28/06/2024
ARRÊT N°323/2024
N° RG 23/03737 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PZC7
CB/IA
Décision déférée du 26 Octobre 2023 - Juge de la mise en état de TOULOUSE - 22/04113
M.GUICHARD
[G] [T]
C/
SA PELRAS
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [G] [T]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne FAURÉ, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
SA PELRAS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Jean-michel CROELS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BRISSET, présidente déléguée par ordonnance modificative du 15 avril 2024
E.VET, conseiller
P. BALISTA, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, président, et par K.MOKHTARI, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 20 octobre 2017, M. [W] alors marié à Mme [T] a vendu à la SA Pelras un véhicule de marque Ford Kuga, immatriculé [Immatriculation 4], moyennant paiement d'un prix de 8 700 euros.
Par jugement du 6 juillet 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse a prononcé le divorce des époux [W] [T].
Arguant que la vente du véhicule aurait dû recueillir son consentement, s'agissant d'un bien commun aux époux, Mme [T] a, par acte en date du 7 octobre 2022, fait assigner la société Pelras devant le tribunal judiciaire de Toulouse en restitution du véhicule ou paiement d'une somme de 12 461 euros, correspondant à sa valeur vénale, outre une somme de 31 384,04 euros au titre de son préjudice personnel, notamment lié à l'obligation d'acquérir un nouveau véhicule.
La société Pelras a saisi le juge de la mise en état de fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut d'intérêt à agir, outre paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire du 26 octobre 2023, le juge de la mise en état a :
- dit irrecevable car prescrite l'action de Mme [G] [T] divorcée [W],
- condamné Mme [G] [T] divorcée [W] aux dépens,
- dit n'y avoir à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration en date du 31 octobre 2023, Mme [T] a relevé appel de la décision en critiquant l'ensemble de ses dispositions.
Dans ses dernières écritures en date du 4 janvier 2024, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [T] demande à la cour, au visa des articles 544 et suivants et 2276 du Code civil, de l'article 1421 du Code civil, de l'article 568 du Code de procédure civile, de l'article 1352-7 du Code civil, de l'article 1240 du Code civil, de :
- Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par Mme [G] [T],
- Y faisant droit,
- Annuler et/ou infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- Juger que l'action intentée par Mme [G] [T] à l'encontre de la SA Pelras n'est pas prescrite,
- Juger que Mme [G] [T] a intérêt à agir à l'encontre de la SA Pelras et débouter la SA Pelras de sa fin de non-recevoir à ce titre,
Évoquant, pour donner à l'affaire une solution définitive dans un souci de bonne justice, les points non encore tranchés,
- Débouter la SA Pelras de ses arguments, fins, conclusions et demandes infondés,
- Condamner la SA Pelras à restituer sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir à Mme [G] [T] le véhicule Ford Kuga immatriculé [Immatriculation 4] et subsidiairement à défaut de possession de ce véhicule sa contre-valeur à hauteur de 12 461 euros outre intérêts légaux capitalisés sur le montant de 12 461 euros, depuis l'achat du 20 octobre 2017,
- Condamner la SA Pelras à payer à Mme [G] [T] la somme de 31 384,04 euros au regard de l'indemnisation de son préjudice personnel,
- Condamner la SA Pelras à payer à Mme [G] [T] la somme de 3 000 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'incident, ainsi que celle de 6 000 euros sur le même fondement quant « au fond » du litige,
- Condamner la SA Pelras en tous les dépens de première instance et d'appel et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par Me Anne Fauré, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle soutient que la vente a été conclue en fraude de ses droits de sorte qu'elle a intérêt à agir et qu'elle exerce une action en revendication, laquelle se prescrit par cinq ans. Elle conclut ainsi à la recevabilité et s'explique sur le fond, sollicitant l'évocation.
