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20/04/2023 | FRANCE | N°22/00386

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 avril 2023, 22/00386


20/04/2023



ARRÊT N°286/2023



N° RG 22/00386 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OSSA

EV/IA



Décision déférée du 22 Janvier 2019 - Juge de l'exécution de CARCASSONNE - 18/00196

S.MOLLAT

















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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

SUR RENVOI APRES CASSATION



APPELANTE



Madame [F] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno BINARD de la SELAS LABEL AVOCATS, avocat postulant a...

20/04/2023

ARRÊT N°286/2023

N° RG 22/00386 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OSSA

EV/IA

Décision déférée du 22 Janvier 2019 - Juge de l'exécution de CARCASSONNE - 18/00196

S.MOLLAT

[F] [L]

C/

[M] [I]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

SUR RENVOI APRES CASSATION

APPELANTE

Madame [F] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Bruno BINARD de la SELAS LABEL AVOCATS, avocat postulant au barreau de TOULOUSEet par Me Olivier TRILLES de la SELARL OLIVIER TRILLES, avocat plaidant au barreau de CARCASSONNE

INTIMÉ

Monsieur [M] [I]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe DUPUY de la SELARL DUPUY-PEENE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Ségolène ZICKLER, avocat plaidant au barreau de CARCASSONNE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 22 Février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

E.VET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre.

M. [M] [I] et Mme [F] [L] ont divorcé selon jugement du 22 juillet 1997 rendu par le tribunal de grande instance de Carcassonne.

M. [I] a été condamné à verser à Mme [L] :

' par jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne du 22 juillet 1997 la somme de 157 052,55 francs (23 942,51 €),

' par jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne du 18 octobre 1999 la somme de 10 000 Fr à titre de dommages-intérêts et 3000 Fr au titre de l'article 475 -1 du code de procédure pénale, soit 13000 Fr. (1.981,84 €),

' par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000 la somme de 91398,49 Fr (13 933,61 €).

Du 20 juin 2000 au 25 mai 2001, M. [I] a versé à Mme [L] 9X 457,35 soit 4116,15 €.

Par acte du 10 juin 2002, Mme [L], a engagé une procédure de saisie des rémunérations de M. [I] sur le fondement des trois titres exécutoires, pour un montant de 65'766,83 €, fructueuse à hauteur 7792,83 €. Par ordonnance du 15 avril 2011, le juge d'instance de Carcassonne a ordonné la mainlevée de cette saisie.

Par procès-verbal du 5 janvier 2018 dénoncé le 10 janvier 2018, Mme [L] a fait procéder à une saisie-attribution sur les comptes bancaires détenus par M. [I] dans les livres de la Banque Populaire du Sud, afin d'obtenir paiement d'une somme de 3.546,37 € en principal et intérêts en exécution de la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal correctionnel le 18 octobre 1999.

Par acte du 26 janvier 2018, M. [I] a fait assigner Mme [L] devant le juge de l'exécution de Carcassonne en contestation de la saisie.

Par jugement du 22 janvier 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Carcassonne a :

- constaté l'extinction de la créance allouée par le jugement du tribunal correctionnel le 18 octobre 1999,

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution,

- condamné Mme [L] à payer à M. [I] 2.000 € à titre de dommages- intérêts,

- condamné Mme [L] à payer à M. [I] 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 3 avril 2019, Mme [F] [L] a interjeté appel de la décision devant la cour d'appel de Montpellier.

Par arrêt contradictoire du 23 janvier 2020, la cour d'appel de Montpellier a :

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamné Mme [F] [L] à payer à M. [M] [I] la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné Mme [F] [L] aux dépens d'appel.

Mme [L] a formé un pourvoi contre cet arrêt.

Mme [L] a fait grief à l'arrêt :

- de constater l'extinction de la créance, allouée par le jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne du 18 octobre 1999, d'ordonner, en conséquence, la mainlevée de la saisie-attribution du 5 janvier 2018 sur les comptes de M. [I] ouverts à la Banque Populaire du Sud, de la condamner, en conséquence, à payer à M. [I] la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts, et de rejeter ses demandes alors « qu'en toute hypothèse, les dispositions légales relatives à l'imputation des paiements, qui sont supplétives de la volonté des parties, ne s'appliquent que si les parties n'ont pas exprimé de volonté contraire ; qu'en affirmant que « la totalité d(es) règlements (7 792,83 € par le biais de la saisie des rémunérations pratiquée le 10 juin 2002, et 457,35 x 9 = 4 116,15 € directement à l'huissier) deva(ient), à défaut de précision, être imputée sur la dette la plus ancienne en application de l'article 1342-10 du code civil, et en l'espèce la condamnation pénale » résultant du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Carcassonne le 18 octobre 1999, sans rechercher si, comme le soutenait Mme [L], les parties n'avaient pas convenu que ces règlements étaient venus s'imputer en paiement de la condamnation sociale prononcée par l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1342-10 du code civil. ».

Par arrêt du 30 novembre 2020, la deuxième chambre de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,

- condamné M. [I] aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par M. [I] et l'a condamné à payer à Mme [L] la somme de 3 000 €,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

La Cour de cassation a retenu au visa de l'article 1256, devenu 1342-10, du code civil :

- lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; sinon, sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point. Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement,

- pour constater l'extinction de la créance allouée par le jugement du tribunal correctionnel du 18 octobre 1999 et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que Mme [L] bénéficiait à l'encontre de son ex-époux de trois titres exécutoires, un jugement du 22 juillet 1997, un jugement correctionnel du 18 octobre 1999 et un arrêt d'une cour d'appel du 19 janvier 2000, et retenu qu'il ressortait d'un arrêt du 10 février 2003 que le montant de la prestation compensatoire et ses accessoires, au titre du jugement du 22 juillet 1997, avait été définitivement soldé, que M. [I] justifiait avoir versé, au titre des causes de la présente procédure, 7 792,83 € au moyen des saisies des rémunérations entre le 23 août 2002 et le 25 novembre 2010 et 4 116,15 € directement à l'huissier de justice, la totalité des règlements devant, à défaut de précision, être imputée sur la dette la plus ancienne en application de l'article 1342-10 du code civil, en l'espèce la condamnation pénale, alors que la saisie litigieuse porte encore sur le principal de cette condamnation de 1 981,84 €,

- en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait Mme [L], les parties n'étaient pas convenu que ces règlements étaient venus s'imputer sur les sommes dues en exécution de l'arrêt du 19 janvier 2000, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Elle a au surplus décidé qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt constatant l'extinction de la créance et ordonnant la mainlevée de la saisie-attribution, entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant Mme [L] au paiement de dommages-intérêts, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Par déclaration du 19 janvier 2022, Mme [F] [L] a saisi la cour d'appel de renvoi de Toulouse sollicitant la réformation ou l'annulation du jugement dont appel rendu le 22 janvier 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de Grande instance de Carcassonne en ce qu'il a :

- constaté l'extinction de la créance allouée par le jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne du 18 octobre 1999,

- en conséquence ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 5 janvier 2018 sur les comptes de M. [M] [I] ouverts à la Banque Populaire du Sud,

- condamné Mme [F] [L] à payer à M. [M] [I] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes de Mme [F] [L],

- condamné Mme [F] [L] aux dépens.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [F] [L], dans ses dernières écritures du 24 janvier 2022, demande à la cour au visa des articles 1353, 1153 devenu 1231-7 du code civil, anciens articles 1253, 1254, 1255 et 1256 du même code, L 313-3 du Code monétaire et financier, L111-7 et L121-3 du Code des procédures civiles d'exécution, de :

- infirmer l'ordonnance du juge de l'exécution du 22 janvier 2019,

- débouter M. [I] de ses demandes, conclusions fins et prétentions,

- prononcer l'absence d'extinction des créances de Mme [L] du fait du jugement du 18 octobre 1999,

- juger bien fondée la saisie-attribution pratiquée le 5 janvier 2018 sur les comptes bancaires de M. [I],

- condamner M. [I] à verser à Mme [L] la somme de 2.000 € au titre du préjudice moral,

- condamner M. [I] à verser à Mme [L] la somme de 2.000 € au titre du préjudice financier,

- condamner M. [I] à verser à Mme [L] la somme de 3.000 € au titre du caractère abusif de sa résistance,

- condamner M. [I] à verser à Mme [L] la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] aux entiers dépens de première instance d'appel et d'appel de renvoi, en ce compris les frais de saisie attribution.

M. [M] [I], dans ses dernières écritures en date du 23 mars 2022, demande à la cour au visa de l'article 1342-10 du code civil, de :

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal de Carcassonne le 22 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

Y rajoutant,

- condamner Mme [L] à payer à M. [I] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux entiers dépens de toute la procédure : première instance, appel, cassation et appel après renvoi de cassation outre l'ensemble des frais d'huissier exposés.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2023.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Sur la saisie-attribution :

Mme [L] rappelle qu'en accord avec elle, M. [I] a exécuté l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000 en procédant à 9 versements pour un total de 4116,15 € et que par la suite elle a engagé une procédure de saisie des rémunérations fructueuse à hauteur de 7792,83 €, ce qui a ramené la dette de M. [I] au titre de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000 à 57'974 €.

Elle explique avoir donné mainlevée de la saisie des rémunérations introduite le 10 juin 2002 suite à la contestation de M. [I] et en raison des frais induits par la poursuite de la procédure alors que le prélèvement mensuel était limité à 80 € par mois mais avoir précisé que la créance n'était pas soldée. Ainsi, c'est par erreur que le juge de l'exécution dans la décision déférée a expliqué sa renonciation à l'exécution de la saisie des rémunérations par une extinction de sa créance.

Elle considère que les règlements effectués par M. [I] dans le cadre de la saisie pratiquée sur ses rémunérations ne peuvent être affectés à la condamnation par le tribunal correctionnel du 18 octobre 1999 alors que les parties ont décidé de leur imputation à la condamnation du 19 janvier 2000.

Elle relève que si la dette issue du jugement du 18 octobre 1999 est la plus ancienne, elle est aussi la moins importante et que l'intérêt de M. [I] était d'éteindre principalement celle issue de l'arrêt du 19 janvier 2000 au regard du montant des intérêts encourus.

M. [I] oppose que suite à sa contestation de la procédure de saisie des rémunérations engagée le 1er février 2002, Mme [L], reconnaissant l'extinction de sa créance, a donné mainlevée de la mesure.

Il considère que le fait qu'à l'audience de plaidoirie du 6 juin 2011 elle ait contesté l'extinction de sa créance ne saurait remettre à néant a posteriori la reconnaissance de cette extinction faite deux mois auparavant.

Subsidiairement, il affirme ne jamais avoir indiqué que le montant prélevé par la saisie du 10 juin 2002 devait s'imputer sur les sommes dues en exécution de l'arrêt de la cour de Montpellier du 19 janvier 2000 et considère que le décompte d'un huissier n'engageant que ce dernier il ne peut être considéré comme relatant l'accord des parties. Dès lors, les montants prélevés doivent être imputés sur la dette la plus ancienne correspondant à la condamnation par le tribunal correctionnel du 18 janvier 1999 qui doit être considérée comme éteinte au regard de cette imputation.

La cour rappelle que M. [I] a été condamné à verser à Mme [L] :

' par jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne du 14 janvier 1999 la somme de 157 052,55 francs (23 942,51 €),

' par jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne du 18 octobre 1999 la somme de 10 000 Fr à titre de dommages-intérêts et 3000 Fr au titre de l'article 475 -1 du code de procédure pénale, soit 13000 Fr. (1.981,84 €),

' par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000 la somme de 91398,49 Fr (13 933,61 €)

soit un total de 39'857,96 €.

