La société MURATA ELECTRONIQUE a, les 04 et 20 juin 1992, commandé à sa maison mère japonaise, la société MURATA MANUFACTORING CO LTD, divers composants électriques et électroniques destinés à la fabrication de cartes électroniques et de moteurs électriques.
Ces matériels, conditionnés en sept palettes, ont fait l'objet, depuis le Japon, de deux expéditions, la première étant réalisée par voie exclusivement aérienne et l'autre par transport maritime jusqu'à LOS ANGELES puis par avion pour la suite du parcours.
Les palettes ont ensuite été réceptionnées sans aucune réserve par le transitaire TTA (Tous Transports Aériens TTA Logistics) les 22 et 23 juin 1992 à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle et livrées, après dédouanement, par le même transitaire à la MURATA ELECTRONIQUE au Plessis Robinson (92).
A la réception, le 26 juin 1992, la société MURATA a émis des réserves sur les titres de transport, et ces réserves ont été confirmées par deux lettres recommandées adressées le même jour à TTA
.
Après une expertise amiable réalisée par Monsieur X..., un deuxième expert, Monsieur Y..., a été désigné par ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE en date du 28 juillet 1992.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 15 décembre 1992, évaluant les dommages à la somme de 108.601,84 francs
La Compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS (ci-après désignée la Compagnie LE GAN), assureur de la marchandise, a indemnisé la société MURATA à hauteur de la somme de 86.881,48 francs et, subrogée dans les droits de l'assuré, elle a engagé, à due concurrence, une action à l'encontre de TTA. La société MURATA s'est associée à cette action
pour obtenir de TTA remboursement de la quote part laissée à sa charge.
C'est dans ces conditions que, par jugement en date du 31 mars 1995, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a, notamment :
- dit que la société Tous Transports Aériens "TTA LOGISTICS " (TTA) a commis une faute lourde dans l'exécution de ses obligations contractuelles,
- dit que la société TTA devra réparer intégralement le préjudice subi par la société MURATA ELECTRONIQUE et par la Compagnie LE GAN, subrogée dans les droits de son assurée MURATA ELECTRONIQUE,
- condamné TTA à payer
* au GAN INCENDIE la somme de 86.881,48 francs,
* à MURATA ELECTRONIQUE la somme de 21.720,36 francs avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1993,
- condamné la société TTA à payer à chacune des sociétés susdésignées une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens comprenant les frais d'expertise.
*
Appelante de cette décision, la société TTA lui fait grief d'avoir mal apprécié les éléments de la cause et les règles de droit qui leur sont applicables.
Elle soutient tout d'abord que, s'il est exact qu'elle a omis de prendre des réserves à réception des marchandises, cette omission n'a
pour conséquence que de faire peser sur elle une présomption de responsabilité des dommages constatés à la livraison et que ladite omission ne peut lui être imputée à faute qu'autant que le mandant se trouverait privé de son recours contre les différents intervenants au contrat de transport. A cet égard, elle fait valoir que la société MURATA ne figurait pas sur les lettres de transports aériens et qu'elle ne disposait en conséquence d'aucun recours à l'encontre desdits transporteurs.
