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11/09/1997 | FRANCE | N°1995-7689

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 septembre 1997, 1995-7689


Suivant acte authentique en date du 21 janvier 1985, les consorts X... ont consenti à la société HOTEL NATIONAL un bail portant sur un immeuble à usage d'hôtel situé à BOULOGNE BILLANCOURT, ..., pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er Janvier 1984 pour se terminer le 31 décembre 1992.

Suivant acte authentique en date du 06 octobre 1986, la société HOTEL NATIONAL a cédé son droit au bail à Messieurs Amar Y... et Hacène Z....

Suivant acte authentique en date du 25 septembre 1987 Monsieur Hacène Z... a cédé 1/5ème du droit au bail qu'il détenai

t à Monsieur Amar Z....

Suivant actes sous seing privé en date des 28 juillet 19...

Suivant acte authentique en date du 21 janvier 1985, les consorts X... ont consenti à la société HOTEL NATIONAL un bail portant sur un immeuble à usage d'hôtel situé à BOULOGNE BILLANCOURT, ..., pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er Janvier 1984 pour se terminer le 31 décembre 1992.

Suivant acte authentique en date du 06 octobre 1986, la société HOTEL NATIONAL a cédé son droit au bail à Messieurs Amar Y... et Hacène Z....

Suivant acte authentique en date du 25 septembre 1987 Monsieur Hacène Z... a cédé 1/5ème du droit au bail qu'il détenait à Monsieur Amar Z....

Suivant actes sous seing privé en date des 28 juillet 1989 et 11 août 1989 enregistrés le 24 août 1989, Messieurs Amar Y..., Hacène Z... et Amar Z... ont cédé leur fonds de commerce en ce compris le droit au bail à Messieurs A... B... et Rabah C.... Suivant acte authentique en date du 27 juillet 1990, la société BATIR a acquis des consorts X... l'immeuble loué.

Par exploit d'huissier en date du 25 juin 1992, la société BATIR a donné congé à "Messieurs D... B... et Rabah C..." pour le 31 décembre 1992, leur déniant tout droit à paiement d'une indemnité d'éviction et ce, pour défaut d'immatriculation d'un des co-preneurs au registre du commerce et non respect de la clause du bail prévoyant que toute cession du bail devait être effectuée par acte authentique et en présence des bailleurs.

Par exploits des 05 et 08 mars 1993, la société BATIR a fait assigner Messieurs D... B... et Rabah C... pour obtenir notamment la validation du congé et l'expulsion des locataires.

Messieurs D... B..., Rabah C... et A... B..., ce dernier en tant qu'intervenant volontaire comme co-titulaire du bail, ont conclu

à la mise hors de cause de Monsieur D... B..., simple locataire gérant du fonds et non co-titulaire du bail, à la nullité du congé délivré à un seul des colocataires et au débouté des prétentions émises à leur encontre.

Subsidiairement, ils ont réclamé à défaut de renouvellement le paiement d'une indemnité d'éviction et sollicité la désignation d'un expert pour en déterminer le montant.

Par exploit d'huissier du 02 août 1994, la société BATIR a notifié un congé à Monsieur A... B... pour le 30 mars 1995 et a délivré un nouveau congé pour la même date à Monsieur Rabah C... pour le cas où le premier congé serait déclaré nul, lesdits congés étant suivis d'une assignation tendant aux mêmes fins que la précédente.

Entre-temps et par assignation du 14 juin 1994, Messieurs A... B... et Rabah C... ont appelé en garantie Monsieur Marcel E..., rédacteur de l'acte de cession litigieux et, ce dernier ayant été déclaré en liquidation judiciaire par jugement du 25 octobre 1993, ils ont, par exploit du 02 mars 1994, mis en cause Maître F..., pris en qualité de liquidateur judiciaire, aux fins de voir notamment déclarer Monsieur E... entièrement responsable du préjudice qui résulterait pour eux de leur éviction sans indemnité et de voir fixer leur créance à titre chirographaire à la somme de 3.319.000 francs.

