vérifier si la pose d'une grille d'aération sur l'ouverture qui était auparavant à demi bouchée par des carreaux en verre et calfeutrée par des planches, a pu entraîner une augmentation appréciable des nuisances par rapport à la situation antérieure ; préciser la date de la pose de cette grille et les nuisances susceptibles d'en découler,
[* dire si l'intervention d'un tuyau de plastique avançant d'une quinzaine de centimètres environ sur le jardinet des époux X... a contribué à aggraver les nuisances préexistantes et dans quelle mesure ; préciser la date de l'installation de ce tuyau et la nature des nuisances qu'il a pu générer,
*] faire toutes constatations utiles et répondre aux dires ou réquisitions des parties,
- dit que l'expert pourra s'entourer, le cas échéant, de l'avis d'un homme de l'art, dans une spécialité ne relevant pas de la sienne,
- dit que l'expert devra déposer son rapport dans les quatre mois de sa saisine et qu'en cas d'empêchement, il sera prévu à son remplacement par simple ordonnance du conseiller de la mise en état,
- fixe à 4.000 Francs le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être déposée au greffe par Monsieur et Madame X... dans le mois de la signification du présent arrêt,
- réserve les dépens.
Par ordonnance en date du 14 mai 1992, le conseiller chargé du contrôle des expertises a désigné en qualité d'expert Monsieur Thierry Z... en remplacement de Monsieur Y...
L'expert a déposé son rapport le 25 mars 1994.
Le 11 mai 1994, le GARAGE DES TROIS COMMUNES a fait signifier des conclusions de désistement d'appel.
Le 14 juin 1995, Monsieur et Madame X... ont assigné en intervention forcée Maître BLERIOT, pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire du GARAGE DES TROIS COMMUNES et Maître CANET, pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de ce même garage.
Monsieur et Madame X... font valoir que dans son arrêt avant-dire droit en date du 13 mars 1992, la Cour a souligné que le succès de leur action était subordonné à la double preuve de troubles excédant les inconvénients normaux à attendre du fait d'habiter à proximité immédiate d'un garage, qui soient consécutifs à un défaut de conformité ou à une modification des installations ou des activités du GARAGE DES TROIS COMMUNES, survenue postérieurement à l'acquisition de leur pavillon ; que c'est pour mettre la Cour en mesure de constater ou non cette double condition que le complément d'expertise a été ordonné ; qu'il résulte du rapport déposé par l'expert que la double condition était remplie en l'espèce, tant en ce qui concerne les troubles auditifs qu'olfactifs ; que ces nuisances olfactives et sonores sont source de préjudice pour l'agrément et pour la santé.
Ils demandent donc à la Cour de :
- débouter le GARAGE DES TROIS COMMUNES, représenté par Maîtres BLERIOT et CANET de son principal à l'encontre des époux X...,
- recevoir les époux X... en leur appel incident et les y déclarer bien fondés,
Y faire droit,
En conséquence, vu l'arrêt avant dire droit rendu le 13 mars 1992 par la Cour de céans :
Vu le rapport de l'expert Monsieur Z... en date du 25 mars 1994 :
- allouer aux époux X... une somme de 20.000 Francs en réparation du préjudice subi du fait de nuisances sonores sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil,
- leur allouer une somme de 10.000 Francs en réparation des nuisances olfactives sur le même fondement,
- condamner Maîtres BLERIOT et CANET ès qualités au paiement desdites sommes,
- les condamner en outre à régler aux époux X... une somme de 20.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise, dont le montant sera recouvré par Maître DELCAIRE, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions distinctes, Maître BLERIOT, pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire du GARAGE DES TROIS COMMUNES et Maître CANET, pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de ce même garage, soutiennent que les demandes en paiement des époux X... se heurtent aux dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, en vertu desquelles aucune condamnation en paiement ne peut être prononcée à l'encontre d'un débiteur qui a fait l'objet d'un redressement judiciaire, lorsque la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
Ils demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- débouter les époux X... de toutes leurs demandes,
