17/05/2023
ARRÊT N°211
N° RG 18/02015 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MIM7
VS/CO
Décision déférée du 26 Mars 2018 - Tribunal de Commerce de CASTRES - 2017000223
M.BLANC
SASU TRANSPORTS [U]
SAS ETABLISSEMENTS [O] [U]
C/
SAS [Z] 85
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
SASU TRANSPORTS [U]
'[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe PERES de la SCP PERES-RENIER-ALRAN, avocat au barreau de CASTRES
SAS ETABLISSEMENTS [O] [U]
CHANTIER TRANSCONTENEURS
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe PERES de la SCP PERES-RENIER-ALRAN, avocat au barreau de CASTRES
INTIMEE
SAS [Z] 85 prise en la personne de ses représentants statutaires ou légaux domiciliés en cette qualité audit siège social,
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat au barreau de TOULOUSE
assistée de Me Malorie ALLEMAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANT VOLONTAIRE
SAS Carrosserie [Z] venant aux droits de la SAS [Z] 85
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat au barreau de TOULOUSE
assistée de Me Malorie ALLEMAND, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.
Exposé des faits et procédure :
Par acte sous seing privé du 10 décembre 2014, la société Carrosserie [Z] a vendu à la Sarl Etablissements [O] [U] dix semi-remorques de marque [Z], la livraison des semi-remorques ayant eu lieu en début d'année 2015.
La Sarl [U] se plaignant de dysfonctionnements importants affectant les semi-remorques, un expert unilatéralement désigné a constaté le 11 mai 2015 un manque d'air et un sous dimensionnement des galets sur trois des dix semi-remorques.
Le 8 août 2015, une nouvelle expertise amiable et contradictoire a été organisée.
Par courrier du 10 août 2015, la Sarl Etablissements [O] [U] a sollicité l'annulation de la vente, la société Carrosserie [Z] refusant la nullité du contrat dès lors qu'elle était disposée à reprendre les désordres, qui n'empêchaient pas une utilisation des remorques et que le prix n'avait pas été payé.
Des travaux de réparation ont été effectués en fin d'année 2015 ainsi qu'un paiement partiel des remorques.
En juin 2016, une nouvelle expertise a été réalisée et a donné lieu au constat d'une rupture par déformation des platines de verrouillage des galets.
Par ordonnance du 21 octobre 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Castres, saisi par la Sas [Z] 85, a autorisé cette dernière à procéder à la saisie-revendication de cinq véhicules impayés.
Par acte du 19 décembre 2016, la Sarl Etablissements [O] [U] et la Sas Transports [U] ont assigné la Sas [Z] 85 devant le tribunal de commerce de Castres en exécution d'un protocole d'accord convenu lors de l'expertise du 20 juin 2016 outre paiement des sommes de 171.550 € au titre d'un préjudice d'utilisation et de 5.000 € au titre de la saisie-revendication pratiquée.
La Sas [Z] 85 a sollicité, à titre reconventionnel, que les sociétés [U] soient condamnées solidairement au paiement de ses factures restées impayées outre intérêts et pénalités de retard.
Par jugement du 26 mars 2018, le tribunal de commerce de Castres a :
jugé que le procès-verbal d'expertise du 20 juin 2016 ne constitue pas une convention au sens de l'article 1134 du code civil
rejeté la demande des sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] de condamnation de la Sas [Z] 85 à réaliser les reprises mentionnées en page 4 du PV d'expertise du 20 juin 2016,
condamné solidairement les sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] à payer la somme de 150.900 € au titre des factures émises par la société [Z] 85,
débouté les sociétés Etablissements [O] [U] et Transports [U] de leur demande d'indemnisation de 171.550 € au titre du préjudice d'utilisation,
débouté les sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] de leur demande de dommages et intérêts à titre de procédure abusive de saisie-revendication,
condamné la Sas Transports [U] à payer à la Sas [Z] 85 la somme de 9.061,44 € à titre de pénalités de retard et indemnités forfaitaires,
condamné solidairement les sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] à une indemnité de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration en date du 27 avril 2018, la Sasu Transports [U] a relevé appel du jugement. L'appel porte sur les chefs du jugement qui ont :
rejeté la demande des sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] de condamnation de la Sas [Z] 85 à réaliser les reprises mentionnées en page 4 du PV d'expertise du 20 juin 2016,
condamné solidairement les sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] à payer la somme de 150.900 € au titre des factures émises par la société [Z] 85,
débouté les sociétés Etablissements [O] [U] et Transports [U] de leur demande d'indemnisation de 171.550 € au titre du préjudice d'utilisation,
débouté les sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] de leur demande de dommages et intérêts à titre de procédure abusive de saisie-revendication
condamné la Sas Transports [U] à payer à la Sas [Z] 85 la somme de 9.061,44 € à titre de pénalités de retard et indemnités forfaitaires,
condamné solidairement les sociétés Transports [U] et Etablissements [O] [U] à une indemnité de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La clôture est intervenue le 1er mars 2021.
