07/07/2023
ARRÊT N°452/2023
N° RG 22/03071 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O6NT
CBB/IA
Décision déférée du 21 Juillet 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE ( 22/00476)
G.SAINATI
S.C.O.P. S.A. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUS E 31
C/
[B] [U]
[G] [U]
[T] [I]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.C.O.P. S.A. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL TOULOUS E 31
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominique ALMUZARA de la SELARL ALMUZARA-MUNCK, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉS
Madame [B] [U]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Martine ALARY de la SELARL ALARY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULOUSE et par Me Catherine GIRARD REYDET, avocat plaidant au barreau de PARIS
Monsieur [G] [U]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Martine ALARY de la SELARL ALARY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULOUSE et par Me Catherine GIRARD REYDET, avocat plaidant au barreau de PARIS
Monsieur [T] [I]
[Adresse 9]
[Localité 7]/GUYANE
Assigné le 08 septembre 2022 à domicile, sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- REPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
M. [T] [I] et Mme [B] [U] se sont mariés en 2003.
Suivant acte du 27 juillet 2012, M. [I] a loué auprès de la CRCAM 31 un coffre-fort n°128 au sein de l'agence située à [Localité 8].
Les époux [I] sont actuellement en instance de divorce'; et M. [G] [U], père de [B] [U]-[I] soutiennent que des objets de valeur ont été confiés à M. [I] pour être déposés dans le coffre'; ils en sollicitent la restitution.
PROCEDURE
Par actes en date des 17 et 23 février 2022, Mme [U] épouse [I] et M. [U] ont fait assigner M. [I] et la SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 (CRCAM 31) devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir, sur le fondement des articles 873 du code de procédure civile et 1961 du code civil, la séquestration des pièces et du lingot appartenant à M. [U] et la séquestration de l'or et de l'argent appartenant aux époux [I].
Par ordonnance réputée contradictoire, en l'absence du CRCAM 31, en date du 21 juillet 2022, le juge a':
- ordonné la séquestration des 1900 pièces d'argent de 5 francs dite " la semeuse" frappées entre 1959 et 1969 et du lingot d'argent appartenant à M. [G] [U] ainsi que l'or et de l'argent acquis en 2012 par M. et Mme [I] correspondant à la facture Park Avenue Numismaties du 2/12/2021 d'un montant de 8820 USD et aux 9 factures Godot & Fils Net pour un total de 9357 euros appartenant aux époux [I] déposés dans le compartiment du coffre fort loué par M. [T] [I] auprès du Crédit Agricole de [Localité 1] en son agence sise [Adresse 3] à [Localité 8].
- dit que cette séquestration aura lieu entre les mains du Crédit Agricole jusqu'à décision définitive au fond sur la propriété des biens séquestrés ou l'acquiescement de M. [I] [T].
- dit que la décision est opposable à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel, dont le siège social est sis [Adresse 3]
- condamné en outre la partie défenderesse, M. [I] [T], à payer aux requérants, Mme [B] [U] et M. [G] [U], la somme de 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné M. [I] [T] aux entiers dépens,
Par déclaration en date du 9 août 2022, la SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 a interjeté appel de la décision.
L'ordonnance est critiquée en ce qu'elle a':
- ordonné la séquestration des 1900 pièces d'argent de 5 francs dite " la semeuse" frappées entre 1959 et 1969 et du lingot d'argent appartenant à M. [G] [U] ainsi que l'or et de l'argent acquis en 2012 par M. et Mme [I] correspondant à la facture Park Avenue Numismaties du 2/12/2021 d'un montant de 8820 USD et aux 9 factures Godot & Fils Net pour un total de 9357 euros appartenant aux époux [I] déposés dans le compartiment du coffre fort loué par M. [T] [I] auprès du Crédit Agricole de [Localité 1] en son agence sise [Adresse 3] à [Localité 8].
- dit que cette séquestration aura lieu entre les mains du Crédit Agricole jusqu'à la décision définitive au fond sur la propriété des biens séquestrés ou l'acquiescement de M. [I] [T].
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 ( CRCAM 31 ), dans ses dernières écritures en date du 16 septembre 2022, demande à la cour au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1955 et suivants du code civil, de':
- réformer l'ordonnance de référé rendue le 21 juillet 2022 par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'elle a :
* ordonné la séquestration des 1900 pièces d'argent de 5 francs dite " la semeuse" frappées entre 1959 et 1969 et du lingot d'argent appartenant à M. [G] [U] ainsi que l'or et de l'argent acquis en 2012 par M. et Mme [I] correspondant à la facture Park Avenue Numismaties du 2/12/2021 d'un montant de 8820 USD et aux 9 factures Godot & Fils Net pour un total de 9357 euros appartenant aux époux [I] déposés dans le compartiment du coffre fort loué par M. [T] [I] auprès du Crédit Agricole de [Localité 1] en son agence sise [Adresse 3] à [Localité 8].
