27/08/2024
ARRÊT N° 295
RG 23/1907 - N°Portalis DBVI-V-B7H-PPAG
et
N° RG 23/01908 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PPAI
IMM/ CD
Décision déférée du 10 Mai 2023 - Tribunal de Commerce d'ALBI - 2022000890
M. BLANC
S.C.I. VITRY LA SALAMANDRE
C/
S.A.S. COMPOBAIE SOLUTIONS
SCP [F] BRU
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SEPT AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE dans le RG 23/1907 et 23/1908
S.C.I. VITRY LA SALAMANDRE
poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Xavier TERCQ, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE dans le RG 23/1907
SCP [F] BRU
Prise en la personne de Maître [Y] [F], anciennement ès qualités de Mandataire Judiciaire, domicilié audit siège
Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE dans le RG 23/1908
S.A.S. COMPOBAIE SOLUTIONS
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE
EN PRESENCE DU:
MINISTERE PUBLIC
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
[Localité 1]
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère chargée du rapport et S. MOULAYES, conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
S.MOULAYES, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
Exposé des faits et procédure :
Suivant contrat en date du 2.7.2018, la SCI Vitry la Salamandre a confié à la société Compobaie solutions le lot « menuiseries extérieures PVC » d'une résidence service senior située [Adresse 2] moyennant un prix de 307 000 € hors taxes.
Par jugement en date du 10.12.2019, le Tribunal de Commerce d'Albi a prononcé l'ouverture d'une sauvegarde de la société Compobaie Solutions avec désignation de Me [Y] [F] en qualité de représentant des créanciers.
La SCI Vitry la Salamandre a déclaré sa créance pour la somme cumulée de 526 324.67 € au titre de pénalités de retard et du coût de reprises.
La société Compobaie Solutions a contesté cette déclaration de créance.
Par ordonnance en date du 13 avril 2021, le Juge commissaire après avoir estimé que le litige opposant les parties excédait sa compétence, les a renvoyés à mieux se pourvoir devant le Juge du fond.
Par exploit en date du 6 mai 2021, la SCI Vitry la Salamandre a fait assigner la SCP [F] Bru, prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Compobaie devant le tribunal de commerce d'ALBI afin de voir :
- fixer sa créance et ordonner son inscription au passif de la société Compobaie Solutions, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP [F] Bru pour la somme de 526 324.67 € sauf à parfaire.
- condamner la société Compobaie Solutions, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP [F] Bru à régler à la Scp VItry la Salamandre la somme de 3 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Par exploit du 28 juillet 2022, la SCI Vitry la Salamandre a fait assigner la société Compobaie en intervention forcée devant le tribunal, et formé les mêmes demandes en sollicitant la jonction des deux procédures.
Par jugement en date du 10 mai 2023, le tribunal de commerce d'Albi a
-déclaré nulle l'assignation délivrée à la requête de la SCI Vitry la Salamandre au mandataire judiciaire,
- a dit son action irrecevable
- et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes
Par un second jugement du même jour, il a
- déclaré nulle l'assignation délivrée à la requête de la SCI Vitry la Salamandre à la société Compobaie,
- a dit son action irrecevable.
- l'a débouté de ses demandes
Par deux déclaration en date du 25 mai 2023, la SCI Vitry la Salamandre a relevé appel de ces deux jugements. Ces procédures ont été enregistrées sous les N° 23/1907 et 23/1908.
La clôture est intervenue le 11 mars 2024.
