07/05/2024
ARRÊT N°248/2024
N° RG 22/02855 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O5PV
PB/IA
Décision déférée du 16 Juin 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 21/00342
M.GUICHARD
[O] [T] [M]
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE (CPAM 31)
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [O] [T] [M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Pierre DEBUISSON, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉS
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie SAINT GENIEST de la SCP SCP FLINT - SAINT GENIEST - GINESTA, avocat au barreau de TOULOUSE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE
GARONNE (CPAM 31) prise en la personne de son directeur générale en exercice domicilié ès-qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Sandrine BEZARD de la SCP VPNG, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
P. BALISTA, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par P. BALISTA, conseiller, pour le président empêché, et par I. ANGER, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Le 5 novembre 1974, Mme [O] [T] [M] a été victime d'un grave accident de la circulation, à [Localité 6], route de [Localité 5], alors qu'elle était âgée de 3 ans et passagère d'une mobylette, après un choc avec une automobile conduite par M. [Z] [Y], assuré auprès de la compagnie d'assurances Axa.
Une indemnisation, en application de l'article 1384 du Code civil, s'agissant d'un accident intervenu avant la loi du 5 juillet 1985, est intervenue.
Se plaignant d'une aggravation de son état de santé, Mme [O] [T] [M] a saisi, par acte du 14 février 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse lequel a désigné, par ordonnance du 31 mai 2018, le professeur [R] en qualité d'expert, avec mission habituelle en la matière.
L'expert commis a déposé son rapport le 20 octobre 2020, fixant la date de consolidation des lésions initiales au 4 novembre 1987.
Par acte du 19 janvier 2021, Mme [O] [T] [M] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse la Sa Axa France Iard en indemnisation de son préjudice, pour un montant total de 923670,50 €, sous déduction de la somme de 80000 francs déjà versée, outre paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par jugement du 16 juin 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
-dit qu'il existe une transaction qui a pour effet de réduire de moitié le droit à indemnisation et d'interdire à la victime de demander nouvelle réparation, sauf ce qui résulte de l'aggravation de son état de santé et de l'incidence professionnelle ;
-débouté en conséquence Madame [T] [M] de ses demandes en ce qu'elles se heurtent à l'existence d'une transaction pour la période antérieure au 28 novembre 2012 ;
-fixé après partage de responsabilité le préjudice soumis à recours à la somme de dont 106 803.83 € dont 43 900.83 € pour la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de la Haute-Garonne ;
-condamné la société Axa à payer à Madame [T] [M] les sommes de 62 903 € et de 11 567.33 € après partage et déduction de la provision versée ;
-condamné la société Axa à payer à la caisse la somme de 1098 € ;
-condamné la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de la Haute-Garonne à rembourser à la société Axa la somme de 73 508.39 €, sauf à déduire les intérêts échus au profit de la Caisse depuis le jour de la demande ;
-condamné la société Axa aux dépens dont distraction au profit de Maître Moreau Luc, pour ce qui le concerne et à payer à Madame [T] [M] la somme de 3 000 € et à la Caisse celle de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [O] [T] [M] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration d'appel du 25 juillet 2022.
Par conclusions notifiées par Rpva le 20 octobre 2022 auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, Mme [O] [T] [M] a demandé à la cour de :
-dire et juger que Monsieur [Z] [Y], assuré par Axa, est responsable de l'accident du 5 novembre 1974 et des préjudices subis par Madame [T] [M] ;
-réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau,
-dire et juger qu'en l'absence de contrat sous signature privée, la compagnie Axa ne produit ni commencement de preuve ni acte supplétif tendant à démontrer l'existence d'une transaction ou une limitation de responsabilité de son obligation à 50 % au visa des articles 1350 et suivants du Code civil,
-en conséquence,
-condamner Axa Assurances à indemniser Madame [T] [M] des préjudices qu'elle subit pour un montant total de 923 670,5 € se décomposant comme suit :
-19 980 euros au titre de son DT à 100 %,
-54 910,5 euros au titre du DFTP,
-224 280 euros au titre de son DFP,
-243 500 euros d'aide humaine,
-100 000 euros d'incidence professionnelle,
-62 500 euros au titre des souffrances endurées,
-31 000 euros au titre du préjudice esthétique,
-150 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
-37 500 euros au titre du préjudice sexuel.
À déduire somme perçue : 80 000 francs, soit 15 909,65 euros (convertisseur tenant compte de l'érosion monétaire due à l'inflation), outre 33 300 euros versés par Axa suite à l'ordonnance de mise en état du 17 juin 2021, soit au total 923 670,5 -15 909,65 - 33 300 = 874 460,85 euros,
-condamner Axa Assurances au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance qui comportent notamment le coût de l'expertise judiciaire.
Par conclusions notifiées par Rpva le 24 janvier 2023, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, la Sa Axa France Iard a demandé à la cour de :
-vu le rapport d'expertise du Docteur [R],
-vu les dispositions de l'ancien article 1382 du Code Civil,
-confirmer le jugement du 16 juin 2022 en ce qu'il a limité le droit à indemnisation de Madame [T] [M] à hauteur de 50%, en application du partage de responsabilité accepté par les parties lors de l'indemnisation des conséquences initiales de l'accident,
-confirmer le jugement du 16 juin 2022 en ce qu'il a débouté Madame [T] [M] de ses demandes d'indemnisation des conséquences initiales de l'accident dont elle a été victime, celle-ci ayant déjà été indemnisée à ce titre en 1992,
-confirmer le jugement du 16 juin 2022 en ce qu'il a limité l'indemnisation de Madame [T] [M] au conséquence de l'aggravation de son état de santé,
-réformer le jugement du 16 juin 2022 en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard sur les postes de préjudices suivants :
*Aide humaine,
*Incidence professionnelle,
*Déficit fonctionnel temporaire,
*Déficit fonctionnel permanent,
-confirmer le jugement du 16 juin 2022 sur les postes de préjudices suivants :
*Souffrances endurées,
*Préjudice esthétique,
*Préjudice d'agrément,
*Préjudice sexuel,
-allouer à Madame [T] [M] les sommes suivantes au titre de l'aggravation de son état de santé :
*Aide humaine : 7.161 €,
*Incidence professionnelle : 5.000 €,
*Déficit fonctionnel temporaire total : 1.012 €,
*Déficit fonctionnel temporaire partiel : 10.919,25 €,
*Déficit fonctionnel permanent : 13.200 €,
*Souffrances endurées : 10.000 €,
*Préjudice esthétique temporaire : 1.000 €,
*Préjudice esthétique définitif : 2.000 €,
*Préjudice d'agrément : 250 €,
*Préjudice sexuel : 200 € ;
-déduire des condamnations les provisions versées à hauteur de 33.300 €,
-confirmer le jugement du 16 juin 2022 en ce qu'il a limité la prise en charge de la Cpam par la société Axa à la somme de 43.900,83 €,
-confirmer le jugement du 16 juin 2022 en ce qu'il a condamné la Cpam à payer à la société Axa la somme de 73.508,39 € en remboursement du trop-perçu,
-débouter Madame [T] [M] de l'ensemble de ses autres demandes,
-statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par conclusions notifiées par Rpva le 13 janvier 2023, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, la Cpam de la Haute-Garonne a demandé à la cour de :
-dans l'hypothèse où la juridiction de céans ne retiendrait pas qu'il existerait une transaction entre les parties aux termes de laquelle un partage de responsabilité entre les tiers responsables serait intervenu,
-réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Toulouse le 16 juin 2022,
-en conséquence,
-fixer à la date du 08 novembre 2021, la créance définitive de la Cpam de la Haute-Garonne pour les prestations servies et à servir à Madame [O] [T] [M] s'élève à la somme totale de 87 801,68 € au titre des postes des Dépenses de santé actuelles et futures ainsi que des frais divers pour l'aggravation de son état de santé,
-condamner la compagnie Axa France Iard à régler à la Cpam de Haute-Garonne la somme de 87 801,68 € au titre de sa créance définitive, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande décomposée comme suit :
*Des dépenses de santé actuelles : 68 543,53 €,
*Des frais divers : 2 960,11 €,
*Des dépenses de santé futures : 16 298,04 €.
