La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°22/04134

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 25 juin 2024, 22/04134


25/06/2024





ARRÊT N°300/2024



N° RG 22/04134 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PDVU

EV/KM



Décision déférée du 23 Avril 2018 - Tribunal de Commerce de Perpignan - 2018J97

A.GONZALEZ

















S.A.R.L. AEROFUTUR

Société MARTYN WINLOW LTD





C/



Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



SUR RENVOI APRES CASSATION

***



APPELANTES



S.A.R.L. AEROFUTUR Prise en la pe...

25/06/2024

ARRÊT N°300/2024

N° RG 22/04134 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PDVU

EV/KM

Décision déférée du 23 Avril 2018 - Tribunal de Commerce de Perpignan - 2018J97

A.GONZALEZ

S.A.R.L. AEROFUTUR

Société MARTYN WINLOW LTD

C/

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

SUR RENVOI APRES CASSATION

***

APPELANTES

S.A.R.L. AEROFUTUR Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Benjamin CHOUAI de la SELARL SAUL ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

Société MARTYN WINLOW LTD Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

19 FITZROY SQUARE WIT 6 EQ

LONDRES ROYAUME UNI

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Benjamin CHOUAI de la SELARL SAUL ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY SE

AVIATION CLAIMS, [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie SAINT GENIEST de la SCP SCP FLINT - SAINT GENIEST - GINESTA, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Lionel GUIJARRO de la SELARL CHEVRIER AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E. VET et P.BALISTA, conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président délégué par ordonnance modificative du 15/04/2024

E.VET, conseiller

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par I. ANGER, greffier de chambre.

Par contrat du 9 mars 2015, la SARL Aérofutur a loué avec option d'achat aux fins d'exploitation, l'aéronef Piper Aircraft PA-281 immatriculé F-HEHM auprès de la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd.

Le 17 mars 2015, la SARL Aérofutur a souscrit un contrat d'assurance « corps » auprès de la SE Allianz Global Corporate & Speciality. Par le même contrat, la société Martyn Winlow bénéficiait des garanties souscrites en qualité d'assuré additionnel.

Le 1er juillet 2015, au lieu-dit [Localité 1], sur le territoire de la commune de [Localité 7] (Aude), l'aéronef s'est écrasé, alors qu'il faisait le trajet [Localité 5]-[Localité 6], le pilote, M. [I] [D], est décédé dans l'accident.

Le 15 février 2016, le dossier pénal a été classé sans suite par le procureur de la République de Narbonne.

La SARL Aérofutur a déclaré le sinistre à la SE Allianz qui a refusé sa garantie.

Par exploit du 5 janvier 2017, la société Martyn Winlow Ltd et la SARL Aérofutur ont fait assigner la SE Allianz Global Corporate & Specialty devant le tribunal de commerce de Perpignan en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 165 000 € correspondant à la valeur de l'aéronef et celle de 5026 € à titre de dommages-intérêts pour non amortissement du capital restant dû dans le cadre de la location avec option d'achat de l'aéronef.

Par jugement du 23 avril 2018, le tribunal de commerce de Perpignan a débouté les sociétés Martyn Winlow et Aérofutur de leurs demandes et les a condamnées solidairement à payer à la SA Allianz la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 mai 2018, la société Martyn Winlow et la société Aérofutur ont relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 22 décembre 2020, la cour d'appel de Montpellier a :

' confirmé dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan du 23 avril 2018,

' condamné la société Martyn Winlow Ltd et la SARL Aérofutur aux dépens et à payer à la société Allianz la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Martyn Winlow Ltd et la SARL Aérofutur ont formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 6 octobre 2022 la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier.

Pour se déterminer la cour a retenu que :

' pour dire que la société Allianz n'était pas tenue à garantie, l'arrêt, après avoir énoncé que la garantie était subordonnée à la qualification du pilote ainsi qu'à la possession des autorisations spéciales lorsqu'elles étaient nécessaires, en conformité avec la réglementation concernant les conditions de vol, relève que [I] [D] était titulaire d'un brevet de pilote privé ne l'habilitant à piloter que dans les conditions de vol à vue. Il souligne que, dépourvu de qualification pour voler dans les conditions d'un vol sans visibilité, il devait solliciter une clairance « VFR spécial » pour pénétrer ou évoluer dans une zone de contrôle, lorsqu'il estimait que les conditions météorologiques de vol à vue n'étaient pas réunies ou n'allaient plus l'être,

' ayant analysé les éléments de l'enquête de gendarmerie versés aux débats, l'arrêt constate ensuite que dans les moments précédant l'accident, les conditions du vol à vue n'étaient plus respectées de sorte que le pilote aurait dû, à l'approche de la masse nuageuse, se dérouter, ce qu'il n'a pas fait bien qu'un retour sur l'aéroport de départ ou un déroutement sur un autre aéroport étaient possibles et que le contrôleur aérien lui avait demandé de garder les conditions du vol à vue, et qu'il n'apparaît pas qu'une clairance ait été sollicitée ni obtenue, ce qui aurait permis à l'aéronef d'évoluer dans des conditions de visibilité inférieures aux minima de vol à vue,

' en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les conditions de la garantie n'étaient pas réunies au moment où le vol a été entrepris, indépendamment de l'existence d'une faute imputable au pilote, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

La Cour de cassation a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Toulouse qui a été saisie selon déclaration du 25 novembre 2022 par les sociétés Martyn Winlow et Aérofutur.

Par dernières conclusions du 3 avril 2024, la société Martyn Winlow Ltd et la SARL Aérofutur demandent à la cour de :

' infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Perpignan le 23 Avril 2018 en ce qu'il a :

- dit que la société Allianz Global Corporate & Specialty Se est fondée à décliner sa garantie,

- débouté la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd et la société Aérofutur, de toutes leurs demandes,

- alloué à la société Allianz Global Corporate & Specialty Se la somme de 1200 € qui lui sera versée solidairement par la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd et la société Aérofutur,

- condamné solidairement la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd et la société

Aérofutur aux droits de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y

afférant et notamment ceux de greffe liquidés selon tarif en vigueur,

En conséquence statuant à nouveau :

' juger que la société Allianz Global Corporate & Specialty Se- Succursale en France doit sa garantie à la société Martyn Winlow Ltd en sa qualité de propriétaire de l'aéronef et d'assuré additionnel et à la société Aérofutur en sa qualité de souscripteur du contrat d'assurance aéronef ,

Y faisant droit,

' condamner en conséquence la société Allianz Global Corporate & Specialty Se-Succursale en France à payer à la société Martyn Winlow Ltd et la société Aérofutur la somme de 165.000 € au titre de la valeur assuré de l'aéronef avec capitalisation des intérêts comme il est dit à l'article 1154 du Code civil,

' condamner encore la société Allianz Global Corporate & Specialty Se-Succursale en France à payer à la société Aérofutur la somme de 26.700 € à titre de dommages-et- intérêts en réparation du préjudice subi par la perte de possibilité de capitalisation de l'aéronef, somme qui sera à parfaire au jour de l'audience,

' condamner encore la société Allianz Global Corporate & Specialty Se-Succursale en France à payer à la société Aérofutur la somme de 116.908,85 € de dommages-et-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la location de deux aéronefs, somme qui sera à parfaire au jour de l'audience.

En tout état de cause

' débouter la société Allianz Global Corporate & Specialty Se-Succursale en France de toutes ses demandes, fins et prétentions,

' condamner la société Allianz Global Corporate & Specialty Se-Succursale en France à payer aux sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur la somme de 30.000 € pour résistance abusive,

' condamner la société Allianz Global Corporate & Specialty Se-Succursale en France à payer à chacune des sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur la somme de 18.000 € au visa de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions du 5 avril 2024, la société européenne Allianz Global Corporate & Specialty demande à la cour de :

' confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Perpignan du 23 avril 2018,

' rejeter les demandes, fins et conclusions des sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur SARL à l'encontre d'AGCS,

En tout état de cause :

' condamner solidairement les sociétés Martyn Winlow Ltd et Aérofutur SARL à payer à la société AGCS la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 8 avril 2024.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Sur le principe de la garantie:

Les parties sont opposées quant à l'application de la clause 3 du contrat assurant l'aéronef qui prévoit :« La garantie est subordonnée à l'ensemble des conditions suivantes, alors que l'aéronef est en évolution et ce quelles que soient les causes de l'accident :

a) l'aéronef doit être apte au vol conformément aux prescriptions techniques réglementaires et pourvu d'un titre de navigabilité ou d'un document en tenant lieu, valide et non périmé ;

b) l'aéronef doit être utilisé dans les limites de son titre de navigabilité ou du document en tenant lieu et/ou des documents associés. L'aéronef doit également être utilisé conformément aux agréments et/ou autorisations reçus par l'exploitant ;

c) le personnel prenant part à la conduite de l'aéronef doit être titulaire des brevets, licences et qualifications en état de validité, exigés pour les fonctions qu'il occupe à bord et pourvu des autorisations spéciales lorsqu'elles sont nécessaires, et ce en conformité avec la réglementation concernant les conditions de vol. ».

- sur la nature de la clause :

Les appelantes font valoir que cet article doit être interprété comme étant une clause d'exclusion qui aurait dû à ce titre être présenté en caractères très apparents et que la Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur ce point puisque l'arrêt a été cassé en toutes ses dispositions.

L'intimée oppose que la Cour de cassation a retenu que la clause discutée devait s'interpréter comme fixant les conditions de la garantie.

SUR CE:

Les sociétés Martyn Winlow et Aérofutur ayant fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier d'avoir retenu que l'article 3 des conditions générales de la police devait s'interpréter comme fixant les conditions de la garantie, alors qu'elle constituait une clause d'exclusion, la Cour de cassation a répondu que c'était à bon droit que la cour d'appel avait décidé que cet article qui formulait des exigences générales et précises, définissait le risque pris en charge, de sorte qu'il s'agissait de conditions de la garantie échappant au régime des exclusions.

Dès lors, cette analyse ne peut être remise en cause.

- sur l'application de la clause :

Les sociétés Martyn Winlow et Aérofutur font valoir que:

' la Cour de cassation a retenu que la clause discutée devait s'interpréter comme exigeant que le pilote dispose des qualifications adéquates au moment où le vol a été entrepris,

' en tout état de cause, le pilote n'a commis aucune faute pendant le vol.

La SE Allianz oppose que:

' le pilote, qui n'a pas respecté sa qualification pendant que l'aéronef était en évolution, s'est ainsi placé en dehors du cadre contractuel, qu'en effet, il n'a pas respecté les minimas prévus par la réglementation de la circulation aérienne, ne s'est pas assuré que la visibilité pendant toute la durée du vol était d'au moins 5 km et n'a pas conservé ses distances par rapport aux nuages malgré le rappel du contrôleur aérien alors qu'il était confronté à une masse nuageuse, poursuivant son vol en excédant ses qualifications et licences ce qui est constitutif d'une faute exclusive de la garantie soumise au respect des conditions réglementaires de la qualification du pilote,

' la Cour de cassation a seulement reproché à l'arrêt déféré de ne pas prendre en compte le respect des conditions de vol au moment où il a été entrepris, ce défaut de motif ne pouvant influer sur les conditions de garantie au regard de la faute commise par le pilote pendant le vol jusqu'à l'atterrissage, la clause discutée correspondant à la réglementation applicable prévue à l'article 2.3.2 du document administratif 206/3 publié au journal officiel et posant les «Règles de l'air et services de la circulation aérienne» reprise dans l'annexe 1 du code de l'aviation civile en vigueur lors de l'accident prévoyant les obligations d'un pilote en vol VFR (vol à vue) confronté à l'abaissement des conditions météorologiques et ne pouvant plus poursuivre le vol en VMC c'est-à-dire en vol à vue,

' le pilote n'était pas qualifié au moment où le vol a été entrepris puisque la trajectoire prévue n'était pas compatible avec le vol à vue en raison des conditions météorologiques connues dès la préparation du vol.

SUR CE:

Il n'est pas contesté que l'aéronef était conçu pour voler VFR (vol à vue) dans des conditions météorologiques favorables.

Le pilote bénéficiait uniquement de la qualification VFR l'autorisant à piloter dans les conditions de vol à vue et non d'une qualification IFR nécessaire pour le pilotage aux instruments. De fait, le pilote devait effectuer un vol de convoyage en VFR au départ de [Localité 5] à destination de [Localité 6]. Il disposait donc des brevets qualifications et licences exigés pour conduire l'avion pour le vol envisagé.

L'accident est intervenu alors que le pilote contournait une couche nuageuse et se dirigeait vers l'intérieur des terres, l'avion est alors entré en collision avec le relief.

Le rapport du BEA relève qu'au moment où le pilote a décidé d'entreprendre le vol:

' il disposait des licences et qualifications nécessaires pour effectuer le vol prévu,

' les observations et prévisions météorologiques prévues sur le trajet ainsi que sur l'aérodrome de [Localité 6] permettaient le départ et l'arrivée en régime de vol VFR,

' il n'y avait pas d'informations disponibles concernant la présence de nuages bas et de visibilité dégradée sur toute la route.

Par la suite :

' les conditions météorologiques sont devenues très défavorables pour le vol à vue avec une visibilité comprise entre 1,5 et 5 km et des nuages bas de type stratus dont la base était inférieure à 50 pieds, ces conditions nécessitant de se dérouter ou de contourner la zone,

' le pilote n'a pas demandé d'informations météorologiques complémentaires ou d'assistance aux services de contrôle de [Localité 5].

Le rapport relève enfin que la forte volonté du pilote de se rendre à destination, une «sur confiance» due à une très bonne connaissance du trajet la proximité de l'aérodrome de destination ont pu conduire le pilote à poursuivre le vol malgré la dégradation des conditions alors que parallèlement les demi-tours de deux autres avions n'ont pas été portés à sa connaissance.

L'enquête de la brigade des transports aériens ne contredit pas ces conclusions.

Il résulte de l'article du contrat visé que la garantie était contractuellement subordonnée au fait que, pendant que l'aéronef était en évolution le pilote devait être titulaire des brevets, licences et qualifications en état de validité, exigés pour ses fonctions et pourvu des autorisations spéciales éventuellement nécessaires, et ce en conformité avec la réglementation concernant les conditions de vol.

Tel est le cas en l'espèce puisque le pilote s'est toujours maintenu en vol à vue, sans opter pour un vol aux instruments pour lequel il n'était pas qualifié ceci alors que les prévisions météorologiques prévues sur le trajet et sur l'aérodrome de destination permettaient le départ et l'arrivée en régime de vol VFF ou VFR spécial.

Dès lors, peu importe que le pilote ait commis une faute en continuant le vol alors que les circonstances météorologique ne lui permettaient plus.

En conséquence, la décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a retenu que la SE Allianz Global Corporate & Specialty était fondée à décliner sa garantie.

Sur le montant de la garantie :

- sur le préjudice matériel :

L'assureur ne présente aucun argument pour contester la demande des appelantes à hauteur de 165'000 € correspondant à la valeur assurée de l'aéronef.

Le contrat prévoit dans son annexe A «article premier- objet et étendue de la garantie » que le contrat garantit la disparition, le vol et les dommages matériels subis du fait d'un accident jusqu'à concurrence de la valeur assurée, sans que les sommes versées par l'assureur puissent excéder la valeur assurée. Il est précisé que la garantie comprend les frais de dépannage, les frais de sauvegarde et les frais de déplacement de l'aéronef réparé entre le lieu de la réparation et l'aérodrome le plus proche du lieu de l'accident ou celui où il est habituellement basée.

De plus, il est précisé au chapitre 2 des conditions particulières, article 1.1 qu'en cas de sinistre les indemnités sont réglées déduction faite de la franchise qui restera la charge de l'assuré.

Enfin, le chapitre 6 des conditions particulières prévoit que la valeur assurée de l'aéronef est de 165'000 € , que la franchise s'élève à 1650 € et que la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd est mentionnée comme assurée additionnelle dans la mesure de ses intérêts en tant que propriétaire de l'aéronef assuré.

De plus, la capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du Code civil.

Les appelantes sollicitent la condamnation de l'assureur à verser à la SARL Aérofutur la somme de 26'700 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de possibilité de capitalisation de l'aéronef outre 116'908,85 € correspondant à la location de deux aéronefs.

L'assureur oppose que ces demandes sont nouvelles et que sa garantie ne couvre pas les préjudices immatériels.

L'article 564 du code de procédure civile,interdit aux parties à peine d'irrecevabilité relevée d'office de soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses.

Cependant, aux termes de l'article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Tel est le cas en l'espèce, puisqu'en l'espèce la SARL Aérofutur avait sollicité en première instance la condamnation de l'assureur à lui verser 5026 € correspondant à perte de possibilité de capitalisation de l'aéronef, demande dont elle a seulement actualisé le montant. De plus, l'autre demande correspond à un préjudice apparu postérieurement et directement lié au sinistre.

En conséquence, les demandes complémentaires des appelantes doivent être déclarées recevables .

Les appelantes ne visent aucun article du contrat d'assurance à l'appui de leur demande.

Or, l'article premier de l'annexe A du contrat qui prévoit l'indemnisation prévue en cas de sinistre n'évoque que les préjudices matériels et ne fait aucune référence à l'indemnisation d'un préjudice immatériel habituellement défini comme tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de la jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par une personne ou un bien. Au regard de cette définition, la perte de la possibilité de capitaliser l'avion dans le cadre de la location avec option d'achat et le coût de la location d'aéronefs de remplacement sont des préjudices immatériels dont l'indemnisation n'est pas contractuellement prévue.

Dès lors, les demandes des appelantes à ce titre doivent être rejetées.

Enfin, les appelantes sollicitent la condamnation de leur adversaire à leur verser 30'000 € pour résistance abusive.

L'engagement d'une action en justice et sa poursuite en appel constituent un droit dont l'exercice ne dégénère en abus qu'en cas de démonstration d'une faute non caractérisée en l'espèce.

La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive des appelantes doit en conséquence être rejetée.

La SE Allianz Global Corporate & Specialty sera condamnée à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond conformément aux dispositions de l'article 639 du code de procédure civile.

L'équité commande d'infirmer la décision déférée sur l'article 700 du code de procédure civile et de faire droit à la demande des appelantes à hauteur de 4000 €.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine:

Infirme la décision déférée,

Déclare recevables les demandes de la SARL Aérofutur en paiement de la somme de 26'700 € correspondant à la perte de possibilité de capitalisation de l'aéronef et celle de 116'908,85 € correspondant à la location d'aéronefs,

Condamne la SE Allianz Global Corporate & Specialty à payer à la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd et à la SARL Aérofutur la somme de 165 000 €, déduction non faite de la franchise et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil,

Rejette la demande de condamnation de la SE Allianz Global Corporate & Specialty à verser à la SARL Aérofutur la somme de 26'700 € correspondant à la perte de possibilité de capitalisation de l'aéronef et celle de 116'908,85 € correspondant à la location d'aéronefs,

Rejette la demande de condamnation de la SE Allianz Global Corporate & Specialty à verser à la SARL Aérofutur et à la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd la somme de 30'000 € pour résistance abusive,

Condamne la SE Allianz Global Corporate & Specialty à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond comprenant ceux de la décision cassée,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SE Allianz Global Corporate & Specialty à verser à la SARL Aérofutur et la société de droit anglais Martyn Winlow Ltd 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I.ANGER M.DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/04134
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.04134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award