05/07/2023
ARRÊT N°287
N° RG 21/03620 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OKQ3
MN/CO
Décision déférée du 08 Juillet 2021 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2020J00352
M.[W]
S.A.R.L. PYRENEES ENVIRONNEMENT
C/
S.A.S. BUESA
confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.R.L. PYRENEES ENVIRONNEMENT Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat au barreau de TOULOUSE
assistée de Me BENEFICE, avocat au barreau d'Aix en Provence
INTIMEE
S.A.S. BUESA
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Thierry LANGE de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée de Me Pierre-alexis VILLAND de la SELARL MILON ASSOCIES - SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V.SALMERON, présidente, M. NORGUET, Conseillère , chargée du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
M. NORGUET, conseillère
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.
Faits et procédure :
Le 8 juillet 2019, la SAS Buesa, spécialisée dans les travaux de terrassement, a été désignée adjudicataire d'un marché de travaux publics de 4 mois, d'un montant de 933 571,33 euros, sur la commune de [Localité 5] par la communauté de communes Pyrénées Haut-Garonnaise.
Préalablement à sa désignation comme entreprise principale attributaire du marché public, elle avait fait appel à la SARL Pyrénées Environnement pour signer le 19 juin 2019 un acte d'engagement en tant que sous-traitante pour des prestations ponctuelles de terrassement avec mise à disposition d'engins avec ou sans chauffeur et pour des travaux de démolitions et enrochements avec fourniture de matériaux, le tout pour une somme globale et forfaitaire de 70 000 euros HT. Aucun contrat écrit de sous-traitance n'était signé entre les parties mais un formulaire DC4 de déclaration de sous-traitance était signé le 21 juin 2019 visant à permettre le paiement direct de la SARL Pyrénées Environnement par le maître d'ouvrage public.
Le 29 juillet 2019, la SARL Pyrénées Environnement a débuté son intervention sur le chantier et s'est interrompue le 22 août 2019 suite à une altercation entre les représentants des deux sociétés. Elle n'est alors plus revenue sur le chantier.
Suite à de nombreux échanges infructueux, une réunion « de mise au point » a été organisée par la société Egis, maître d''uvre, et rassemblant les deux sociétés. En suite de celle-ci, la SAS Buesa a fait parvenir à la SARL Pyrénées Environnement, le 25 septembre 2019, une proposition de reprise des prestations sous des conditions qui ont été refusées.
Le 15 octobre 2019, la SARL Pyrénées Environnement a adressé à la SAS Buesa une facture d'un montant de 24 220 € HT correspondant aux montant des travaux effectués et la mise à disposition de buses.
Le 7 novembre 2019, la SAS Buesa a donné son accord sur cette facturation, par la suite réglée par le maître d'ouvrage.
Procédure :
Le 25 juin 2020, par acte d'huissier, la SARL Pyrénées Environnement a assigné la SAS Buesa devant le Tribunal de commerce de Toulouse aux fins de paiement de dommages et intérêts équivalant au montant restant dû du marché pour rupture abusive du contrat de sous-traitance et absence d'exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles, outre sa condamnation à lui verser 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.
Le 8 juillet 2021, le Tribunal de commerce l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens
Par déclaration en date du 9 août 2021, la SARL Pyrénées Environnement a relevé appel du jugement du Tribunal de commerce aux fins de le voir réformer en intégralité.
Par voie de conclusions, la SAS Buesa a fait appel incident du chef de dispositif ayant dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue en date du 3 avril 2023.
Prétentions et moyens des parties :
Dans ses conclusions N°3 notifiées le 15 novembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SARL Pyrénées Environnement sollicite, au visa des articles 1103, 1104, 1217 et 1231-1 et 1231-2 et suivants du code civil, nouvelle rédaction, et les articles 201, 202, 514 du code de procédure civile :
l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et, statuant à nouveau,
que soit déclarée recevable l'attestation de Mme [N],
à titre principal, la reconnaissance d'une faute de la SAS Buesa dans l'arrêt injustifié de l'activité de la SARL Pyrénées Environnement et sa responsabilité exclusive dans la rupture du contrat de sous-traitance, en conséquence, la condamner au titre de sa responsabilité contractuelle à lui verser 61 715 euros HT de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique pour perte d'exploitation, se décomposant en 45 851 euros HT pour le marché de fourniture de matériaux et 15 846 euros au titre du marché de travaux de terrassement,
subsidiairement, sur les mêmes fondements, sa condamnation à lui verser 45 851 euros HT de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique pour la fourniture de matériaux,
sa condamnation à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.
