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25/06/2024 | FRANCE | N°23/03175

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 25 juin 2024, 23/03175


25/06/2024





ARRÊT N° 271



N° RG 23/03175 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PVWE



IMM AC



Décision déférée du 31 Juillet 2023 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2023J464

M CHEFDEBIEN

















S.A.R.L. PSL





C/



S.A. BANQUE CIC SUD OUEST





























































Confirmation







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.A.R.L. PSL Société à responsabilité limitée au capital de 100.000 €,

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée pa...

25/06/2024

ARRÊT N° 271

N° RG 23/03175 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PVWE

IMM AC

Décision déférée du 31 Juillet 2023 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2023J464

M CHEFDEBIEN

S.A.R.L. PSL

C/

S.A. BANQUE CIC SUD OUEST

Confirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.R.L. PSL Société à responsabilité limitée au capital de 100.000 €,

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme CARLES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A. BANQUE CIC SUD OUEST

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra VEILLARD de la SELARL RACINE, avocat plaidant au barreau de NANTES et par Me Nadège MARTY-DAVIES, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère chargée du rapport et V.SALMERON, Présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

La société PSL, dont le siège social se situe à [Localité 3] (31), a pour objet « la vente, la réalisation et la pose sur sites de plans d'évacuation et d'intervention ; et l'étude, la vente, l'installation, la maintenance et les travaux correctifs sur tout le matériel de sécurité incendie ». Elle est dirigée par [K] [E] et [Z] [B], co-gérants.

Elle est titulaire d'un compte professionnel ouvert dans les livres de la banque CIC Sud Ouest, agence de [Localité 7] et a souscrit un contrat Filbanque Entreprise permettant de réaliser toutes opérations de virement vers la France et l'étranger.

Madame [L], salariée de la société a reçu tous pouvoirs pour utiliser ce service.

La société PSL fait valoir que 27 versements réalisés entre le 14 février et le 1er mars 2023 par Madame [L] pour un montant total de 646 574 € résultent d'une escroquerie au président dont elle a été victime.

Soutenant que la banque a manqué à son devoir de vigilance et ainsi engagé sa responsabilité, elle a fait assigner le CIC Sud Ouest devant le tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 646 574 € et 99 712,19 € à titre de dommages et intérêts.

La société CIC Sud ouest a invoqué une clause attributive de compétence, conclu à l'incompétence du tribunal de commerce de Bordeaux et subsidiairement au rejet des demandes de la société PSL.

Par jugement du 31 juillet 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a statué comme suit :

- Se déclare compétent pour connaître du litige opposant la Sarl PSL à la SA Banque CIC Sud Ouest,

- Déboute la SARL PSL de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions.

- Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamne la SARL PSL aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 5 septembre 2023, la société PSL a interjeté appel de ce jugement et en sollicite la réformation en ce qu'il a :

- débouté la société PSL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamné la société PSL aux entiers dépens de l'instance.

Régulièrement autorisée par ordonnance du premier président, elle a fait assigner la Banque CIC Sud-Ouest devant la cour d'appel à jour fixe.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 19 janvier 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société PSL demandant, au visa des articles1937 du code civil L.133-6 du Code Monétaire et Financier, L.133-18 al 1 et suivants du code monétaire et financier de :

Réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Toulouse du 31 juillet 2023 en ce qu'il a :

- débouté la SARL PSL de |'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

- condamné la SARL PSL aux entiers dépens de |'instance.

Statuant à nouveau,

-Condamner le CIC Sud Ouest a rembourser à la société PSL la somme totale de 661.602,19 € au titre du préjudice qu'el|e subit en raison du manquement a son obligation de vigilance par le CIC Sud Ouest tous chefs de préjudices confondus.

- Condamner le CIC Sud Ouest a régler :11 la société PSL la somme de 7.200 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions notifiées le 19 janvier 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la banque CIC Sud Ouest demandant à la cour de

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Toulouse le 31 juillet 2023 en toutes ses dispositions.

- Débouter la société PSL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la Banque CIC Sud-Ouest, tant à titre principal que subsidiaire.

- Condamner la société PSL à payer à la Banque CIC Sud-Ouest une somme de 17.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner la société PSL aux entiers dépens de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Motifs 

Il sera relevé à titre liminaire que devant la cour, la banque n'invoque plus l'incompétence du tribunal de commerce mais se borne à solliciter la confirmation de la décision entreprise.