En outre Messieurs A... B... et Rabah C... ont, sur le fondement des dispositions de l'article L.124.3 du Code des Assurances et par exploits séparés en date du 02 septembre 1994, fait assigner les Compagnies d'Assurances LA FRANCE IARD et l'U.A.P. en leur qualité d'assureur de responsabilité civile de Monsieur E.... Par jugement en date du 28 juin 1995, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, la septième chambre du

Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a statué dans les termes ci-après : - "Constate la jonction des affaires 8708/93, 3252/94, 10016/94, 11495/94 sous le n° 3312/93 ; - Met hors de cause Monsieur B... D... ; - Dit le congé délivré le 25 juin 1992 nul et de nul effet ; - Dit valable le congé du 02 août 1994 donné pour le 31 mars 1995 ; - Dit que les consorts B... A... et C... Rabah ne peuvent prétendre à une indemnité d'éviction et au maintien dans les lieux ; - Prononce leur expulsion, leur accorde un délai de six mois à compter de la signification du jugement pour quitter les lieux, faute de quoi il sera procédé par la force publique, avec séquestration du mobilier ; - Fixe provisoirement l'indemnité d'occupation due par les consorts B... - C... à compter du 31 mars 1995 aux derniers loyers payés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ; - Dit les demandes des consorts B... - C... à l'encontre de Marcel E... et Monsieur F..., recevables ; - Dit Monsieur Marcel E... responsable du préjudice subi par les consorts B... - C... du fait de leur expulsion des locaux sans indemnité ; - Dit que la Compagnie l'U.A.P. et LA FRANCE devront leur garantie ; Avant Dire Droit : - Ordonne une expertise ; - Commet pour y procéder :

Monsieur G... - ... - 78000 VERSAILLES

avec mission :

. d'entendre les parties et tous sachants, de se faire remettre tous documents, de se rendre sur les lieux, de donner au Tribunal tous éléments permettant d'évaluer l'indemnité d'occupation due par les consorts B... - C... à compter du 31 mai et du préjudice des consorts B... -

C... du fait de leur expulsion sans indemnité en rapport avec les fautes commises par Monsieur E... ;

. fournir au Tribunal, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail et des facilités offertes à celles-ci par la situation des lieux, tous éléments utiles à l'estimation de l'éventuelle indemnité compensatrice du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, indemnité comprenant notamment la valeur marchande du fonds déterminée selon les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de mutation afférents à la cession d'un fonds de commerce de même importance et du montant du préjudice correspondant au trouble commercial que subirait le locataire ;

. fournir en donnant des références précises, tous éléments permettant de déterminer dans quelle mesure le locataire aurait la possibilité de transférer son fonds, sans perte importante de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalent, et quel serait, dans l'affirmative, le coût d'un tel transfert, en ce compris l'acquisition d'un titre locatif comportant les mêmes avantages juridiques que l'ancien bail, les frais de droit de mutation afférents à cette acquisition et les dépenses nécessaires de déménagement et de réinstallation, ainsi que la réparation du trouble commercial qui résulterait d'un tel transfert de fonds ;

. donner les éléments permettant de déterminer l'indemnité d'occupation à compter de la date d'effet du congé ....; - Ordonne l'exécution provisoire de la mesure d'expertise ; - Réserve les dépens et les demandes d'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile." *

Appel de cette décision a été relevé tant par la Compagnie LA FRANCE

IARD que par l'U.A.P. Les procédures issues de ces actes d'appel séparés ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 26 mars 1996. *

A l'appui de son recours, l'U.A.P. fait tout d'abord valoir que c'est à tort que les premiers juges ont validé le congé du 02 août 1994. A cet égard, elle souligne tout d'abord que le Tribunal n'a pas pris en compte les correspondances échangées qui montrent que les bailleurs avaient accepté le principe d'une possibilité de régularisation de l'acte. Elle ajoute que les bailleurs successifs ont également accepté de recevoir les loyers des nouveaux locataires, nonobstant l'irrégularité formelle de l'acte de cession, et en déduit que ce comportement traduit l'absence de gravité de l'infraction reprochée qui ne saurait, selon elle, entraîner la perte du droit à indemnité d'éviction. Elle soutient également que le congé est irrégulier dans la mesure où il n'a pas été précédé, comme l'exige l'article 9 du décret de 30 septembre 1953, d'une mise en demeure préalable pour faire cesser l'infraction.