-condamner la Compagnie Axa France Iard à régler à la Cpam de Haute-Garonne la somme de 1162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la Sécurité sociale ;
-condamner la Compagnie Axa France Iard à régler à la Cpam de Haute-Garonne la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont la distraction au profit Maître Sandrine Bezard de la Scp Vinsonneau-Paliès Noy Gauer & Associés sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La clôture de la procédure est intervenue le 13 novembre 2023.
Suivant deux notes en délibéré des 25 mars 2024 et 26 avril 2024, il a été demandé au conseil de l'appelante d'une part l'ensemble des pièces n°1 à 29 figurant à son bordereau sous l'intitulé « nos pièces déjà communiquées en 1ère instance», qui n'étaient pas produits, d'autre part le rapport d'expertise judiciaire figurant en pièce n°28, non versé au dossier de plaidoirie de l'appelante.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'existence d'une transaction
Le premier juge a retenu l'existence d'une indemnisation réduite de 50 % en raison d'une transaction qui serait intervenue.
L'appelante conteste le principe d'un partage de responsabilité qui aurait été convenu lors de l'indemnisation initiale des conséquences de son accident, en raison d'une faute commise par sa mère, conductrice de la mobylette.
Elle indique que l'existence d'une transaction limitant à 50 % l'indemnisation de son préjudice ne peut résulter des deux documents fournis par l'assureur, à savoir une lettre en date du 16 avril 1992 et une quittance de règlement qu'elle a signée le 22 juin 1992 pour 88000 Francs.
Elle expose que s'agissant d'une somme supérieure à 5000 Francs, Axa se doit conformément à l'article 1359 du Code civil, de justifier, pour exciper d'une transaction, d'un écrit ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve, au visa de l'article 1361 du Code civil, ce qui n'est pas le cas ici.
Elle ajoute que la quittance de règlement ne correspond à aucune moitié identifiable d'indemnisation.
L'intimée fait valoir qu'à l'époque de l'indemnisation en 1992, Mme [O] [T] [M] était assistée d'un avocat, que le courrier d'Axa adressé au conseil de celle-ci le 16 avril 1992, dans le cadre des pourparlers d'indemnisation, fait état d'une diminution par moitié de l'indemnisation de la victime, notamment de ses préjudices personnels, que la transaction est un contrat consensuel, qu'elle est corroborée en l'espèce par l'indemnisation du préjudice, sans réserve, résultant de la quittance signée, que la faute de la mère, conductrice de la mobylette, résulte par ailleurs de l'enquête.
Si, aux termes de l'article 2044 du Code civil, la transaction doit être rédigée par écrit, cet écrit n'est pas exigé pour la validité du contrat dont l'existence peut être établie selon les modes de preuve prévus en matière de contrat par les articles 1341 et suivants du Code civil, dans leur rédaction applicable à la date des écrits litigieux.
Deux pièces sont produites pour alléguer l'existence d'une transaction.
Le courrier adressé par l'avocat de l'assureur à celui de la victime du 16 avril 1992, en réponse à une demande d'indemnisation qui n'est pas versée aux débats, mentionne:
«Cher Maître, il est de règle que le recours de la Caisse s'exerce sur tous les chefs de préjudice non exclusivement personnels donc également sur l'ITT ou l'ITP. Même en retenant vos chiffres qui nous semblent très élevés, nous obtiendrions le calcul suivant :
-préjudices soumis à recours
-FMP 321 531 F 51
-ITT 72000 F
-IPP 184000 F
= 577531 F 51 / 2 = 288765 F 75.
Cette somme étant inférieure au montant des débours exposés par la Caisse, il ne revient à la victime que la moitié de ses préjudices personnels, ainsi que nous vous l'avions exposé lors de notre entretien du 10 février 1992. Veuillez agréer...».
Il se déduit de ce courrier que la réduction à 50 % du droit à indemnisation a été discutée entre les avocats des parties.
Ce courrier n'émane toutefois pas de l'avocat de la victime de sorte qu'il ne peut valoir à lui seul accord de l'appelante sur une réduction à 50 % du droit à indemnisation.
Le second document produit est une quittance de règlement signée le 22 juin 1992 par laquelle l'appelante déclare «accepter la somme de 88000 F en règlement de l'indemnité me revenant à la suite du sinistre».
Cette quittance ne mentionne pas que l'indemnisation est limitée et la somme de 88000 F ne correspond à aucune moitié de somme résultant d'un autre document.
Ces deux documents n'établissent en conséquence pas l'existence d'une transaction.
La cour infirmera dès lors le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une transaction.
Sur la limitation du droit à indemnisation de 50 %
L'accident étant survenu le 5 novembre 1974, antérieurement à l'application de la loi n°85'677 du 5 juillet 1985, les conséquences pécuniaires de l'accident sont régies par l'article 1384 du Code civil, dans sa version applicable à la date de l'accident, relatif à la responsabilité des choses que l'on a sous sa garde.
L'appréciation de la responsabilité doit s'effectuer en l'état du droit positif applicable à la date de l'accident.
Le gardien d'une chose, responsable du dommage causé par celle-ci, peut s'exonérer en totalité de la responsabilité par lui encourue en prouvant qu'il a été mis dans l'impossibilité d'éviter ce dommage sous l'effet d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.
Il peut être en partie déchargé de sa responsabilité en prouvant que la cause étrangère, quoique non imprévisible ni irrésistible, n'a pas été étranger a la production du dommage.
En l'espèce, il est produit les procès-verbaux de l'enquête de police (pièce n°1 de l'appelante), et notamment l'audition d'un témoin, M. [A], desquels il ressort que le cyclomoteur sur lequel l'appelante était passagère, qui circulait route de [Localité 5] à [Localité 6] vers 19h15, a effectué un changement de direction pour tourner à gauche, coupant la route au véhicule éclairé en veilleuse, venant en sens inverse, conduit par M. [Y] qui semble «n'avoir pas vu la cyclomotoriste».
Il s'en déduit que le comportement du cyclomoteur, qui a coupé la route au véhicule venant en sens inverse alors qu'il n'avait pas matériellement le temps de tourner, a concouru à la réalisation du dommage.
La cour retiendra en conséquence que cette faute limite le droit à indemnisation de la victime à 50%, comme suggéré dans les discussions entre avocats en avril 1992.
Comme l'a retenu à bon droit le premier juge, la quittance de règlement du 22 juin 1992 par laquelle l'appelante déclare «accepter la somme de 88000 F en règlement de l'indemnité me revenant à la suite du sinistre», fait suite à une expertise du Dr [C] qui retenait une consolidation le 15 novembre 1991, une IPP de 40 à 50 %, un pretium doloris important, un préjudice esthétique moyen, un préjudice d'agrément important et une incidence scolaire.
L'appelante a, lors de la signature de cette quittance, rayé la mention «à titre de provision à valoir sur le règlement» et coché la case «en règlement de l'indemnité me revenant à la suite du sinistre».
Dès lors que l'appelante n'a fait état d'aucune réserve quant à son indemnisation, qu'il n'est pas mentionné dans la quittance un paiement provisionnel et que les parties étaient en possession du rapport d'expertise du Dr [C] pour discuter de l'indemnisation, Mme [T] [M] ne peut solliciter que l'indemnisation des seules conséquences de l'aggravation de son état de santé, depuis la date de consolidation initiale du 15 novembre 1991.