* dit que cette séquestration aura lieu entre les mains du Crédit Agricole jusqu'à décision définitive au fond sur la propriété des biens séquestrés ou l'acquiescement de M. [I] [T].
et, statuant à nouveau, à titre principal :
- débouter Mme [B] [U] et M. [G] [U] de l'ensemble de leurs demandes tendant à voir ordonner la séquestration de pièces d'argent soi-disant déposées dans le coffre-fort loué par l'agence d'[Localité 8] de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31.
subsidiairement,
- désigner la SCP Terrin-Vallien-Bendenoun-Barthe, commissaires de justice à Saint-Gaudens, ou tel commissaire de justice qui lui plaira, avec pour mission :
* de convoquer les parties au moins quinze (15) jours avant l'ouverture du coffre-fort,
* d'ouvrir le coffre-fort S/N°128 situé au sein de l'agence d'[Adresse 3],
* de dresser l'inventaire des biens déposés dans le coffre-fort.
- Surseoir à statuer dans l'attente du procès-verbal de constat valant inventaire du coffre-fort.
très subsidiairement,
- ordonner la séquestration du coffre-fort n°128 et interdire son accès à toute personne,
- débouter M. [G] [U] et Mme [B] [U] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles, dépens et frais d'inventaire,
- condamner in solidum Mme [B] [U] et M. [G] [U] à payer à la SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 la somme de 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'huissier liés à l'inventaire des biens déposés dans le coffre-fort.
Elle s'oppose à la décision en l'absence de la preuve du contenu du coffre-fort'; dès lors et en application de l'article 1955 du code civil, elle ne pouvait donc pas se voir désigner séquestre de biens dont la localisation est ignorée.
Par ailleurs, pour l'utilisation d'un coffre-fort qu'elle loue, seul le signataire de la convention dispose d'une clé, la Banque n'ayant aucun double et aucun accès au coffre-fort. L'établissement bancaire n'a donc aucun moyen de connaître les choses déposées ou retirées d'un coffre-fort.
Et en l'espèce, la preuve du dépôt par M. [I] en 2012 des pièces précisément décrites n'est pas rapportée ni même leur conservation à ce jour. Or, dès lors que le séquestre se doit de restituer les biens qui lui ont été confiés et que la preuve du contenu du coffre-fort n'est pas rapportée, elle est bien fondée à demander de réformer l'ordonnance de référé.
Le silence de M. [I] ne vaut pas reconnaissance des faits ni acceptation de la décision et ce alors que les consorts [U] reconnaissent l'absence d'inventaire.
Elle propose donc subsidiairement de faire dresser un inventaire contradictoire et de surseoir à statuer sur le séquestre dans cette attente, solution acceptée par les consorts [U] sauf à dire que les frais resteront à leur charge.
M. et Mme [U], dans leurs dernières écritures en date du 8 septembre 2022, demandent à la cour au visa des articles 873 du code de procédure civile, 1961 du code civil, de':
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
subsidiairement,
- désigner la SCP Terrin-Vallien-Bendenoun-Barthe, commissaire de justice à Saint Gaudens avec pour mission :
* de convoquer les parties au moins 15 jours avant l'ouverture du coffre-fort,
* d'ouvrir le coffre-fort S/N° 128 situé au sein de l'agence d'[Adresse 3],
* de dresser l'inventaire des biens déposés dans le coffre-fort
- surseoir à statuer dans l'attente du procès-verbal de constat valant inventaire du coffre-fort,
- très subsidiairement, ordonner la séquestration du coffre-fort n°128 et interdire son accès à toute personne,
- débouter la SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 de ses demandes formées au titre de l'article 700 du CPC et des dépens,
- condamner la SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'huissier liés à l'inventaire des biens déposés dans le coffre-fort.
Ils exposent que':
- M. [G] [U] a confié à son gendre M. [I] sa collection de pièces d'argent afin de la déposer dans le coffre-fort loué auprès de la CRCAM 31 à l'agence d'[Localité 8]'; il s'agit de 1900 pièces d'argent de 5 francs dite « la semeuse » de 29 millimètres de diamètre, 12 grammes, argent 835 millièmes, frappées entre 1959 et 1969, démonétisées par arrêté du 20 février 1980 dont la valeur équivaut à 19 kilos d'argent métal'; il a également confié à son gendre un kilo de lingot d'argent.