Subsidiairement et pour le cas où cette argumentation serait rejetée, elle estime que la preuve d'une faute ou d'un quelconque manquement imputable à Monsieur E... n'est pas rapportée en l'espèce et que l'absence de régularisation de l'acte devant notaire relève de la seule inertie fautive des locataires qui n'ont jamais donné suite aux correspondances qui leur étaient adressées à cette fin.

Plus subsidiairement, elle soutient qu'à la date des faits générateurs du dommage, Monsieur E... était assuré auprès de la Compagnie LA FRANCE, seule appelée en tant qu'apéritrice à répondre de la demande de garantie et qu'en tout état de cause la police souscrite auprès d'elle à effet du 1er janvier 1992 exclut l'activité de rédaction d'acte, en tant que celle-ci constitue une prestation principale rémunérée.

Elle ajoute qu'à supposer sa garantie acquise, elle ne saurait être tenue au titre des indemnités d'occupation dues par les seuls locataires et seulement dans la limite de 50 % du plafond de garantie fixée à 500.000 francs sauf à déduire la franchise de 5.000 francs à la charge de l'assuré. Enfin, elle réclame une indemnité de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. [*

La Compagnie LA FRANCE fait sienne pour l'essentiel l'argumentation de la compagnie U.A.P. en ce qui concerne l'irrégularité du congé et l'absence de faute imputable à Monsieur E.... Elle conclut donc à titre principal, au rejet des prétentions émises à son encontre. Subsidiairement, elle estime que l'U.A.P. doit couvrir seule le sinistre et plus subsidiairement qu'il existe un cumul d'assurance entre la police souscrite par Monsieur E... auprès de la coassurance constituée entre elle et l'U.A.P. venue à expiration le 31 décembre 1991 et la police souscrite par Monsieur E... à effet du 1er janvier 1992 auprès de l'U.A.P. Elle en déduit que le sinistre doit être pris en charge dans la proportion prévue à l'article L.121.4 dernier du Code des Assurances soit 50 % dans le cas d'espèce pour chacune des compagnies, précisant également que l'obligation indemnitaire prévue à cette coassurance, à la supposer acquise, ne peut excéder la somme de 495.000 francs.

Enfin, elle réclame une indemnité de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. *]

Les consorts B... - C... concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause Monsieur B... D... et dit le congé délivré le 25 juin 1992 nul et de nul effet et à son infirmation pour le surplus.

Ils soutiennent tout d'abord que Monsieur Pierre X... et la société BATIR, venue aux droits de ce dernier, ont, par leur comportement, ratifié la cession de bail qui leur a été consentie et déduisent de

là que la dénégation au statut qui leur est opposée, sans le moindre fondement sérieux, ne peut être que rejetée. Ils estiment en conséquence, sauf exercice de son droit de repentir par le bailleur, pouvoir prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction et demandant que, pour en préciser le montant, un expert soit à nouveau désigné.

Subsidiairement, pour le cas où la Cour confirmerait le jugement déféré en ce qu'il a validé le congé du 02 août 1994, ils estiment que Monsieur E... doit être jugé seul responsable de leur préjudice. Ils sollicitent également dans ce cas, la garantie, soit de la Compagnie U.A.P., assureur de responsabilité civile de Monsieur E... en exécution du contrat n° 6750 à hauteur de 1.000.000 francs soit de la garantie commune des deux compagnies au titre de l'autre contrat à hauteur de 500.000 francs, sous réserve de la franchise de 5.000 francs. Ils sollicitent également la condamnation solidaire desdites compagnies à leur payer d'ores et déjà une provision de 500.000 francs. Enfin, ils réclament une indemnité globale de 45.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, soit 15.000 francs pour chacun d'eux. [*

