06/06/2024
ARRÊT N°277/2024
N° RG 23/02508 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PSIE
PB/IA
Décision déférée du 07 Juillet 2022 - Juge de l'exécution de Montauban ( 22/00266)
M.REDON
[F] [J] [U] [G]
C/
S.A. BANQUE POPULAIRE OCCITANE
ANNULATION DECISION DEFEREE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANT
Monsieur [F] [J] [U] [G]
[Adresse 5]
[Localité 4] (BRESIL)
Représenté par Me Jean-louis JEUSSET de la SELARL CABINET JEUSSET AVOCATS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Isabelle SCHOENACKER-ROSSI de la SCP LARROQUE REY SCHOENACKER-ROSSI, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMÉE
S.A. BANQUE POPULAIRE OCCITANE Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Jean CAMBRIEL de la SCP CAMBRIEL - DE MALAFOSSE - STREMOOUHOFF - GERBAUD COUTURE-ZOU ANIA, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
P. BALISTA, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par P. BALISTA, Conseiller, pour le président empêché, et par I. ANGER, greffier de chambre
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié du 16 décembre 2008, la Sa Banque Populaire Occitane a consenti à M. [F] [J] [U] [G] trois prêts immobiliers d'un montant respectif de 268200 €, 67400 € et 52600 €.
Arguant d'impayés, la Sa Banque Populaire Occitane a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé du 30 juillet 2018.
Suivant procès verbal de remise à parquet du 15 décembre 2021, un commandement aux fins de saisie immobilière a été délivré à M. [F] [J] [U] [G].
Le commandement a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 6] le 28 janvier 2022.
Par acte en date du 21 mars 2022, la Banque Populaire Occitane a fait assigner M. [F] [G] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montauban en audience d'orientation et a demandé au juge :
-de fixer la date d'audience d'adjudication,
-de dire que Maîtres [R] [W] huissiers de justice à [Localité 6], assistés aux besoins d'un serrurier et de la force publique, s'il y avait des difficultés, organiseront la visite des lieux,
-de fixer la créance à la somme de 170 573,17€ outre les intérêts au taux conventionnel de 4,90% calculé sur 62 899,62 € à compter du 19/08/2021 et majoré des intérêts au taux conventionnel de 4,65% calculés sur 69171,86 € à compter du 3/07/2021 jusqu'au parfait paiement,
-de dire que les dépens de la saisie seront passés en frais privilégiés de vente.
Par jugement réputé contradictoire en date du 7 juillet 2022, le juge a :
-dit que les conditions des articles 2191 el 2193 du Code civil et des articles L.311-2, L.311-4 et L.311-6 du Code des procédures civiles d'exécution sont réunies et que le créancier poursuivant a satisfait au respect des dispositions de ce code,
-dit que la Banque Populaire Occitane poursuit régulièrement la saisie immobilière au préjudice de M. [F] [G] pour une créance liquide et exigible, arrétée à la somme de 170 573,17 €, outre les intérêts au taux conventionnel de 4,90% calculés sur 62.899,62 € à compter du 19 août 2021,et majoré des intérêts au taux conventionnel de 4,65 % calculés sur 69 171,86 € à compter du 3 juillet 2021 jusqu'au parfait paiement,
-ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers, saisis salon les modalités du cahier des conditions de vente,
-dit qu'il sera procédé à ladite vente forcée à l'audience du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montauban du jeudi 20 octobre 2022 à 9 heures,
-dit que les visites du bien saisi seront assurées par le ministère de l'office ministériel [R] et [W], huissiers de justice à [Localité 6], commis à cet effet, aux jours qu'il fixera suivant ses disponibilités et qu'il pourra se faire assister en cas de difficultés par un serrurier et par la force publique,
-dit que l'huissier assistera l'expert éventuellement requis par le créancier pour l'établissement des diagnostics techniques,
-dit que la publicité aura lieu dans les conditions de droit commun fixées par les articles R. 322-31 à R. 322-36 du Code des procédures civiles d'exécution,
-ordonné la mention du présent jugement d'orientation en marge de la de la publication du commandement valant saisie immobilière,
-dit que le présent jugement sera annexé au cahier des conditions de vente déposé au tribunal judiciaire de Montauban,
-dit que les dépens seront compris dans les frais de poursuite soumis à taxe et passeront en frais privilégiés de vente.
Ce jugement a été signifié à parquet le 9 août 2022.
Par déclaration en date du 10 juillet 2023, M. [F] [G] a relevé appel de la décision en critiquant l'ensemble des dispositions.
