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03/05/2024 | FRANCE | N°24/00494

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Etrangers, 03 mai 2024, 24/00494


COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 24/496

N° RG 24/00494 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QGLG



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le vendredi 03 mai à 16h30



Nous , S. MOULAYES magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 02 mai 2024 à 17H31 p

ar le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



X se disant [F...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/496

N° RG 24/00494 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QGLG

O R D O N N A N C E

L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le vendredi 03 mai à 16h30

Nous , S. MOULAYES magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'ordonnance rendue le 02 mai 2024 à 17H31 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

X se disant [F] [D]

né le 16 Juin 1996 à [Localité 2] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Vu l'appel formé le 03/05/2024 à 13 h 00 par courriel, par Me Aurore BECHARD, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l'audience publique du vendredi 03 mai 2024 à 15h00, assisté de M.QUASHIE, greffier avons entendu :

X se disant [F] [D]

assisté de Me Aurore BECHARD, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [C] [Y], interprète, qui a prêté serment,

En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M. [R] représentant la PREFECTURE DES PYRENEES ORIENTALES ;

avons rendu l'ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 2 mai 2024 à 17h31 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [D] sur requête de la préfecture des Pyrénées-Orientales du 1er mai 2024 et de celle de l'étranger du même jour ;

Vu l'appel interjeté par M. [D] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 3 mai 2024 à 13 heures 00, soutenu oralement à l'audience, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :

- irrégularité du placement en rétention administrative :

- défaut de base légale : OQTF de plus d'un an ;

- défaut de prise en compte de la vulnérabilité de l'intéressé.

Entendu les explications fournies par l'appelant par le truchement de l'interprète, à l'audience du 3 mai 2024 à 15h00 ;

Entendu les explications orales du représentant du préfet des Pyrénées Orientales qui sollicite confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'appel

En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

Sur le défaut de base légale

Monsieur [D] conteste la validité de l'OQTF du 28 avril 2022 sur lequel est fondée la décision de placement en rétention administrative ; il affirme que les nouvelles dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ne peuvent pas rétroagir, et que la durée de validité de l'OQTF était donc d'un an.

Selon l'article L741-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, en vigueur depuis le 28 janvier 2024 l'administration peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger dans l'un des cas prévus à l'article L731-1, notamment (1°) s'il fait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français prise depuis moins de trois ans auparavant, pour laquelle le départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.

Le conseil de l'intéressé soutient que cet article dans sa nouvelle rédaction est inapplicable car non conforme au principe de non rétroactivité de la loi.

Cependant, premièrement le législateur a prévu le caractère d'applicabilité immédiate de cette disposition. En effet l'article 76 de la loi du 26 janvier 2024 prévoit pour les dispositions relatives à la visioconférence en zone d'attente, une entrée en vigueur à une date fixée par décret en conseil d'État et au plus tard le premier jour du septième mois suivant celui de l'application de la loi. A contrario, toutes les autres dispositions sont immédiatement applicables.

Secondement, le texte de loi a été examiné par le conseil constitutionnel (décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024 NOR : CSCL2402481S JORF n°0022 du 27 janvier 2024), qui n'a pas invalidé l'article discuté.

Troisièmement, la rétroactivité doit être distinguée de l'application immédiate de la nouvelle norme aux situations en cours, c'est-à-dire des situations qui, nées dans le passé, se poursuivent postérieurement à l'édiction de l'acte en cause. Son application ne vaut alors que pour l'avenir.

Concernant l'article L741-1 du CESEDA dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, lorsqu'une OQTF a été prise depuis plus d'un an, le CESEDA n'autorise plus la procédure d'exécution d'office. Toutefois, cela n'induit nullement la caducité de la mesure d'éloignement, car l'étranger reste toujours tenu d'exécuter, ainsi que le précise l'article L. 711-1 du CESEDA : " l'étranger exécute la décision d'éloignement dont il fait l'objet sans délai ou, lorsqu'il bénéficie d'un délai de départ volontaire pour satisfaire à une décision portant obligation de quitter le territoire français, avant l'expiration de ce délai ".

