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26/06/1997 | FRANCE | N°1997-1335

France | France, Cour d'appel de Versailles, 26 juin 1997, 1997-1335


Seize parents d'élèves de l'ETABLISSEMENT CATHOLIQUE NOTRE DAME DU BEL AIR de MONTFORT L'AMAURY, membres de l'Association organisme de gestion de cette école, dénommée ci-après O.G.E.C., ont assigné l'Association devant le Tribunal de grande instance de VERSAILLES aux fins d'annulation de la délibération du conseil d'administration du 20 novembre 1996 autorisant le président de l'Association à procéder au licenciement de Monsieur Luigi X..., chef d'établissement, demandant au tribunal de "remettre les parties dans l'état qui étaient le leur avant lesdites délibérations".
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Seize parents d'élèves de l'ETABLISSEMENT CATHOLIQUE NOTRE DAME DU BEL AIR de MONTFORT L'AMAURY, membres de l'Association organisme de gestion de cette école, dénommée ci-après O.G.E.C., ont assigné l'Association devant le Tribunal de grande instance de VERSAILLES aux fins d'annulation de la délibération du conseil d'administration du 20 novembre 1996 autorisant le président de l'Association à procéder au licenciement de Monsieur Luigi X..., chef d'établissement, demandant au tribunal de "remettre les parties dans l'état qui étaient le leur avant lesdites délibérations".

Monsieur Georges Y..., ès-qualités de directeur diocésain de l'enseignement catholique, est intervenu volontairement à l'instance. Il a soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance au profit de l'instance arbitrale académique instituée par le statut de l'enseignement catholique.

Monsieur Luigi X... est intervenu volontairement pour solliciter l'annulation des décisions du directeur diocésain ayant abouti au retrait de son agrément de chef d'établissement, prises préalablement à la décision du conseil d'administration de l'O.G.E..C critiquée par les demandeurs à l'instance, invoquant l'inobservation des procédures prévues par les dispositions du statut de l'enseignement catholique, et le non respect "des droits de la défense".

Il demandait au tribunal de reconsidérer sa situation et de faire en sorte de réparer toutes les conséquences financières et morales de la décision de Monsieur Y... du 24 octobre 1996 et de le rétablir dans ses fonctions de chef d'établissement de l'ECOLE NOTRE DAME DU BEL AIR sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard.

Par jugement rendu le 31 janvier 1997, le Tribunal de grande instance de VERSAILLES, après avoir déclaré recevables les interventions volontaires, a :

- dit le Tribunal de grande instance de VERSAILLES incompétent au profit de l'instance académique d'arbitrage instituée par l'article 7 du statut de l'enseignement catholique,

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- condamné les demandeurs et Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

A l'appui de leur contredit, Mesdames et Messieurs Z..., A..., B..., C..., D..., E... Maryse, F..., G..., E... Dominique, H..., font valoir que la clause d'arbitrage du statut de l'enseignement catholique concerne les organismes et les personnes en responsabilité dans l'enseignement catholique, ce qui n'est pas le cas des parents d'élèves membres de l'O.G.E.C. Ils soutiennent essentiellement que le conflit opposant des parents d'élèves, personnes physiques au directeur diocésain, litige lié à la vie scolaire est exclu du champ d'application de la clause d'arbitrage et relève de la compétence du tribunal de grande instance. Ils rappellent qu'en première instance l'association O.G.E.C. avait conclu au rejet de l'exception d'arbitrage au motif notamment de la nullité de la clause d'arbitrage interdite par l'article 2061 du Code civil.

Monsieur Luigi X... a également formé contredit. Il développe les mêmes moyens que les parents d'élèves et soutient que le conflit l'opposant à l'Association et à Monsieur Y..., directeur diocésain, est un conflit né des relations du travail exclu par l'article 84 du titre 7 du statut de l'enseignement catholique du champ d'application de l'arbitrage et relève donc de la compétence du tribunal de grande instance.