M. [F] [G], dans ses dernières conclusions en date 18 janvier 2024, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, demande à la cour, de :
-infirmer intégralement le jugement du 7 juillet 2022 du juge de l'exécution près du tribunal judiciaire de Montauban,
-condamner avant dire droit la Banque Populaire Occitane, à produire les relevés bancaires du compte de M. [F] [G] de juin 2018 à juin 2021sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
-dire que la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de M. [F] [G] sur l'immeuble situé [Adresse 1] et ayant abouti à un jugement d'adjudication en date du 22 octobre 2022, dont la signification à la personne de M. [F] [G] est réalisée le 25 avril 2023, est entachée de nullité :
*du commandement de payer en date du 15 décembre 2021,
*de l'assignation à l'audience d'orientation en date du 21 mars 2022,
*pour défaut de signification du jugement rendu le 07/07/2022 dans les six mois de sa date,
-dire que la Banque Populaire Occitane a engagé sa responsabilité au titre tant du devoir de conseil et des obligations d'information pesant sur l'organisme bancaire qu'au titre de la loyauté, en clôturant abusivement le compte bancaire détenu par M. [F] [G] et en refusant l'encaissement des pensions de retraite versées à M. [F] [G] par la Direction Générale des Finances Publiques,
-condamner la Banque Populaire Occitane à payer la somme de 10000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la Banque Populaire Occitane aux entiers dépens.
La Banque Populaire Occitane, dans ses dernières conclusions en date du 4 octobre 2023, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, demande à la cour, de :
-débouter M. [F] [G] de l'intégralité de ses demandes,
-confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le juge de l'exécution le 7 juillet 2022,
-condamner M. [F] [G] à payer à la Banque Populaire Occitane la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner M. [G] aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION
Au visa de l'article R 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'acte.
Néanmoins, statuant en appel d'un jugement d'orientation, la cour d'appel est tenue d'examiner, au préalable, le moyen présenté par le débiteur saisi qui n'a pas comparu à l'audience d'orientation, tendant à la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée pour cette audience.
Au visa de l'article 562 du code de procédure civile en cas d'annulation du jugement d'orientation découlant de la nullité de l'acte introductif d'instance, la dévolution ne s'opère pas pour le tout, de sorte que la cour d'appel ne peut pas statuer sur une demande tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.
Il y a donc lieu d'examiner en premier lieu la nullité invoquée de l'assignation en audience d'orientation.
Sur la nullité de l'assignation
L'appelant fait valoir que l'assignation en audience d'orientation ne lui a jamais été délivrée alors qu'il résidait au Brésil et qu'il n'a eu connaissance que de la signification du jugement d'orientation.
Il expose que la procédure lui cause grief en ce que son immeuble a été vendu aux enchères sans lui permettre de faire valoir ses moyens de défense.
Il ajoute que la notification d'acte extra-judiciaire délivrée par commissaire de justice censé démontrer la régularité de la procédure est vierge de toute inscription, signature ou mention manuscrite.
La Banque Populaire expose que M. [G] demeurant au Brésil, la signification de l'assignation est régie par les dispositions des articles 684 et suivant du Code civil ainsi que par le décret du 18 septembre 2000 portant publication de la convention d'entraide judiciaire en matière civile conclue par la France et le Brésil.
Elle ajoute qu'en l'espèce, l'assignation en audience d'orientation a été régulièrement remise à parquet le 21 mars 2022.
Au visa de l'article 688 du Code de procédure civile, en matière de signification à l'étranger, la juridiction est saisie de la demande formée par assignation par la remise qui lui est faite de l'acte complété par les indications prévues à l'article 684-1 ou selon le cas, à l'article 687-1, le cas échéant accompagné des justificatifs des diligences accomplies en vue de sa notification au destinataire.
S'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies :
1° L'acte a été transmis selon les modes prévus par les règlements européens ou les traités internationaux applicables ou, à défaut de ceux-ci, selon les prescriptions des articles 684 à 687 ;
2° Un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ;
3° Aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis.
Aux termes des articles 10 à 12 de la convention signée à [Localité 7] le 28 mai 1996, d'entraide judiciaire en matière civile entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, les actes judiciaires ou extrajudiciaires destinés aux personnes résidant sur le territoire de l'autre Etat sont transmis par l'intermédiaire des autorités centrales, en double exemplaire et accompagnés d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.
1. Les actes sont remis selon les formes prévues par la législation de l'Etat requis.
2. La preuve de la remise ou de la tentative de remise se fait au moyen d'un récépissé,
d'une attestation ou d'un procès-verbal. Ces documents, accompagnés d'un exemplaire de l'acte, sont retournés à l'autorité requérante par la même voie.
En l'espèce, l'huissier de justice, la Scp [R] [W], a rédigé un procès-verbal de remise à parquet de l'assignation en audience d'orientation le 21 mars 2022, pour une audience fixée au 7 juillet 2022, accompagné de l'assignation et de sa traduction en portugais.
Il a délivré un nouveau procès verbal de remise à parquet de l'assignation le 5 mai 2022, accompagné du formulaire de transmission traduit en Portugais, du commandement aux fins de saisie et de l'assignation en audience d'orientation.
Le courrier adressé par la Direction des affaires civiles et du sceau le 9 mai 2022 au ministère de la justice du Brésil, aux fins de remise à la personne de l'assignation en audience d'orientation, auquel étaient jointes l'assignation et sa traduction en brésilien, était accompagné d'un formulaire à renseigner par l'Etat requis sur la remise de l'assignation ou son absence de remise pour motifs à préciser.
Le ministère de la justice du Brésil a retourné une décision du tribunal supérieur de justice du 3 octobre 2022 informant de l'exécution de la commission rogatoire, accompagnée d'un accusé de réception signé par M. [G] du 23 juin 2022.
Le même jour, soit le 23 juin 2022, M. [G] a adressé un courrier à M. [X] (pièce n°31 de la banque), salarié de la Banque Populaire Occitane, se plaignant de la procédure en indiquant 'la Banque Populaire Occitane m'assigne en justice' et en faisant état 'd'un ordre de paiement émis par le tribunal judiciaire de Montauban'.
Ce courrier de l'appelant était accompagné de l'avis qu'il venait de recevoir du tribunal supérieur de justice brésilien, daté du 8 juin 2022, l'informant de la procédure de notification internationale d'un acte déposé devant le tribunal judiciaire de Montauban, émanant de la Banque Populaire.
Cet avis, produit par la banque, lui indiquait que la procédure était accessible via un lien internet figurant en bas de page, valide jusqu'au 5 décembre 2022.
Ces éléments n'établissent cependant pas que l'appelant a été informé, avant l'audience d'orientation du 7 juillet 2022, de l'objet de l'audience, de sa date, des conditions de représentation et des mentions obligatoires devant être portées à sa connaissance.
Le courrier adressé par M. [G] à la banque le 23 juin 2022 ne mentionne nulle part l'existence d'une procédure de saisie immobilière, le fait d'évoquer un 'ordre de paiement émis par le tribunal judiciaire de Montauban' établissant au contraire que l'appelant n'a pas compris, lors de la rédaction de son courrier, l'objet de la notification qu'il devait recevoir.
Il ne peut donc en être déduit que l'appelant était informé de la date d'audience et de son objet, comme le soutient la banque.
La décision du tribunal supérieur de justice du 3 octobre 2022, postérieure à la date de l'audience d'orientation, ne mentionne ni la notification d'un acte émanant de la Scp [R] [W] ni la date de cette éventuelle notification.
Il n'est donc pas établi que l'appelant a eu connaissance en temps utile de la date d'audience devant le tribunal judiciaire et il ressort de ces éléments que le délai minimum de six mois prévu à l'article 688 du Code de procédure civile pour statuer, dans cette hypothèse, n'a pas été respecté.
Le fait de ne pas avoir pu se faire représenter lors de l'audience d'orientation de la procédure immobilière cause un grief à l'intéressé en ce qu'il n'a pas pu contester la procédure en temps utile ou faire valoir une possibilité de vente amiable.
La cour annulera en conséquence, au visa des articles 112 et 114 du Code de procédure civile, l'assignation en audience d'orientation et prononcera la nullité subséquente du jugement d'orientation du 7 juillet 2022 qui entraîne la nullité de la procédure de saisie immobilière.
Sur les demandes annexes
L'équité ne commande pas application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Partie perdante, la Banque Populaire supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de sa saisine,
Annule l'assignation en audience d'orientation du 21 mars 2022 délivrée par la Sa Banque Populaire Occitane à M. [F] [G].
Annule en conséquence le jugement d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montauban du 7 juillet 2022.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la Sa Banque Populaire Occitane aux dépens d'appel.
LE GREFFIER Pour le président empêché
Le conseiller
I.ANGER P.BALISTA