- les condamner à payer à Maître BLERIOT ès qualités la somme de 15.000 Francs pour procédure abusive et la somme de 12.060 Francs TTC en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- les condamner à payer à Maître CANET ès qualités la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- les condamner en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement d'une part, par la SCP KEIME ET GUTTIN et d'autre part, par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
DEBOUTE Monsieur et Madame X... des fins de toutes leurs demandes ;
- DEBOUTE Maître BLERIOT, pris en sa qualité d'administrateur e GARAGE DES TROIS COMMUNES rappelle que les époux X... se sont opposés à son désistement motivé par le souhait de favoriser un éventuel plan de cession. Il soutient que les conditions d'application de l'article L112-16 du code de la construction se trouvent réunies en l'espèce ; qu'en effet, il résulte des documents, témoignages et expertises que :
* les installations et activités de la société sont préexistantes à l'acquisition du pavillon par les époux X... réalisée le 30 octobre 1987 ;
judiciaire au redressement judiciaire du GARAGE DES TROIS COMMUNES, de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- CONDAMNE Monsieur et Madame X... à payer au GARAGE DES TROIS COMMUNES, à Maître BLERIOT pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire du GARAGE DES TROIS COMMUNES et à Maître CANET pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de ce même garage, la somme de 4.000 Francs au total sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
[* ces activités s'exercent conformément aux dispositions réglementaires et législatives en vigueur ;
*] elles se poursuivent dans les mêmes conditions, sauf les améliorations apportées et une réduction notable d'activité.
- LES CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux, respectivement par la SCP KEIME ET GUTTIN, la SCP JULLIEN LECHARNY ROL et la SCP MERLE CARENA DORON, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :
demandent donc à la Cour de :
- adjuger à la concluante le bénéfice de ses précédentes écritures,
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
- débouter les époux X... de l'intégralité de leur demande,
- les condamner à verser la somme de 30.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Sylvie RENOULT
Alban CHAIX
- la condamner aux entiers dépens avec pour ceux d'appel droit de recouvrement direct au profit de la SCP MERLE CARENA DORON, Avoués, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Dans des conclusions complémentaires et rectificatives signifiées le 27 mars 1997, Monsieur et Madame X... indiquent qu'ils justifient
avoir procédé à la déclaration de leur créance entre les mains de Maître CANET le 5 mai 1995 à hauteur de la somme de 36.000 Francs.
Ils demandent à la Cour de :
- fixer à la somme de 36.000 Francs le montant de la créance des époux X... à l'encontre de Maître BLERIOT et CANET, ès qualités,
- condamner le GARAGE DES TROIS COMMUNES et Maître BLERIOT, ès qualités, à régler aux époux X... une somme de 20.000 Francs en réparation du préjudice subi du fait des nuisances sonores et de 10.000 Francs en réparation du préjudice subi du fait des nuisances olfactives du 5 mai 1995, date de la déclaration de créance à ce jour,
- pour le surplus, adjuger aux concluants l'entier bénéfice de leurs précédentes conclusions,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- statuer sur les dépens ainsi que précédemment requis.
Par conclusions signifiées le 23 avril 1997, Maître BLERIOT, pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire du GARAGE DES TROIS COMMUNES, demande à la Cour de :
- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte aux écritures prises dans l'intérêt du GARAGE DES TROIS COMMUNES, y ajoutant et y faisant droit,
- débouter les époux X... de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner les époux X... à lui verser la somme de 10.000 Francs
HT, soit 12.060 Francs TTC, en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamner les époux X... aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP KEIME ET GUTTIN, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 24 avril 1997 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 13 juin 1997.
