20/04/2023
ARRÊT N°276/2023
N° RG 22/02155 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O2OU
AM/CD
Décision déférée du 14 Décembre 2021 - Juge des contentieux de la protection de MURET
( 12 21-00016)
Mme LAFITE
E.P.I.C. OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE HAUTE-GARONNE (OPH 3 1)
C/
[E] [Y]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
E.P.I.C. OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE HAUTE-GARONNE (OPH 3 1)
représenté par son représentant légal domicilié audit siège es-qualité
[Adresse 4]
[Localité 2] / FRANCE
Représentée par Me Véronique SALLES de la SCP D'AVOCATS CANTIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [E] [Y]
Assigné le 11/07/2022 à étude
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
N'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. MAFFRE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- DÉFAUT
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé du 1er décembre 2018, l'Office public de l'Habitat de Haute-Garonne a donné à bail à Mme [E] [Y] un logement situé [Adresse 1] à [Localité 3], moyennant un loyer initial de 245,03 euros.
Les loyers n'ont pas été scrupuleusement réglés et un commandement de payer la somme de 859,05 euros au principal, visant la clause résolutoire, a été délivré à la locataire le 8 avril 2021, en vain.
Par acte du 6 août 2021, dénoncé le jour même par voie électronique avec accusé de réception au Préfet de la Haute Garonne, l'OPH de Haute-Garonne a fait assigner Mme [Y] devant le juge chargé des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret statuant en référé aux fins principalement de :
- constatation de la résiliation du bail,
- expulsion des occupants,
- paiement à titre provisionnel de l'arriéré de loyers et d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance réputée contradictoire du 14 décembre 2021, le juge a :
- débouté l'Office Public de l'Habitat de Haute-Garonne de sa demande de voir constater la résiliation du contrat de bail le liant à Mme [E] [Y] par le jeu de la clause résolutoire, concernant le logement situé [Adresse 1] à [Localité 3],
- débouté en conséquence l'Office Public de l'Habitat de Haute-Garonne de sa demande d'expulsion,
- condamné Mme [E] [Y] à payer à l'Office Public de l'Habitat de Haute-Garonne, à titre de provision, la somme principale 916,71 euros au titre des loyers et charges dus au mois de juillet 2021 inclus,
- laissé les dépens à la charge de l'Office Public de l'Habitat de Haute-Garonne,
- rejeté la demande der Office Public de l'Habitat de Haute-Garonne sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de plein droit.
Pour se déterminer ainsi, le juge a retenu que :
. la somme de 703,32 euros dite "complémentaire octobre 2022" doit être déduite de la dette locative faute d'être justifiée,
. la dette de Mme [Y] s'élève donc à 154,75 euros au 8 avril 2021 correspondant à la part résiduelle du loyer à sa charge pour les mois de septembre, octobre et décembre 2021, et elle est inférieure au seuil fixé par la clause résolutoire contractuelle, soit le montant de deux loyers mensuels hors charges, 490,06 euros, de sorte que les conditions de mise en jeu de la clause résolutoire ne sont pas remplies,
. les frais de procédure doivent rester à la charge du demandeur, les actes liés à la procédure en résiliation par acquisition d'une clause résolutoire dont les conditions n'étaient pas réunies étant inutiles pour le paiement d'une créance inférieure à 5000 euros.
Par déclaration en date du 8 juin 2022, l'OPH de la Haute-Garonne a interjeté appel de cette décision, critiquée en toutes ses dispositions à l'exception de l'exécution provisoire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'OPH de Haute-Garonne, dans ses dernières écritures en date du 7 juillet 2022, demande à la cour, au visa de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, de':
- infirmer l'ordonnance du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Muret en date du 14 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- constater le jeu de la clause résolutoire et par conséquent prononcer la résiliation du bail,
- constater que Mme [E] [Y] est occupante sans droit ni titre,
- en conséquence, ordonner l'expulsion de Mme [E] [Y] et de tous occupants de son chef des lieux loués et ce, au besoin, avec l'assistance de la force publique,
- condamner Mme [E] [Y] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges contractuels qui s'élève à la somme de soit 342,21 € et ce jusqu'à complète libération des lieux par les occupants et remise des clés,
- condamner Mme [E] [Y] à payer à l'O.P.H de Haute-Garonne une provision de 4.279,07 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés, somme arrêtée au 31 mai 2022, correspondant à la mensualité du mois de mai 2022 comprise,
- condamner Mme [E] [Y] au paiement d'une somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel en ceux compris le coût du commandement de payer et la dénonce de l'assignation à la Préfecture.
Le bailleur fait valoir en premier lieu que la clause résolutoire contractuelle prévoit la résiliation de plein droit du bail, deux mois après une commandement de payer resté sans effet,"en cas de non-paiement des sommes dues à l'organisme, loyers ou charges régulièrement appelées d'un montant au moins équivalent à 2 fois le montant mensuel net du loyer hors charges et déduction faite de l'APL", et non du loyer initial entier comme retenu à tort par le premier juge : la dette de 959,05 euros, constituée du loyer résiduel dû pour août, septembre et novembre 2020 et de la régularisation des charges en octobre 2020 (703,32 euros pour l'eau, justifiés au dossier) était largement supérieure à deux fois le montant du loyer hors charges et après déduction de l'APL, et elle n'a pas été soldée dans le délai légal, de sorte que la clause résolutoire a joué au 9 juin 2021.