La société PSL expose que Madame [L], sa salariée chargée de missions administratives et comptables a été contactée par courrier électronique le 14 février 2023 depuis une adresse de messagerie électronique '[Courriel 5] ' par un interlocuteur se faisant passer pour Madame [Z] [B], co-gérante de la société PSL alors absente de la société, l'informant de la réalisation d'une opération financière réalisée par l'entremise d'un avocat Me Leroy, devant demeurer confidentielle. Sur ordre de cet interlocuteur qu'elle pensait être la dirigeante, elle a procédé entre le 14 février et le 2 mars 2023 à 27 virements pour un montant total de 646 574 €, en informant régulièrement la personne avec laquelle elle était en contact du montant du solde du compte.

La société PSL soutient au visa des dispositions de l'article 1937 du code civil, 133-6 et 133-18 al1 du code monétaire et financier et 1231-1 du code civil, que les opérations litigieuses constituaient des anomalies au regard du montant des sommes concernées et de la localisation des bénéficiaires situés à l'étranger.

Elle reproche également à la banque d'avoir augmenté le montant du plafond afin de permettre les deux derniers virements qui avaient été bloqués et de ne pas avoir tenu compte de trois messages d'alerte interne.

La cour observe en premier lieu que malgré le visa des articles 1937 du code civil et L 133-18 du code monétaire et financier, la société PSL ne développe aucun moyen lié aux obligations de la banque en sa qualité de dépositaire.

En toute hypothèse, si en application de ces textes, le banquier est tenu à restitution des fonds lorsqu'il a opéré des virements en exécution de faux ordres de virement, tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il n'est pas contesté que les opérations litigieuses ont intégralement été autorisées par Madame [L] qui disposait de tous les pouvoirs.

La société PSL soutient également que la banque a manqué à son devoir de vigilance et ainsi engagé sa responsabilité contractuelle de droit commun.

Le banquier est tenu d'un devoir de vigilance qui lui impose avant toute opération réalisée au profit ou pour le compte de son client, d'examiner sa régularité apparente.

Il supporte également un devoir de non-immixtion, ou de non-ingérence, dans les affaires de son client.

Le devoir de vigilance du banquier est donc est limité à la détection des seules anomalies apparentes, qu'elles soient matérielles, lorsqu'elles affectent les mentions figurant sur les documents ou effets communiqués au banquier, ou intellectuelles, lorsqu'elles portent sur la nature des opérations effectuées par le client et le fonctionnement du compte.

En revanche, sauf indices évidents, propres à faire douter de la régularité des opérations effectuées par son client, la banque n'a pas à procéder à des vérifications particulières, ni à s'assurer auprès du titulaire du compte que l'ordre de virement correspond bien à ses intentions.

La société PSL fait valoir en premier lieu que l'attention de la banque aurait du être alertée tant par le montant des sommes ayant fait l'objet de virements que par leur destination à l'étranger.

Néanmoins, rien ne permet de retenir que le montant de chacun des virements dont aucun n'a excédé 30 000 €, a présenté un caractère exceptionnel.

Si leur montant cumulé est important, il n'a pas excédé les capacités de la société émettrice puisque le solde du compte est resté créditeur après la réalisation des 25 premiers virements et que les deux derniers ont été exécutés pour un montant inférieur à l'autorisation de découvert dont bénéficiait la société PSL.

Les virements litigieux ont certes été réalisés au profit d'une banque lituanienne. Néanmoins, contrairement à ce qu'elle soutient, la société PSL avait déjà réalisé grâce à l'interface Filbanque Entreprise des mouvements ouverts au profit de banques étrangères, situées en Irlande, Italie, Espagne, Allemagne, ainsi qu'aux Philippines ce dont la banque justifie en produisant la liste des bénéficiaires enregistrés.

Dans ce contexte, la création de 8 nouveaux bénéficiaires ayant des comptes ouverts dans des banques lituaniennes, soit à l'intérieur de la zone Sepa, ne constitue pas en elle-même une anomalie.

La société PSL dont l'objet social comporte l'activité de ' commercialisation de tous produits à l'import et à l'export' est en outre mal fondée à soutenir qu'elle n'avait aucun échange commercial avec l'étranger, ou encore que les échanges constatés par la banque étaient anciens, et contrairement à ce qu'elle soutient, il n'appartenait pas à la banque de porter une appréciation sur ces mouvements de fonds qui au regard de l'historique du compte et de l'objet social de la société ne présentaient aucune anormalité.