Par arrêt du 26 mai 2021, la cour d'appel de Toulouse a :
ordonné la réouverture des débats à l'effet pour les parties de justifier de la qualité à agir en demande et en défense de la société [Z] 85 et, à défaut, de conclure sur l'irrecevabilité des demandes :
formées par la Sas [Z] contre la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] ,
formées par la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] contre la Sas [Z] 85,
renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du jeudi 9 septembre 2021 à 14 heures ,
réservé les dépens.
Le 19 novembre 2021, Me [E] a indiqué révoquer Me [D] et se constituer en ses lieu et place pour le compte de la Sas [Z] 1985.
La clôture est intervenue le 24 octobre 2022.
Prétentions et moyens des partiesl
Vu les conclusions n°2 notifiées le 15 octobre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Etablissements [O] [U] et la Sas Transports [U] demandant de :
condamner solidairement la Sas [Z] 85 et la Sas Carrosserie [Z] à payer à la Sas Transports [U] :
la somme de 19.172,45 € TTC au titre des frais de réparation des remorques avec intérêts de droit à compter du 12 janvier 2017,
la somme de 171.550 € de dommages et intérêts au titre du préjudice d'utilisation des remorques entre leur livraison et leur réparation ,
les condamner à payer à la Sas Etablissements [O] [U] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts au titre de la saisie-revendication abusive,
dire les Sas [Z] 85 et Sas Carrosserie [Z] irrecevables et mal fondées en leurs demandes reconventionnelles,
débouter en conséquence la Sas [Z] 85 et Sas Carrosserie [Z] de l'intégralité de leurs demandes,
à titre infiniment subsidiaire ordonner la compensation de toute somme qui serait octroyée à la Sas [Z] 85 ou la Sas Carrosserie [Z] avec les sommes dont elles seraient reconnues redevables envers les appelantes
débouter la Sas [Z] 85 et la Sas Carrosserie [Z] de leur appel incident,
les condamner solidairement à la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner solidairement aux entiers dépens de première, instance et d'appel.
Vu les conclusions n°3 notifiées le 21 octobre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Carrosserie [Z] venant aux droits de la Sas [Z] 85 demandant, au visa des articles 325, 907 et 803 du code de procédure civile, 1134 et 1147 anciens, 1844-5 du code civil, L441-6 I alinéa 12 et D441-5 du code de commerce, de :
juger recevable l'intervention volontaire à la présente procédure de la société Carrosserie [Z], venant aux droits de la société [Z] 85
retenir que la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] renoncent à leur demande tendant à voir la société [Z] 85 condamnée à réaliser sous astreinte les reprises mentionnées au procès-verbal d'expertise du 20 juin 2016
débouter la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions
confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Castres le 26 mars 2018 en ce qu'il a :
condamné solidairement la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] au paiement de la somme de 150.900 €, correspondant aux factures FAV1500336, FAV1500337, FAV1500364, FAV1500365 et FAV1500366 ;
débouté la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] de leur demande tendant à voir la Sas [Z] 85 condamnée au paiement de 171.550 € de dommages et intérêts au titre du préjudice d'utilisation ;
dit et jugé que la saisie-revendication pratiquée par la Sas [Z] 85 est dépourvue de caractère abusif et donc débouté la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] de leur demande tendant à voir la Sas [Z] 85 condamnée au paiement de 5.000 € de dommages et intérêts ;
condamné la société Transports [U] au paiement des pénalités de retard et indemnités forfaitaires, soit de la somme de 9.061,44 € ;
condamné solidairement la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] à verser une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné solidairement la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] aux dépens de première instance,
retenir que la société Carrosserie [Z] vient aux droits de la société [Z] 85,
en conséquence, condamner solidairement la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] à payer à la société Carrosserie [Z], venant aux droits de la société [Z] 85, la somme de 150.900 €, correspondant aux factures FAV1500336, FAV1500337, FAV1500364, FAV1500365 et FAV1500366 ;