Elle ajoute que la société MURATA ne peut davantage se prévaloir d'une subrogation dans des droits qu'elle-même n'a pas entendu lui céder dès lors qu'elle conteste toute responsabilité et que, en tout état de cause, le recours de MURATA était voué à l'échec puisque les dommages n'ont été rendus possibles que par le conditionnement inadapté des marchandises, comme l'a relevé l'expert, ce qui l'autorise à se prévaloir de cette situation pour combattre la présomption simple de responsabilité qui pèse sur elle. Elle ajoute encore que le GAN est d'autant plus mal venu à contester le mauvais conditionnement des marchandises qu'il a indemnisé, sans y être au demeurant contractuellement tenu, son assurée la société MURATA, en tenant compte du partage de responsabilité proposé par l'expert sur la base d'un conditionnement insuffisant. Elle soutient aussi que c'est à tort que les premiers juges ont retenu à son encontre des négligences dans "la garde et la manutention des palettes" alors que, toujours selon l'homme de l'art, le moment et le lieu de la survenance des dommages n'a pu être déterminé et qu'aucun manquement à ce titre ne peut lui être imputé, faute de preuve et qu'au contraire il apparaît que la cause exclusive du dommage relève à l'évidence d'une insuffisance de conditionnement. Elle déduit de là que, dès lors qu'elle se dégage de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle, l'action engagée à son encontre tant par la
Compagnie LE GAN, que par la société MURATA ne peut être que déclarée irrecevable ou pour le moins mal fondée. Subsidiairement, elle estime que l'indemnité qui pourrait être mise à sa charge ne saurait excéder la somme de 10.079,19 francs, conformément aux limitations de responsabilité édictées par ses conditions générales parfaitement connues, selon elle, de la société MURATA. Plus subsidiairement encore, elle soutient que, compte tenu de l'incidence du défaut d'emballage retenu par l'expert, l'indemnité mise à sa charge ne saurait excéder la somme en principal de 86.881,48 francs. Enfin, elle réclame à ses adversaires une indemnité de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[*
La société MURATA ELECTRONIQUE et le GAN réfutent point par point l'argumentation adverse et, aux termes de conclusions récapitulatives, elles demandent à la Cour de :
A TITRE PRINCIPAL
- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 31 mars 1995 en toutes ses dispositions,
- Dire et juger qu'en application de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, il apparaît qu'en l'espèce la société MURATA, destinataire réel des marchandises, aurait pu disposer d'un recours contre le transporteur aérien, dans l'hypothèse où TTA aurait pris des réserves :
*] soit en vertu de la combinaison des articles 13 3, 14, 15 2 et 30 3 de la Convention de Varsovie précitée, qui n'interdisent pas ce recours dans le cadre de transports non successifs.
* soit en ce que la société MURATA est subrogée dans les droits de la société TTA.
- Dire et juger que, quoi qu'il en soit, la faute de la société TTA s'apprécie non dans ses conséquences, mais uniquement dans la simple non exécution d'une des obligations principales qui incombait au transitaire, à savoir : préserver tous les droits et tous les recours de son mandant.
- Constater qu'en l'espèce, la société TTA a reconnu ne pas avoir pris de réserves et reconnaît aussi par là-même sa propre faute.
- Dire et juger qu'en raison de l'absence de réserves effectuées lors de la prise en charge des marchandises par la SA TTA LOGISTICS, transitaire professionnel, cette société est présumée avoir reçu les marchandises EN BON ETAT, et ce, conformément aux deux rapports d'expertise successifs intervenus du fait du refus de la SA TTA de régler spontanément ce sinistre.
- Constater que la SA TTA est présumée responsable de l'ensemble des dommages subis par la marchandise en l'absence de réserves de sa part.
- Constater que la SA TTA LOGISTICS a commis plusieurs fautes lourdes tant dans la manutention que dans le stockage et la garde des marchandises qui lui avaient été confiées, conformément notamment au rapport d'expertise judiciaire de Monsieur l'expert judiciaire Y... et au rapport d'expertise de Monsieur l'expert X....
- Dire et juger que cette faute est par ailleurs constitutive d'une faute lourde, comme il l'a été démontré dans les conclusions n° 1 d'appel de la société MURATA et de la Compagnie d'Assurances GAN.
- Constater que les fautes relevées par les experts sont nombreuses et de quatre types :
1°) aucune réserve n'a été prise par TTA à l'encontre des
transporteurs,
2°) TTA n'a effectué aucune démarche pour préserver les recours de son mandant à l'égard des transporteurs.
3°) Les experts mentionnent notamment des fautes dans la manutention tels que des coups de fourches de fenwick, tant sur les cartons que sur les palettes et une chute de la palette n° 1.
4°) Les experts mentionnent notamment des fautes dans la garde et la conservation des marchandises, des dégâts occasionnés lors du stockage, par une mouille de la quasi totalité de la palette n° 3, un empilement des palettes, contrairement aux instructions expresses.
- Dire et juger que l'incertitude sur les lieux où se sont produits les dégâts est indifférente tant qu'il est certain, comme c'est le cas en l'espèce, que les dégâts ont bien été faits dans un temps où, quel que soit donc le lieu, les marchandises étaient sous la garde du transitaire.
- Constater d'ailleurs que l'incapacité du transitaire à se défendre sur ce terrain du lieu de production des dégâts sur les marchandises dont il avait la garde témoigne bien de son incurie dans la mise en oeuvre de son obligation de garder et de conserver les marchandises. - Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE dont appel sur ce point, en ce que les premiers juges ont notamment fort justement relevé que :
" Attendu qu'elle (la société TTA) ne saurait arguer valablement l'incertitude sur les lieux et les circonstances dans lesquelles les dommages ont été causés, pour s'exonérer de toute responsabilité alors même que les 7 palettes étaient sous sa garde" .