Le seuil d'un an avait été introduit en 2003 par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 pour sécuriser juridiquement les décisions d'éloignement, tirant les conséquences de la jurisprudence du Conseil d'Etat, afin d'éviter que les mesures d'éloignement tardives soient fondées sur une décision d'éloignement implicite ultérieure à la décision initiale lorsque la situation de l'étranger n'avait pas changé.

Donc, une OQTF de plus d'une année mais de moins de trois années, a créé une situation juridique qui contraint l'étranger à quitter la France. Cette situation, née dans le passé, s'est poursuivie jusqu'à l'adoption de la loi du 26 janvier 2024 qui s'applique désormais pour la dite OQTF.

C'est bien le cas en l'espèce. Au jour de notification de l'arrêté de placement en rétention administrative, Monsieur [D] faisait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le 28 avril 2022, donc de plus d'une année et de moins de trois ans.

Nonobstant ce délai, Monsieur [D] est toujours contraint par la mesure d'éloignement et l'arrêté disputé pouvait donc sans encourir le grief de rétroactivité, s'appliquer à sa situation.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur la vulnérabilité

En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3, ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L'article L. 741-4 précise : " La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger ".

L'analyse de l'état de vulnérabilité implique que l'administration vérifie dans quelle mesure l'état de santé de l'intéressé pourrait constituer un empêchement ou un frein à la mesure de rétention administrative. Pour procéder à cette vérification, l'administration considère en premier lieu l'évidence de la situation qui lui est soumise.

Cette évaluation n'implique pas de la part de l'autorité administrative un examen médical complet ab initio, qui serait automatiquement déclenché en l'absence soit d'un doute sur le bon état de santé de l'intéressé, soit d'une indication sur une éventuelle vulnérabilité physique ou psychologique, soit d'un signe extérieur ou d'une déclaration laissant envisager l'existence d'une telle vulnérabilité.

Or en l'espèce, avant même d'être placé en rétention administrative, Monsieur [D] a fait l'objet d'une audition le 29 avril 2024, dans laquelle il déclare souffrir d'asthme et d'épilepsie.

Le préfet a tenu compte de ces déclarations dans la mesure où l'arrêté de placement en rétention administrative du 30 avril 2024 précise explicitement en page 4 : " qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé présenterait un état de vulnérabilité qui s'opposerait à son placement en rétention, que s'il déclare être asthmatique et épileptique cela ne représente pas un obstacle à un placement en rétention "

Monsieur [D] ne justifie d'aucun élément de vulnérabilité qui non seulement n'aurait pas été pris en compte par le préfet, mais par ailleurs qui serait incompatible avec la mesure de rétention. Etant par ailleurs rappelé que le centre de rétention administrative de [Localité 1] dispose d'une unité médicale composée du personnel de l'hôpital. Monsieur [D] peut s'y voir dispenser les soins dans les mêmes conditions qu'à l'hôpital, puisque l'antenne médicale est parfaitement dotée en moyens techniques, alimentée en médicaments et gérée par des docteurs expérimentés.

L'argument est totalement inopérant et sera donc rejeté.

Sur la prolongation de la rétention

En application de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Il ressort des articles L 742-1 et L742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le maintien en rétention au-delà quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.

Si le juge ordonne cette prolongation, elle court pour une durée de 28 jours à compter de l'expiration du premier délai de quarante-huit heures.

En l'espèce, le juge des libertés et de la détention a été valablement saisi par requête du Préfet des Pyrénées Orientales, dans les délais légaux ; l'examen de la procédure permet de relever que Monsieur [D] ne dispose pas de documents d'identité valides pour séjourner sur le territoire national ou pour voyager ; il affirme résider en Espagne et ne pas être venu sur le sol français devant la Cour, alors qu'il a déclaré aux services enquêteurs qu'il revenait de [Localité 3] ; en tout état de cause, il ne justifie pas de garantie de représentation.

Une demande d'identification a été réalisée auprès des autorités consulaires et est en attente de réponse.

La prolongation de la rétention administrative de Monsieur [D] est le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en oeuvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée, et la décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l'appel interjeté par Monsieur [F] [D] à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse du 2 mai 2024,

Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DES PYRENEES ORIENTALES, service des étrangers, à M. [F] [M], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

M.QUASHIE S. MOULAYES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/00494
Date de la décision : 03/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-03;24.00494 ?
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