La société BATIR, devenue STIM BATIR conclut, pour ce qui la concerne, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a validé le congé délivré le 02 août 1994 pour le 31 mars 1995, dit que les consorts B... et C... ne pouvaient prétendre à une indemnité d'éviction et ordonné leur expulsion, sauf à ce que cette mesure soit rendue immédiatement exécutoire assortie d'une astreinte de 2.000 francs par jour de retard et que soit ordonnée la séquestration des meubles. Elle demande également à la Cour de fixer l'indemnité d'occupation à 113.652 francs par an hors charges. Enfin, elle sollicite la condamnation des consorts B... et C... au paiement d'une indemnité de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. *]

Maître F... expose que les opérations de liquidation de Monsieur E... ont été clôturées pour insuffisance d'actif par jugement du 12 avril 1995 et que sa mission ayant pris fin, il n'a plus qualité pour intervenir. *

Monsieur E..., assigné dans les formes de l'article 659 du Nouveau Code de Procédure Civile n'a pas constitué avoué.

MOTIFS DE L'ARRET

. Sur les mises en cause

Considérant qu'il est établi par les pièces des débats et non contesté que Monsieur D... B... n'est ni copropriétaire du fonds ni co-preneur ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont mis hors de cause ;

Considérant que c'est également à bon droit que Maître F..., ès-qualités de liquidateur de Monsieur E..., sollicite sa mise hors de cause dès lors que sa mission a pris fin à ce jour et qu'il n'a plus qualité pour intervenir aux débats ;

. Sur la validité des congés

Considérant qu'il n'est contesté par aucune des parties que le premier congé, délivré le 25 juin 1992 par suite d'une erreur d'identité à un seul des co-preneurs, doit être tenu pour nul et de nul effet ; que le premier juge en a justement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la situation de Monsieur C... au regard du registre du commerce à la date de ce congé ;

Considérant que le second congé, délivré le 2 août 1994, vise comme motif de refus du droit à indemnité d'éviction d'une part le fait que Monsieur Rabah C... n'était pas immatriculé au registre du commerce et d'autre part l'irrégularité de la cession du fonds réalisée le 11 août 1989 ;

Considérant que le premier motif invoqué par le bailleur ne peut être qu'écarté dans la mesure où il est acquis aux débats que Monsieur

Rabah C... était comme l'autre co-preneur, régulièrement immatriculé au registre du commerce à la date du deuxième congé ;

Mais considérant qu'en ce qui concerne le 2ème motif, le bail prévoyait (pages 5 et 6 de l'acte) que toute cession ne pourra avoir lieu que par acte authentique reçu par un notaire des départements des Hauts de Seine ou de Paris en présence des bailleurs ou ceux dûment appelés et qu'il devait être remis au bailleur un exemplaire dudit acte ; que force est de constater que cette obligation n'a pas été respectée en l'espèce puisque l'acte de cession du 16 août 1989 a été matérialisé par acte sous seing privé passé hors la présence du bailleur ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'absence de mise en demeure préalable prévue par l'article 9 du décret du 30 septembre 1953 n'est d'aucune influence en l'espèce sur la régularité du congé dès lors qu'il s'agit d'une infraction instantanée et irréversible dont les conséquences ne sont plus susceptibles d'être réparées dans leur intégralité par les preneurs ; que cette omission est d'autant plus caractérisée en l'espèce que les autres cessions précédemment intervenues ont toutes été formalisées conformément aux prévisions du bail, par acte authentique ;