- Dire et juger que ces quatre types de fautes, causes des dommages, prises chacune séparément sont constitutives de faute lourdes.
- Dire et juger que leur réunion est d'autant plus constitutive de fautes lourdes.
- Dire et juger en conséquence que TTA a commis des fautes lourdes dans tout ou partie des obligations qui lui incombaient en tant que transitaire.
- Dire et juger de toute façon, et comme l'a jugé le Tribunal de Commerce de NANTERRE, il y a effectivement lieu de considérer que les manquements lourdement fautifs de la société TTA à ses obligations de mandataire (par exemple : coups de fourche de chariots élévateurs et absence de protection suffisante pour éviter la mouille) sont la cause exclusive des dommages constatés.
- Constater que les obligations d'un transitaire - ici la société TTA- à l'égard de son client - ici la société MURATA FRANCE - sont celles d'un mandataire à l'égard de son mandant, comme il est prévu aux articles 1984 et suivants du Code Civil.
- Dire et juger en conséquence que chacune de ces fautes constitue un manquement particulier de la société TTA à son obligation générale "d'accomplir le mandat tant dont il en demeure chargé", de "répondre des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution" (article 1991), de "répondre non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion" (article 1992).
- Dire et juger que, à supposer même que l'une des fautes de la société TTA ne soit pas prise isolément, objectivement qualifiable de faute lourde, il n'en reste pas moins que, par le jeu d'un seul comportement qualifié de faute lourde, ou, le cas échéant, la réunion des fautes de la société TTA prises dans leur ensemble, la société TTA a commis une ou des fautes lourdes dans l'exécution de son mandat.
- Dire et juger qu'à la simple constatation des dommages causés par la SA TTA LOGISTICS, il apparaît qu'aucun emballage, de quelque qualité et importance qu'il soit, n'aurait pu résister à un tel traitement et à de telles incuries.
- Dire et juger que rien n'interdit à un expert de donner son simple avis sur le fait que le mauvais emballage des marchandises aurait pu avoir dans la réalisation des préjudices finaux.
- Constater que si les conclusions de l'expert ne lient pas le Juge, du moins faut-il observer que pour écarter les conclusions de l'expert, la société TTA ne procède que par voie d'affirmation.
- Constater que TTA aurait dû nécessairement prendre des réserves contre cet emballage prétendument insuffisant.
- Constater qu'en l'espèce, TTA n'a pris aucune réserve lors de sa prise en charge des marchandises et a donc implicitement mais nécessairement agréé la qualité de cet emballage et qu'elle est donc totalement irrecevable, compte tenu de l'importance des dommages constatés, à soutenir qu'elle n'aurait pas commis de faute lourde en n'effectuant pas de réserves.
- Dire et juger que si l'inadéquation de l'emballage représentait bien une faute, l'importance des dommages est telle que ces préjudices seraient sans lien de causalité avec cette faute prétendue.
- Constater que concernant la mouille des marchandises, il est avéré que celle-ci est consécutive à un contact avec de l'eau douce et non avec de l'eau salée.
- Dire et juger que la société TTA LOGISTICS ne saurait donc valablement prétendre que ladite mouille est survenue pendant le transport maritime des marchandises en soutenant que son origine se situe avant son intervention.
- Constater la responsabilité exclusive de la société TTA LOGISTICS à
l'occasion des sinistres survenus le 26 juin 1992 sur le fondement notamment des articles 1991 et suivants du Code Civil.
- Dire et juger que la faute lourde est équipollente au dol.
- Dire et juger en conséquence que l'auteur d'une faute lourde doit réparer l'intégralité des préjudices subis par la victime.
- Dire et juger qu'en l'espèce, la société TTA a commis des fautes lourdes ou, à tout le moins, une faute lourde, même, le cas échéant, considérée dans "la conjugaison et le cumul" de ses "manquements successifs" à ses obligations de mandataire.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS a commis une faute lourde dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS doit réparer intégralement le préjudice subi par la société MURATA ELECTRONIQUE et par la Compagnie d'assurances GAN, subrogée dans les droits de son assurée, la société MURATA ELECTRONIQUE.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS à payer :
[* à la Compagnie d'assurances GAN, la somme de 86.881,48 francs avec intérêts légaux à compter du 23 juin 1993,
*] à la société MURATA ELECTRONIQUE, la somme de 21.720,36 francs avec intérêts légaux à compter du 23 juin 1993.