Sur la fixation et la liquidation du préjudice
La Caisse Primaire d'Assurance-Maladie ne sollicite l'infirmation du jugement que dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas qu'il existe une transaction entre les parties aux termes de laquelle un partage de responsabilité est intervenu.
Dès lors que la cour retient un partage de responsabilité et que la caisse ne discute pas que le partage de responsabilité lui est opposable, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de la Caisse en remboursement par Axa de la totalité des débours exposés.
L'expertise judiciaire du Dr [R], qui a été produite suite à une note en délibéré de la cour, conclut à une consolidation de l'aggravation au 10 juin 2019 et, sur le préjudice lié à l'aggravation, retient :
-un déficit fonctionnel temporaire, lié à une aggravation constatée sur le genou droit, partiel à 35 % du 29 novembre 2012 au 4 novembre 2013, total du 05 novembre 2013 au 17 janvier 2014, partiel à 60 % du 18 janvier 2014 au 4 mars 2014, total du 5 mars 2014 au 20 mars 2014, partiel à 60 % du 20 mars 2014 au 25 avril 2014, partiel à 40 % du 26 avril 2014 au 9 juin 2019,
-un déficit fonctionnel permanent de 33 % dont 23 % résultant des lésions initiales et le surplus lié à l'aggravation,
-une assistance par tierce personne non spécialisée en relation avec l'aggravation de 4 heures par jour du 18 janvier 2014 au 4 mars 2014 et du 20 mars 2014 au 25 avril 2014,
-une assistance par tierce personne en relation avec l'aggravation de 3 heures par semaine à compter du 26 avril 2014,
-des dépenses de santé futures liées à l'achat de talonnettes, à des séances de kinésithérapie, soit 2 séances par mois pendant deux ans et à une consultation psychiatrique,
-une absence de frais de logement ou de véhicule adaptés,
-une perte de gains professionnels futurs caractérisée par la nécessité d'un travail sédentaire et une impossibilité pour l'appelante de prendre un emploi nécessitant des déplacements prolongés ou du travail de force,
-une incidence professionnelle caractérisée par un aménagement de poste nécessaire pour tenir compte d'une majoration des douleurs en position assise prolongée,
-des souffrances endurées de 4,5/7 en lien avec la seule aggravation,
-un préjudice esthétique temporaire en relation avec l'aggravation de 4/7 jusqu'au 10 juin 2019 et un préjudice esthétique définitif en relation avec cette aggravation de 2,5/7,
-un préjudice d'agrément en lien avec l'aggravation en raison d'une gêne importante résultant d'un flessum du genou droit,
-un préjudice sexuel résultant de la difficulté à réaliser certaines positions intimes.
Le premier juge a, à bon droit, liquidé le préjudice en ne retenant que les conséquences liées à l'aggravation de l'état de santé de l'appelante et en écartant les postes de préjudice antérieurs au 29 novembre 2012, date d'aggravation retenue par l'expert judiciaire, correspondant à la luxation du genou droit.
À l'exception de l'incidence professionnelle, c'est également par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a liquidé le préjudice en lien avec l'aggravation de l'état de santé, en procédant à une réduction par moitié du droit à indemnisation, la cour observant que:
-concernant l'aide humaine, une indemnisation horaire de 23 € retenue par le premier juge apparaît cohérente avec le handicap de l'appelante, Axa ne pouvant par ailleurs invoquer une erreur de calcul liée à la prise en compte de 4 heures par jour alors que le premier juge n'a retenu un tel quantum que pour les périodes du 18 janvier 2014 au 4 mars 2014 et du 20 mars 2014 au 25 avril 2014, conformément au rapport d'expertise judiciaire,
-concernant le préjudice d'agrément, la gêne dans les activités sportives était similaire avant l'aggravation, comme établi par le rapport du Dr [C] du 15 novembre 1991.
