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23/07/2024 | FRANCE | N°24/00769

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 23 juillet 2024, 24/00769


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 24/772

N° RG 24/00769 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QL53



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 23 juillet à 09h00



Nous, A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 3 Juillet 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 21 juillet 2024 à 10H36 par le

juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



X se disant [R] [F]...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/772

N° RG 24/00769 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QL53

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 23 juillet à 09h00

Nous, A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 3 Juillet 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 21 juillet 2024 à 10H36 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

X se disant [R] [F]

né le 19 Avril 2005 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Vu l'appel formé le 22 juillet 2024 à 12 h 55 par courriel, par Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l'audience publique du 22 juillet 2024 à 14h00, assistée de M. POZZOBON, greffière, lors des débats et de M.QUASHIE, greffière, pour la mise à disposition avons entendu :

Me Stéphanie MOURA et Me Guillaume LEGUEVAQUES, avocats au barreau de TOULOUSE,

représentant X se disant [R] [F], non comparant

L'audience s'est déroulée en l'absence de M. X se disant [F] [R], régulièrement avisé de la date d'audience et qui n'a pas demandé à comparaître.

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de C.GOUIRAN, représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE GARONNE ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

M. X se disant [F] [R], âgé de 19 ans et de nationalité algérienne, a été incarcéré au centre pénitentiaire de [Localité 3] du 9 juin 2023 au 17 juillet 2024 en exécution notamment d'une peine de prison prononcée le 12 juin 2023 par le tribunal correctionnel de Toulouse, outre deux condamnations prononcées par les TPE de Toulouse et de Paris.

M. X se disant [F] [R] avait fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an pris par le préfet de la Haute-Garonne le 8 juin 2023 et notifié le même jour.

Le 16 juillet 2024, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une décision de placement en rétention administrative, notifiée le 17 juillet 2024 à 9h08 à l'issue de la levée d'écrou. Il a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 1] (31) en exécution de cette décision.

1) Indiquant n'avoir pu l'éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, le préfet de la Haute-Garonne a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. X se disant [F] [R] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 20 juillet 2024 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 11h53.

2) M. X se disant [F] [R] a pour sa part saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse par requête parvenue au greffe le 20 juillet 2024 à 17h44 pour contester la régularité de la procédure et de l'arrêté en placement en rétention.

Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, rejeté les exceptions de procédure, déclaré recevable la requête et régulier l'arrêté de placement en rétention administrative, rejeté la demande d'assignation à résidence et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 21 juillet 2024 à 12h55.

M. X se disant [F] [R] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 22 juillet 2024 à 10h36.

A l'appui de sa demande d'infirmation de l'ordonnance entreprise et de mise en liberté, le conseil de M. [F] [R] a principalement soutenu :

- à titre liminaire, une exception de procédure :

. l'arrêté de placement en rétention administrative ne mentionne pas la relecture de ses six pages par l'agent notificateur contrairement au procès-verbal de notification de l'arrêté et à la notification des droits en matière d'asile, alors qu'il a des difficultés pour lire et écrire le français, ce qui constitue une atteinte à ses droits qui lui fait nécessairement grief,

- l'irrecevabilité de la requête faute de pièces utiles : la fiche TAJ, jugée utile et visée au bordereau de communication de pièces joint à la requête préfectorale, n'est pas produite,

- l'irrégularité de l'arrêté de placement en rétention administrative :

. il est insuffisamment motivé, faute de mentionner l'adresse et l'hébergement à titre gratuit chez sa tante déclarés : le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle et de ses garanties de représentation,

. il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation : il n'a fait l'objet que d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pu exécuter du fait de son incarcération, il ne fait pas l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire français et il est hébergé par sa tante, de sorte qu'un placement en rétention administrative constitue une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle,

- l'absence des diligences depuis le placement en rétention administrative alors que plus de 20 jours se sont écoulés depuis la saisine du consul l'Algérie le 24 juin 2024 et la relance du 1er juillet 2024 et que le consul n'a pas été informé du placement en rétention administrative.

À l'audience en présence de Me Moura, Me Leguevaques a repris oralement les termes du recours et souligné en particulier que :

. du fait de l'absence de relecture, M. X se disant [F] [R] n'a pas été informé des motifs de la privation de sa liberté et n'a pas pris conscience de ses droits et des voies de recours, ce qui porte atteinte à ses droits,

. la préfecture a motivé sa décision sur les éléments du fichier TAJ,

. ses déclarations, très précises sur l'adresse de sa tante, n'ont pas été retranscrites et, même sans document, ses garanties de représentation permettaient au préfet de l'assigner à résidence,

. enfin, le consulat n'a pas été informé de sa libération.

Le préfet de la Haute-Garonne, régulièrement représenté à l'audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en relevant notamment que :

. M. X se disant [F] [R] n'a pas refusé de signer et n'a donc pas subi de grief,

. la mention de l'adresse de la tant n'a pas été considérée comme le justificatif d'une résidence effective et permanente par le préfet,

. il a indiqué son intention de ne pas respecter la mesure d'éloignement.

Le ministère public, avisé de la date d'audience, est absent et n'a pas formulé d'observations.

M. X se disant [F] [R] n'avait pas demandé à comparaître.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure antérieure au placement en rétention administrative

L'article L141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire.

Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure.

Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français.

L'article L141-3 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise en son alinea 1 les règles suivantes en matière d'assistance par un interprète :

'Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.'

