La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°24/00654

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 19 juin 2024, 24/00654


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 24/654

N° RG 24/00654 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QJMH



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le mercredi 19 juin 2024 à 12h00



Nous A. CAPDEVIELLE, vice-présidente placée par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 17 juin 20

24 à 17H08 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/654

N° RG 24/00654 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QJMH

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le mercredi 19 juin 2024 à 12h00

Nous A. CAPDEVIELLE, vice-présidente placée par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 17 juin 2024 à 17H08 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[I] [G]

né le 12 Juillet 1987 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Vu l'appel formé le 18 juin 2024 à 15 h 45 par courriel, par Me El hadji baye ndiaga GUEYE, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l'audience publique du 19 juin 2024 à 10h00, assisté de M.QUASHIE, greffier avons entendu :

[I] [G]

assisté de Me El hadji baye ndiaga GUEYE, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [D] [J], interprète, qui a prêté serment,

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l'absence du représentant de la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE régulièrement avisée ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 17 juin 2024 à 17h08 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [I] [G] sur requête de la préfecture des Bouches du Rhône du 17 juin 2024 et de celle de l'étranger du même jour ;

Vu l'appel interjeté par M. [I] [G] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 18 juin 2024 à 15h45, soutenu oralement à l'audience, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :

- irrégularité de la procédure : interprétariat par téléphone sans mention de l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer et sans mention de ses coordonnées

- la notification du placement en rétention n'est pas signée par l'interprète et il n'est pas mentionné que la notification ait été faite par l'intermédiaire de moyen de communication

- erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé

- subsidiairement assignation à résidence

Entendu les explications fournies par l'appelant à l'audience du 19 juin 2024 ;

Vu l'absence du préfet des Bouches du Rhône, non représenté à l'audience ;

Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel

En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative

Le conseil de l'intéressé soutient que la procédure est irrégulière en ce que lors de la notification des droits en matière d'asile, l'interprétariat a été fait par téléphone sans mention de l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer et sans mention de ses coordonnées.

L'article L813-5 du CESEDA énonce l'ensemble des droits dont bénéficie l'étranger placé en retenue notamment, le droit d'être assisté par un interprète et lorsque l'étranger ne parle pas français il est fait application des dispositions des articles L 141-2 et suivants du CESEDA. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

L'absence d'interprète pour une personne qui ne maîtrise pas la langue française fait nécessairement grief.

Toutefois, en l'espèce tel n'est pas le cas. En effet, il n'est pas reproché une absence interprète mais la non justification du recours à un moyen de télécommunication pour faire intervenir l'interprète et l'absence de coordonnées de ce dernier.

Il ressort de la procédure que la notification en matière de droits d'asile a été faite le 16 juin 2024 à 00h30 par le truchement de monsieur [N], interprète en langue arabe, ISM traduction par téléphone.

Un PV a été dressé le 16 juin 2024 à 0h25 mentionnant que les enquêteurs avaient contacté deux interprètes en langue arabe qui n'étaient pas en mesure de se déplacer dans des délais appropriés pour la notification des droits.

Monsieur [G] soutient que l'absence d'explication quant à l'impossibilité de se déplacer pour l'interprète lui fait grief car il n'a exercé aucun des droits qui lui étaient reconnus.

Ce faisant, il confond possibilité d'exercer ou non les droits, avec l'exigence d'être parfaitement informé des mêmes droits.

Il ne fait la démonstration d'aucun grief puisqu'il a eu connaissance de l'ensemble de ses droits et a pu s'expliquer, qu'il a été régulièrement informé des conditions et des suites de la procédure de retenue, qu'il a été tenu informé de l'identité de l'interprète.

Il n'explique pas en quoi les raisons personnelles qui ont empêché l'interprète d'être toujours présent physiquement, ont eu un impact sur sa compréhension lors de la notification de ses droits.

Il ne justifie donc d'aucun grief qui résulterait de l'absence d'explication quant à l'impossibilité physique pour Monsieur [N] d'être à ses côtés en début et en fin de procédure.

En outre il a été fait appel à ISM traduction, organisme auquel font régulièrement appel les juridictions et dont les coordonnées sont parfaitement connues par des dernières.

Dès lors, la nullité invoquée sera écartée et la procédure de retenue considérée comme régulière.

La procédure sera donc déclarée régulière comme retenu par le premier juge.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

Sur la notification du placement en rétention administrative

Le conseil de l'intéressé soutient que la procédure est irrégulière en ce que la notification de la décision de placement en rétention administrative n'a pas été signée par l'interprète en langue arabe et il n'est pas indiqué que cette notification ait été effectuée par l'intermédiaire de moyens de communication.

En l'espèce

L'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a été notifié à l'intéressé le 15 juin 2024 à 18h05 en présence de Madame [U] [R] [Y], interprète

La décision de placement en rétention a été notifié le même jour à 18h06

Les droits au centre de rétention ont été notifiés par le truchement de l'interprète à 18h07

Le droit d'accès à des associations de retenus a été notifié à 18h08 et l'interprète a signé le document.

L'ensemble de ces éléments démontre que l'intéressé a été assisté physiquement d'un interprète lors de la notification de son placement en rétention dans un même trait de temps s'agissant de la notification des différents éléments de procédure.

En outre Monsieur [G] ne justifie pas d'un grief.

Dès lors le moyen sera rejeté.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation

En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l'espèce, l'appelant soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet n'a pas motivé sa décision au regard de la situation familiale de l'intéressé, marié à une française et disposant de garanties suffisantes.

Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de M. [G] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application de ces dispositions.

Elle précise en effet notamment que l'intéressé :

- ne présente pas de passeport en cours de validité

- s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire le 9/10/2019, confirmée par le tribunal administratif de Marseille le 05/05/2021 et par la cour administrative d'appel le 13/07/2022 et a été placé sous surveillance électronique le 03/05/2023 et n'a pas réintégré son domicile et ne justifiant pas d'un lieu de résidence permanent, étant précisé qu'il déclare une adresse à Marseille sans en justifier

- a déclaré ne pas vouloir repartir dans son pays d'origine

- est séparé de son épouse française depuis 2017, sans enfant et ne justifie pas être dépourvu d'attaches personnelles ou familiales dans son pays d'origine.

Il convient en outre de préciser que l'intéressé lors de son audition a donné une fausse identité, a déclaré être sans domicile fixe et travailler au noir.

Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.

Le préfet a tiré toutes les conséquences de droit de la situation qu'il a relevée dans son arrêté. Le grief tiré d'une erreur de droit et manifeste d'appréciation doit donc être écarté.

Compte tenu de ce qui précède, M. [G] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.

C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.

L'appréciation par l'administration des garanties de représentation

Il est encore fait grief à la décision attaquée de ne pas avoir pris en compte la stabilité de l'intéressé.

Or, la situation actuelle est la suivante : Monsieur [G] a donné une fausse identité lors de son interpellation, disant être SDF et s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement.

L'argument est totalement inopérant et sera donc rejeté.

Sur la prolongation de la rétention

L'assignation à résidence

Selon l'article L.743-13 du CESEDA, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

Toutefois, une assignation à résidence suppose que soit remis aux services de police ou à une unité de gendarmerie, l'original d'un passeport ou d'un document d'identité. Cette formalité prescrite par l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conditionne impérativement l'examen d'une demande d'assignation à résidence.

En l'espèce aucun passeport n'a été remis, seule une photocopie a été produite aux débats.

Faute de respecter cette condition, la demande d'assignation à résidence sera rejetée.

Il convient en outre de souligner que l'intéressé a donné une fausse identité au début de sa garde à vue en se déclarant sans domicile fixe.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

Déclarons l'appel recevable ;

Au fond, CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 17 juin 2024;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, service des étrangers, à [I] [G], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

M.QUASHIE A. CAPDEVIELLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/00654
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.00654 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award