Concernant l'incidence professionnelle, l'aggravation de l'état de santé constatée en 2012 entraîne une fatigabilité accrue, une dévalorisation sur le marché du travail de l'appelante, l'expert ayant mentionné qu'elle ne peut plus exercer que des emplois sédentaires, avec aménagement de poste pour tenir compte des douleurs ressenties.
Il ne peut toutefois être alloué la somme sollicitée par Mme [O] [T] [M], soit 100000 €, motif pris d'un préjudice subi depuis plus de 30 ans, comme soutenu par son conseil, alors que cette incidence professionnelle ne se confond pas avec la perte de gains professionnels futurs, que la cour ne statue que sur les conséquences de l'aggravation de l'état de santé constatée en novembre 2012, et que l'expert n'a pas retenu toute inaptitude au travail.
Mme [O] [T] [M] a, après avoir obtenu un Cap de comptabilité, exercé des fonctions d'agent entretien sans justifier des dates exactes de sa période d'emploi à un tel poste.
Au regard de l'âge de l'appelante, soit 47 ans à la date de consolidation de l'aggravation fixée au 10 juin 2019 par l'expert, de la chondropathie fémoro-patellaire, de l'arthrose, de l'enraidissement de la discopathie de la charnière lombo-sacrée, et des restrictions de poste notées dans l'expertise, le préjudice lié à l'incidence professionnelle sera, par voie d'infirmation, fixé à 30000 €, soit 15000 € revenant à la victime en raison de la limitation à 50 % de son droit à indemnisation.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a fixé, après partage de responsabilité, à la somme de 106803,83 € le préjudice soumis à recours dont 43900,83 € pour la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de la Haute-Garonne en retenant un préjudice lié à l'incidence professionnelle de 50000 €, la cour fixant à 106803,83 ' 50000 + 15000 = 71803,83 € le préjudice soumis à recours dont 43900,83 € pour la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie.
Sur les comptes entre parties
Il convient de déduire la provision versée de 33300 €, suivant ordonnance du juge de la mise en état du 17 juin 2021, des sommes allouées à Mme [T] [M], lui revenant en conséquence, après cette déduction, la somme de : 27903,83 € (préjudices soumis à recours) + 44867,33 € (préjudices personnels) - 33300 € = 39471,16 €.
Sur les demandes annexes
L'équité ne commande pas application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
Partie perdante en appel, Mme [T] [M] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 16 juin 2022 sauf en ce qu'il a :
-dit qu'il existe une transaction qui a pour effet de réduire de moitié le droit à indemnisation et d'interdire à la victime de demander nouvelle réparation, sauf ce qui résulte de l'aggravation de son état de santé et de l'incidence professionnelle;
-débouté en conséquence Madame [T] [M] de ses demandes en ce qu'elles se heurtent à l'existence d'une transaction pour la période antérieure au 28 novembre 2012;
-fixé après partage de responsabilité le préjudice soumis à recours à la somme de 106 803.83 € dont 43 900.83 € pour la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de la Haute-Garonne;
-condamné la société Axa à payer à Madame [T] [M] les sommes de 62 903 € et de 11 567.33 € après partage et déduction de la provision versée.
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit qu'en raison d'une cause étrangère que le responsable peut opposer, le droit à indemnisation de Mme [T] [M] est réduit de moitié.
Déboute Mme [O] [T] [M] de ses demandes en indemnisation pour la période antérieure au 28 novembre 2012.
Fixe, après partage de responsabilité, à la somme de 71803,83 € le préjudice soumis à recours dont 43900 € pour la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie.
Condamne la Sa Axa France Iard à payer à Madame [T] [M] la somme de 39471,16 € après partage de responsabilité et déduction de la provision versée.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
Condamne Mme [O] [T] [M] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE
Le conseiller
I.ANGER P.BALISTA