COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 24/893
N° RG 24/00890 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QOHD
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le lundi 02 septembre à 10h00
Nous , N. ASSELAIN, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 03 juillet 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 29 août 2024 à 17H10 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
X se disant [D] [X] [M]
né le 28 Septembre 1984 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Vu l'appel formé le 30 août 2024 à 11 h 52 par courriel, par Me Lucie GERMAIN, avocat au barreau de TOULOUSE,
A l'audience publique du vendredi 30 août 2024 à 15h00, assisté de E. LAUNAY, greffier lors des débats et K.MOKHTARI greffier lors de la mise à disposition, avons entendu :
X se disant [D] [X] [M]
assisté de Me Lucie GERMAIN, avocat au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier ;
avec le concours de [D] [K], interprète, qui a prêté serment,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de [E][J] représentant de la PREFECTURE DU LOT ET GARONNE régulièrement avisée ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
M. [D] [X] [M], né le 28 septembre 1984 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne, a été interpellé le 23 août 2024, pour des infractions à la police de la circulation et un maintien irrégulier sur le territoire français. Il a été placé en rétention administrative au centre de rétention de [Localité 1] le 24 août 2024.
[D] [X] [M] a fait l'objet d'un arrêt de la cour d'appel de Pau du 14 juin 2018 portant interdicion définitive du territoire français, et d'un arrêté de la préfecture des Landes du 24 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire français.
Par requête en date du 28 août 2024, le préfet de Lot et Garonne a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse d'une demande de prolongation de la rétention de [D] [X] [M] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours.
Par ordonnance du 29 août 2024 à 17 h 10, le juge des libertés et de la détention a :
- prononcé la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention administrative ;
- rejeté les moyens d'irrégularité ;
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention;
- déclaré régulier l'arrêté de placement en rétention administrative ;
- ordonné la prolongation de la rétention de [D] [X] [M] pour une durée de vingt-six jours.
Le conseil de [D] [X] [M] a interjeté appel de cette décision par acte reçu au greffe le 30 août 2024 à 11 h 52.
[D] [X] [M] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance du 30 août 2024 et de prononcer sa remise en liberté immédiate.
A cet effet, il soulève le caractère irrégulier de la procédure, du fait du recours à l'interprétariat par téléphone sans nécessité, lui ayant causé grief, du fait de l'absence de formulaire écrit en langue arabe portant notification des droits en garde à vue, du fait de l'absence de traduction de tous les procès-verbaux, lui causant grief, et du fait du détournement par le préfet de la mesure de garde à vue.
Il soulève également l'irrecevabilité de la requête du fait que plusieurs pièces n'y ont pas été jointes.
Enfin, il invoque des irrégularités entachant la décision de placement en rétention administrative, insuffisamment motivée, et qui n'a pas correctement examiné sa situation, alors qu'il a sollicité le bénéfice de l'asile et bénéficie d'un logement.
Le préfet de Lot et Garonne a sollicité la confirmation de la décision.
Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observations.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur la régularité de la procédure
- recours à l'interprétariat par téléphone
[D] [X] [M] soutient que la nécessité du recours à l'interprétariat par téléphone n'est pas démontrée, et qu'il en est résulté pour lui un grief.
S'il est établi que le procès-verbal d'audition du 24 août 2024 à 11H30, à la différence du procès-verbal de notification des droits et du procès-verbal d'audition du 24 août 2024 à 16H15, ne comporte pas la mention expresse de l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer, [D] [X] [M] ne démontre pas le grief qui serait résulté pour lui de cette circonstance, alors qu'il était alors assisté par un avocat et n'a pas fait état de quelconques difficultés de communication.
- absence de formulaire écrit de notification des droits en garde à vue
[D] [X] [M] soutient en second lieu que la procédure est irrégulière, en ce que le formulaire de notification des droits en garde à vue écrit en langue arabe ne figure pas à la procédure.
C'est cependant à juste titre que le juge des libertés et de la détention rappelle la force probante attachée au procès-verbal de notification de début de garde à vue du 23 août 2024, qui mentionne la remise à [D] [X] [M] d'un formulaire écrit, en langue arabe, lui notifiant ses droits. Il importe donc peu qu'une copie de ce formulaire, remis à l'intéressé, ne figure pas au dossier.
- absence de traduction de tous les procès-verbaux
[D] [X] [M] invoque l'absence de traduction de l'inventaire des effets et objets retirés à la personne gardée à vue.