Prétentions et moyens des parties dans la procédure RG 23/1907
Vu les conclusions notifiées le 3 août 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Vitry la Salamandre demandant de :
- Ordonner la jonction de Ia présente affaire avec I'instance enrôlée sous Ie RG n° 23/01908;
- Infirmer dans toutes ses dispositions Ie jugement rendu Ie 10 mai 2023 par le tribunal de commerce d'AIbi;
En conséquence et statuant à nouveau :
- Juger que la société Compobaie Solutions est débitrice de Ia somme de 526 324,67 euros auprés de la SCI Vitry la Salamandre;
- Rejeter les demandes d'irrecevabilité et de nullité formulées par Ia SCP [F]-Bru prise en Ia personne de Maitre [F], et par Ia société Compobaie Solutions;
- Condamner Ia société Compobaie à régler à la SCI Vitry la Salamandre Ia somme de 526 324,67 euros;
- Fixer la créance de la SCI Vitry la Salamandre et ordonner son inscription au passif de la société Compobaie représentée par son mandataire judiciaire, Ia SCP [F] Bru pour Ia somme de 526 324,67 euros sauf à parfaire ;
- Condamner in solidum Ia société Compobaie et Ia Scp [F] Bru à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions notifiées le 2 novembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SCP [F] Bru demandant de :
- Confirmer le jugement,
- Déclarer nulle l'assignation délivrée le 06 mai 2021 à la requête de la SCI Vitry la Salamandre à l'encontre de Maître [Y] [F], prise en qualité de « mandataire liquidateur » ;
- Déclarer irrecevable l'action de la SCI Vitry la Salamandre ;
- Débouter la SCI Vitry la Salamandre de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner enfin la SCI Vitry la Salamandre d'avoir à régler à Me [Y] [F], membre de la SCP [F] Bru, la somme complémentaire de 4.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Prétentions et moyens des parties dans la procédure RG 23/1908
Vu les conclusions notifiées le 3 août 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Vitry la Salamandre demandant de :
- Ordonner la jonction de Ia présente affaire avec I'instance enrôlée sous Ie RG n° 23/01907;- Infirmer dans toutes ses dispositions Ie jugement rendu Ie 10 mai 2023 par le tribunal de commerce d'AIbi;
En conséquence et statuant à nouveau :
-Juger que la société Compobaie Solutions est débitrice de Ia somme de 526 324,67 euros auprés de la SCI Vitry la Salamandre;
- Rejeter les demandes d'irrecevabilité et de nullité formulées par Ia SCP [F]-Bru prise en Ia personne de Maitre [F], et par Ia société Compobaie Solutions;
- Condamner Ia société Compobaie à régler à la SCI Vitry la Salamandre Ia somme de 526 324,67 euros;
- Fixer la créance de la SCI Vitry la Salamandre et ordonner son inscription au passif de la société Compobaie représentée par son mandataire judiciaire, Ia SCP [F] Bru pour Ia somme de 526 324,67 euros sauf à parfaire ;
- Condamner in solidum Ia société Compobaie et Ia Scp [F] Bru à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions notifiées le 2 novembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Compobaie demandant de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Déclarer nulle l'assignation délivrée le 06 mai 2021 à la requête de la Sci Vitry la Salamandre à son encontre,
- A défaut, la déclarer irrecevable,
- Débouter la SCI Vitry la Salamandre de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner enfin la Sci Vitry la Salamandre d'avoir à régler à Me [Y] [F] la somme complémentaire de 4.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le ministère public auquel le dossier a été communiqué a indiqué par avis porté à la connaissance des parties à l'ouverture des débats s'en remettre à l'appréciation de la cour.
Motifs
Il convient d'ordonner la jonction des instances enregistrées sous les N° RG 23/1907 et 23/1908 qui tendent toutes les deux à la fixation de la créance de la société Vitry La Salamandre au passif de la société Compobaie.
La cour est saisie de cette demande après que le juge commissaire saisi d'une demande d'admission de la créance de la SCI, eut estimé que la demande excédait ses pouvoirs.
L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur invitation du juge-commissaire s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur.
Dès lors, la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties.
En l'espèce, le premier juge a été saisi par la société Vitry La Salamandre d'une assignation dirigée contre le mandataire de la société Compobaie, puis dans un second temps d'une assignation en intervention forcée contre le mandataire de cette société, tendant toutes deux à la fixation de sa créance au passif de la société Compobaie, mais n'a pas joint ces deux procédures.
Le mandataire et la société Compobaie soutiennent que l'assignation délivrée devant le tribunal à la société [F] Bru est nulle dès lors que cette dernière a été citée en qualité de mandataire-liquidateur et qu'elle n'a jamais eu cette qualité.
Néanmoins, contrairement à ce que soutiennent les intimées et à ce qu'a retenu le tribunal, la lecture de l'exploit introductif d'instance permet de constater que la SCP [F] a bien été assignée devant le tribunal en sa qualité de mandataire judiciaire et non en qualité de mandataire-liquidateur. Certes, le dispositif de l'assignation, sollicite de façon erronée la condamnation de la SCP [F]-Bru en qualité de mandataire-liquidateur, mais cette erreur a été corrigée dans les conclusions postérieures de la SCI Vitry la Salamandre dont le tribunal avait été régulièrement saisi. Ni le mandataire, ni la société débitrice qui ont été régulièrement appelés dans la cause et placés en situation de faire valoir leurs droits ne justifient d'un grief résultant de cette erreur de plume.
C'est donc à tort que le jugement 2022000890 du 10 mai 2023 a prononcé la nullité de l'acte introductif, déclaré irrecevables les prétentions de la SCI et a débouté cette dernière de ses demandes, de telles dispositions étant en outre incompatibles entre elles.
Il sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.
Par son assignation en intervention forcée de la société débitrice par acte du 28 juillet 2022, la SCI Vitry la Salamandre a régularisé la procédure avant que le tribunal n'ait statué. C'est donc également à tort que le tribunal a retenu que la procédure n'était pas régulière à défaut pour le créancier d'avoir appelé dans la cause le débiteur et le mandataire et a prononcé la nullité de l'exploit délivré le 28 juillet 2022.
Le jugement 2022000890 du 10 mai 2023 sera en conséquence également infirmé en toutes ses dispositions.
- sur la créance de la société Vitry la Salamandre
La SCI Vitry la Salamandre qui s'est engagée dans la réalisation d'une opération de construction d'une résidence Seniors, [Adresse 6], à [Localité 4], justifie avoir confié à la société Compobaie Solutions la réalisation du lot N°9 'Menuiseries extérieures PVC'.
Elle justifie avoir déclaré le 5 février 2020 entre les mains du mandataire judiciaire les créances suivantes :
- 28 202, 72 euros au titre des travaux non réalisés sur le marché global
- 495 000 euros au titre des pénalités de retard
- 28 367, 33 euros au titre des travaux de reprise.
Elle expose que les travaux non réalisés à la date de l'ouverture de la procédure collective, pour lesquels elle avait déclaré une créance de 28 202, 72 euros l'ont finalement été depuis lors, si bien qu'elle ne sollicite pas l'admission de cette créance.
Elle soutient en revanche que ces travaux ont été réalisés avec retard, si bien qu'elle est créancière des pénalités de retard contractuelles.
Au soutien de ses prétentions sur ce point, elle verse aux débats une attestation émanant du président du Directoire de la société Compobaie par lequel ce dernier s'engage à respecter le planning des travaux tel qu'il a été validé et accepte par avance les pénalités de retard selon les modalités suivantes :
- 1 à 3 jours de retard : 100 euros par jours ouvrés
- 4 à 7 jours de retard : 1000 euros par jours ouvrés
- au delà de 7 jours de retard : 3000 euros par jours ouvrés.
Elle justifie en outre que les travaux, qui devaient être réalisés avant le 12 avril 2019 conformément à l'engagement de la société Compobaie n'étaient pas réalisés le 19 décembre 2019, date d'ouverture de la procédure collective, et caractérise un retard de 165 jours ouvrés par rapport au planning initial. La société Compobaie est donc débitrice au titre des pénalités contractuelles de la somme de 495 000 €.
Eu égard à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, il n'y a pas lieu à condamnation mais il convient de fixer la créance de la société Vitry la Salamandre au passif de la société Compobaie à la somme de 495 000 euros au titre des pénalités de retard.
La société Vitry la Salamandre soutient en outre qu'en raison d'infiltrations, elle a été contrainte de faire réaliser des travaux de reprise par d'autres entreprises sur les plinthes, les peintures et les sols souples.
En l'état de ses dernières écritures, et sans modifier le montant de la créance dont elle sollicite la fixation, elle indique ne pas maintenir ses demandes au titre des reprises des peintures et des plinthes (page 9 de ses dernières écritures).
Elle sollicite en revanche la fixation de sa créance au titre des travaux de reprise des sols souples.
Néanmoins, aucun des éléments versés aux débats ne démontre la réalité des malfaçons invoquées, ni les désordres qui en sont résultés, ni encore le coût des reprises alléguées, aucune facture, ni même aucun devis n'étant produits relativement à la reprise des sols souples.
Il n'y a donc pas lieu d'accueillir cette demande.
Les dépens sont à la charge de la procédure collective de la société Compobaie.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
Ordonne la jonction sous le N° 23/1907 des procédures enregistrées sous les n° 23/1907 et 23/1908 ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement 202101167 du 10 mai 2023 (DA 23/2602, N° RG 23/1907) ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement 2022000890 du 10 mai 2023 (DA 23/2603, N° RG 23/1908) ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare recevable la demande de la société Vitry la Salamandre,
Fixe la créance de la société Vitry la Salamandre au passif de la société Compobaie à la somme de 495 000 euros au titre des pénalités de retard,
Déboute la société Vitry la Salamandre de ses plus amples demandes,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la procédure collective de la société Compobaie.
Le greffier La présidente
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