Au cas d'espèce, M. X se disant [F] [R] a déclaré "je parle la langue française, je sais un peu l'écrire et la lire" : il n'est donc pas dans la situation d'une personne qui ne sait pas lire, il sait au moins un peu l'écrire et la lire et, partant, il ne relève pas d'une assistance obligatoire par un interprète.

En outre, il n'établit pas qu'il n'a pu connaître les motifs de la privation de liberté (pages 2 et 3 sur 4 de l'arrêté de placement en rétention administrative), alors qu'il a lu les 4 pages de son audition, qu'il a déclaré avoir pris connaissance de l'arrêté, et il est inexact de dire qu'il n'a pas pris connaissance de ses droits et voies de recours alors que ces points plus techniques et cruciaux figurent dans le procès-verbal de notification qui lui a été relu. Au demeurant, il a su les exercer.

Dès lors, étant rappelé que l'article L743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorise la mainlevée du placement ou du maintien en rétention même en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats, il apparaît qu'aucune atteinte substantielle non régularisée aux droits de M. X se disant [F] [R] ne vient justifier la mainlevée sollicitée.

La procédure sera donc déclarée régulière comme retenu par le premier juge.

Sur la recevabilité de la requête

En vertu de l'article R743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Doivent être considérées comme des pièces justificatives utiles dont la production conditionne la recevabilité de la requête les pièces qui sont nécessaires à l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer son plein pouvoir.

Au cas d'espèce, il est mis en avant que la préfecture ne communique pas la fiche TAJ de M. X se disant [F] [R] que pourtant, elle vise dans son bordereau de communication et cite dans sa motivation.

Pour autant, comme relevé à juste titre par le premier juge, la lecture de la fiche pénale, dûment produite, renseigne suffisamment le juge sur les éléments de faits nécessaires à son appréciation de l'aspect pénal de la situation de l'appelant. Requête et arrêté de placement en rétention administrative n'en mentionnent d'ailleurs pas d'autres.

Dès lors, toutes les pièces justificatives utiles à l'appréciation des éléments de fait et de droit et permettant au juge d'exercer son plein pouvoir ont bien accompagné la requête présentée par le préfet. Elle s'avère donc recevable.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

Il résulte tout d'abord de l'article L741-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision de placement en rétention administrative doit être écrite et motivée.

Pour satisfaire à l'exigence de motivation, la décision doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

Au cas particulier, il lui est reproché de ne pas mentionner l'adresse et l'hébergement déclarés par M. X se disant [F] [R].

Il faut toutefois rappeler que l'obligation de motivation n'est pas celle de l'exhaustivité ou de la pertinence. Et en l'espèce, l'autorité préfectorale a bien examiné la question du logement mais a considéré comme non rapportée la preuve d'une adresse effective et permanente.

Ce faisant, la décision n'encourt pas le grief d'insuffisance de motivation formulé.

S'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation invoquée, il est rappelé qu'en application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

Au cas d'espèce, il n'est pas contestable que, à peine majeur et déjà condamné à trois reprises à des peines d'emprisonnement ferme pour des faits de vol avec effraction, port d'arme, vol avec violence, détention de stupéfiants, M. X se disant [F] [R] peut être regardé comme menaçant l'ordre public.

De même, il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, 4ème critère cité par l'article L612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; et ne justifie pas des garanties de représentation qu'il allègue (une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale), critère n°8.

Dans ces conditions, l'appréciation de la situation faite par le préfet est exempte d'erreur manifeste, étant au surplus relevé que selon la fiche pénale, M. X se disant [F] [R] utilise de multiples alias, de sorte que l'arrêté de placement en rétention administrative est régulier et le placement en rétention justifié et proportionné, aucune autre mesure moins coercitive ne pouvant être ordonnée pour assurer l'exécution de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français.

Sur les diligences et la prolongation de la rétention

En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

En l'espèce, il est constant qu'une demande d'audition et de laissez-passer consulaire a été adressée aux autorités consulaires compétentes et renouvelée quelques semaines avant le placement en rétention administrative de M. X se disant [F] [R] : à cette occasion et à ces fins, il a été précisé au consul que ce détenu serait libérable le 24 juillet 2024.

Il est néanmoins reproché à l'administration de ne pas les avoir renouvelées ou actualisées depuis le placement en rétention administrative au regard de l'élément nouveau que cela constitue.

De fait, bénéficiaire de réductions de peine supplémentaires, M. X se disant [F] [R] a été libéré 7 jours plus tôt que prévu et il ne ressort d'aucune pièce que depuis lors, le consul a été informé de ce qu'il pouvait accéder à son ressortissant au centre de rétention.

Ce faisant, l'administration a fait perdre à l'intéressé au minimum 6 jours dans l'organisation de l'audition consulaire sollicitée.

Cette négligence ne respecte pas l'exigence légale de limitation de la rétention au temps strictement nécessaire et comme telle, elle prive de légitimité le maintien de la mesure.

Dès lors, la mainlevée de la rétention doit être ordonnée, la décision déférée étant infirmée en ce sens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Confirmons l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'exceptions de procédure, déclaré recevable la requête et régulier l'arrêté de placement en rétention

L'infirmons pour le surplus,

Ordonnons que X se disant [F] [R] soit remis en liberté,

Rappelons à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de la Haute-Garonne, service des étrangers, à X se disant [F] [R], ainsi qu'à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

M. QUASHIE A. MAFFRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/00769
Date de la décision : 23/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-23;24.00769 ?
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