03/07/2024
ARRÊT N° 328/24
N° RG 23/00850 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PJVB
A.D/K.M
Décision déférée du 02 Février 2023 - Juge des contentieux de la protection de CASTELSARRASIN ( 1222000084)
C.GABAUDE
[C] [X]
[Y], [M], [T] [J]
C/
S.C.I. SAINT MARTIN
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTS
Madame [C] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Virginie BETEILLE, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555/2023/003275 du 27/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
Monsieur [Y], [M], [T] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Virginie BETEILLE, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2023/003276 du 27/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEE
S.C.I. SAINT MARTIN Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-paul BOUCHE de la SELEURL BOUCHE JEAN-PAUL, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.DUBOIS, présidente , chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
A. DUBOIS, présidente déléguée par ordonnance modificative du 15/04/2024
E.VET, conseiller
P. BALISTA, conseiller
Greffier, lors des débats : K.MOKHTARI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. DUBOIS, président, et par K.MOKHTARI , greffier de chambre
FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS :
Par contrat du 31 juillet 2021, à effet du 2 août 2021, la SCI Saint Martin a donné à bail à M. [Y] [J] et Mme [C] [X] un local à usage d'habitation sis [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel principal de 517 euros, outre une provision sur charges de 53 euros.
Le 7 juin 2022 elle leur a vainement fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire pour avoir paiement de la somme de 1 699,66 euros, l'acte valant également mise en demeure de justifier de l'occupation du logement.
Par acte du 2 septembre 2022, elle a fait assigner M. [J] et Mme [X] devant le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Castelsarrasin statuant en référé.
Par ordonnance du 1er décembre 2022, ce juge a :
- soulevé d'office l'irrecevabilité de l'action de la SCI Saint Martin pour absence de notification de l'assignation aux fins de constat de la résiliation au représentant de l'Etat dans le département au moins deux mois avant l'audience,
- ordonné la réouverture des débats.
Par ordonnance du 2 février 2023, il a :
- déclaré irrecevables les demandes relatives à la résiliation du bail et à l'expulsion des locataires et de leurs biens ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'occupation,
- condamné solidairement M. [J] et Mme [X] à payer à la SCI Saint Martin une provision de 4 035,49 euros au titre des loyers et charges dus au 27 octobre 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2022,
- rejeté la demande de délais de paiement,
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. [J] et Mme [X] aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification au préfet.
Mme [X] et M. [J] ont interjeté appel de cette décision le 9 mars 2023 en ce qu'elle :
- les a solidairement condamnés à payer à la SCI Martin une provision de 4 035,49 euros au titre des loyers et charges dus au 27 octobre 2022, avec intérêt au taux légal à compter du 2 septembre 2022,
- a rejeté la demande de délais de paiement,
- les a condamnés solidairement aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification au préfet.
Dans leurs dernières conclusions reçues au greffe le 16 mai 2024, auxquelles il conviendra de se référer pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, ils demandent à la cour d'appel de :
- débouter la SCI Saint Martin de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré la SCI Saint Martin irrecevable en ses demandes relatives au constat de l'acquisition de la clause résolutoire, la résiliation du bail et l'expulsion des locataires,
- infirmer l'ordonnance rendue le 2 février 2023 en ce qu'elle a rejeté leur demande de délai de paiement concernant l'arriéré de loyer et les a condamnés aux dépens de l'instance,
- statuant à nouveau, prononcer la suspension et l'interdiction des procédures d'exécution diligentées à leur encontre eu égard à la recevabilité de leur dossier de surendettement,
- débouter la SCI Saint Martin de sa demande de résiliation de bail et expulsion,
- limiter le montant de la dette locative aux loyers dus à compter de novembre 2022, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,
- juger que les dépens de première instance resteront à charge de la partie qui les a exposés,
- en toute hypothèse, leur accorder les plus larges délais de paiement,
- les autoriser en conséquence à se libérer du paiement de la dette locative en 36 mensualités en application de l'article 1244-1 du code civil,
- y ajoutant, juger que chacune des parties conservera ses propres frais et dépens d'appel.
Suivant dernières conclusions reçues au greffe le 15 mai 2024, auxquelles il conviendra de se référer pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Saint Martin, qui a formé appel incident, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 février 2023 en ce qu'elle a :
condamné solidairement M. [J] et Mme [X] à lui payer une provision de 4 035,49 € au titre des loyers et charges dus au 27 octobre 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2022,
condamné solidairement M. [J] et Mme [X] aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification au préfet,
rejeté la demande délais de paiement,
- réformer l'ordonnance de référé rendue le 2 février 2023 en ce qu'elle a :
déclaré irrecevables les demandes relatives à la résiliation du bail et à l'expulsion des locataires et de leurs biens ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'occupation,
dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- dire que l'assignation aux fins de constat de la résiliation a été notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département au moins deux mois avant l'audience, conformément à l'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989,
- déclarer recevables ses demandes,
en conséquence,
- dire que le contrat de bail du 31 juillet 2021 est résilié de plein droit en application de la clause résolutoire,
- ordonner la libération des lieux par M. [J] et Mme [X] et la remise des clés après établissement d'un état des lieux de sortie,
- ordonner l'expulsion de M. [J] et Mme [X] et de tout occupant de leurs chefs, avec, au besoin, l'assistance de la force publique,
- dire, par décision spéciale et motivée, que cette expulsion pourra intervenir sans délai à compter de la signification du commandement d'avoir à libérer les locaux, ce en application de l'article L.412-1 du Code des procédures civiles d'exécution,
- ordonner l'enlèvement et le dépôt des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués en un lieu approprié, aux frais, risques et périls des appelants,
- condamner solidairement M. [J] et Mme [X] à lui payer, à titre provisionnel, la somme complémentaire de 7 328,05 € au titre des loyers impayés du 27 octobre 2022 au 1er mai 2024, outre les intérêts légaux à compter du 2 septembre 2022,
- les condamner solidairement au paiement d'une indemnité d'occupation à compter de la décision à intervenir et ce, jusqu'à l'expulsion effective, indemnité égale au montant du loyer, soit 588,61 €, revalorisé avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2022,
- les condamner in solidum à lui payer les sommes de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de 2.000 € au titre de la présente procédure d'appel,
- les condamner in solidum à l'ensemble des dépens de l'instance d'appel,
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
L'affaire initialement prévue à l'audience du 15 janvier 2024 a été renvoyée à l'audience du 27 mai 2024.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2024.
