07/07/2023
ARRÊT N°449/2023
N° RG 22/03031 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O6IC
CBB/IA
Décision déférée du 08 Juillet 2022 - Juge des contentieux de la protection de MURET ( 12 22-91)
E.LAFITE
S.A.R.L. DC INVEST
C/
[G] [L]
[E] [Z]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.R.L. DC INVEST
[Adresse 1])
[Localité 3]
Représentée par Me Justine BEAUVAIS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [G] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assigné à étude le 30 août 2022, sans avocat constitué
Madame [E] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assignée à étude le 30 août 2022, sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- PAR DEFAUT
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
Suivant acte en date du 1er septembre 2016 M. [L] et Mme [Z] ont vendu à la SARL DC Invest une maison située [Adresse 2] à [Localité 4], comportant une faculté de rachat pendant 36 mois au profit des vendeurs autorisés à demeurer dans les lieux pendant ce temps moyennant paiement d'une indemnité d'occupation.
A l'issue de cette période les occupants ont été laissés dans les lieux.
Mais suivant courriers d'octobre 2021 à février 2022, M. [L] et Mme [Z] ont été mis en demeure de libérer les lieux.
PROCEDURE
Par acte en date du 9 mai 2022, la SARL DC Invest a fait assigner M. [L] et Mme [Z] devant le juge des référés du tribunal de proximité de Muret pour obtenir, sur le fondement des articles L213-4-3 du code de l'organisation judiciaire, 834 et 835 du code de procédure civile, le constat de leur occupation sans droit ni titre, leur expulsion du logement et leur condamnation provisionnelle et solidaire à verser différentes sommes au titre d'une indemnité conventionnelle de retard et de l'indemnité mensuelle d'occupation.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 8 juillet 2022, le juge a':
- constaté l'existence d'une contestation sérieuse dans le litige qui oppose la SARL DC Invest à M. [G] [L] et à Mme [E] [Z] ;
- dit que le juge des référés n'est pas compétent pour statuer sur les demandes de la SARL DC Invest et qu'il ne peut donc être statué en référé sur ses demandes ;
- débouté en conséquence la SARL DC Invest de l'ensemble de ses demandes devant la présente juridiction et le renvoie à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente;
- condamné la SARL DC Invest aux dépens,
- rappelé que la présente ordonnance est de droit assortie de l'exécution provisoire,
Par déclaration en date du 4 août 2022, la SARL DC Invest a interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif de l'ordonnance sont critiqués.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SARL DC Invest, dans ses dernières écritures en date du 21 septembre 2022, demande à la cour au visa des articles L213-4-3 du code de l'organisation judiciaire, 834 et 835 du code de procédure civile, 1660 du code civil et L412-1 du code des procédures civiles d'exécution, de':
- réformer l'ordonnance du 8 juillet 2022 en ce qu'elle a :
* constaté l'existence d'une contestation sérieuse dans le litige qui oppose la SARL DC Invest à M. [G] [L] et à Mme [E] [Z] ;
* dit que la juridiction saisie n'est pas compétente pour statuer sur les demandes de la SARL DC Invest, que le juge des référés n'est pas compétent et qu'il ne peut donc être statué en référé sur ses demandes ;
* débouté en conséquence la SARL DC Invest de l'ensemble de ses demandes et l'a renvoyé à mieux se pourvoir devant la juridiction du fond compétente ;
* condamné la SARL DC Invest aux dépens.
statuant à nouveau :
- déclarer les prétentions formulées par la SARL DC Invest recevables et bien-fondées,
- se déclarer compétente pour statuer dans le litige qui oppose la SARL DC Invest à M. [G] [L] et à Mme [E] [Z] ;
sur l'occupation sans droit ni titre :
- déclarer que la déchéance de la faculté d'exercice de réméré est acquise ainsi que du droit d'occupation de M. [G] [L] et Mme [E] [Z] et ce à compter du 1er septembre 2021,
- déclarer que M. [G] [L] et Mme [E] [Z] sont occupants sans droits ni titre de la maison d'habitation sise [Adresse 2]) depuis le 1er septembre 2021,
- ordonner en conséquence, leur libération des lieux et à défaut, l'expulsion immédiate de M. [G] [L] et Mme [E] [Z] et de celle de tous occupants de leur chef de la maison d'habitation sise [Adresse 2], avec suppression du délai visé à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- ordonner par ailleurs que, pour mener à bien ladite expulsion, la SARL DC Invest pourra, si nécessaire, se faire assister du concours de la force publique et d'un serrurier,
sur les indemnités de retard :
- constater que M. [G] [L] et Mme [E] [Z] sont redevables d'une indemnité conventionnelle de retard de 100 € par jour d'occupation sans droit ni titre,
- condamner provisionnellement et solidairement M. [G] [L] et Mme [E] [Z] au paiement de la somme de 39 500 € à titre d'indemnités de retard selon décompte arrêté au 30 septembre 2022, somme à parfaire au jour de l'arrêt,
sur l'indemnité d'occupation :
- constater que M. [G] [L] et Mme [E] [Z] sont redevables d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1290 € jusqu'à la libération effective des lieux,
- condamner provisionnellement Madame [Z] au paiement de la somme de 9 030 € correspondant aux indemnités d'occupation mensuelles impayées sur la période de mars 2020 à octobre 2021,
- condamner solidairement et provisionnellement M. [G] [L] et Mme [E] [Z] au paiement de la somme provisionnelle de 12 900 € correspondant aux indemnités d'occupation mensuelles impayées postérieurement à la décision de recevabilité de la commission de surendettement de la Haute-Garonne du 25 novembre 2021, quittancement de septembre 2022 compris, somme à parfaire au jour de l'arrêt.
sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
- condamner solidairement M. [G] [L] et Mme [E] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de la sommation de quitter les lieux et commandement de payer, outre le paiement de la somme de 2400 € TTC au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [L] et Mme [Z] n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2023.
A l'audience du 22 mai 2023 la cour a sollicité la production en cours de délibéré de la décision de la commission de surendettement rendue au profit de M. [L].
Par note en date du 23 mai 2023 le conseil de la SARL DC Invest communiquait cette pièce d'où il ressort que suivant décision du 26 janvier 2023 la commission a autorisé la suspension de l'exigibilité des dettes de M. [L] pour une durée de 12 mois dont celle de la SARL DC Invest déclarée à hauteur de 43 450€.
MOTIVATION
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des emandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
Il résulte de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement contesté.
Toutefois, la cour ne doit, par application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, faire droit à la demande de l'intimé non représenté que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée, et elle n'examine que les énonciations du jugement qui ont accueilli la demande.
Suivant l'article 834 du code de procédure civile dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
En l'espèce, il n'est pas justifié d'un motif d'urgence de sorte que ce texte n'est pas applicable.
Suivant l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut mettre un terme à titre provisoire'; dans ce cas, le dommage est réalisé et il importe d'y mettre un terme.
L'occupation d'un immeuble sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite en ce qu'il est une entrave au droit de propriété. Il relève des pouvoirs du juge des référés de statuer sur une demande d'expulsion d'un occupant sans droit ni titre, dès lors que l'illicéité de l'occupation est démontrée. Et justement, le premier alinéa de l'article 835 s'applique même quand il existe une contestation sérieuse.
En l'espèce, la SARL DC Invest produit l'acte de vente à réméré de l'immeuble en date du 1er septembre 2016 qui prévoit la réserve au profit des vendeurs, d'une faculté de rachat pendant 36 mois avec possibilité de la céder à un tiers personne physique ou morale sans possibilité de la proroger au-delà d'un délai de 5 ans conformément à l'article 1660 du code civil et à l'issue duquel l'acquéreur soit la SARL DC Invest demeure irrévocablement propriétaire. En contrepartie de cette occupation, les vendeurs se trouvaient tenus à une indemnité de 1290€ par mois à compter du 1er octobre 2016.
Il est constant que M. [L] et Mme [Z] n'ont pas exercé personnellement cette faculté de rachat dans le délai ainsi accordé mais qu'ils sont demeurés dans les lieux malgré mises en demeure des 6 octobre 2021, 8 et 24 février 2022.
En première instance et selon les termes de la décision, M [L] avait indiqué que la société DC Invest avait empêché la réalisation des conditions prévues au contrat en modifiant unilatéralement ses exigences et il produisait une offre d'achat de l'immeuble litigieux au prix de 490 000 euros en date du 9 février 2022.
Toutefois, quand bien même cette proposition de rachat par un tiers était autorisée par l'acte de vente à réméré, elle est postérieure à la date limite de validité conventionnelle expirant le 2 septembre 2019 et, de validité légale en raison de la prorogation tacite expirant le 2 septembre 2021.
Dans ces conditions, l'illiciété de l'occupation des lieux par M. [L] et Mme [Z] est flagrante, de sorte que le trouble manifestement illicite est avéré et il convient d'y mettre un terme en exigeant de M. [L] et Mme [Z] la libération des lieux au besoin par la force publique.
La décision sera donc infirmée.
Compte tenu des délais obtenus de fait et des mises en demeure notifiées aux fins de permettre aux occupants de retrouver un logement il n'y a pas lieu de leur accorder un nouveau délai de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de suppression du délai visé à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Aux termes de la mise en demeure du 6 octobre 2021 la SARL DC Invest sollicitait le paiement de la somme de 32 250€ au titre des 25 mois d'indemnités d'occupation impayées.
Aux termes de ses dernières conclusions devant la cour, la SARL DC Invest renonce à solliciter une créance d'indemnité d'occupation à l'encontre de M. [L] d'un montant de 9 030 € correspondant aux impayées de la période de mars 2020 à octobre 2021, en raison de la procédure de surendettement qu'il a sollicité seul et ce jusqu'à la décision de la Commission administrative, alors pourtant que dans sa décision du 26 janvier 2023, elle n'a pas prévu d'effacement mais seulement une suspension de l'exigibilité pendant 12 mois.
Il demeure donc que Mme [Z] co-venderesse est débitrice de cette indemnité qu'elle ne conteste pas aux termes de l'ensemble des courriers produits au débat dont ceux des 13 février et 10 mars 2022. Cette sommee sera donc accordée à titre provisionnel à la SARL DC Invest.
La SARL DC Invest sollicite la condamnation solidaire de M. [L] et Mme [Z] au paiement de la somme de 12 900 € correspondant aux indemnités d'occupation mensuelles impayées postérieurement à la décision de recevabilité de la commission de surendettement de la Haute-Garonne du 25 novembre 2021, quittancement de septembre 2022 compris. Cette somme n'étant ni contestée ni contestable elle sera accordée à titre provisionnel.
La SARL DC Invest sollicite enfin l'allocation d'une indemnité de retard de 39 500 € à titre d'indemnités de retard selon décompte arrêté au 30 septembre 2022 en application de la clause de «'Fin de l'occupation précaire'» visée à l'acte qui prévoit qu'en sus de l'indemnité d'occupation le vendeur est redevable «'d'une indemnité forfaitaire de 100€ par jour d'occupation sans droit ni titre...Cette indemnité forfaitaire est stipulée non réductible même en cas de libération partielle du bien. Elle sera due prorata temporis dès le premier jour de retard pris par le vendeur pour libérer le bien, nonobstant la réception de la sommation de libérer le bien faite par acte extrajudiciaire dont le coût avancé par l'acquéreur devra lui être remboursé par le vendeur. »
Considérant d'une part, que la validité de cette clause est discutable au regard de l'article 1231-5 du code civil qui dispose que ce type de clause est toujours modifiable en fonction des circonstances de l'espèce dont l'appréciation relève du juge du fond et, d'autre part, que la SARL DC Invest n'en a jamais sollicité l'application bien qu'elle indique faire remonter les impayés d'indemnité d'occupation à l'année 2015 et qu'il peut donc être opposé une prescription partielle, cette demande en paiement provisionnel se heurte à une contestation sérieuse; elle sera donc rejetée.
Il n'est pas justifié d'un commandement de payer et la sommation de quitter les lieux du 4 avril 2022 n'est pas comprise dans les dépens de sorte que son coût est intégré dans les frais irrépétibles du procès.
PAR CES MOTIFS
La cour
- Infirme l'ordonnance du juge des référés du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret en date du 8 juillet 2022 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
- Déclare M. [L] et Mme [Z] occupants sans droit ni titre de la maison située [Adresse 2] à [Localité 4] depuis le 2 septembre 2021.
- Dit que M. [L] et Mme [Z] devront libérer les lieux de tous biens et de tous occupants de leur chef au besoin par une expulsion et avec l'assistance de la force publique.
- Dit n'y avoir lieu à application du délai visé à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution.
- Condamne Mme [Z] à payer à la SARL DC Invest la somme provisionnelle de 9030€ correspondant à l'indemnité d'occupation due pour la période de mars 2020 à octobre 2021.
- Condamne solidairement M. [L] et Mme [Z] à payer à la SARL DC Invest les sommes provisionnelles de 1290€ à titre d'indemnité d'occupation mensuelle jusqu'à la libération des lieux soit 12 900 € correspondant aux indemnités d'occupation mensuelles impayées du 25 novembre 2021 à septembre 2022, quittancement de septembre 2022 compris.
- Déboute la SARL DC Invest de sa demande en paiement provisionnel de la somme de 39 500€ à titre d'indemnités de retard.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne solidairement M. [G] [L] et Mme [Z] à verser à la SARL DC Invest la somme de 2400€.
- Condamne solidairement M. [L] et Mme [Z] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I.ANGER C. BENEIX-BACHER