SUR CE LA COUR
1) Sur la déclaration de créance des époux X... :
Considérant que ceux-ci versent au dossier l'ordonnance de relevé de forclusion rendue le 27 avril 1995 par le juge commissaire du redressement judiciaire du GARAGE DES TROIS COMMUNES en leur faveur ; qu'ils justifient avoir déclaré leur créance le 5 mai 1995, entre les mains de Maître CANET, pour un montant de 36.000 Francs, ainsi qu'il
résulte d'un courrier de ce dernier du 12 décembre 1995, contestant cette créance en raison de la procédure en cours ;
2) Sur les troubles de voisinage :
Considérant que l'expert n'a répondu que de façon indirecte aux questions posées ; qu'en ce qui concerne le compresseur, il a uniquement fait part des déclarations des époux X... selon lesquelles il n'est plus entendu depuis avril 1991 ;
Considérant qu'en ce qui concerne les nuisances sonores, l'expert n'a effectué aucune mesure de bruit dans le pavillon des époux X... ; qu'il s'est seulement référé aux niveaux de bruit retenus prévisionnellement pour les types d'activités exercées dans le garage (scie circulaire, ponçage, meulage, martelage) ; que toutefois, l'expert a souligné que "la constitution de l'atelier en matériaux précaires (plastique ondulé) et non jointoyés constitue un défaut de précaution à l'égard d'un voisinage d'habitation compte tenu de l'activité exercée" ;
Considérant qu'en ce qui concerne les nuisances olfactives l'expert a constaté une odeur rémanente dans l'atelier, ce qui selon lui justifierait que les époux X... puissent percevoir des odeurs de solvant y compris le samedi et le dimanche, comme ils le déclarent, mais sans que l'expert l'ait vérifié ;
larent, mais sans que l'expert l'ait vérifié ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'installation d'un tuyau de plastique avançant d'une quinzaine de centimètres sur le jardinet des époux X..., l'expert a précisé que ce tuyau avait été sectionné et n'a pas exclu une émission supplémentaire de bruit par cette voie, sans être pour autant plus affirmatif ;
Considérant que par conséquent, il ne ressort pas de cette expertise, de façon indubitable, faute de vérification concrète des nuisances invoquées "in vivo", que les époux X... aient à subir des troubles excédant les inconvénients normaux à attendre du fait d'habiter à proximité immédiate d'un garage ; que surtout, la preuve n'est pas rapportée par les époux X... de la deuxième condition au succès de leur action déjà énoncée par l'arrêt avant dire droit du 13 mars 1992 ; qu'en effet, il ne résulte pas du rapport d'expertise et il n'est pas démontré par d'autres documents que les installations du GARAGE DES TROIS COMMUNES, en particulier la façade faite de bardage léger en plastique non jointif critiquée par l'expert, aient été modifiées postérieurement à l'acquisition de leur pavillon par les intimés ; que ces derniers n'établissent pas non plus que ces installations ne seraient pas conformes aux normes réglementaires, notamment en matière d'aération ;
Considérant, ainsi que l'a rappelé l'arrêt avant dire droit du 13 mars 1992 que l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation s'oppose à l'indemnisation des victimes de nuisances consécutives à des activités industrielles, artisanales, agricoles ou commerciales, en cas d'occupation antérieure des lieux avoisinants par les entreprises qui s'y livrent, sous la seule réserve expresse, que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles soient poursuivies dans les mêmes conditions ; que par conséquent, en vertu de ces dispositions légales, la Cour déboute les époux X... de leurs demandes en réparation des préjudices allégués ;
3) Sur les demandes en paiement de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles :
Considérant que Maître BLERIOT, pris ès qualités, ne rapporte pas la preuve ni de l'attitude dolosive des époux X... dans la présente procédure, ni d'un préjudice en résultant ; que la Cour le déboute de sa demande en paiement de dommages- intérêts pour procédure abusive ; Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer au GARAGE
DES TROIS COMMUNES, à Maître BLERIOT pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire du GARAGE DES TROIS COMMUNES et à Maître CANET pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de ce même garage la somme de 4.000 Francs au total, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu l'arrêt avant dire droit rendu par la Cour de céans le 13 mars 1992 :
Vu le rapport d'expertise de Monsieur Z... en date du 25 mars 1994 :
- CONSTATE que Monsieur et Madame X... ont déclaré leur créance le 5 mai 1995, entre les mains de Maître CANET, pour un montant de 36.000 Francs ;
- INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau :