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10/06/2024 | FRANCE | N°24/00611

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 10 juin 2024, 24/00611


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 24-613

N° RG 24/00611 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QIU6



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 10 juin à 11h00



Nous A. CAPDEVIELLE, magistrate déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 07 juin 2024 à 17H46 par

le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



[O] [U]

né le 06...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 24-613

N° RG 24/00611 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QIU6

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 10 juin à 11h00

Nous A. CAPDEVIELLE, magistrate déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 07 juin 2024 à 17H46 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[O] [U]

né le 06 Novembre 1997 à [Localité 2] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Vu l'appel formé le 08 juin 2024 à 14 h 42 par courriel, par Me Diane BENOIT, avocate au barreau de TOULOUSE,

A l'audience publique du 10 juin 2024 à 9 heures 45, assistée de M.QUASHIE, greffière avons entendu :

[O] [U]

assisté de Me Diane BENOIT, avocate au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [W] [S], interprète en langue arabe, qui a prêté serment,

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l'absence du représentant de la PREFECTURE DU GERS ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 7 juin 2024 à 17h46 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [O] [U] sur requête de la préfecture du Gers du 6 juin 2024 et de celle de l'étranger du même jour ;

Vu l'appel interjeté par M. [O] [U] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 8 juin 2024 à 14h42, soutenu oralement à l'audience, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :

- atteinte aux droits de l'intéressé en raison du recours à l'interprétariat par téléphone

- la garde à vue a pris fin à 17h30 alors que le procureur a ordonné la levée à 15h50 ce qui cause un grief à Monsieur [U]

- on ne sait pas quel acte a été notifié en premier la mesure d'éloignement ou la mesure de rétention

- erreur manifeste d'appréciation

- subsidiairement est sollicitée une assignation à résidence

Entendu les explications fournies par l'appelant, par le truchement de l'interprète à l'audience du 10 juin 2024 ;

Vu l'absence du préfet du Gers, non représenté à l'audience ;

Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel

En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative

Sur l'interprétariat par téléphone

Le conseil de l'intéressé fait valoir qu'il y a eu une atteinte aux droits de l'intéressé en raison du recours à l'interprétariat par téléphone.

L'article L813-5 du CESEDA énonce l'ensemble des droits dont bénéficie l'étranger placé en retenue. Notamment, le droit d'être assisté par un interprète et lorsque l'étranger ne parle pas français il est fait application des dispositions des articles L 141-2 et suivants du CESEDA. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète se faire par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

Il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition du code de procédure pénale, a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. L'article 802 du code de procédure pénale dispose que : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ''.

Notamment, l'absence d'interprète pour une personne qui ne maîtrise pas la langue française fait nécessairement grief.

Toutefois, en l'espèce tel n'est pas le cas. En effet, il n'est pas reproché une absence interprète mais la non justification du recours à un moyen de télécommunication pour faire intervenir l'interprète.

En l'espèce :

L'intérressé a été interpellé au [Adresse 1] avec un autre individu le 5 juin 2024 à 6h10.

Le procès-verbal d'interpellation mentionne qu'ils ont été informés par le truchement de Monsieur [R] [X], interprète en langue arabe de leur placement en garde à vue.

Le procès-verbal de réquisition mentionne que Monsieur [R] [X] est interprète en langue arabe, assermenté près la cour d'appel d'Agen.

La perquisition a été faite par le truchement téléphonique de Monsieur [R], tout comme la notification de la garde à vue à 6h20. M. [O] [U] a d'ailleurs exercé ses droits puisqu'il a souhaité prévenir sa famille dont il a donné l'adresse et a souhaité bénéficié de l'assistance d'un avocat

Son audition a été faite en présence de Monsieur [R]

Donc, le respect des droits fondamentaux de M. [O] [U] a été assuré puisqu'il est incontestable qu'un interprète est intervenu normalement tout au long de la procédure.

Par ailleurs l'horaire à lui seul, 6 heures du matin au moment de l'interpellation justifie à lui seul le recours à un interprète par téléphone.

M. [O] [U] ne fait la démonstration d'aucun grief puisqu'il a eu connaissance de l'ensemble de ses droits et a pu s'expliquer, qu'il a été régulièrement informé des conditions et des suites de la procédure de retenue, qu'il a été tenu informé de l'identité de l'interprète.

Il n'explique pas en quoi les raisons personnelles qui ont empêché l'interprète d'être toujours présent physiquement, ont eu un impact sur sa compréhension lors de la notification de ses droits.

Il ne justifie donc d'aucun grief qui résulterait de l'absence d'explication quant à l'impossibilité physique pour Monsieur [R] d'être à ses côtés en début de procédure.

Dès lors, la nullité invoquée sera écartée et la procédure de retenue considérée comme régulière.

Sur la durée de la garde à vue

Le conseil de l'intéressé fait valoir que la garde à vue a pris fin à 17h30 alors que le procureur a ordonné la levée à 15h50 ce qui cause un grief à M. [O] [U].

En l'espèce, les enquêteurs ont pris attache avec le parquet d'Auch le 5 juin à 15h50. Le parquetier a donné pour instruction de mettre fins aux trois gardes à vue en cours.

A 17h25, les enquêteurs ont commencé à notifier la fin de garde à vue à M. [O] [U] par le truchement d'un interprète, fin de notification à 17h30.

Le délai de 1h35 pour clôturer une procédure, mettre en forme les PV et notifier la fin de mesure à trois personnes par le truchement de l'interprète n'est pas excessif, M. [O] [U] ne justifie d'ailleurs pas d'un grief.

Le moyen sera rejeté et la procédure déclarée régulière.

Sur la notification de la mesure de rétention

Le conseil de l'intéressé fait valoir qu'on ne sait pas quel acte a été notifié en premier la mesure d'éloignement ou la mesure de rétention ; que c'est la mesure d'éloignement qui doit être notifiée en premier et que sinon la mesure de rétention n'a pas de fondement légal

En l'espèce l'arrêté portant OQTF a été notifié le 5 juin à 17h30, tout comme l'arrêté de placement en rétention. Les deux actes ayant été notifiés concomitamment, la procédure sera déclarée régulière.

La procédure sera donc déclarée régulière comme retenu par le premier juge.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l'espèce, l'appelant soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il est titulaire d'un passeport en cours de validité remis aux autorités et a fait une demande de titre de séjour en Espagne.

Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de M. [O] [U] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application de ces dispositions.

Elle précise en effet notamment que l'intéressé :

- ne peut justifier d'une entrée régulière et n'a pas demandé de titre de séjour,

- a été interpellé par les services de la PAF et placé en garde à vue pour des faits de faux et usage de faux documents et il a reconnu les faits.

- ne justifie pas de ressources et n'a pas de billet de transport pour exécuter la mesure d'éloignement,

- ne présente pas d'état de vulnérabilité, il déclare souffrir d'une douleur aux genoux mais n'a pas sollicité de titre de séjour pour soins et n'est pas den mesure de prouver qu'une absence de soins ou qu'une prise en charge par le service médical du centre de rétention aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité

- ne présente pas de garanties de représentation suffisantes faute de document d'identité ou de voyage en cours de validité et faute d'une adresse stable.

Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.

Le préfet a tiré toutes les conséquences de droit de la situation qu'il a relevée dans son arrêté. Le grief tiré d'une erreur de droit et manifeste d'appréciation doit donc être écarté.

Compte tenu de ce qui précède, M. [O] [U] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, et ce d'autant plus qu'il a été interpellé suite à la réception de colis comportant des fausses pièces d'identité espagnoles à son nom.

C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise.

La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

Sur la prolongation de la rétention

L'assignation à résidence

Selon l'article L.743-13 du CESEDA, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

Toutefois, une assignation à résidence suppose que soit remis aux services de police ou à une unité de gendarmerie, l'original d'un passeport ou d'un document d'identité. Cette formalité prescrite par l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conditionne impérativement l'examen d'une demande d'assignation à résidence.

En l'espèce, M. [O] [U] a été interpellé suite à la découverte de faux documents d'identité espagnols à son nom dans des colis envoyés de Turquie à son adresse en France.

Dans ces conditions les garanties de représentations ne sont pas effectives

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

Déclarons l'appel recevable ;

Au fond, CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 07 juin 2024;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DU GERS, service des étrangers, à [O] [U], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE

M.QUASHIE A. CAPDEVIELLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/00611
Date de la décision : 10/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-10;24.00611 ?
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