- seul M. [I] détient les clés du coffre et malgré réclamation par la voix du conseil de M. [U], suivant courrier du 16 décembre 2021, il n'a pas déféré à sa demande de restitution des clés à son ex-épouse afin qu'il récupère son bien,
- le silence de M. [I] est un aveu de la légitimité de la demande,
- ils reconnaissent l'absence d'inventaire et acceptent la proposition subsidiaire de la banque.
M. [I] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2023.
MOTIVATION
L'article 873 du code de procédure civile, fondement choisi par les consorts [U] n'est pas applicable devant le Tribunal Judiciaire mais devant le tribunal de commerce. Le texte équivalent devant le Tribunal Judiciaire est l'article 835 qui dispose que':
«'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'»
Il n'est ni invoqué ni justifié d'un trouble manifestement illicite voire d'un dommage imminent. C'est donc l'alinéa 2 du texte qui apparaît invoqué pour solliciter de la banque et de M. [I] une obligation de faire c'est à dire, le séquestre des objets détenus dans un coffre ouvert au nom d'un client qui n'est pas le demandeur.
Or, comme le soutient le CRCAM 31 le coffre-fort a été loué par M. [I], il ne donne pas l'autorisation d'ouvrir son coffre, il ne reconnaît pas expressément la détention des objets revendiqués, aucun inventaire n'a été établi entre les parties lors de la location du coffre et du dépôt, nul n'en connaît actuellement le contenu exact et la propriété des biens qui auraient été déposés n'est pas clairement démontrée.
C'est donc à bon droit que la CRCAM 31 s'oppose à la décision qui lui a fait obligation de séquestrer des biens de valeur dont l'existence n'est pas rapportée. L'ordonnance sera donc réformée en toutes ses dispositions.
La banque propose une solution alternative c'est à dire une mesure conservatoire que les intimés acceptent et qui relève de l'application de l'article 145 du code de procédure civile.
Il convient donc d'y faire droit.
Ainsi la banque propose de faire ouvrir le coffre-fort par un huissier afin de faire dresser un inventaire. Mais cette solution ne sera possible qu'en cas de refus d'ouverture du coffre par M. [I] titulaire du contrat de location du 27 juillet 2012 ou de silence de sa part passés 8 jours à compter de l'accusé de réception de la convocation pour l'ouverture du coffre par lettre recommandée ou son retour non réclamé.
Et après inventaire et fermeture à nouveau du coffre, voire dans l'impossibilité matérielle de procéder à son ouverture, la CRCAM 31 sera désignée en qualité de séquestre du coffre lui-même pendant un délai qui ne saurait excéder 6 mois et il sera fait interdiction à toute personne d'y accéder sauf main levée spontanée des consorts [U] et M. [I] ou main levée judiciairement prononcée.
Ainsi il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de cet inventaire dès lors que la mesure d'instruction sollicitée est accordée.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Infirme l'ordonnance du juge des référés du Tribunal Judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau':
- Déboute M. [G] [U] et Mme [B] [U] de leur demande visant le séquestre par M. [I] et la CRCAM 31 du contenu déposé dans le coffre-fort loué auprès de l'agence d'[Localité 8] par M. [I].
- Désigne la SCP Terrin-Vallien-Bendenoun-Barthe, commissaire de justice à Saint-Gaudens, ou tel autre commissaire de justice, avec pour mission :
* de convoquer les parties au moins quinze (15) jours avant l'ouverture du coffre-fort par lettre recommandée avec accusé de réception,
* en cas de refus exprès, d'ouverture du coffre par M. [I] ou de silence de sa part passé 8 jours à compter de l'accusé de réception de la convocation pour l'ouverture du coffre par lettre recommandée ou son retour non réclamé, procéder à l'ouverture du coffre-fort S/N°128 situé au sein de l'agence d'[Adresse 3],
* dresser l'inventaire des biens déposés dans le coffre-fort,
* refermer le coffre à l'issue des opérations d'inventaire dont une copie sera remise à chaque partie.
- Dit que les frais d'huissier seront à la charge de M. [G] [U] et Mme [B] [U],
- Après inventaire ou en cas d'impossibilité matérielle par l'huissier de procéder à cette ouverture, Désigne la SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] 31 en qualité de séquestre du coffre pendant une durée de 6 mois à compter de la signification du présent arrêt.
- Interdit l'accès du coffre à toute personne jusqu'à l'expiration de ce délai de 6 mois sauf main levée du séquestre donnée judiciairement ou volontairement par M. [G] [U], Mme [B] [U] et M. [I].
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [G] [U], Mme [B] [U] et M. [I] à verser à la SCOP SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 1] la somme de 800€.
- Condamne in solidum M. [G] [U], Mme [B] [U] et M. [I] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I.ANGER C. BENEIX-BACHER