condamner la société Transports [U] au paiement de la somme de 9.061,44 € au titre des pénalités de retard et indemnités forfaitaires ;
condamner solidairement la société Transports [U] et la société Etablissements [O] [U] à verser à la société Carrosserie [Z], venant aux droits de la société [Z] 85, une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance,
infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Castres le 26 mars 2018 en ce qu'il a débouté la Sas [Z] 85 du surplus de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,
statuant à nouveau, sur l'appel incident, condamner la société Transports [U] à verser à la société Carrosserie [Z], venant aux droits de la Sas [Z] 85, une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, en ce compris la somme de 9.061,44 € provisoirement arrêtée au 14 avril 2017, les intérêts au taux égal à trois fois le taux légal en vigueur continuant à courir à compter de cette date sur la somme de 8.861,44 €
à titre subsidiaire, si la cour venait à condamner la société Carrosserie [Z] au paiement de dommages et intérêts aux appelantes, vu les dispositions de l'article 1347 du code civil, ordonner la compensation entre les sommes auxquelles sont respectivement condamnées les parties,
y ajoutant, condamner solidairement la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] à verser à la société Carrosserie [Z], venant aux droits de la Sas [Z] 85, une indemnité de 5.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
condamner solidairement la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] aux entiers dépens d'appel.
Motifs de la décision :
-sur la réouverture des débats :
Par arrêt avant dire droit en date du 26 mai 2021, la cour d'appel a rouvert les débats sur la qualité à agir, en demande et en défense, de la société [Z] 85 et sur la recevabilité des demandes ainsi formées.
Il ressort des explications des parties et des pièces produites aux débats que la société Carrosserie [Z] SA est devenue l'associée unique de la société [Z] 85 et que par décision du 31 mars 2021 enregistrée au greffe le 3 mai 2021, a été décidée la dissolution de la société [Z] 85 sans liquidation, entraînant la transmission universelle de son patrimoine à son associée unique ; puis la société [Z] 85 a été radiée du RCS dès le 12 mai 2021, information qui n'avait pas été communiquée à la cour dans le cadre de son délibéré qui a abouti à l'arrêt avant dire droit du 26 mai 2021.
Par conclusions du 21 octobre 2021, la SAS Carrosserie [Z] est intervenante volontaire venant aux droits de la SAS Trouilet 85.
Les parties intimées prennent acte de l'intervention volontaire de la SAS Carrosserie [Z] venant aux droits de la SAS [Z] 85 qui était leur cocontractant dans le cadre du protocole d'accord allégué du 20 juin 2016 et présente aux opérations d'expertise mais précisent qu'elle n'était pas leur cocontractant dans la vente initiale.
La cour prend acte de l'intervention volontaire de la SAS Carrosserie [Z] venant aux droits de la SAS [Z] 85 et dit la procédure régularisée du chef des fins de non recevoir soulevées d'office par l'arrêt avant dire droit dès lors que par la transmission universelle de son patrimoine, la SAS [Z] 85 est devenue la SAS Carrosserie [Z] en demande et en défense.
-sur la demande principale des sociétés [U] en exécution du protocole d'accord du 20 juin 2016 :
les sociétés appelantes font valoir qu'il existe un protocole d'accord du 20 juin 2016 entre les parties et demandent le remboursement de factures de réparation sur 7 des 8 remorques litigieuses, pour des réparations qu'elles ont fait effectuer en 2018, ainsi que des dommages-intérêts pour trouble de jouissance des dites remorques.
La SAS Carrosserie [Z] conteste l'existence d'un protocole d'accord du 16 juin 2020, la force obligatoire du procès-verbal d'expertise, le pouvoir de M.[H], l'existence d'un mandat apparent conféré à M.[H] pour engager la société [Z] 85 et surtout la volonté des parties de s'engager.
A l'examen des pièces produites aux débats, la cour constate que les parties sont engagées en vertu d'un contrat de vente en date du 10 décembre 2014 concernant la livraison de 10 semi remorques début 2015. A l'issue de travaux de réparation effectués en 2015 et d'un premier règlement partiel du prix fixé par le contrat de vente, les parties se sont de nouveau rapprochées pour déterminer l'existence de nouveaux désordres dénoncés.