Considérant que les appelantes et les consorts B... - C... ne peuvent davantage soutenir que les bailleurs successifs ont entendu renoncer à se prévaloir de l'infraction ; qu'en effet, sauf à en dénaturer les termes, toutes les correspondances échangées entre les parties démontrent que, contrairement à ce qui est prétendu, tant Monsieur X... que la société BATIR, acquéreur de l'immeuble, ont entendu s'en tenir à une stricte application des clauses du bail ; que notamment en réponse à une lettre de Monsieur E... en date du 06 juin 1989 sollicitant du bailleur une dispense de réitération de l'acte de cession sous forme authentique, Monsieur X... indiquait à ce dernier, par lettre recommandée avec accusé de réception du 14

juin 1989 "Suite à votre lettre recommandée avec accusé de réception du 06 juin 1989 et à notre entretien téléphonique, je vous informe par la présente que j'entends m'en tenir aux termes du bail (page 5 et 6 paragraphe 9) : elle ne pourra céder ..." puis plus loin dans un post scriptum "je transmets par courrier du même jour copie de la présente et de votre lettre à mon notaire ..." ; que, par la suite,le même Monsieur X... a toujours expressément manifesté son intention de se prévaloir de cette infraction ; que, notamment dans la demande de révision triennale de loyer en date du 1er janvier 1990, il rappelait expressément que "la présente demande est faite sous réserve de tous mes droits en ce qui concerne la régularisation de votre situation locative, par la réitération de l'acte de cession du droit au bail par acte authentique comme il est dit au bail" ; que contrairement aux affirmations des preneurs, les quittances de loyer ont été délivrées à Messieurs Z... et Y..., derniers cessionnaires valablement reconnus et sous réserve de la régularisation de la nouvelle cession ;

Considérant que, de même, il n'est pas établi que la société BATIR, qui a acquis les locaux le 27 juillet 1990, aurait renoncé à un quelconque moment à se prévaloir de l'infraction ; qu'il en résulte que ladite société aux droits de Monsieur X... est parfaitement fondée à se prévaloir d'un manquement commis antérieurement à son acquisition, et ce d'autant que les preneurs n'ont jamais tenté, malgré les avertissements réitérés du précédent bailleur, de régulariser la situation ; que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé, par de justes motifs que la Cour s'approprie, que le congé délivré le 02 août 1994 sans offre d'indemnité d'éviction pour cause grave et légitime apparaissait fondé et qu'ils ont en conséquence ordonné l'expulsion des consorts B... A... et C... Rabah sauf à préciser que cette mesure

prendra effet, au besoin avec le concours de la force publique, 2 mois après la signification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu toutefois, en l'état, d'assortir ladite mesure d'une astreinte ; que la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués sera également ordonnée aux frais et risques du preneur ;

. Sur l'appel en garantie de Monsieur E...

Considérant que les consorts B... - C..., qui ont régulièrement produit à la liquidation de Monsieur E..., soutiennent que ce dernier a gravement manqué à ses obligations de conseil et de rédacteur d'acte ; que les deux compagnies d'assurance susceptibles d'être amenées à couvrir le risque contestent le bien fondé de ces allégations et imputent la responsabilité du manquement constaté aux seuls cessionnaires du bail ;

Mais considérant qu'il appartient à l'intermédiaire professionnel chargé de suivre et de formaliser une cession de fonds de commerce d'assurer la sécurité juridique de la transaction envisagée et de la mener à bonne fin ; que cette obligation est d'autant plus impérative lorsque les personnes qui se sont adressées à lui n'ont aucune compétence en la matière et que, comme en l'espèce, elles ont placé toute leur confiance en celui qu'elles qualifient de leur "homme d'affaires" ;

Considérant qu'il ressort des divers échanges de correspondances et notamment de celles précédemment analysées que Monsieur E... a été clairement informé par le bailleur que celui-ci entendait voir se réaliser la cession conformément aux clauses et conditions du bail, c'est-à-dire par acte authentique et en présence du bailleur ou lui dûment appelé ; que force est de constater que Monsieur E... n'a pas pris en compte cette volonté clairement affirmée et qu'il n'a pris aucune mesure utile pour régulariser la situation comme lui en offrait la possibilité Monsieur X... ; qu'il s'est contenté de

laisser les choses en l'état, malgré les avertissements et les réserves réitérées du bailleur adressées soit à lui-même soit à ses clients, lesquels n'étaient pas à même comme il a été dit, d'en percevoir la portée ; qu'à aucun moment il n'est justifié de surcroît que Monsieur E... aurait adressé à ces derniers une mise en garde ou effectué une quelconque diligence utile pour les contraindre à une régularisation de l'acte initial ; que la faute est d'autant plus caractérisée que ledit acte, passé en suite d'une promesse synallagmatique de vente et d'achat d'un fonds de commerce régularisé le 28 avril 1989 entre les mêmes parties, par l'entremise de Monsieur E..., aurait dû être formalisé directement devant notaire, comme l'exigeait le bail, ce que ne pouvait ignorer l'intéressé ; qu'il en résulte que les compagnies d'assurances ne peuvent se prévaloir d'une prétendue inertie des consorts B... - C... pour masquer les graves manquements imputables au seul Monsieur E... qui n'a pas rempli jusqu'à son terme la mission qui lui avait été confiée et qui n'a pris aucune mesure concrète pour y parvenir ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré Monsieur E... entièrement responsable du préjudice subi par les consorts B... - C... du fait de leur éviction et ordonné une expertise permettant d'apprécier l'étendue du dommage subi par eux ;

. Sur la garantie des compagnies d'assurance

Considérant que, au moment de la survenance du fait générateur du dommage, c'est-à-dire la rédaction de l'acte litigieux, Monsieur E... était couvert pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1991, par la police d'assurance n° 688816 souscrite par la S.N.P.I. auprès des Compagnies LA FRANCE, apéritrice et l'U.A.P. coassureur, chacun pour 50 % avec une garantie limitée à 500.000 francs par année d'assurance et par assuré et une franchise maximum de 5.000 francs ; qu'à compter du 1er janvier 1992, Monsieur E...

a souscrit une assurance couvrant sa responsabilité civile auprès de l'U.A.P. prévoyant un plafond de 1.000.000 francs d'indemnisation par an et par sinistre, avec une franchise de 10 % d'un montant de sinistre et un maximum de 5.000 francs ;

Considérant que les compagnies LA FRANCE et l'U.A.P. estiment qu'aucun de ces contrats ne trouve à s'appliquer en l'espèce ;

Mais considérant que le contrat souscrit par Monsieur E... auprès de l'U.A.P. précise en son article 3.2.3 "période de garantie" une clause "reprise du passé" ainsi rédigée : "Par dérogation à l'article 2.4 des conditions générales, la garantie s'applique exclusivement aux cas de responsabilité matérielle relative à des dommages portés à la connaissance de l'assuré entre la date de prise d'effet du contrat et celle de sa résiliation ou de son expiration..." ; "Par ailleurs, si les faits générateurs des dommages sont survenus avant la souscription du contrat, la garantie ne s'applique que si : -lesdits faits générateurs se sont produits au cours de la période de 12 mois précédant la souscription du contrat ou pendant la période de garantie au titre du contrat n° 688816 souscrit auprès de la compagnie LA FRANCE ; - l'assuré n'en a pas eu connaissance avant la souscription du présent contrat, la charge de cette preuve incombant à l'assureur ; - lesdits dommages ne sont pas garantis par un autre contrat souscrit antérieurement" ;

Que le sinistre dont s'agit entre bien dans le champ d'application dudit article puisqu'il n'est pas contesté que le fait générateur s'est produit pendant la période couverte par le précédent contrat auquel il est fait expressément référence et qui prévoyait la prise en charge de ce type de sinistre ; que l'U.A.P. a repris en toute connaissance de cause les risques assurés par le précédent contrat qui n'a plus lieu de s'appliquer puisque résilié depuis plus de 12 mois comme le prévoyaient les prévisions dudit contrat ; que l'U.A.P.

ne saurait se soustraire à son obligation de garantie au motif que la clause intitulée "définition des garanties" de sa police stipule que sont incluses dans le champ de la garantie "les prestations accessoires et non rémunérées de conseil et de rédaction d'acte sous seing privé" et en déduire a contrario que les prestations de même type mais rémunérées seraient exclues du champ de la garantie alors que cela ne ressort nullement de la police qui prévoit la couverture la plus large de la responsabilité des agents immobiliers et autres intermédiaires lorsqu'ils prêtent leur concours à des opérations de gestion immobilière, et que les dispositions litigieuses doivent s'interpréter au contraire comme une extension de garantie aux actes non rémunérés effectués par les intermédiaire, sauf à priver la police d'assurance de cause et d'effets ;

Considérant que la compagnie U.A.P. sera dès lors seule tenue de couvrir le sinistre dans les limites toutefois, des garanties ci-dessus rappelées et sous déduction de la franchise de 5.000 francs ; qu'il n'y a pas lieu cependant d'allouer, à ce stade de la procédure, une provision aux consorts B... - C... qui occupent toujours les lieux ;

. Sur les autres demandes

Considérant que la Cour n'entend pas user de la faculté d'évocation dès lors que le rapport de l'expert Monsieur G... n'a pas été débattu devant elle ; que faute d'éléments d'appréciation suffisants, elle confirmera le jugement déféré en ce qu'il a fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer ;

Considérant que l'équité ne commande pas à ce stade de la procédure d'allouer à l'une ou l'autre des parties une quelconque indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant enfin que la compagnie U.A.P., qui succombe dans l'exercice de son recours,en supportera les frais. * PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par décision réputée contradictoire, et en dernier ressort,

- Reçoit les compagnies d'assurances U.A.P. UNION DES ASSURANCES DE PARIS et LA FRANCE IARD en leur appel et les consorts A... B... et Rabah C... en leur appel incident ;

- Met hors de cause Maître F... dont la mission de liquidateur de Monsieur E... a pris fin, ainsi que Monsieur D... B... ;

- Confirme en toutes ses dispositions, autres que celles relatives à la garantie des assureurs, le jugement déféré ;

- Infirmant de ce seul chef,

- Dit que seule la compagnie U.A.P. UNION DES ASSURANCES DE PARIS est tenue de garantir le sinistre à concurrence de la somme de 1 million de francs, sous déduction de la franchise de 5.000 francs conformément aux stipulations de sa police d'assurance ;

- Dit n'y avoir lieu à octroi d'une provision aux consorts B... - C... ;

Complétant le jugement,

- Dit que l'expulsion des consorts A... B... et Rabah C... pourra être ordonnée dans un délai de 2 mois après la signification de la présente décision ;

- Dit n'y avoir lieu à assortir cette mesure d'une astreinte ;

- Ordonne en tant que de besoin la séquestration des meubles garnissant les lieux loués aux frais et risques des occupants ;

- Dit n'y avoir lieu en l'état actuel de la procédure à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- Condamne la compagnie U.A.P. UNION DES ASSURANCES DE PARIS, qui succombe dans l'exercice de son recours, aux entiers dépens d'appel et autorise les avoués en cause concernés à en poursuivre directement le recouvrement comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-7689
Date de la décision : 11/09/1997

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Résiliation - Manquements aux clauses du bail - Applications diverses

La cession d'un bail commercial par simple acte sous seing privé, en contravention aux clauses du bail initial prévoyant expressément l'emploi de la forme authentique et l'appel du bailleur à concourir à l'acte, constitue, au sens de l'article 9 du décret du 30 septembre 1953, un motif grave et légitime de résiliation du bail sans indemnité d'éviction, alors que le bailleur a exprimé clairement et sans aucune équivoque sa volonté de s'en tenir aux clauses initiales du bail à l'occasion de la cession litigieuse. L'infraction précitée ayant un caractère instantané et irréversible, elle est exclusive de toute obligation de mise en demeure préalable.


Références :

Décret du 30 septembre 1953 art. 9

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ASSIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-09-11;1995.7689 ?
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