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21/06/2024 | FRANCE | N°24/00664

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 21 juin 2024, 24/00664


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 24/667

N° RG 24/00664 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QJT4



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le vendredi 21 juin à 15h00



Nous , S. MOULAYES magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 20 juin 2024 à 12H26

par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



[T] [S]

né ...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/667

N° RG 24/00664 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QJT4

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le vendredi 21 juin à 15h00

Nous , S. MOULAYES magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 20 juin 2024 à 12H26 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[T] [S]

né le 23 Avril 1989 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Vu l'appel formé le 20 juin 2024 à 17 h 01 par courriel, par Me Jérôme CANADAS, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l'audience publique du vendredi 21 juin 2024 à 14h30, assisté de N. DIABY, greffier, avons entendu :

[T] [S]

assisté de Me Jérôme CANADAS, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [G] [P], interprète, qui a prêté serment,

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M. [D] représentant la PREFECTURE DU TARN ET GARONNE ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 20 juin 2024 à 12h26 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [S] sur requête de la préfecture du Tarn et Garonne du 19 juin 2024 et de celle de l'étranger du même jour ;

Vu l'appel interjeté par M. [S] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 20 juin 2024 à 17 heures 01, soutenu oralement à l'audience, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :

- irrégularité du placement en rétention administrative :

- défaut de production de l'OQTF du 20 avril 2013

- défaut de justificatif de la notification de l'OQTF du 20 juillet 2023 ;

- erreur d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé

Entendu les explications fournies par l'appelant, par le truchement de l'interprète à l'audience du 21 juin 2024 à 14h30 ;

Entendu les explications orales du représentant du préfet du Tarn et Garonne qui sollicite confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel

En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3, ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l'espèce, l'appelant soutient en premier lieu que l'arrêté de placement en rétention a été pris sur le fondement d'une OQTF du 20 avril 2013 qui n'est pas produite par l'autorité administrative, et d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, en date du 20 juillet 2023, dont il n'est pas justifié de la notification dès lors que la pièce produite est illisible.

Si l'arrêté de placement en rétention administrative du 18 juin 2024 évoque en effet une précédente ordonnance portant obligation de quitter le territoire français en date du 20 avril 2013, il ne peut qu'être relevé que cette OQTF ne constitue pas le fondement de la rétention administrative.

Son ancienneté ne permet pas, en l'état de la loi applicable, de fonder une telle mesure ; il n'est ainsi pas utile de la produire, dans la mesure où elle ne porte plus aucune conséquence juridique.

L'autorité administrative produit l'OQTF du 20 juillet 2013, qui a donc moins d'un an, et qui fonde utilement la mesure de placement en rétention administrative ; elle produit également le jugement du tribunal correctionnel de Montauban du 19 décembre 2023, prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction du territoire français pour une durée de 2 ans, et l'arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse du 17 avril 2024 confirmant cette peine.

Par ailleurs, à l'OQTF du 20 juillet 2023 versée au dossier, est annexé un accusé de réception, certes peu lisible, mais qui comporte la date de remise à l'intéressé, soit le 24 juillet 2023, ainsi que sa signature.

Il est précisé dans l'arrêt de la Cour d'Appel du 17 avril 2024 que lors de l'enquête sociale rapide du 18 décembre 2023, Monsieur [S] a déclaré être en situation irrégulière, et faire l'objet d'une OQTF, de sorte qu'il ne peut pas aujourd'hui contester avoir eu connaissance de cette décision.

Dès lors, la Cour retient que le préfet justifie des décisions administratives fondant la mesure d'éloignement.

Monsieur [S] soutient ensuite que le préfet n'a pas tenu compte de sa situation personnelle, et qu'il a commis ainsi une erreur d'appréciation en ordonnant son placement en rétention administrative.

Il ajoute que l'audition préalable à son placement en rétention administrative est illisible.

Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de M. [S] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application de ces dispositions.

Elle précise en effet notamment que l'intéressé :

- a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français en date du 20 juillet 2023 ;

- a été condamné à une peine d'emprisonnement, ainsi qu'à une interdiction du territoire français pour une durée de 2 ans, pour de faits de violences habituelles sur mineur de 15 ans et violences habituelles par conjoint ou concubin ;

- a fait l'objet d'une levée d'écrou le 18 juin 2024 ;

- ne peut justifier de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ;

- déclare faire l'objet d'un suivi psychologique depuis 2022 et d'un suivi psychiatrique depuis décembre 2023, et ne pas prendre de médicaments ; que son état de santé ne fait pas obstacle à la mesure et qu'en tout état de cause, une prise en charge médicale est possible en rétention ;

- que l'état de vulnérabilité de l'intéressé a été pris en compte ;

- est marié, et le couple a deux enfants ; mais qu'il a été condamné pour des faits de violences sur mineur et sur conjoint ;

- n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ;

Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.

L'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir de la stabilité de sa situation familiale, dans la mesure où il vient d'exécuter une peine d'emprisonnement délictuel prononcée en sanction de violences commises sur son épouse, et sur les deux enfants d'un premier lit de celle-ci.

Il ne justifie pas d'une situation régulière, ou de ressources légales sur le territoire, de sorte que ses garanties de représentation sont illusoires, et ce d'autant plus qu'il déclare ne pas vouloir quitter la France.

A l'audience il a insisté sur sa volonté de demeurer en France, en dépit de l'OQTF et de l'interdiction prononcée par le tribunal correctionnel, et de rester auprès de sa famille, en dépit de la mesure d'interdiction d'entrer en contact avec sa femme prononcée par ce même tribunal, jusqu'à adopter un comportement très virulent.

Dès lors, il manifeste une volonté de se soustraire à la mesure d'éloignement, peu compatible avec une remise en liberté.

Par ailleurs, le fait que l'audition préalable de l'intéressé soit illisible est sans effet, dans la mesure où le droit d'être entendu de l'étranger placé en rétention administrative est garanti, en droit interne, par la procédure contradictoire prévue à l'article L.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui contraint l'administration à saisir le juge des libertés et de la détention dans les quarante-huit heures de la notification de ce placement et qui permet à l'intéressé de faire valoir, à bref délai, devant le juge judiciaire, tous les éléments pertinents relatifs à ses garanties de représentation et à sa vie personnelle, sans nuire à l'efficacité de la mesure, destinée, dans le respect de l'obligation des États membres de lutter contre l'immigration illégale, à prévenir un risque de soustraction à la mesure d'éloignement.

C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.

Sur la prolongation de la rétention

En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

En l'espèce, le juge des libertés et de la détention a été valablement saisi par requête du Préfet du Tarn et Garonne, dans les délais légaux ; l'examen de la procédure permet de relever que Monsieur [S] ne dispose pas de domicile indépendant de celui de la victime des violences pour lesquelles il a été condamné, de ressources, ou de documents d'identité valides pour séjourner sur le territoire national ; il ne dispose d'aucune garantie de représentation.

La prolongation de la rétention administrative de Monsieur [S] est le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en oeuvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

Avant même le placement en rétention administrative de M. [S] le 18 juin 2024, l'administration a saisi les autorités consulaires marocaines d'une demande d'identification et de laissez-passer consulaire le 17 juin 2024 en procédant à la communication des pièces utiles.

Elle est dans l'attente de la délivrance du laissez-passer.

L'administration a donc procédé avec diligence pour la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement.

En conséquence, et au stade actuel de la mesure de rétention administrative qui débute, et alors que les perspectives raisonnables d'éloignement doivent s'entendre comme celles pouvant être réalisées dans le délai maximal de la rétention applicable à l'étranger, il ne peut être affirmé que l'éloignement de l'appelant ne pourra avoir lieu avant l'expiration de ce délai, d'autant que le conflit diplomatique peut connaître une amélioration à bref délai.

La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

Déclarons l'appel recevable ;

Au fond, CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 20 juin 2024;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DU TARN ET GARONNE, service des étrangers, à [T] [S], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

N. DIABY S. MOULAYES.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/00664
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;24.00664 ?
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