Ce rapprochement a abouti à l'établissement d'un procès-verbal d'expertise contradictoire du 20 juin 2016 (pièce 7 des parties appelantes) établi dans les locaux des Etablissements [O] [U]. [T] [H] y était présent en qualité de « responsable après vente du groupe [Z] Toulouse ». Les dix remorques ont été identifiées ; des constatations ont été faites et des accords ont été mentionnés de façon manuscrite et difficilement lisibles : ainsi « remplacement des galets défectueux et brides ; mise en place d'une vis avec platine de renfort (8mm) pour le maintien de l'axe de l'intérieur vers l'extérieur ; remplacement des joints des connexions de faisceaux électriques, apporter un recul des jambons.d'une dizaine de centimètres avec reperçage des coulisses de la BAE d'autant plus protecteur de l'ensemble feux AR, en respect avec la législation en vigueur (*)»
(*) « M [U] [B] s'engage à conduire une première remorque pour modification, vérifier si la modification est conforme. Si celle-ci est conforme les 9 remorques seront confiées à [Z] pour la modification. A réception des dix remorques modifiées Mr [U] [B] transmet le règlement des remorques ».
Les parties appelantes produisent un document intitulé « protocole d'accord (établi en 3 exemplaires) »(pièce 8) qui n'est signé par aucune des parties et qui n'a donc aucune force probante concernant les engagements réciproques qui y sont mentionnés.
Dans un mail du 26 juillet 2016, [N] [J], directeur des ressources humaines et juridiques du Groupe [Z], précise en réponse à la demande de signature du protocole d'accord que le Groupe [Z] attend préalablement le règlement, dans la semaine, du prix des remorques livrées depuis 2015.
Et dans un courrier par LRAR du 29 août 2016 (pièce 10), la société [Z] 85 revendiquait auprès des Etablissements Transports [O] [U] les 5 remorques non réglées en vertu de la clause de réserve de propriété mentionnée dans les clauses générales de vente.
La cour constate que le procès-verbal d'expertise contradictoire du 20 juin 2016 n'est pas un protocole d'accord qui se substitue au contrat de vente initial, comme veulent le faire juger à tort les sociétés appelantes.
En effet, ce procès-verbal détermine de façon contradictoire, avec le représentant du service après vente du vendeur, les désordres allégués et envisage les modifications à effectuer et leurs modalités éventuelles. De plus, selon le représentant des sociétés [U], il est proposé de procéder par la modification d'une première remorque avant d'envisager la modification des 9 autres.
L'accord des volontés des parties n'était pas acté par ce seul procès-verbal puisque la signature d'un protocole d'accord était encore requise et donc nécessaire puisqu'il est soumis au Groupe [Z] et refusé par celui-ci dans l'attente préalable du règlement du prix de vente des 5 remorques non encore réglées.
Il convient de rappeler qu'après le constat d'expertise contradictoire du 8 juillet 2015, la SAS [Z] 85 est intervenue fin 2015 pour des modifications dans le cadre du service après vente pour les 10 remorques (rajouts de réserve d'air et modification traverse éclairage), ce qui n'est pas contesté et a été rappelé dans le procès-verbal du 20 juin 2016.
Dès lors fin 2015, les réserves sur les non conformités étaient nécessairement levées et tout nouveau désordre devait relever d'une action judiciaire du type vice caché ou défaut de réparation conforme mais les sociétés appelantes devaient soit régler les factures d'achat soit solliciter la nullité de la vente dont les réserves étaient nécessairement levées. Elles ne pouvaient se prévaloir de nouvelles non conformités en 2016 sauf à agir en vices cachés, ce qu'elles n'ont pas fait.
Les sociétés appelantes demandent des dommages-intérêts pour réparer le trouble de jouissance des remorques livrées en 2015 avant d'être modifiées en 2018 selon 7 factures de la sarl La Molière PL, entre le 22 mars 2018 et le 15 novembre 2018, suite à des interventions sur les 7 remorques effectuées à leur initiative.
Pour 2 des 7 semi remorques, les factures mentionnent le kilométrage qui n'est pas de 1km, comme pour les 5 autres, mais de 206.984km et de 222.673 km ; ce qui tendrait à établir que sur les 7 remorques modifiées, 5 n'ont jamais été utilisées pendant que deux autres ont beaucoup roulé.
De plus, dans l'intitulé des factures pour chacune d'elles il est changé 6 galets pour 8 unités de main d'oeuvre et, pour certaines factures, il est ajouté le remplacement de lampes, de tête d'accouplement, un butoir, un passe cloison, une aile, un port, un cabochon droit, un kit connexion, un feu de position blanc. Curieusement, ce sont les remorques qui n'ont qu'un seul kilomètre au compteur qui ont le plus de modifications.