L'appelante soutient qu'il a bien été conclu avec l'intimée un marché de travaux et un marché de fournitures, attestés par la transmission du formulaire DC4, qu'elle a été évincée du chantier sans aucune raison à compter du 22 août 2019 et que malgré plusieurs tentatives de sa part, il ne lui a jamais été permis d'y revenir. Elle conteste tout abandon volontaire de chantier et met en avant une faute de la SAS Buesa dans cette rupture abusive de leurs relations contractuelles. Elle souligne que la proposition de reprise des prestations de sous-traitance formulée par cette dernière via une offre de signature d'un contrat unilatéralement modifié était déloyale et qu'elle n'a pu que la refuser.
Elle avance qu'elle a subi des pertes financières du fait de l'interruption brutale de sa participation au chantier et qu'au surplus des matériaux lui appartenant ont été récupérés sur son site, sans son accord, par la SAS Buesa le 23 août 2019. A ce titre, elle demande à la fois la réparation de sa perte d'exploitation sur la fourniture de matériaux ainsi que relativement aux travaux de terrassement.
En réponse aux arguments de l'intimée, elle conteste formuler des demandes nouvelles en cause d'appel au titre de ses préjudices dans la mesure où elle est libre de changer de fondement juridique au soutien de la même demande.
En réponse, dans ses conclusions notifiées en date du 26 juillet 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS Buesa demande :
que soit déclarées irrecevables les demandes nouvelles faites par l'appelante en cause d'appel d'une réparation de son préjudice économique pour perte d'exploitation,
que soit écartée des débats la pièce N°25 en raison du lien familial entre le témoin et le gérant de l'entreprise,
pour le reste, la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile,
le rejet de toutes les prétentions de la SARL Pyrénées Environnement,
subsidiairement, la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau, la condamnation de la SARL Pyrénées Environnement à lui verser 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
sa condamnation aux entiers dépens de l'instance.
Elle expose que la SARL Pyrénées Environnement ne peut rapporter aucune preuve d'une faute de sa part dans sa cessation d'intervention sur le chantier puisque celle-ci est exclusivement imputable à son gérant, lequel a quitté le chantier suite à une altercation avec le chef de chantier de la SAS Buesa. Malgré plusieurs tentatives d'apaisement de l'intimée, l'appelante n'a jamais voulu y revenir caractérisant là une inexécution fautive de ses propres obligations contractuelles.
Sur les préjudices allégués, elle soutient le caractère nouveau en cause d'appel et donc irrecevable des demandes financières formulées par la SARL Pyrénées Environnement, indiquant que le montant du préjudice désormais avancé au titre du contrat de terrassement est de 61 715 euros, l'appelante réclamant en parallèle un nouveau préjudice au titre du contrat de fourniture de matériaux à hauteur de 45 851 euros. Elle affirme que la SARL Pyrénées Environnement ne justifie pas du montant des préjudices allégués et qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre ces préjudices et la faute qu'elle lui impute.
MOTIFS
La cour rappelle que la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître des actions en responsabilité fondées sur l'allégation de manquements dans l'exécution d'un contrat de sous-traitance de nature privée quand bien même l'ouvrage auquel il concourt serait un chantier public.
Sur la responsabilité contractuelle de la SAS Buesa
Aux termes de l'article 1381 du code civil, la valeur probante des déclarations faites par un tiers dans les conditions du code de procédure civile est laissée à l'appréciation du juge.
Il ressort du pouvoir souverain du juge du fond d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis. Ainsi, des témoignages ne peuvent être écartés des débats au simple motif de l'existence d'un lien de subordination ou de famille entre leurs rédacteurs et la partie les produisant ou en raison de leur caractère indirect. Il appartient au juge d'apprécier si un témoignage est digne de foi, compte tenu des liens pouvant exister entre le témoin et l'une des parties ou de son contenu.
Les attestations de M. [Y], chef de chantier de la SAS Buesa et de Mme [N], mère et secrétaire du gérant de la SARL Pyrénées Environnement, ne seront pas retenues en raison des liens de subordination et familiaux existants entre les parties et eux.