- Condamner en outre la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS à payer lesdits intérêts avec application de l'anatocisme.
- Constater que la prétendue clause limitative d'indemnités alléguée par TTA n'a été ni connue, ni acceptée par MURATA.
- Constater qu'un bon de livraison ou une facture sont, par nature,
des documents postérieurs à la conclusion de tout contrat et qu'aucune acceptation de limitation ne saurait donc en résulter.
- Dire et juger qu'ainsi, la signature d'un quelconque document à la livraison ne peut-être considérée comme une acceptation a posteriori de la clause limitative d'indemnité.
- Dire et juger qu'aucune limitation de responsabilité et d'indemnisation ne peut donc être valablement opposée à la société MURATA et à la Compagnie d'assurances GAN.
- Constater qu'à l'occasion de chaque contrat conclu entre la société TTA et MURATA, la société TTA n'apprenait à MURATA, qu'au moment de la livraison, les conditions générales qu'elle aurait bien voulu, le cas échéant, lui opposer rétroactivement en cas de litige.
- Constater que la société MURATA n'a jamais valablement adhéré, c'est-à-dire lors de la conclusion du contrat, ne serait-ce que pour la conclusion d'un seul des contrats manifestés par les différents bons de livraison, aux conditions générales de la société TTA.
- Dire et juger que lesdites clauses de limitation de réparation n'ayant jamais eu force obligatoire, ne serait-ce qu'à l'occasion d'un seul contrat, entre la société MURATA et la société TTA, on ne saurait déduire de l'ancienneté des relations commerciales de ces deux sociétés, l'opposabilité des clauses de limitation d'indemnité pour la solution de ce litige particulier.
- Dire et juger que lesdites clauses limitatives de réparation ne sont pas opposables à la société MURATA et la Compagnie d'assurances GAN.
- Dire et juger que la prétendue clause limitative de réparation alléguée par TTA est, en tout état de cause, inopposable au GAN et à MURATA ELECTRONIQUE, en raison des fautes lourdes commises par la SA TTA LOGISTICS qui rendent inapplicables toutes limitations conventionnelles ou légales et ce conformément à une jurisprudence
constante.
- Dire et juger en conséquence qu'en tant que mandataire et en application des articles 1984 et suivants du Code Civil et en raison des fautes lourdes commises par la SA TTA LOGISTICS la réparation due par TTA au GAN et à MURATA doit être intégrale.
- Prendre acte de ce que la SA TTA LOGISTICS, en prétendant que les dommages sont antérieurs à sa prise en charge alors qu'elle n'a émis aucune réserve, a reconnu ainsi sa responsabilité dans le présent litige.
- Constater qu'il n'existe aucune mention d'une quelconque limitation de responsabilité de TTA LOGISTICS sur les bordereaux de livraison n° 92.177.066 et n° 92.177.067 en date du 25 juin 1992 concernant le présent litige.
- Constater que sur les bons de livraison de TTA LOGISTICS du 25 juin 1992, n° 92.177.066 et n° 92.177.067 concernant le présent litige, il n'existe pas de conditions générales ni au recto, ni au verso de ceux-ci et qu'il n'existe aucune mention au recto ou au verso renvoyant à des prétendues conditions générales.
- Constater qu'aucune limitation de responsabilité n'est opposable au GAN et à la société MURATA que ce soit au titre des bons de livraison ou de la procuration en douane ou à quelque titre que ce soit.
- Constater que compte tenu de l'importance des dommages, il ne peut même pas être soutenu qu'un emballage adéquat eût permis d'éviter ces préjudices.
- Dire et juger que l'importance et la nature des dommages constatés sont sans lien de causalité, même pour partie seulement, avec la faute le cas échéant reprochable à la société qui a procédé à l'emballage de la marchandise.
- Dire et juger que la société TTA doit être condamnée à réparer
l'intégralité des préjudices subis.
- Constater que la société TTA a commis des ou pour le moins une faute lourde.