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MOTIVATION :
Selon l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Sur l'irrecevabilité des demandes :
Aux termes de l'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat au moins deux mois avant l'audience.
En l'espèce, la SCI Saint Martin a fait assigner ses locataires le 2 septembre 2022 pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail puis a fait notifier cette assignation au préfet le 5 septembre 2022.
Elle fait grief au premier juge d'avoir considéré cette notification tardive et déclaré irrecevable l'action en constat de la résiliation du bail, en se prévalant des dispositions des articles 641 al 2 et 642 al 2 du code de procédure civile aux termes desquelles lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois. Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
Mais les appelants répondent avec pertinence qu'aucune prorogation au jour ouvrable suivant n'est admise dès lors que le délai de deux mois se calcule à rebours et ne peut être raccourci puisqu'il a pour but de permettre au préfet de saisir l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées afin de réaliser un diagnostic social et financier à transmettre au juge avant l'audience.
C'est donc à bon droit que l'ordonnance a déclaré irrecevable la demande de résiliation du bail, la notification de l'assignation réalisée le 5 septembre 2022 n'ayant pas été faite au moins deux mois avant l'audience du 3 novembre 2022.
En revanche, les demandes d'expulsion des locataires et de paiement d'une indemnité d'occupation qui en sont l'accessoire ne sont pas irrecevables mais deviennent sans objet.
Sur la provision et les délais de paiement :
Selon l'article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1244-1 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. L'article 1244-2 du même code s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi.
En l'espèce, les appelants exposent que par décision du 26 mai 2023, la commission de surendettement des particuliers du Tarn-et-Garonne a déclaré leurs dossiers de surendettement recevables de sorte que toute mesure d'exécution est suspendue et que la juridiction peut seulement fixer le montant de la dette.
Mais contrairement à ce qu'ils allèguent, si la recevabilité de leur dossier de surendettement prohibe les mesures d'exécution de leur dette, elle n'interdit pas au juge de les condamner au paiement de l'arriéré dû. Ils seront donc déboutés de ce chef.
Les locataires ne contestent pas le montant de leur dette retenu dans l'ordonnance entreprise mais soutiennent qu'ils sont dans l'impossibilité manifeste de le régler en une seule fois et, soulignant qu'ils ont repris le versement du loyer depuis le mois de mars 2023, sollicitent un délai de paiement de 36 mois.
Cependant, s'ils justifient avoir versé le loyer courant de janvier 2024 à mars 2024, la SCI Saint Martin leur oppose valablement qu'il n'y a pas eu reprise des paiements à compter de mars 2023 mais des règlements irréguliers et parfois partiels en mars, juin, août et novembre 2023.
Leur bailleresse souligne également à juste titre qu'au regard de leurs versements irréguliers, leur dette locative s'aggrave et s'élève à 11 363,54 euros au 1er mai 2024, ce qui n'est pas discuté.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné Mme [F] et M. [J] au paiement d'une provision de 4 035,49 euros pour les loyers impayés au 27 octobre 2022. Elle sera actualisée par la condamnation des débiteurs au paiement d'une provision supplémentaire de 7 328,05 euros correspondant aux loyers impayés de novembre 2022 au 1er mai 2024.
Les pièces produites établissent que Mme [X] perçoit un salaire moyen de 1 077,65 euros et que M. [J] est en attente de la régularisation de son dossier Pôle emploi avec versement de l'allocation de retour à l'emploi depuis le 25 août 2023.
Le règlement de leur dette locative en 36 mois correspondrait à une mensualité de 315,65 euros à laquelle s'ajouterait le loyer et charges d'un montant actuel de 607,34 euros par mois, soit un total mensuel de 922,99 euros.
Dans la mesure où les appelants n'arrivent déjà pas à payer chaque mois le loyer courant à sa date d'échéance, ils n'apparaissent pas être en situation de régler leur arriéré locatif et seront donc déboutés de leur demande de délai.
L'ordonnance attaquée sera donc également confirmée de ce chef.
Les appelants qui succombent principalement seront condamnés aux dépens et à payer à la SCI Saint Martin la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare sans objet les demandes d'expulsion des locataires et de paiement d'une indemnité d'occupation formulées par la SCI Saint Martin,
Y ajoutant,
Condamne solidairement M. [Y] [J] et Mme [C] [X] à payer à la SCI Saint Martin une provision de 7 328,05 euros au titre des loyers et charges impayés de novembre 2022 au 1er mai 2024,
Déboute les parties du surplus de ses demandes,
Condamne in solidum M. [Y] [J] et Mme [C] [X] aux dépens,
Les condamne à payer à la SCI Saint Martin la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
K.MOKHTARI A.DUBOIS