Madame X... est titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE sous le n° 242 508 520 01.
Compte-tenu de la position débitrice du compte, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 novembre 1993, mis en demeure Madame X... de régulariser sa situation.
Par acte du 11 juillet 1994, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE a assigné Madame X... devant le tribunal d'instance de RAMBOUILLET aux fins d'obtenir sa condamnation, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :
- 36.655,79 Francs à titre de solde débiteur de compte-chèques n° 242 508 520 01 outre les intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1992 jusqu'à complet règlement et l'application de l'article 1154 du Code Civil,
- 3.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement contradictoire et en premier ressort rendu le 20 décembre 1994, le tribunal d'instance de RAMBOUILLET a condamné Madame X... divorcée Y... à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE la somme de 36.655,79 Francs avec intérêts de retard au taux légal à compter du 1er juillet 1992 jusqu'à complet règlement et la somme de 1.500 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame X... divorcée Y..., appelante, soutient à l'appui de ses prétentions qu'il résulte de l'historique versé aux débats par le CREDIT AGRICOLE, que depuis le 3 mars 1992, son compte bancaire aurait été débiteur sans discontinuité et que le premier débit non
régularisé remonterait donc, selon elle, à cette date ; que le CREDIT AGRICOLE aurait donc dû, selon elle, saisir le tribunal d'instance avant le 3 mars 1994.
Elle ajoute subsidiairement que le CREDIT AGRICOLE ne lui a pas fait signer d'offre préalable conforme aux dispositions de l'article 5 de la loi du 10 janvier 1978 lors de l'ouverture de son compte bancaire. Par conséquent, elle prie la Cour de :
Principalement :
- réformer le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau :
- dire et juger que l'action intentée le 11 juillet 1994 par le CREDIT AGRICOLE est forclose faute d'avoir intentée dans les délais de deux ans prévus par l'article 27 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978,
Subsidiairement :
- dire qu'elle ne sera tenue qu'au remboursement du seul capital prêté à l'exclusion de tout intérêt,
- condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE à lui payer la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP KEIME ET GUTTIN, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE, intimée, soutient que le compte bancaire de Madame X... ayant enregistré une position créditrice jusqu'au 3 mai 1992 avant de fonctionner en position débitrice à compter du mois de mars 1992 en vertu d'une convention tacite passée entre le prêteur et l'emprunteur et résiliée par le prêteur le 30 novembre 1993, c'est à cette
dernière date que le solde débiteur du compte est devenu exigible et que le délai biennal de forclusion a donc commencé à courir.
Elle ajoute, sur le fond, qu'elle n'a jamais sollicité la condamnation de Madame X... au paiement d'intérêts contractuels mais a limité ses prétentions aux intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1992.
Par conséquent, elle demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 décembre 1994 par le tribunal d'instance de RAMBOUILLET,
- y ajoutant, condamner Madame X... divorcée Y... au paiement de la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 27 mars 1997 et l'affaire plaidée pour les parties à l'audience du 23 mai 1997. SUR CE LA COUR I)
Considérant qu'il est de droit constant, que lorsqu'une banque consent à son client des avances de fonds pendant plus de trois mois, ce découvert au compte constitue une ouverture de crédit qui est soumise aux dispositions d'ordre public de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 (actuels articles l 311-1 et suivants du Code de la Consommation) ; que tel est bien le cas en la présente espèce, et qu'en application de l'article 27 de la ladite loi de 1978 (actuel article L 311-37 du Code de la Consommation) le délai de forclusion biennale, dans le présent cas de découvert en compte tacite, court à compter de la date à laquelle le solde débiteur devient exigible,
c'est à dire donc, en l'espèce, à compter de la résiliation de cette convention d'ouverture de crédit, à l'initiative de l'une des parties ;
Considérant qu'il est constant que certes, ce compte de Madame X... divorcée Y... a pu être débiteur à partir du 3 mars 1992, mais qu'il est certain que ce n'est que le 30 novembre 1993 que le CREDIT AGRICOLE a pris l'initiative de résilier cette convention tacite de découvert ; que c'est donc bien à cette date-ci que le solde débiteur devenait exigible et que se situe le point du départ du délai de forclusion biennale ; que l'action en paiement, au fond, engagée par le tribunal d'instance le 11 juillet 1994, par le CREDIT AGRICOLE, l'a donc été dans le délai de deux ans et n'est pas atteinte par la forclusion ;
Considérant que l'appelante est donc déboutée de son moyen infondé tendant à faire admettre que le point de départ de la forclusion biennale devrait, ici, se situer à la date du premier incident de paiement non régularisé ; qu'il n'est d'ailleurs même pas démontré par elle ce que prétendu premier incident non régularisé se situerait au 3 mars 1992, comme elle le prétend ; II)
Considérant, quant à la créance invoquée par le CREDIT AGRICOLE, que l'appelante ne formule pas expressément de moyens pour discuter ou critiquer le montant en principal réclamé (article 954 alinéa 1 du Nouveau Code de Procédure Civile) ; que la demande en principal est fondée et justifiée et qu'il convient donc d'y faire droit ; que le jugement déféré est donc confirmé de ce chef ;
Considérant cependant qu'à défaut d'avoir saisi sa cliente d'une offre préalable de crédit (article 5 de la loi du 10 janvier 1978), LE CREDIT AGRICOLE est déchu du droit aux intérêts et que cette sanction de nature contractuelle ou légale ; que le jugement est donc infirmé en ce qu'il a accordé des intérêts au taux légal à compter du
1er juillet 1992 ; III)
Considérant que le jugement est confirmé en ce qu'il a, à bon droit, eu égard à l'équité, accordé au "CREDIT AGRICOLE" la somme de 1.500 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la Cour, y ajoutant, et compte-tenu de l'équité sur le fondement de ce même article, condamne Madame X... divorcée Y... à payer au CREDIT AGRICOLE la somme de 6.000 Francs pour ses frais irrépétibles d'appel ;
Considérant que l'appelante succombe et que compte-tenu de l'équité, elle est donc déboutée de sa propre demande en paiement de 10.000 Francs en vertu de ce même article ; PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
- CONFIRME le jugement en ses dispositions et condamnations concernant le principal de la dette de Madame X... divorcée Y... ;
Réformant sur les intérêts :
- DIT ET JUGE que le "CREDIT AGRICOLE" n'a droit à aucun intérêt, même légal ;
- CONFIRME le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et y ajoutant, CONDAMNE l'appelante à payer à l'intimée, la somme de 6.000 Francs en vertu de ce même article ; DEBOUTE l'appelante de sa propre demande fondée sur cet article ;
- CONDAMNE l'appelante à tous les dépens de premier instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER
LE PRESIDENT S. RENOULT
A. CHAIX