La décision de première instance retient pourtant à juste titre que [D] [X] [M] ne démontre pas le grief qui en serait résulté pour lui, alors qu'il n'invoque aucune omission dans cette inventaire.
- détournement de la mesure de garde à vue
[D] [X] [M] soutient qu'il a été maintenu en garde à vue pour des motifs autres que ceux prévus par l'article 62-2 du code de procédure pénale.
L'ordonnance déférée rappelle pourtant que [D] [X] [M] a été placé en garde à vue le 23 août 2024 à 21H35, heure du contrôle, qu'il a été mis fin à la mesure le 24 août 2024 à 18H sur décision du procureur de la République, et qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure que la mesure n'aurait pas répondu dans les dernières heures à l'un ou l'autre des objectifs de l'article 62-2 du code de procédure pénale. [D] [X] [M] a en effet été à nouveau entendu le 24 août 2024 à 16H40, et ses effets, à l'exception de ceux saisis, lui ont été restitués le 24 août 2024 à 17H55.
C'est en conséquence à bon droit que le premier juge a rejeté les exceptions de procédure soulevées. La décision est confirmée sur ce point.
Sur la recevabilité de la requête aux fins de prolongation
[D] [X] [M] soutient que la requête aux fins de prolongation de la rétention est irrecevable en ce qu'elle n'est pas accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, en l'occurrence l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 14 juin 2018 portant interdiction définitive du territoire français, l'accusé de réception de l'information donnée au procureur de la République du placement en rétention, la procédure d'asile et la procédure relative au précédent placement en rétention administrative dont il a fait l'objet.
L'article R. 743-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose :
'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
(...)'
Les pièces justificatives utiles sont celles qui sont nécessaires à l'appréciation par la juridiction des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.
La décision déférée relève à juste titre qu'un extrait de la décision de la cour d'appel de Pau du 14 juin 2018 figure à la procédure. La production de l'arrêt dans son intégralité n'est pas une pièce utile au sens de l'article sus-visé.
L'absence de l'accusé de réception du courriel informant le procureur de la République d'Agen du placement en rétention de l'intéressé n'est pas de nature à invalider la procédure, dès lors que rien ne permet de remettre en cause la réception effective du mail qui lui a été adressé le 24 août 2024 à 18H11.
C'est également à juste titre que le premier juge a retenu que:
- la procédure relative à la demande d'asile formée par l'intéressé le 30 avril 2024 ne constitue pas à ce stade une pièce utile, alors que l'arrêté portant placement en rétention administrative en relate les différentes étapes;
- la procédure relative au précédent placement en rétention administrative dont a fait l'objet l'intéressé par arrêté du 15 avril 2024 n'est pas une pièce nécessaire à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer son plein pouvoir, alors que la procédure de rétention dont la première prolongation est sollicitée dans le cadre de la présente instance est celle fondée sur l'arrêté distinct du 24 août 2024, portant placement en rétention administrative.
L'ordonnance est donc confirmée en ce qu'elle a déclaré la requête recevable.
Sur la régularité de la décision de placement en rétention
Selon l'article L.741-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives et propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Aux termes de l'article L. 741-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention est écrite et motivée.
En l'espèce, [D] [X] [M] soutient que la décision de placement en rétention administrative est insuffisamment motivée, et que sa situation n'a pas correctement appréciée, alors a sollicité le bénéfice de l'asile et qu'il dispose d'un logement dont il a donné l'adresse.
L'arrêté portant placement en rétention administrative est cependant dûment motivé par les éléments circonstanciés rappelés par la décision de première instance, à laquelle la cour se réfère.
Par ailleurs, le préfet a procédé à une évaluation individuelle complète de la situation de l'intéressé, au regard de l'ensemble des éléments communiqués par celui-ci dans son audition du 24 août 2024. Il a en particulier effectivement mentionné la demande d'asile présentée et son rejet, ainsi que l'adresse communiquée par [D] [X] [M].
Dans ces conditions, le premier juge a justement estimé que c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a ordonné le placement en rétention.
La décision doit être confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, après avis aux parties,
Confirmons l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse le 29 août 2024;
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture du Lot et Garonne, à [D] [X] [M] ainsi qu'à son conseil, et communiquée au ministère public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
K.MOKHTARI N. ASSELAIN