Monsieur Y..., défendeur au contredit, fait valoir que l'Association O.G.E.C. est soumise au statut de l'enseignement catholique, rappelle

la clause d'arbitrage figurant à l'article 84 de ce statut, et soutient que le litige porte sur la validité d'une décision sociale, et non d'un conflit lié à la vie scolaire. Il ajoute que les membres de l'Association ont adhéré à ses statuts et exercent tous des responsabilités au sein de l'Association de telle sorte qu'ils sont tenus de recourir à l'arbitrage. Enfin, en réponse au moyen tiré de l'article 2061 du Code civil, Monsieur Y... affirme que les dispositions des articles 1442 et 1443 du Nouveau Code de procédure civile, éclairées par une abondante jurisprudence, admettent la validité d'une clause compromissoire y compris par voie de référence. Il demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner solidairement les demandeurs au contredit à lui verser une somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

L'Association O.G.E.C. n'a pas déposé de conclusions mais par la voix de son conseil a déclaré s'en rapporter aux écritures du directeur diocésain.

SUR CE,

Considérant que l'article 84 du statut de l'enseignement catholique prévoit : "Tous les organismes auxquels le présent statut s'applique, et toutes les personnes en responsabilité dans l'enseignement catholique s'engagent à recourir à l'arbitrage prévu au présent titre. Sont exclus du champ d'application les conflits nés des relations du travail qui sont traités dans le cadre des procédures mises en place par les conventions collectives et accords internes de l'enseignement catholique et les conflits liés à la vie scolaire." ; Que le statut a institué une instance arbitrale académique pour être "saisie des litiges nés de l'application du présent statut" ;

Considérant que pour admettre la compétence de l'instance arbitrale instituée par le statut de l'enseignement catholique adopté et promulgué par la Conférence des Evêques de France le 14 mai 1992 et modifié le 11 mars 1996, les premiers juges ont écarté l'application de l'article 2061 du Code civil en rappelant les termes de l'article 1134 du même code aux termes duquel "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites" ;

Mais considérant que l'article 2061 du Code civil prévoit que "la clause compromissoire est nulle s'il n'est disposé autrement par la loi" ; que la clause compromissoire est prohibée en dehors des litiges commerciaux ; que les articles 1442 et 1443 du Nouveau Code de procédure civile ne régissent la clause compromissoire dans les conventions que dans la mesure où cette clause n'est pas nulle ;

Qu'en l'espèce, l'article 84 du statut régissant l'Enseignement catholique institue une instance arbitrale, et prévoit que certains litiges lui seront soumis ;

Que cette clause compromissoire, qui conduit à renoncer à la juridiction étatique pour un litige seulement éventuel, est nulle par application de l'article 2061 du Code civil ;

Qu'il est donc sans intérêt d'examiner si, comme le soutiennent les consorts Z... et autres ainsi que Monsieur X..., le présent conflit, en raison de sa nature ou des parties en présence, serait exclu du champ d'application de la clause compromissoire ;

Considérant qu'il convient de réformer le jugement entrepris, la clause compromissoire étant nulle, et de renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance qui est compétent, étant observé que Monsieur X... se borne à contester la décision de retrait d'agrément, indiquant lui-même que tout litige relatif à son contrat de travail relèverait de la compétence de la juridiction prud'homale ;

Considérant que succombant sur le contredit de compétence, Monsieur Y... sera condamné aux dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, en équité, d'allouer aux demandeurs les indemnités qu'ils réclament au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en matière de contredit, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré ;

STATUANT A NOUVEAU,

REJETTE l'exception d'incompétence ;

RENVOIE la cause et les parties devant le Tribunal de grande instance de VERSAILLES ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur Georges Y... aux dépens du contredit.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1335
Date de la décision : 26/06/1997

Analyses

ARBITRAGE - Clause compromissoire - Insertion dans des statuts

Aux termes de l'article 2061 du code civil "la clause compromissoire est nulle s'il n'en est disposé autrement par la loi". De la combinaison du principe de nullité posé par l'article 2061 précité et de l'article 631 du code de commerce résultent le principe général de la prohibition de la clause compromissoire et l'exception de sa validité en matière commerciale. Ce même principe détermine le champ d'application des dispositions des articles 1442 et 1443 du NCPC, relatif à la clause compromissoire. Est nul, l'article du statut de l'Enseignement catholique qui institue une instance arbitrale pour juger certains litiges, dès lors que cette clause -compromissoire- conduit à renoncer à la juridiction étatique pour trancher un litige futur et éventuel


Références :

Code civil 2061
Code de commerce 631
Nouveau Code de procédure civile 1442, 1443

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme Mazars

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1997-06-26;1997.1335 ?
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