- Dire et juger qu'en raison des fautes lourdes commises par TTA LOGISTICS, la réparation due au GAN et à la SA MURATA doit être intégrale et ce nonobstant toutes limitations de responsabilités contractuelles éventuelles de la SA TTA LOGISTICS.
- Dire et juger que la faute lourde est équipollente au dol.
- Dire et juger en conséquence que l'obligation de réparation de la société TTA ne doit pas être limitée à celle des préjudices prévisibles, mais au contraire étendue à celle de l'intégralité des préjudices.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS a commis une faute lourde dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS doit réparer intégralement le préjudice subi par la société MURATA ELECTRONIQUE et par la Compagnie d'assurance GAN, subrogée dans les droits de son assurée, la société MURATA ELECTRONIQUE.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS à payer :
[* à la Compagnie d'assurances GAN, la somme de 86.881,48 francs avec intérêts légaux à compter du 23 juin 1993,
*] à la société MURATA ELECTRONIQUE, la somme de 21.720,36 francs avec intérêts légaux à compter du 23 juin 1993.
- Condamner en outre la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS à payer lesdits intérêts avec application de l'anatocisme.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
- Constater que la SA TTA LOGISTICS n'a pris aucune réserve lors de sa prise en charge des marchandises.
- Dire et juger en conséquence que la SA TTA LOGISTICS, en s'abstenant de prendre des réserves et de préserver les droits de la SA MURATA, a conformément à une jurisprudence constante commis une faute lourde.
- Dire et juger que la responsabilité de la SA TTA LOGISTICS est dès lors intégrale, en application des articles 1140 et suivants du Code Civil et d'une jurisprudence constante.
- Dire et juger que la question de la prétendue opposabilité des limitations de responsabilité de TTA n'a pas lieu d'être retenue.
- Dire et juger qu'en effet, si la Cour d'Appel de céans estimait, par impossible, que les clauses de limitation d'indemnité étaient opposables aux concluants, il conviendrait dès lors de rappeler que les fautes lourdes commises par TTA et relevées par l'expert judiciaire rendent inapplicables toutes éventuelles limitations d'indemnités stipulées et ce suivant une jurisprudence constante.
- Dire et juger qu'en conséquence, la réparation des dommages subis tant par le GAN que par MURATA doit être intégrale.
A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE,
- Condamner la société TTA au paiement à la Compagnie GAN de la somme de 86.881,48 francs avec intérêts de droit au taux légal à compter du 23 juin 1993, date de l'assignation, y compris application de l'anatocisme.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
- Débouter la société TTA de toutes ses demandes.
- Condamner la SA TTA LOGISTICS au paiement au GAN de la somme de 28.510 francs représentant le montant des honoraires de l'expert judiciaire réglés par le GAN avec intérêts de droit au taux légal à
compter du 23 juin 1993, date de l'assignation, y compris application de l'anatocisme.
- Condamner la SA TTA au paiement au GAN et à MURATA de la somme de 30.000 francs à titre de dommages-intérêts supplémentaires pour résistance abusive au paiement.
- Condamner la société TTA LOGISTICS, en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au paiement :
[* au GAN de la somme de 42.500 francs,
*] à la société MURATA ELECTRONIQUE SA de la somme de 42.500 francs.
- Condamner la SA TTA LOGISTICS au paiement au GAN de la somme de 10.000 francs supplémentaires au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile représentant les frais et honoraires d'avocat engagés par le GAN et MURATA ELECTRONIQUE pour effectuer l'expertise judiciaire.
- Condamner TTA aux dépens tant de cette procédure, ainsi qu'à ceux du référé ayant ordonné l'expertise. MOTIFS DE LA DECISION
Considérant qu'il convient de rappeler que les marchandises, constituées de composants électriques et électroniques réalisés pour la plupart en céramique, ont été réceptionnées sans aucune réserve par TTA les 22 et 23 juin 1992 à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle ; que la société TTA, après avoir effectué les opérations de dédouanement, s'est chargée de l'acheminement final de la marchandise jusqu'à son destinataire réel, la société MURATA ELECTRONIQUE au Plessis Robinson (92) ; qu'à la réception, de nombreux dommages ont été constatés et ont donné lieu à des réserves confirmées par lettres recommandées du 26 juin 1992 ; qu'à la suite d'une expertise amiable effectuée par Monsieur X..., un expert judiciaire a été désigné en référé en la personne de Monsieur Y... ; que ledit expert a
constaté les dégradations suivantes :
Palette n° 1
- la palette support du colis est cassée, deux des montants inférieurs sont partis,
- l'ensemble du colis a dû basculer et être redressé avec un tracteur à fourche, coups de fourche sur le côté,
- suite à ce basculement, les cartons contenants les composants sont déformés,
- la palette support en partie inférieure ne remplit plus son rôle. Un morceau de bois du support d'origine est restée en place et déséquilibre la charge.
