COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 24/886
N° RG 24/00883 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QOEO
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le jeudi 29 août à 10h30
Nous, C. ROUGER, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 03 juillet 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 28 août 2024 à 15H11 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
[K] [B]
né le 22 Janvier 1997 à [Localité 2] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
Vu l'appel formé le 28 août 2024 à 18 h 47 par courriel, par Me Elodie BAYER, avocat au barreau de TOULOUSE,
A l'audience publique du jeudi 29 août 2024 à 14h00, assisté de C. IZARD, greffier, avons entendu :
[K] [B]
assisté de Me Elodie BAYER, avocat au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier ;
avec le concours de [P] [Y], interprète,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de M. [U] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
[K] [B], né le 22 janvier 1997 à [Localité 2] (Tunisie), de nationalité tunisienne, a fait l'objet le 15 novembre 2021 d'une décision du tribunal correctionnel de Toulouse le condamnant à une peine d'emprisonnement pour agression sexuelle sur mineur de 15 ans assortie d'une interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de trois ans, mesure définitive depuis le 23 mars 2022. Il fait aussi l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour de trois ans prise par le Préfet de la Haute-Garonne le 24 janvier 2022, régulièrement notifiée le 27 janvier 2022, assortie d'une assignation à résidence notifiée le 2/02/2022, date de sa levée d'écrou, avec obligation de pointage deux fois par semaine au commissariat central de [Localité 3] et interdiction de sortir du département de la Haute-Garonne, mesure ayant donné lieu à un procès-verbal de carence le 8 février 2022. Il a fait l'objet d'une décision de placement en rétention administrative par le Préfet du Finistère du 3/02/2024, notifiée le même jour, puis d'une décision d'assignation à résidence prise par le même préfet le 5/02/2024 avec obligation de pointage journalier à [Localité 1] durant 45 jours, mesure ayant donné lieu à un procès-verbal de carence du 11/03/2024.
Suite à un différend familial avec son ex-compagne, il a été interpellé et placé en garde à vue à [Localité 3] le 23 août 2024 pour non-respect d'une interdiction du territoire français. Il a été trouvé détenteur d'une carte d'identité italienne qui s'est trouvée être un faux.
Le 23 août 2024 le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre un arrêté de placement en rétention administrative, décision notifiée à l'intéressé à 18h45.
Par requête du 27 août 2024 réceptionnée au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse à 9h53 le préfet de la Haute-Garonne a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative pour une durée de 26 jours.
Par requête du même jour réceptionnée au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse à 15h11 [K] [B] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative.
Par ordonnance du 28 août 2024 à 15h11 le juge des libertés et de la détention, après jonction des requêtes, a déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention, déclaré régulier l'arrêté portant placement en rétention administrative et ordonné la prolongation de la rétention de l'intéressé pour une durée de 26 jours.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 28 août 2024 à 18h47, Me Elodie BAYER, avocate, a interjeté appel de cette décision pour le compte de [K] [B], sollicitant l'annulation de la mesure de placement en rétention. Au soutien de l'appel il est exposé que [K] [B] justifie avoir un fils né en France en juin 2024 dont la mère serait la compagne actuelle de [K] [B], de sorte que la situation personnelle de ce dernier aurait été insuffisamment prise en compte lors de la mise en 'uvre de la décision de placement en rétention.
A l'audience du 29 août 2024 à 14 h l'avocate de l'appelant a développé oralement les moyens au soutien de l'appel, relevant des éléments de rattachement à la France qualifiés de forts, à savoir, sa compagne, qui aurait été présente à l'audience devant le juge des libertés et de la détention, et son fils né en juin 2024, dont il détiendrait le livret de famille.
Le représentant de la préfecture a sollicité la confirmation de la décision entreprise, relevant que l'intéressé avait déclaré être séparé de sa compagne et que l'enfant était placé en foyer. Il a précisé qu'en l'état d'une copie de passeport, un routing avait été sollicité le 26/08 et que les perspectives d'éloignement étaient réelles.
Le parquet général, avisé, ne s'est pas fait représenter.
[K] [B], lequel a eu la parole en dernier, a indiqué qu'il ignorait l'assignation à résidence avec pointage, qu'il voulait sortir pour s'occuper de son fils et accepterait de pointer. Interpellé sur ses déclarations aux services de police s'agissant de la séparation d'avec sa compagne dont il a fait état il a répondu que lors de son audition il était énervé. Interpellé sur sa déclaration relative au placement de l'enfant il a confirmé que celui-ci était bien en foyer et qu'on ne lui avait pas donné de droit de visite.
SUR CE,
L'appel, diligenté dans les formes et délai légaux est recevable.
1°/ Sur la légalité de la décision de placement en rétention et l'erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la situation de famille du retenu
Sur le fond, en application des articles L741-1 et 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.
Le contrôle opéré par le juge judiciaire ne porte pas sur la pertinence de la motivation de la décision administrative, mais simplement sur son existence. Pour satisfaire à l'exigence de motivation, la décision attaquée doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision, étant rappelé que l'autorité préfectorale est libre de choisir les arguments qu'elle retient et qu'elle n'est pas obligée de présenter les arguments de façon exhaustive dès lors que ceux retenus lui paraissent pertinents et utiles.
En l'espèce, il ressort des déclarations de [K] [B] assisté d'une interprète en langue arabe faites aux services de police le 23 août 2024 bien qu'informé de son droit au silence :
-qu'il a déclaré vivre chez son frère [S] à [Localité 3] étant séparé de [Z] [C], mère de son fils, avec laquelle il avait vécu en concubinage,
-qu'il était père d'un fils né en juin 2024 qui n'était pas à sa charge, l'enfant étant placé chez un tiers, en l'espèce en foyer, sans qu'il sache lequel, depuis environ un mois, enfant sur lequel il ne disposait pas de droit de visite, le placement du bébé étant intervenu suite à un épisode d'ivresse de la mère qui aurait donné de l'alcool au bébé situation ayant justifié l'intervention de la police,
-qu'il avait déjà fait l'objet d'une assignation à résidence il y a six mois mais qu'il n'était jamais allé signer, ayant été assigné à [Localité 1] alors qu'il était venu directement sur [Localité 3] après son jugement.
L'arrêté de placement en rétention administrative contesté n'est donc affecté d'aucune erreur manifeste d'appréciation pour affirmer que [K] [B] n'est pas accompagné d'un enfant mineur et qu'il résulte de son procès-verbal d'audition et de l'examen de sa situation qu'il ne justifie d'aucun changement qui ferait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement.
La décision entreprise doit en conséquence être confirmée en ce que le premier juge a déclaré régulier l'arrêté de placement en rétention administrative.
2°/ Sur la prolongation de la rétention
En l'état du non-respect des mesures d'interdiction du territoire français et de l'ordre de quitter le territoire français le concernant, régulièrement notifiées, tout comme des obligations des deux décisions portant assignation à résidence dont il a bénéficié, [K] [B] ne présente aucune garantie de représentation effective propre à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet et aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette mesure d'éloignement.
L'administration étant en possession d'une copie de passeport attestant de la nationalité de l'intéressé, une demande de routing d'éloignement pour la Tunisie a été formalisée auprès de la division nationale de l'éloignement de la direction nationale de la police de l'air aux frontières qui en accusé réception le 26/08/2024, pour une première disponibilité de vol à partir du 2/09/2024.
En l'état de ces diligences, la prolongation de la mesure de rétention est nécessaire pour la mise en 'uvre effective de l'éloignement, rien ne permettant d'affirmer que cette mesure ne pourra être exécutée avant l'expiration de délai maximal légal de la rétention.
La décision entreprise doit en conséquence être aussi confirmée en ce que le premier juge a prononcé la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 26 jours.
PAR CES MOTIFS
Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;
Déclarons l'appel recevable mais mal fondé
Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en ce que le premier juge, après jonction des requêtes, a déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention, déclaré régulier l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonné la prolongation de la rétention de [K] [B] pour une durée de 26 jours
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE, service des étrangers, à [K] [B], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
C. IZARD C. ROUGER.