Enfin, la réalisation de ces opérations par une salariée à laquelle les dirigeants avaient confié une habilitation spéciale pour passer tous les ordres au moyen de l'interface Filibanque, sans prévoir de limitation de montant, ne pouvait en elle même être jugée anormale par la banque.

En l'absence de toute anormalité apparente et de dispositif de sécurité préalable à tout virement d'un certain montant mis en place avec la cliente, il n'appartenait donc pas au banquier de procéder à des vérifications particulières et notamment de prendre attache avec la dirigeante elle-même pour s'assurer de la régularité des opérations.

La banque supportait en outre en application de l'article L 133-13 du code monétaire et financier, s'agissant de virements Sepa réalisés au sein de l'UE, l'obligation de les exécuter à la fin du premier jour ouvrable suivant la réception de l'ordre.

La société PSL reproche enfin à la banque CIC d'avoir à plusieurs reprises le 15 février, le 20 février, le 27 février exécuté les virements malgré le message d'alerte généré par le système ' dépassement du montant hebdomadaire autorisé'.

La banque souligne que ce message était un avertissement à la seule destination de sa cliente avec pour finalité d'éviter toute erreur matérielle mais qu'il ne génère pour elle aucune alerte et qu'elle n'en a pas connaissance.

La cour constate au vu des pièces produites et notamment des échanges de courriel entre Madame [L] et son interlocuteur se faisant passer pour la dirigeante ainsi que de la plainte pénale déposée par Madame [B], que Madame [L] a sciemment contourné ces messages d'alerte en fractionnant les opérations sur plusieurs journées ou en différant l'exécution, comme elle avait été invitée à le faire par son interlocuteur.

C'est donc vainement que la société PSL reproche à la banque de ne pas avoir eu de réaction après les messages relatifs au dépassement du montant autorisé, qui constituent un dispositif de sécurité pour le client, sans emporter pour la banque d'obligation particulière.

Les premiers juges ont en outre relevé à juste titre que Madame [L] avait elle même confirmé à la banque la régularité des opérations litigieuses en lui demandant d'augmenter le plafond des virements Europe et rien ne démontre comme le soutient la société PSL en cause d'appel que la banque a, de sa propre initiative, sans requête de sa cliente, procédé elle même à cette augmentation.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que la banque n'avait pas manqué à son devoir de vigilance.

C'est également à juste titre qu'ils ont relevé que la fraude n'avait été rendue possible qu'en raison du comportement de la salariée qui avait exécuté des ordres émis à partir d'une adresse électronique inconnue, réglé trois factures d'avocat pour un montant total de 86 684 € sur un compte étranger alors que le cabinet était domicilié à [Localité 6], effectué 24 virements sans aucun justificatif comptable sur simple demande par mail, sans jamais prendre attache avec l'autre dirigeant de la société pour faire valider ces opérations de transferts de fond.

C'est encore par des motifs pertinents qu'ils ont retenu qu'il appartenait à la société PSL dont la dirigeante, présidente du Medef Occitanie, exerçant de multiples fonctions électives, était particulièrement informée du mécanisme des différentes fraudes aux entreprises, dont les escroqueries dites ' au président', de mettre en place des dispositifs de contrôle interne et de sensibiliser ses collaborateurs à ce type d'escroquerie, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.

Pour cette raison, la société PSL n'est pas fondée à reprocher à la banque de ne pas l'avoir suffisamment averti du risque de fraude.

La cour constate en outre que les conditions générales du contrat Filbanque entreprises et notamment les dispositions de l'article 3 invitent le souscripteur à surveiller l'usage qui est fait du service par les personnes autorisées, et le cas échéant à en limiter l'accès et liste, dans l'objectif de prévenir les fraudes, des consignes de sécurité comprenant la mise en place de contrôle interne et la sensibilisation des salariés, qui n'ont pas été mises en oeuvre par la société PSL.

La démonstration d'un manquement de la banque à ses obligations contractuelles n'étant pas rapportée, c'est à juste titre que le tribunal a débouté la société PSL de l'ensemble de ses demandes. Le jugement sera en conséquence intégralement confirmé.

Partie perdante la société PSL supportera les dépens d'appel.

Elle devra indemniser la banque CIC du montant des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel pour les besoins de sa défense.

Par ces motifs

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

- Condamne la société PSL aux dépens d'appel,

- Condamne la société PSL à payer à la banque CIC Sud Ouest la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/03175
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.03175 ?
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