En second lieu, Mme [Y], toujours dans les lieux, ne s'acquitte plus d'aucun paiement depuis le 7 juin 2021, de sorte que la dette locative s'élève à 4 279,07 euros, mensualité de mai 2022 incluse, ce qui légitime d'autant plus les frais engagés pour la procédure en résiliation et expulsion sur le fondement de l'acquisition de la clause résolutoire.
Mme [Y] n'a pas constitué avocat. L'appelant lui a fait signifier la déclaration d'appel, des conclusions et des pièces par acte du 11 juillet 2022 (copie déposée à l'étude).
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, il est rappelé que la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, n'est pas valablement saisie par les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », qui constituent des moyens et non des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Et il résulte de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré.
La défaillance de l'intimé n'a pas pour effet d'imposer à la cour d'appel d'accueillir obligatoirement les conclusions de l'appelant : la cour ne doit, par application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, faire droit à la demande de celui-ci que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée, et en examinant les motifs accueillis par le jugement, la cour retient les éléments de fait constatés par le premier juge à l'appui de ces motifs.
Sur le constat de la résiliation
L'article 835 alinea 1 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L'article 1728 du code civil et l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 obligent le locataire à payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Le contrat de bail signé par les parties contient une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit 'en cas de non-paiement des sommes dues à l'organisme, loyers ou charges régulièrement appelés, d'un montant au moins équivalent à 2 fois le montant mensuel net du loyer hors charges et déduction faite de l'A.P.L', 2 mois après un simple commandement de payer resté sans effet.
L'article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que "toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux" .
Le bailleur a fait délivrer le 8 avril 2021 un commandement de payer la somme de 859,05 euros au principal : l'historique du compte locatif arrêté au 15 mars 2021 joint à l'acte permet de vérifier que ce montant correspond au solde débiteur à cette date.
Le premier juge a défalqué de ce montant la somme de 703,32 euros, intitulée 'complémentaire octobre 2020", faute de justificatif.
En cause d'appel, le bailleur verse aux débats le duplicata de deux avis d'échéance pour octobre 2020, l'un concernant le loyer courant et l'autre portant sur la régularisation de diverses charges (VMC, marché multiservices, charges et eau) à hauteur de 703,32 euros. Pour autant, force est de constater qu'il n'est pas davantage produit le moindre justificatif à l'appui des charges ainsi facturées.
Dès lors, le commandement de payer ne peut être considéré comme valablement délivré qu'à hauteur de (859,05-703,32=) 155,73 euros.
Certes, le loyer hors charges s'élevant alors à 253,56 euros et l'APL versée à 225,69, le montant net du loyer hors charges et déduction faite de l'APL au sens de la clause résolutoire était alors de 27,87 euros par mois. De sorte que le seuil de déclenchement de la clause s'établissait à (2x27,87=) 55,74 euros, et non à deux fois le loyer hors charges, 490,06 € comme retenu à tort par le premier juge.
Cependant, il est constant qu'au cours des deux mois qui ont suivi le commandement, Mme [Y] a effectué deux versements de 85,75 euros chacun, et s'est donc acquittée d'une somme de 171,50 euros, soit un montant supérieur aux causes légitimes de l'acte, ainsi apurées.
Il en résulte que la clause résolutoire n'a pas joué, les conditions de son acquisition n'étant pas réunies à la date du 9 juin 2021.
La décision doit être confirmée en ce qu'elle a débouté l'Office public de l'Habitat de Haute-Garonne de sa demande de voir constater la résiliation du contrat de bail le liant à Mme [Y] par le jeu de la clause résolutoire, et en conséquence de sa demande d'expulsion.
Partant, ajoutant à la décision déférée, il y a lieu de rejeter pour les mêmes raisons la demande de condamnation de la locataire au paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation mensuelle.
Sur la provision sur les sommes dues
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'article 1728 du code civil et l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 obligent le locataire à payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, c'est moyennant un loyer mensuel que l'Office public de l'Habitat de la Haute-Garonne a consenti le bail à Mme [Y] et le relevé du compte locataire édité le 30 mai 2022 fait apparaître une dette locative d'un montant de 4 279,07 euros échéance de mai 2022 incluse.
De cette somme, doivent être déduits 703,32 euros de régularisation de charges non justifiées, comme il a été vu plus haut et retenu à juste titre par le premier juge.
Ne sont pas davantage explicitées et documentées les sommes facturées sous l'intitulé 'rectification périodes' en juillet 2019 et avril 2021, soit 429,55 euros au total.
Mme [Y] sera donc condamnée à payer à l'Office public de l'Habitat de la Haute-Garonne une provision de (4279,07-703,32-429,55=) 3 146,20 euros au titre de l'arriéré des loyers et indemnités d'occupation dus au 31 mai 2022, loyer de mai inclus. La décision déférée sera donc infirmée sur ce point par actualisation des sommes dues.
Sur les frais et dépens
L'Office public de l'Habitat de la Haute-Garonne qui succombe pour l'essentiel de son appel sera condamné aux dépens afférents et ne peut donc prétendre à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision de première instance étant confirmée de ces chefs.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qui concerne le montant de la provision allouée,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne Mme [E] [Y] à payer à l'Office public de l'Habitat de la Haute-Garonne une provision de 3146,20 euros au titre de l'arriéré des loyers et indemnités d'occupation dus au 31 mai 2022, loyer de mai 2022 inclus,
Y ajoutant,
Déboute l'Office public de l'Habitat de la Haute-Garonne de sa demande de condamnation de Mme [E] [Y] au paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation mensuelle,
Déboute l'Office public de l'Habitat de la Haute-Garonne de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Office public de l'Habitat de la Haute-Garonne aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER