07/06/2023
ARRÊT N°251
N° RG 19/05258 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NK3T
VS/CO
Décision déférée du 21 Novembre 2019 - Tribunal de Commerce de toulouse ( 2018J00383)
M.MAMY
SARL CABINET [P] [T]
C/
[Z] [B]
SASU EXPERTY'S CONSULT
infirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
SARL CABINET [P] [T]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Guillaume BOYER-FORTANIER de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [Z] [B]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représenté par Me Jérôme CARLES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
SASU EXPERTY'S CONSULT
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Jérôme CARLES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
P. BALISTA, conseiller
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente et par C. OULIE, greffier de chambre
Exposé des faits et procédure :
Le cabinet [P] [T] est une société qui développe une activité d'expertises et estimations mobilières et immobilières et une assistance technique aux assurés.
Le 30 janvier 2003, [Z] [B] a été embauché par le cabinet [P] [T] en qualité d'expert estimateur.
Le 31 mars 2015, [Z] [B] a démissionné du cabinet [P] [T].
Le 10 avril 2015, [Z] [B] a créé la société EC.
Le 2 mars 2016, le président du tribunal de grande instance de Toulouse a fait droit à une requête présentée par [P] [T] et désigné un huissier avec pour mission de se rendre dans les locaux d'EC et au domicile de [Z] [B] et avoir libre accès à tous les fichiers informatiques et documents de nature à faire constater les transferts de dossiers de [P] [T] à EC.
Le 30 mars 2016, un huissier de justice accompagné d'un expert en informatique a réalisé un constat dans les locaux d'EC et au domicile de [Z] [B].
Par acte d'huissier en date du 29 mai 2018, le cabinet [P] [T] a assigné [Z] [B] et la société EC devant le tribunal de commerce de Toulouse, en paiement de diverses sommes en réparation du préjudice né des actes de concurrence déloyale commis par [Z] [B] et la société EC, à savoir 684.582€ au titre du préjudice financier, et 100.000€ au titre du préjudice moral.
[Z] [B] a demandé au tribunal de condamner le cabinet [P] [T] à lui verser la somme de 5.000€ pour procédure abusive.
Par jugement en date du 21 novembre 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a :
dit que la société EC et [Z] [B] ont commis un acte de concurrence déloyale à l'encontre du cabinet [P] [T] ;
condamné solidairement la société EC et [Z] [B] à payer au cabinet [P] [T], la somme de 16.696,66€ au titre du préjudice financier ;
débouté le cabinet [P] [T] du surplus au titre de cette demande;
débouté le cabinet [P] [T] de sa demande au titre du préjudice moral ;
condamné solidairement la société EC et [Z] [B] à payer au cabinet [P] [T] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ordonné l'exécution provisoire ;
condamné solidairement la société EC et [Z] [B] aux dépens.
Par déclaration en date du 6 décembre 2019, le cabinet [P] [T] a relevé appel du jugement. L'appel porte sur les chefs du jugement qui ont :
limité la condamnation solidaire de la société EC et de [Z] [B] à la somme de 16.696,66€ au titre du préjudice financer
débouté le cabinet [P] [T] du surplus de ses demandes
débouté le cabinet [P] [T] de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice moral.
La clôture est intervenue le 13 décembre 2021.
L'affaire, qui devait être appelée à l'audience du 11 janvier 2022, a été défixée puis fixée à l'audience du 3 janvier 2023.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 14 août 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Cabinet [P] [T] demandant, au visa des articles 1382 et s. du code civil et L223-22 du code de commerce, de :
dire et juger la société cabinet [P] [T] recevable et bien fondée dans ses demandes ;
infirmer le jugement du 21 novembre 2019 en ce qu'il a :
limité la condamnation solidaire de la société EC et de [Z] [B] à la somme de 16.696,66€ au titre du préjudice financier et débouté le cabinet [P] [T] du surplus de ses demandes ;
débouté le cabinet [P] [T] de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice moral ;
le confirmer pour le surplus;
ce faisant :
dire et juger que [Z] [B] et la société EC se sont rendus coupables d'actes de concurrence déloyale en procédant à un détournement de clientèle et un débauchage fautif à l'encontre de la société cabinet [P] [T] ayant eu pour effet de la désorganiser.
en conséquence, condamner solidairement [Z] [B] et la société EC à verser à la société cabinet [P] [T] la somme de 684.582€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier ;
condamner solidairement [Z] [B] et la société EC à verser à la société cabinet [P] [T] la somme de 100.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par cette dernière ;
condamner solidairement [Z] [B] et la société EC à verser à la société cabinet [P] [T] la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
débouter purement et simplement [Z] [B] et la société EC de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Vu les conclusions notifiées le 13 mai 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Experty's Consult et [Z] [B] demandant, au visa de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable aux faits, de :
dire et juger que la société EC et [Z] [B] n'ont commis aucun fait de concurrence déloyale caractérisé par de prétendus détournements de clientèle et de débauchages fautifs à l'endroit de la société cabinet [P] [T],
dire et juger que la société cabinet [P] [T] ne démontre en rien le préjudice subi découlant des prétendus faits de concurrence déloyale,
en conséquence, réformer la décision du tribunal de commerce de Toulouse en date du 21 novembre 2019 en ce qu'elle dit que la société EC et [Z] [B] ont commis un acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société cabinet [P] [T] concernant le dossier [A] et l'a condamné à payer à la société cabinet [P] [T] la somme de 16.690,66€ au titre du préjudice financier, ainsi qu'à la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau, débouter purement et simplement la société cabinet [P] [T] de l'intégralité de ses demandes,
en tout état de cause, mettre hors de cause [Z] [B],
condamner la société cabinet [P] [T] à la somme de 10.000€ au bénéfice de la société EC au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société cabinet [P] [T] à payer à [Z] [B] la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société cabinet [P] [T] à payer à [Z] [B] la somme de 5.000€ pour procédure abusive,
condamner la société cabinet [P] [T] aux entiers dépens.
Motifs de la décision :
le cabinet [P] [T] poursuit pour concurrence déloyale un ancien salarié, [Z] [B], et la société [T] Consult (EC) qu'il a créée dans les 15 jours de sa démission du cabinet [P] [T], dans le même secteur d'activité des expertises et estimations mobilières et immobilières et assistance technique aux assurés.
Les griefs invoqués sont le détournement de clientèle, le débauchage de salariés entraînant la désorganisation de l'entreprise et générant, selon le demandeur, un préjudice financier et un préjudice moral.
Les intimés contestent toute faute et tout fait de concurrence déloyale, précisant que le demandeur confond clients attitrés et prospects dans un secteur qui est fortement concurrentiel. Enfin, ils considèrent que les préjudices allégués ne sont pas justifiés ni le lien direct avec les fautes prétendues.
L'action en concurrence déloyale permet à celui qui l'invoque de faire sanctionner au visa de l'article 1240 ancien du code civil, applicable au présent litige, les manquements à l'exercice loyal du commerce qui lui ont occasionné un préjudice.
En vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le démarchage de la clientèle d'un concurrent, fût-ce par un ancien salarié, est libre pourvu qu'il ne s'accompagne pas d'un acte déloyal.
Le détournement de clientèle ne peut se déduire de la concomitance du départ des clients avec l'embauche d'un ancien salarié par le concurrent puisque la clientèle peut, en dehors de toute manoeuvre déloyale imputable au salarié, faire le choix de lui être fidèle en raison de ses compétences reconnues.
En l'espèce, le cabinet [P] [T] dénonce le fait d'avoir « subtilisé la clientèle et les dossiers que [Z] [B] avait apportés lorsqu'il était collaborateur ou confiés en qualité de sapiteur suite à son départ » et d'avoir utilisé [S] [D], salarié du cabinet [P] [T], pour recommander la société EC comme cela ressort, selon le demandeur, du procès-verbal d'huissier de justice du 30 mars 2016.
Pour justifier du détournement de clientèle dénoncé, le cabinet [P] expert produit un mail d'un client M.[I] (pièces 10 à12), la sommation interpellative de [E] [N] qui révèle les man'uvres de M. [D] (pièces 8 et 35), la sommation interpellative de M. [A] du 17 décembre 2015 (pièces 7, 25, 54 et 55), la ferme la Guinguette à [Adresse 7] (pièces 26, 13, 34 et 58), le dossier Tarn et Garonne Habitat (pièces 14, 34, 57 et 64) et enfin, le dossier [O] [Y] (pièces 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 56).
D'autres clients sont visés par le détournement dénoncé : la scv les vignobles du rivesaltais, la sarl Laverie du Castelet, la sarl Osushi Zen ou la SAS Nones (pièces 40 à 43).
Seuls peuvent être examinés les dossiers pour lesquels des man'uvres déloyales sont établies ; le seul fait de découvrir dans la liste des clients de la société EC des anciens clients du cabinet [P] [T] ne peut établir à lui seul des faits de concurrence déloyale.
De même, le cabinet [P] [T] ne peut se faire des preuves à lui-même.
La cour ne retient comme pièces justificatives des griefs allégués que des pièces qui n'émanent pas du demandeur et qui établissent des man'uvres déloyales.
Ainsi le choix exprimé par [Z] [I] de n'avoir affaire qu'avec M. [B] ressort du libre choix du client et n'est pas en soi constitutif d'une man'uvre déloyale de M. [B] ou de sa société EC.
Sur [O] [Y], la société EC produit un courrier de [J] [C], avocat, qui précise que le dossier n'a pas été traité par le cabinet [P] [T] correctement et avec les diligences requises auprès de la Cie Axa sur les préjudices entraînant le 18 mai 2015 la résiliation du contrat avec le cabinet [P] [T].
Certes, [J] [C], dans son courrier adressé le 4 avril 2016 à [Z] [B] (pièce 16), ne précise pas s'il était l'avocat de [O] [Y] ni quel était le salarié fautif qui assurait le suivi du dossier au sein du cabinet [P] [T].
En revanche, aucune pièce n'établit que la perte du client provient de man'uvres de [Z] [B] ou de [S] [D]. Le cabinet [P] [T] se borne à supputer le fait que [S] [D] a suspendu le traitement du dossier pour le traiter ultérieurement pour le compte de la société EC après avoir été recruté par cette société. Mais aucune pièce ne l'établit avec certitude. Dès lors, ce dossier ne caractérise pas la concurrence déloyale alléguée.
En revanche, il ressort des pièces 53, 54, 57 et 58, pièces qui ressortent du constat d'huissier effectué dans les locaux de la société EC et fondé sur l'ordonnance du président du tribunal, que la société EC a enregistré des dossiers clients apportés par [S] [D] à des dates où ce dernier était encore salarié du cabinet [P] [T], caractérisant ainsi une faute professionnelle pour avoir travaillé dans le seul intérêt d'un concurrent, la société EC dirigée par [Z] [B].
Il s'agit des dossiers [N] à [Localité 9] pour un sinistre du 31 août 2015 dossier obtenu par [S] [D], dossier [A] à [Localité 4] pour un sinistre du 4 avril 2015 obtenu par [S] [D], dossier Tarn et Garonne pour un sinistre du 31 août 2015 apporté par [S] [D] et le dossier Mme et M [W] pour la Guinguette à [Adresse 7] pour un sinistre du 25 mai 2015, dossier apporté par [S] [D].
Pour contester ces pièces probantes, la société EC explique que les dites fiches intitulées « suivi des ventes » d'avril à septembre 2015 qui mentionnent comme origine de l'affaire [S] [D] à une date de sinistre où il ne pouvait pas encore être salarié de la société EC, sont des mentions ne correspondant pas à la réalité du suivi du dossier mais résultant d'un choix de gestion et de fixation des commissions de certains salariés.
Ainsi [S] [D] a perçu des commissions pour des dossiers correspondant à son secteur géographique sans en avoir assuré le suivi avec un règlement au pourcentage. Pour justifier de ce mode de rémunérations, la société EC explique une évidence : le fait qu'un salarié, au démarrage de son contrat, n'a suivi aucun dossier et ne peut percevoir aucune rémunération par commission. Or, elle affirme que [S] [D] connaissait des difficultés financières. Selon elle, son nom apparaissait sur les fiches incriminées et saisies en avril 2016 car ces dossiers lui ont été attribués à son embauche même s'il n'était pas à l'origine de la signature du mandat auprès de la société EC.
Cette explication, pour le moins curieuse, alors qu'il suffisait de mentionner sur la fiche de suivi « dossier transféré à [S] [D] le ... », ne peut être valablement entérinée que si des pièces probantes viennent corroborer le fait que [S] [D] n'a jamais été à l'origine dudit dossier dans la société EC.
De plus, le contrat de travail de [S] [D] du 1er octobre 2015 (pièce 8) ne justifie pas du mode de rémunération décrit ; au contraire, il doit
percevoir 10% des honoraires de tout mandat d'affaire obtenu et signé de sa main, bien évidemment à minima dans le respect du montant du SMIC brut annuel.
La société EC produit des attestations en complément de ses explications, dossier par dossier.
Pour le dossier [N], la cour constate que les pièces du cabinet [P] [T] n°8 et 35 ne sont pas probantes comme étant des preuves que le demandeur se fait à lui même et notamment la pièce 35 qui est une résumé d'enquête avec des sommations interpellatives non produites, et qu'en définitive, le grief ne repose que sur la fiche de suivi en pièce 53.
La société EC explique que Monsieur [N] n'a jamais été client du cabinet [P] expert et qu'il a choisi M. [B] à la suite du sinistre subi le 31 août 2015 car le sinistre lui avait été signalé par un tiers dont il produit l'attestation, celle de [V] [H] (pièce 13). Cette attestation ne précise pas qui est [V] [H] et ce dernier se borne à affirmer qu'il a informé [Z] [B] des différents sinistres survenus sur les communes de [Localité 8], [Localité 5] et alentours au cours des derniers mois et notamment en août 2015 pour les bâtiments sinistrés de la mairie de [Localité 8] et ceux gérés par Tarn et Garonne Habitat.
En définitive, et pour curieuse que fut cette intervention de 'rabatteur d'affaires', le grief allégué de concurrence déloyale concernant le dossier [N] n'est pas établi.
Pour le dossier [A], dont le grief repose sur une véritable sommation interpellative du 17 décembre 2015 (pièce 7) , Monsieur [A] déclare « M. [B] du cabinet [T] Consult nous a démarchés le lendemain du sinistre et nous a fait meilleure impression que les autres experts. Nous n'avons eu aucun contact avec M. [D] depuis le 4 avril 2015 ». Le cabinet [P] expert affirme que cette déclaration est fausse et cherche à prouver que [S] [D] s'est présenté sur les lieux, en a référé à [Z] [B] et apparaît ensuite comme étant à l'origine du dossier dans la fiche de suivi de la société EC (pièce 54 [Localité 4]).
La pièce 25 produite établit uniquement que [S] [D] s'est fait rembourser des frais de déplacement pour les [Localité 4] le 4 avril 2015 (288km et 22,70 euros de restaurant) ainsi que le 7 avril (318km et 18,18 euros de restaurant).
Par ailleurs, si le contact de [S] [D] avec [Z] [B] n'est pas prouvé, en revanche un courrier de la société EC à [S] [D] en date du 25 août 2015 précise que dans le dossier Vergot incendie du 4 avril 2015, il lui est versé 10% des honoraires sur ce contrat, soit 1670 euros. Or, à cette date, [S] [D] n'est pas salarié de la société EC, motif dirimant retenu par le tribunal de commerce pour dire le grief de concurrence déloyal établi concernant ce dossier .
La cour constate que le mandat de M. [A] à la société EC est signé le 7 avril 2015, le jour où [S] [D] s'est de nouveau rendu sur les lieux mais n'aurait pas rencontré M. [A] qui dit ne pas l'avoir vu depuis le 4 avril 2015.
Ces seules pièces établissent que [S] [D] s'est rendu le 7 avril 2015 aux [Localité 4] mais sans rencontrer les époux [A] et que le mandat a été signé au profit du concurrent, la société EC, et que de façon inexplicable [S] [D] perçoit la rémunération intégrale de commissionnement par le concurrent alors qu'il n'est pas encore salarié du concurrent.
Pour contester le grief, la société EC produit une attestation de [M] [L] du 7 avril 2016 (pièce 22) qui, en sa qualité de conseiller municipal, précise qu'il a lui-même signalé à [Z] [B] les sinistres incendies de la boulangerie [Localité 4] pour les sinistres des mois d'avril et de septembre 2015, attestation une fois de plus assez curieuse provenant d'un élu municipal.
Enfin la société EC précise que le courrier non contesté du 25 août 2015 adressé à [S] [D] venait « causer » un prêt d'argent réalisé au bénéfice de [S] [D] en situation financière très difficile. Cette explication étrange, qui n'est d'ailleurs pas davantage justifiée, n'est pas de nature à écarter le grief de faits de concurrence déloyale car si [S] [D] avait des soucis financiers, il pouvait demander une aide financière personnelle à [Z] [B] pour éviter toute confusion avec leur activité concurrentielle respective ou bien s'agissait il de tromper la banque en faisant croire à un nouvel employeur de [S] [D] au 25 août 2015..
Dès lors, le versement des honoraires à un futur salarié avant son embauche établit le grief poursuivi, la déloyauté de [S] [D] à l'égard de son employeur et la concurrence déloyale de la société EC concurrente. Il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Concernant le dossier des époux [W] pour la guinguette à [Localité 6] relatif à un sinistre incendie du 25 mai 2015, le cabinet Lux [T] produit la preuve des deux déplacements sur place de [S] [D] les 26 et 27 mai 2015, le mail de [F] [W] du 2 juillet 2015 adressé à M. [B] et évoquant [S] [D] (pièce 13) et enfin, la fiche de suivi de la société EC qui désigne [S] [D] comme apporteur d'affaires (pièce 34)
Au-delà des explications déjà mentionnées sur les fiches de suivi, la société EL explique que le mail de Madame [W] n'est que le reflet de son état désemparé après cet incendie alors que son mari était extrêmement malade. Elle ajoute que le détournement de clientèle était impossible puisque le mandat a été confié dans les deux jours du sinistre à la société EL.
A la lecture du mail de [F] [W] en date du 2 juillet 2015, alors que le mandat a été signé le 27 mai 2015 au bénéfice de la société EL, il convient de constater qu'elle adresse son mail à [Z] [B] mais également à [S] [D], pour un rendez vous fixé le 10 juillet 2015 à 11h et pour lequel, en substance et en dépit de ses difficultés d'expression en français, elle demande à avancer le rendez vous.
Il se déduit de ce mail qu'elle pense que [S] [D] et [Z] [B] travaillent ensemble sur son dossier incendie et que depuis l'origine, il existe une confusion entre les entités qu'ils représentent respectivement alors que [S] [D] s'est en effet présenté à [Localité 6] les 26 et 27 mai 2015.
Ce dossier doit être retenu comme caractérisant le grief car ce mail n'est pas une erreur de [F] [W] puisque [Z] [B] ne produit pas la réponse en retour pour rectifier l'erreur éventuellement commise sur les intervenants en écartant [S] [D] du mandat en cours d'exécution.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Les pièces ainsi retenues suffisent à établir les manoeuvres déloyales qui consistent à démarcher des clients dans l'intérêt d'un concurrent alors que [S] [D] a quitté le cabinet [P] [T] le 16 septembre 2015.
Concernant les autres dossiers visés par le cabinet [P] [T], force est de constater qu'en dehors de la fiche de suivi, aucune autre pièce probante n'est produite établissant le comportement fautif de [S] [D] ou une démarche déloyale de la société EC ou de son gérant [Z] [B].
En définitive, la cour d'appel retient deux dossiers caractérisant des faits de concurrence déloyale à l'encontre de la société EC et de son gérant [Z] [B] le dossier [A], comme l'a fait le tribunal, et le dossier [W] à Mazeres.
-sur la réparation des préjudices subis :
il appartient au cabinet [P] [T] de justifier du préjudice subi et du lien de causalité directe entre la faute établie et le préjudice allégué.
Dans la mesure où la concurrence déloyale reprochée n' a été établie que pour deux dossiers, il ne peut être fait droit au préjudice financier allégué de 684.582 euros.
Eu égard aux seules pièces produites, pour évaluer la perte des honoraires sur les dossiers [A] et [W], il convient de retenir le courrier litigieux du 25 août 2015 qui fixait les honoraires de [S] [D] à 1670 euros (pièce 55) représentant 10% des honoraires reçues pour le dossier des époux [A]. En revanche, n'apparaît dans la fiche de suivi des époux [W] qu'une mention chiffrée fixant à 80.000 euros les « les ouv direct » sans autre précision (pièce 58).
il convient de retenir également les remboursements de frais de déplacement que [S] [D] a sollicité auprès du cabinet [P] [T] pour ces deux dossiers.
A défaut d'établissement plus précis du préjudice matériel subi, la cour fixe le préjudice matériel à 25.000 euros de dommages-intérêts
Sur le préjudice moral subi par le cabinet [P] [T], le gérant évoque une trahison de ses collaborateurs et la nécessité de s'impliquer davantage pour maintenir l'activité alors qu'il a perdu beaucoup de temps à rechercher en vain les raisons de la rupture des relations avec d'anciens clients.
Si la cour peut retenir un préjudice moral de principe, force est de constater que ce préjudice n'est pas justifié précisément en dehors du fait qu'un salarié a travaillé avec un concurrent sur deux dossiers. La cour allouera 2.000 euros de dommages-intérêts de ce chef.
-sur la demande de dommages-intérêts de la société EC et de [Z] [B] pour procédure abusive :
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que le cabinet [P] [T] se soit mépris sur l'étendue de ses droits en espérant établir des faits de concurrence déloyale plus nombreux.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la société EC et [Z] [B], qui en définitive succombent, doit être rejetée.
Sur les demandes accessoires :
la société EC et [Z] [B] qui succombent seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
Sur les frais irrépétibles, eu égard à l'issue du litige et la situation respective des parties, il convient d'allouer au cabinet [P] [T] 4000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a. :
dit que la société EC et [Z] [B] ont commis un acte de concurrence déloyale à l'encontre du cabinet [P] [T] ;
condamné solidairement la société EC et [Z] [B] à payer au cabinet [P] [T], la somme de 16.696,66euros au titre du préjudice financier ;
débouté le cabinet [P] [T] de sa demande au titre du préjudice moral ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
dit que la société EC et [Z] [B] ont commis deux actes de concurrence déloyale à l'encontre du cabinet [P] [T] ;
condamne solidairement la société EC et [Z] [B] à payer au cabinet [P] [T], la somme de 25.000 euros au titre du préjudice financier ;
condamne solidairement la société EC et [Z] [B] à payer au cabinet [P] [T], la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral ;
Confirme le jugement pour le surplus
-condamne la société EC et [Z] [B] aux dépens d'appel
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
-condamne la société EC et [Z] [B] à payer au cabinet [P] [T] la somme de 1.000 euros pour les frais irrépétibles d'appel.
Le greffier La présidente
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