Palette n° 2
Cette palette apparaît avoir subi deux dégradations :
- écrasement de divers cartons dans la partie supérieure du colis,
- enfoncement sur un côté vers le bas du colis,
- l'emballage extérieur montre les mêmes déformations,
- les déformations apparaissent démontrer que le colis ou la palette placée au-dessus de ce colis a glissé en écrasant les cartons sur le côté.
Palette n° 3
- les cartons situés à la partie inférieure de cette palette sont déformés par la mouille.
- de l'eau douce a ruisselé sur les colis. La partie horizontale inférieure formant une goulotte extérieure au colis, a récupéré l'eau qui s'est infiltrée en partie basse pour mouiller les cartons.
Considérant que l'expert Y... a conclu, au vu de ces constatations, à des fautes graves commises dans la manutention et le stockage des marchandises ; qu'il a également retenu une insuffisance de l'emballage qu'il a proposé de chiffrer à 20 % du préjudice global, base sur laquelle la Compagnie LE GAN, assureur de la
marchandise, a indemnisé la société MURATA ELECTRONIQUE.
Considérant que la société TTA, qui avait en sa qualité de transitaire, la charge de vérifier le bon état apparent de la marchandise lors de son arrivée à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle et de prendre en tant que de besoin toutes réserves utiles à l'encontre des différents intervenants au contrat de transport pour préserver les intérêts de son mandant, doit être tenue pour présumée responsable des dommages constatés à la livraison, sauf à s'exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle.
Considérant que la société TTA estime que l'absence de prise de réserve ne saurait lui être imputée à faute dès lors que la société MURATA ELECTRONIQUE, qui ne figurait pas sur les lettres de TRANSPORTS AERIENS, ne disposait d'aucun recours à l'encontre des transporteurs.
Mais considérant qu'à supposer que le dommage se soit produit avant la réception des marchandises par la société TTA, des réserves prises par cette dernière figurant comme réceptionnaire à la LTA, pour le compte de son mandant, auraient permis à MURATA d'être subrogé dans ses droits et d'exercer tous recours utiles, étant observé que, en l'absence de réserve et faute pour l'appelante d'établir que les dommages constatés soient antérieurs à la réception par elle des marchandises, lesdits dommages ne peuvent être que réputés commis alors que elle avait la marchandise sous sa garde.
Considérant qu'à cet égard, l'expert a relevé de nombreux manquements dans le stockage et la manutention des palettes ; que notamment, il apparaît que les marchandises ont été stockées à l'extérieur, sous la pluie (mouillage par eau douce) et manipulé sans aucune précaution à tel point que leur emballage a été éventré par les fourches des engins de levage ; que, de même, il résulte des constatations expertales que les cartons contenant les marchandises ont été empilés
sans aucune précaution ; que ces manquements sont d'autant plus caractérisés que TTA, mandatée depuis de nombreuses années par MURATA, connaissait la sensibilité des produits dont s'agit tant aux chocs qu'aux risques de mouille ; qu'il en résulte que TTA a gravement failli à la mission qui lui avait été confiée en ne prenant aucun soin de la marchandise et que ce comportement, tel que précédemment décrit, démontre une légèreté blâmable d'une particulière gravité constitutive d'une faute lourde qui lui interdit de se prévaloir des limitations de responsabilité stipulées à ses conditions générales, à supposer celles-ci connues et acceptées par MURATA ELECTRONIQUE.
Considérant que l'appelante ne saurait davantage invoquer utilement une insuffisance ou une inadéquation de l'emballage pour tenter d'échapper à sa responsabilité.
Considérant en effet que chaque palette était constituée par :
- un socle de bois renforcé,
- un socle carton placé sur le socle de bois et supportant les colis, - l'ensemble étant ceinturé par un carton et relié au socle de bois par 4 feuillards métalliques.
Que la qualité de cet emballage à l'encontre duquel, il convient de le rappeler, TTA n'a émis aucune réserve, doit être mis en parallèle, ce que n'a pas fait l'expert, avec les dommagese à l'encontre duquel, il convient de le rappeler, TTA n'a émis aucune réserve, doit être mis en parallèle, ce que n'a pas fait l'expert, avec les dommages constatés ; qu'à cet égard, il doit être relevé que, quelle que soit sa qualité, aucun emballage ne peut résister à des coups de fourche d'élévateurs ou supporter un stockage prolongé sous la pluie ; que la société TTA pouvait d'autant moins l'ignorer qu'elle était le prestataire habituel de la société MURATA et qu'il était clairement
indiqué sur les colis, sous forme de pictogramme, qu'ils devaient être protégés de la pluie, qu'ils étaient constitués de matériel fragile et qu'ils devaient être stockés dans le sens vertical ; qu'il en résulte que la qualité prétendument insuffisante de l'emballage, à la supposer établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, n'a joué aucun rôle causal dans la réalisation du dommage, lequel trouve sa cause exclusive dans les conditions de manutentions et de stockages imputables à la seule société TTA.
Considérant enfin qu'il ne saurait être utilement reproché à la Compagnie LE GAN, assureur de la marchandise, d'avoir indemnisé, en l'attente de la décision de justice à intervenir, son assurée la société MURATA ELECTRONIQUE sur la base du partage de responsabilité proposé par l'expert, ce paiement partiel effectué avec toutes les réserves d'usage, ne valant pas pour autant acceptation des conclusions dudit expert.
Considérant que dans ces conditions, le jugement dont appel sera confirmé, mais partiellement par substitution de motifs en ce qu'il a condamné la société TTA à payer, avec intérêts de droit à compter du 23 juin 1993 :
- au GAN INCENDIE ACCIDENTS la somme de 86.881,48 francs,
- à MURATA ELECTRONIQUE la somme de 21.720,36 francs.
ainsi qu'à supporter les frais d'expertise d'un montant de 28.150 francs outre les entiers dépens et alloué à chacune des parties défenderesses une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Considérant que les sociétés GAN et MURATA sont fondées à réclamer conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil le bénéfice de la capitalisation des intérêts sur le montant des condamnations prononcées en principal mais non sur les frais d'expertise qui font partie intégrante des dépens et ce à compter du
09 septembre 1996, date de la première demande en justice formée par voie de conclusions.
Considérant en revanche que les intimées ne justifient pas que la résistance que lui a opposé la société TTA ait dégénéré en abus de droit ; que la demande en dommages et intérêts qu'ils forment de ce chef sera rejetée.
Considérant enfin qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés GAN et MURATA ELECTRONIQUE les sommes que celles-ci ont été contraintes d'exposer devant la Cour ; que la société TTA sera condamnée à payer à chacune d'elle une indemnité complémentaire de 10.000 francs ainsi qu'à supporter les entiers dépens, sans qu'il y ait lieu à autre indemnité au titre des frais d'assistance à l'expertise qui relèvent des diligences normales et habituelles d'une Compagnie d'assurance. PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Reçoit la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS en son appel et les autres parties en leurs demandes incidentes,
- Dit l'appel de la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS SA mal fondé,
- Confirme en toutes ses dispositions, mais partiellement par substitution de motifs, le jugement déféré,
Y ajoutant,
- Autorise le GAN INCENDIE ACCIDENTS SA et la société MURATA ELECTRONIQUE SA à capitaliser, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, les intérêts ayant couru uniquement sur les condamnations en principal prononcées à leur profit en 1ère instance et ce à compter du 09 septembre 1996, date de la première demande en justice formée par voie de conclusions,
- Rejette la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive
formée par la Compagnie LE GAN INCENDIE ACCIDENTS SA et la société MURATA ELECTRONIQUE SA,
- Condamne la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS SA à payer au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile une indemnité complémentaire de 10.000 francs à chacune des sociétés intimées,
- Rejette les demandes complémentaires formées sur le même fondement, - Condamne la société TOUS TRANSPORTS AERIENS TTA LOGISTICS SA aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire et autorise la SCP d'Avoués LAMBERT etamp; DEBRAY etamp; CHEMIN, à en poursuivre directement le recouvrement comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER DIVISIONNAIRE
LE PRESIDENT A. PECHE-MONTREUIL
F. ASSIÉ