Aux termes des articles 1103 et 1004 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Selon les articles 1193 et 1194 du code civil, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.
Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder. Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, les parties s'accordent sur le principe d'un contrat de sous-traitance uniquement verbal, corroboré par la transmission du formulaire DC4 signé d'elles deux au maître d'ouvrage public. Elles s'opposent cependant quant au périmètre du contrat ainsi conclu.
La SARL Pyrénées Environnement soutient qu'elle a été mise à l'écart du chantier sans raison par le chef de chantier de la SAS Buesa, M. [Y] à compter du 22 août 2019 et qu'elle n'aurait plus jamais eu l'autorisation de s'y représenter malgré plusieurs tentatives de sa part pour reprendre ses interventions.
La SAS Buesa indique, elle, que la SARL Pyrénées Environnement, suite à une altercation avec M. [Y], a refusé volontairement de se représenter à nouveau sur le site pour exécuter les prestations contractuellement convenues, abandonnant le chantier.
C'est à l'appelante, qui excipe d'une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles par l'intimée, qu'il revient d'en rapporter la preuve.
Les nombreuses pièces produites par la SARL Pyrénées Environnement permettent de constater qu'elle n'a effectivement plus réalisé de prestations sur le chantier à partir du 23 août 2019 et qu'elle a adressé de nombreux courriers et mails à la SAS Buesa dès cette date s'inquiétant des raisons de sa mise à l'écart et manifestant le souhait de reprendre le cours des travaux confiés.
En réplique, l'intimée produit des pièces rattachant la fin des interventions de la SARL Pyrénées Environnement à un conflit de personnes entre le gérant de celle-ci et le chef de chantier de la SAS Buesa et matérialisant les tentatives infructueuses de reprise de communication entre la SAS Buesa et l'appelante.
A compter des compte-rendus de réunion de chantier des 16 et du 29 octobre 2019, produits par la SARL Pyrénées Environnement, le désaccord pendant entre elle-même et la SAS Buesa est bien connu des acteurs intervenant sur le chantier et figure dans le corps des écrits mais sans que n'en soit indiqué le détail à l'exception de la mention suivante « Buesa précise en réunion que 3 jours de chantier ont été perdus du fait de la non présentation du sous-traitant Pyrénées Environnement sur chantier ».
Aucune pièce écrite émanant de la SAS Buesa visant à interdire formellement l'accès du chantier à la SARL Pyrénées Environnement n'est produite par celle-ci. A l'opposé, la SAS Buesa produit un courrier du 23 septembre 2019 indiquant à l'appelante que son chef de chantier n'avait pas pouvoir pour lui interdire d'accéder au chantier et que la direction de la SAS Buesa ne lui a jamais fait part non plus d'une telle décision.
La majeure partie des compte-rendus de réunion de chantier, tout comme le compte rendu de la réunion amiable contradictoire du 24 septembre 2019 provoquée par le maître d''uvre, la société Egis, pourtant utiles, n'ont pas été communiqués.
La proposition de contrat de sous-traitance transparent antidaté par la SAS Buesa en suite de cette dernière réunion, en l'absence de production de compte rendu de cette dernière, n'emporte la conviction ni dans un sens, ni dans un autre.
Il ne peut être déduit de l'intervention d'un autre sous-traitant sur le chantier en lieu et place de la SARL Pyrénées Environnement, compte tenu des thèses opposées des deux parties, une volonté délibérée de la SAS Buesa de lui interdire de finir les travaux initialement confiés, ce d'autant plus que les parties avaient un autre chantier commun en cours, à cette même époque, sur lequel il n'a pas été rencontré de difficultés.
Dès lors, la SARL Pyrénées Environnement, sur qui pèse la charge de la preuve, est défaillante à apporter les éléments probants permettant d'affirmer que sa fin d'intervention sur le chantier est bien imputable à une faute exclusive de la SAS Buesa à son encontre.
Le défaut de caractérisation d'une faute à l'encontre de l'intimée est suffisant pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Pyrénées Environnement de l'ensemble de ses demandes.
Sur les frais irrépétibles,
la SARL Pyrénées Environnement, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
Condamne la SARL Pyrénées Environnement aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le présidente
.