Dans ses dernières écritures en date du 12 décembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la société Pelras demande à la cour, au visa des articles 1421 et suivants du Code civil, des articles 31, 122, 568 et 789 6° du Code de procédure civile, de :
- À titre principal,
- Confirmer la décision dont appel dans toutes ses dispositions,
- Déclarer prescrite la demande de Mme [G] [T],
- À titre subsidiaire et d'appel incident,
- Déclarer que Mme [G] [T] n'a aucun intérêt à agir,
- À titre infiniment subsidiaire,
- Rejeter la demande d'évocation formée par Mme [G] [T],
- À titre infiniment infiniment subsidiaire,
- Rejeter la demande de Mme [G] [T],
- En tout état de cause,
- Condamner Mme [G] [T] à payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner Mme [G] [T] à supporter les dépens de l'instance.
Elle soutient que c'est la prescription biennale qui s'applique, l'appelante ayant conclu à un dépassement de pouvoir de son ex-mari. Elle invoque un défaut d'intérêt à agir de l'appelante à son encontre. Elle estime l'évocation impossible.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour déclarer l'action irrecevable, le premier juge a considéré que c'est la prescription de l'article 1427 du code civil qui s'appliquait en indiquant que le conjoint avait outrepassé ses pouvoirs.
Toutefois, la cour ne peut que rappeler que sous les exceptions des articles 1422 à 1425, qui ne concernent pas les actes de disposition à titre onéreux d'un bien meuble dont l'aliénation n'est pas soumise à publicité, chacun des époux a le pouvoir de disposer seul des biens communs par application de l'article 1421.
L'appelante ne soutenait d'ailleurs pas exercer l'action de l'article 1427 mais indiquait expressément agir en revendication. Le premier juge a considéré que cette action n'était pas possible, le mari n'ayant pas vendu la chose d'autrui. L'intimée estime que c'est une juste qualification qui a été donnée à l'action, celle sur le fondement de l'article 1427 étant, en réalité, la seule possible.
La cour ne peut suivre une telle analyse relevant en réalité du fond et non d'une fin de non-recevoir. L'action qui est intentée est bien une action en revendication, soumise à la prescription quinquennale. Le fait de considérer qu'elle ne serait pas possible dès lors que le mari n'a pas vendu la chose d'autrui relève de son bien ou mal fondé mais pas de sa recevabilité.
En considération d'une vente consentie le 20 octobre 2017 et d'une action intentée le 7 octobre 2022 aux fins de revendication, le délai de cinq ans n'était pas expiré et l'action n'était ainsi pas prescrite.
À titre subsidiaire, l'intimée reprend sa fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir de Mme [T] à son encontre. Elle s'appuie à ce titre sur les énonciations de l'arrêt de cette cour en date du 16 juin 2022 relatives aux conséquences du divorce. Toutefois là encore, il est procédé à une confusion entre ce qui relève d'une fin de non-recevoir et ce qui relève du fond du droit.
En effet, Mme [T] exerce une action en revendication d'un bien meuble envers l'acquéreur de ce bien meuble. Subsidiairement mais toujours sur ce fondement et si la restitution en nature est impossible, elle sollicite la valeur de ce bien meuble. Elle y ajoute une prétention indemnitaire en arguant d'un préjudice. Il est possible que ce préjudice ne soit pas établi ou pas imputable à l'acquéreur mais ceci ne peut relever que d'une analyse au fond, alors qu'il ne peut être considéré que Mme [T], propriétaire avec son époux du véhicule à la date de la vente, n'a pas intérêt à agir contre l'acquéreur. Cette fin de non-recevoir ne peut qu'être rejetée.
L'action de Mme [T] est ainsi recevable et l'ordonnance du juge de la mise en état sera infirmée.
Il n'y a pas lieu d'évoquer l'affaire, ce qui reviendrait à priver les parties d'un degré de juridiction sans qu'il soit justifié d'une urgence particulière.
L'affaire sera donc renvoyée devant le tribunal judiciaire de Toulouse pour qu'il soit statué au fond.
Il n'apparaît pas inéquitable que chacune des parties conserve à sa charge les frais non compris dans les dépens déjà exposés.
L'appel étant bien fondé, la société Pelras supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse du 26 octobre 2023,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare l'action recevable,
Dit n'y avoir lieu à évocation,
Renvoie la cause et les parties devant le tribunal judiciaire de Toulouse,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Pelras aux dépens et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
K. MOKHTARI C. BRISSET