Force est de constater qu'aucune pièce n'établit que les 10 remorques, objet du contrat de vente, ont été immobilisées du fait des désordres constatées dans les deux procès-verbaux contradictoires des 8 juillet 2015 et du 20 juin 2016. Il est en outre précisé dans le 1er procès-verbal de 2015 que « Mr [U] indique que les remorques sont utilisées de façon normale ».
Les factures de la sarl La Molière de 2018 corroborent l'idée que les remorques soit n'ont pas du tout roulé (1km au compteur) soit ont beaucoup roulé (+200.000 km). Par conséquent, soit les sociétés appelantes n'ont pas utilisé les remorques acquises sans vérifier qu'elles étaient non conformes à leur utilisation, soient elles les ont beaucoup utilisées en dépit des désordres observés, ce qui établit que la preuve du caractère non conforme à leur destination des remorques litigieuses n'est pas établi.
Le constat en février 2016 mentionné au procès-verbal contradictoire était « les remorques présentent des ruptures des platines de maintien des galets des chariots ». Si certaines remorques ont été d'emblée immobilisées et n'ont pas été utilisées, ce constat ne pouvait les avoir affectées, sauf à supposer que ce désordre était inéluctable à l'avenir mais aucun élément ne vient l'affirmer expressément.
Les sociétés appelantes n'expliquent pas pourquoi 5 des 7 remorques n'ont pas été utilisées avant 2018 et pourquoi elles ne les ont pas restituées alors qu'elles n'en avaient pas payé cinq sur les 10 livrées en 2015.
Par conséquent, les sociétés appelantes n'établissent pas le trouble de jouissance qu'elles invoquent. Elle seront déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts.
Elles ne peuvent davantage demander le remboursement intégral des factures de modification des remorques en 2018 alors que le procès-verbal d'expertise contradictoire date de juin 2016, soit quasi deux ans plus tard, et qu'il appartenait aux sociétés appelantes de soumettre à la société [Z] 85 les remorques pour modification contre paiement de leur prix ou bien restituer les remorques non réglées en vertu de la clause de propriété figurant aux conditions générales de vente.
Toutefois, comme dans les factures dont il est demandé le remboursement, il est fait mention du remplacement des galets défectueux, déjà indiqué dans le procès-verbal d'expertise contradictoire du 20 juin 2016, la cour admet le remboursement pour les 7 remorques examinées du seul remboursement des dits galets et du coût de la main d'oeuvre associée soit 7 x 2.292 euros = 16.044 euros ttc, et non des autres prestations effectuées en 2018 sans lien certain et direct avec les constats faits contradictoirement en juin 2016.
Il convient de débouter les sociétés Transports [U] de leurs demandes de dommages-intérêts et de confirmer le jugement de ce chef.
En revanche, il convient d'allouer le remboursement partiel des factures de 2018 à concurrence de 16.044 euros et d'ajouter au jugement alors que le tribunal avait été saisi d'une demande de condamnation de la SAS [Z] 85 à effectuer des travaux au visa du protocole d'accord allégué.
-sur les demandes reconventionnelles de la SAS Carrosserie [Z] :
sur l'application du contrat de vente, la société Carrosserie Trouille demande de condamnation à 150.900 euros au titre de factures impayées pour 5 des 10 remorques livrées en 2015.
Dès lors qu'aucun protocole d'accord n'a été signé entre les parties concernant leur différend sur les quelques désordres, apparus en 2016 après une première intervention du service après vente du Groupe [Z] en 2015 et que les sociétés appelantes n'ont établi ni bon de livraison non conforme ni vice caché des remorques, elles doivent régler le prix de l'intégralité des remorques livrées en 2015.
Les sociétés appelantes ne contestent pas ne pas avoir réglé 5 factures correspondant à la livraison de 5 remorques objet du contrat du 10 décembre 2014.
Il convient de faire droit à la demande de la SAS Carrosserie [Z], en son nom et venant aux droits de la SAS [Z] 85, et de condamner la société Etablissements [O] [U] à lui verser la somme de 150.900 euros au titre des 5 factures demeurées impayées. Le jugement est confirmé de ce chef.
-sur l'appel incident de la société [Z] 85 désormais représentée par la SAS Carrosserie [Z] :
-
la SAS Carrosserie [Z] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Transports [U] à lui verser 9.061,44 euros des pénalités de retard et indemnités forfaitaires et elle sollicite l'octroi, en cause d'appel, de 50.000 euros de dommages-intérêts outre des nouvelles pénalités de retard.
Les sociétés appelantes demandent le débouté de la société Carrosserie [Z] dans la mesure où elles n'ont commis aucune faute en ne réglant pas les factures à partir du prétendu protocole d'accord du 20 juin 2016 et en se prévalant du défaut des travaux par le Groupe [Z] suite aux constats de 2016.
la SAS Carrosserie [Z] se fonde sur les conditions générales du contrat de vente de décembre 2014 et notamment l'article IIIC qui stipule de plein droit la sanction de tout paiement de retard par des intérêts de retard égaux à 3 fois le taux légal en vigueur à partir du jour de son échéance ainsi qu'après l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse, tous les frais de recouvrement amiable ou judiciaire, y compris les honoraires et intérêts laissés à la charge de l'acheteur.
Cette clause n'est pas contestée en elle-même par les sociétés appelantes. Elles demandent le débouté de la SAS Carrosserie [Z] du seul fait que, selon elles, la livraison n'était pas conforme.
Comme cela a été analysé précédemment, fin 2015, les non-conformités sur la vente avaient été réparées et les sociétés Transports [U] devaient agir judiciairement pour établir des désordres relevant de vices cachés après 2015 et ne pas se borner à réclamer des travaux aléatoires tout en ne respectant pas son obligation contractuelle de règlement du prix pour les 5 dernières remorques livrées . il sera fait droit à la demande de pénalités et indemnité forfaitaire formée par la SAS Carrosserie [Z].
En revanche, comme en première instance, cette dernière ne justifie pas du préjudice financier distinct de son préjudice lié au retard de paiement de ses factures restées impayées pour justifier de sa demande de 50.000 euros de dommages-intérêts. Il convient de confirmer le jugement de ce chef.
-sur la demande de dommages-intérêts des sociétés appelantes pour saisie-revendication abusive :
les sociétés appelantes considèrent que l'action en saisie revendication des remorques dont le prix n'avait pas été réglé, était abusive.
Dans la mesure où les sociétés appelantes entendaient se prévaloir d'un protocole d'accord qui n'existait pas pour ne pas régler la moitié des factures alors que le matériel était livré depuis début 2015, la SAS [Z] 85 était en droit d'engager une action en revendication du matériel vendu assorti d'une clause de réserve de propriété. Le seul fait qu'elle se soit désistée dans le cadre de la saisie revendication dans l'attente de l'issue de la procédure au fond n'établit pas de sa part, une volonté de nuire et encore moins un abus de droit.
Par ailleurs, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que la SAS Carrosserie [Z], venant aux droits de la SAS [Z] 85, ait cherché à obtenir rapidement règlement de ses factures restées impayées ou restitution de ses biens.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par les sociétés appelantes doit être rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.
-sur la demande de compensation :
les parties demandent parallèlement compensation de leurs créances réciproques résultant du présent litige.
Il convient d'y faire droit.
-sur les demandes accessoires :
les sociétés appelantes qui succombent en appel pour l'essentiel seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.
Eu égard à l'issue du litige, les condamnations pour frais irrépétibles seront confirmés pour ceux de première instance et augmentés de 2000 euros en appel à la charge des sociétés de première instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
-déclare recevable l'intervention volontaire de la SAS Carrosserie [Z] venant aux droits de la société [Z] 85 et déclare recevables les demandes formées par la SAS Carrosserie [Z] ou à son encontre
-confirme le jugement et y ajoutant,
-condamne la SAS Carrosserie [Z] à verser à la sarl Etablissements [O] [U] la somme de 16.044 euros ttc au titre de désordres acceptés par le vendeur en 2016,
-condamne la société Transports [U] à verser à la société Carrosserie [Z], venant aux droits de la Sas [Z] 85, la somme de 9.061,44 euros provisoirement arrêtée au 14 avril 2017, les intérêts au taux égal à trois fois le taux légal en vigueur continuant à courir à compter de cette date sur la somme de 8.861,44 euros.
-ordonne la compensation des créances réciproques entre les parties
-condamne la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] aux dépens d'appel
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
-condamne la société Etablissements [O] [U] et la société Transports [U] à verser à la SAS Carrosserie Trouilet la somme de 2.000 euros en cause d'appel.
Le greffier La présidente
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