COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Minute 24/689
N° RG 24/00685 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QKBX
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le jeudi 27 juin à 15h00
Nous A. CAPDEVIELLE, vice-présidente placée par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 26 juin 2024 à 15H50 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
X se disant [N] [K]
né le 30 Novembre 1987 à [Localité 2] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne
Vu l'appel formé le 27 juin 2024 à 12 h 40 par courriel, par Me Serge D'HERS, avocat au barreau de TOULOUSE,
A l'audience publique du jeudi 27 juin 2024 à 14h30, assisté de M.QUASHIE, greffier avons entendu :
X se disant [N] [K]
En l'absence de Me Serge D'HERS, avocat au barreau de TOULOUSE, retenu au centre pénitentiaire de [Localité 3],
qui a eu la parole en dernier ;
avec le concours de [R] [V], interprète, qui a prêté serment,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de M. [S] représentant la PREFECTURE DE LA HAUTE-GARONNE ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
Exposé des faits
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 26 juin 2024 à 15h50 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. X se disant [N] [K] sur requête de la préfecture de la Haute-Garonne du 25 juin 2024 et de celle de l'étranger du même jour ;
Vu l'appel interjeté par M. X se disant [N] [K] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 27 juin 2024 à 12h40, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :
- irrecevabilité de la requête en prolongation pour défaut de base légale et irrégularité de la mesure de placement en rétention
- irrégularité de la procédure pour
*défaut de motivation de la décision administrative
*absence de perspective d'éloignement
* défaut et contrôle des diligences de l'administration
- subsidiairement assignation à résidence
La décision dont appel a été rendue le 26 juin à 15h50, maître D'HERS a fait appel le 27 juin à 12h40 en indiquant être au centre pénitentiaire de [Localité 3] jusqu'à 15 heures.
Le greffe lui a par mail à 12h50 indiqué que l'audience se tiendrait à 14h30, compte tenu des contraintes d'audiencement et de l'organisation du service du contentieux des étranger à la Cour et qu'il fallait au besoin qu'il se fasse substituer.
Maître D'HERS n'a pas donné suite à ce mail et est arrivé une fois l'audience terminée.
Entendu les explications fournies par l'appelant à l'audience du 27 juin 2024 ;
Entendu les explications orales du préfet de la Haute-Garonne qui sollicite confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.
SUR CE :
Sur la recevabilité de l'appel
En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.
Sur la fin de non-recevoir
Le conseil de l'intéressé fait valoir que la requête est irrecevable pour manque de base légal de la décision de placement en rétention (décision de placement en rétention entachée de défaut de motivation, d'erreur de droit, de violation de la loi, d'erreur manifeste d'appréciation, de rupture du principe d'égalité, de violation du principe de proportionnalité, de violation du principe de l'examen objectif du dossier) et irrégularité du placement en rétention.
Il fait la une confusion entre la requête elle-même et l'arrêté de placement en rétention puisque les moyens soulevés concernent la décision de placement en rétention.
La fin de non-recevoir soulevée sera en conséquence rejetée et les moyens évoqués seront étudiés sur le fond
Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative
En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
En l'espèce, l'appelant soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que :
L'intéressé est atteint d'une pathologie grave suite à un accident de la circulation
L'autorité préfectorale n'a pas pris en considération qu'il offre des garanties de représentation, souhaite repartir en Allemagne et qu'une intervention chirurgicale est prévue prochainement
L'intéressé est père de deux enfants mineurs vivant en Algérie et vit en Allemagne depuis 3 ans
La décision est disproportionnée au regard de la situation familiale du retenu
Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de M. X se disant [N] [K] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application de ces dispositions.
Elle précise en effet notamment que l'intéressé :
- ne peut justifier d'une entrée régulière et n'a pas demandé de titre de séjour,
- a été condamné à 8 mois d'emprisonnement pour détention et offre ou cession de stupéfiants par le tribunal correctionnel de Toulouse, le 11 décembre 2023, ainsi qu'à une interdiction du territoire français de 5 ans,
- ne justifie pas de ressources et n'a pas de billet de transport pour exécuter la mesure d'éloignement,
- s'il a fait valoir qu'il a subi une opération à la tête et à la jambe droite en Algérie suite à un accident de la route en 2014, il ne présente pas d'état de vulnérabilité ni situation de handicap,
- a déclaré explicitement ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine
- a déclaré être divorcé en Algérie et être le père de deux enfants qui sont en Algérie, il n'est pas accompagné d'un enfant mineur
- ne présente pas de garanties de représentation suffisantes faute de document d'identité ou de voyage en cours de validité et faute d'une adresse stable.
Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.
Le préfet a tiré toutes les conséquences de droit de la situation qu'il a relevée dans son arrêté. Le grief tiré d'une erreur de droit et manifeste d'appréciation doit donc être écarté.
Compte tenu de ce qui précède, M. X se disant [N] [K] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.
C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.
L'appréciation par l'administration des garanties de représentation
Il est encore fait grief à la décision attaquée de ne pas avoir pris en compte la stabilité de l'intéressé.
Or, la situation actuelle est la suivante : M. X se disant [N] [K] n'a pas de documents d'identité, a dit habiter à Hambourg sans donner son adresse, le CCPD de Kehl interrogé a indiqué le 24 juin 2024 que celui-ci avait demandé l'asile en Allemagne le 4 juillet 2022 mais ne l'avait pas obtenu et qu'il avait quitté l'Allemagne le 25 août 2023. (Dossier 10664/24).
Aujourd'hui, ces arguments font apparaître un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement, laquelle ne pourrait être sérieusement respectée et garantie par une quelconque autre mesure.
L'état de vulnérabilité
L'article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger ».
L'analyse de l'état de vulnérabilité implique que l'administration vérifie dans quelle mesure l'état de santé de l'intéressé pourrait constituer un empêchement ou un frein à la mesure de rétention administrative. Pour procéder à cette vérification, l'administration considère en premier lieu l'évidence de la situation qui lui est soumise.
Cette évaluation n'implique pas de la part de l'autorité administrative un examen médical complet ab initio, qui serait automatiquement déclenché en l'absence soit d'un doute sur le bon état de santé de l'intéressé, soit d'une indication sur une éventuelle vulnérabilité physique ou psychologique, soit d'un signe extérieur ou d'une déclaration laissant envisager l'existence d'une telle vulnérabilité
M. X se disant [N] [K] ne justifie d'aucun élément de vulnérabilité qui serait incompatible avec la mesure de rétention. Etant par ailleurs rappelé que le centre de rétention administrative de [Localité 1] dispose d'une unité médicale composée du personnel de l'hôpital. X se disant [N] [K] peut s'y voir dispenser les soins dans les mêmes conditions qu'à l'hôpital, puisque l'antenne médicale est parfaitement dotée en moyens techniques, alimentée en médicaments et gérée par des docteurs expérimentés.
L'argument est totalement inopérant et sera donc rejeté.
Sur la prolongation de la rétention
En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.
En l'espèce, avant le placement en rétention administrative de X se disant [N] [K] le 24 juin 2024, l'administration a saisi les autorités consulaires Algériennes d'une demande d'identification et de laissez-passer consulaire le 21 juin 2024.
Elle est dans l'attente de la délivrance du laissez-passer.
Le conseil fait valoir une rupture des relations diplomatiques avec l'Algérie ce qui est une affirmation sans aucun fondement et totalement fausse. Qui plus est le consulat d'Algérie a été saisi le 29 mai, a entendu l'intéressé le 12 juin, a sollicité la fiche décadactylaire le 12 juin sous format NIST, laquelle lui a été transmise le 13 juin.
L'administration, qui n'a pas de pouvoir de contraintes sur ces autorités, justifie ainsi des diligences effectuées.
En conséquence, et au stade actuel de la mesure de rétention administrative qui débute, et alors que les perspectives raisonnables d'éloignement doivent s'entendre comme celles pouvant être réalisées dans le délai maximal de la rétention applicable à l'étranger, il ne peut être affirmé que l'éloignement de l'appelant ne pourra avoir lieu avant l'expiration de ce délai, d'autant que le conflit diplomatique peut connaître une amélioration à bref délai.
La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée.
La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
L'assignation à résidence
Selon l'article L.743-13 du CESEDA, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
Toutefois, une assignation à résidence suppose que soit remis aux services de police ou à une unité de gendarmerie, l'original d'un passeport ou d'un document d'identité. Cette formalité prescrite par l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conditionne impérativement l'examen d'une demande d'assignation à résidence.
Faute de respecter cette condition, la demande d'assignation à résidence sera rejetée.
Il convient en outre de souligner que lors de son audition l'intéressé a déclaré que son passeport et sa pièce d'identité étaient périmés.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Déclarons recevable l'appel interjeté par M. X se disant [N] [K] à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse du 26 juin 2024,
Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA HAUTE-GARONNE, service des étrangers, à X se disant [N] [K], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
M.QUASHIE A. CAPDEVIELLE