M. [I] évoque le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 2 janvier 2017, qu'il a contesté et qui a donné lieu à une décision du juge de l'exécution de Carcassonne du 21 novembre 2017 ordonnant un sursis à statuer dans l'attente du résultat de la médiation prononcée dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté matrimoniale. Cependant, ce commandement ne vise pas le jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne du 18 octobre 1999 mais seulement la décision du tribunal de grande instance de la même ville du 14 janvier 1999. Les suites données à ce commandement sont donc sans incidence sur la présente procédure.

sur la reconnaissance par Mme [L] de l'extinction de sa créance :

Du 20 juin 2000 au 25 mai 2001, M. [I] a versé à Mme [L] 9X 457,35 soit 4116,15 €.

Suite à l'arrêt de ces versements et par requête du 1er février 2002, Mme [L] a engagé une procédure de saisie des rémunérations de M. [I] pour un montant total de 384'590,82 Fr soit 65'766,84 € sur le fondement des trois titres visés mais aussi d'un jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne du 24 avril 2001 pour un montant de 123'139,77 Fr qui n'est pas produit à la présente instance. La requête précise qu'il convenait de déduire du principal n°3 c'est-à-dire correspondant à l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000, la somme de 27'000 Fr. soit 5770,30 €.

Il a été fait droit à la requête pour le montant demandé et la saisie a été fructueuse pour un total de 7792,83 € qui ont été imputés sur les sommes dues en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000.

Par acte du 19 février 2011, M. [I] a fait assigner Mme [L] en mainlevée de saisie des rémunérations.

Par courrier reçu le 14 avril 2011, Mme [L] a donné mainlevée de la mesure précisant « et bien que la créance ne soit pas soldée ». (En gras et souligné dans le courrier). La mainlevée totale de la saisie était ordonnée le 15 avril 2011.

Parallèlement, par assignation du 19 février 2011, M. [I] avait contesté la saisie des rémunérations et selon jugement du 6 septembre 2011, le juge d'instance de Carcassonne a déclaré la procédure sans objet en raison de l'ordonnance de mainlevée du 15 avril 2011.

La cour rappelle que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes non équivoques manifestant cette volonté. Le fait de mettre fin à une procédure d'exécution en cours ne peut suffire à lui seul pour établir la reconnaissance par le créancier qu'il a été désintéressé ou sa renonciation à son droit. Or, en l'espèce, les termes parfaitement clairs du courrier de Mme [L] du 14 avril 2011 accompagnant la demande de mainlevée de la saisie ne peuvent être interprétés comme une reconnaissance de ce que M. [I] a réglé la totalité de la dette ou portant renonciation à ses droits par la créancière.

En conséquence, contrairement à l'analyse du premier juge, il ne peut être déduit de la mainlevée donnée par Mme [L] à la procédure de saisie des rémunérations de M. [I] une reconnaissance de ce que l'intégralité de la somme avait été réglée.

sur l'imputation des versements et saisies pratiquées :

M. [I] fait valoir que dans le cadre de la saisie des rémunérations qui a été effectuée à compter du 10 juin 2002, il n'a jamais indiqué que les sommes saisies devaient être imputées sur les montants dus au titre de l'arrêt de la chambre sociale de la cour de Montpellier du 19 janvier 2000 et qu'il n'y a donc pas eu d'imputation conventionnelle.

Il rappelle qu'aux termes des dispositions de l'article 1342-10 du Code civil seul le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer celle qu'il entend acquitter et qu'en l'espèce il n'avait aucun intérêt à payer en priorité les sommes résultant de l'arrêt de la chambre sociale. Dès lors, l'imputation devait se faire sur la plus ancienne des dettes échues c'est-à-dire celle résultant de la décision du tribunal correctionnel du 18 janvier 1999 qui doit donc être considérée comme éteinte comme apurée par les sommes prélevées dans le cadre de la saisie des rémunérations à hauteur de 7792,83 €.

Aux termes des dispositions des articles 1253 et 1256 du Code civil, devenus l'article 1342-10 en cas de pluralité de dettes d'un débiteur envers un même créancier, la volonté du débiteur doit être recherchée et il peut lorsqu'il paie déclarer quelle dette il entend acquitter. A défaut d'affectation volontaire, l'imputation se fait par priorité sur la dette échue, en cas de dettes pareillement échues, la dette que le débiteur avait le plus d'intérêt à acquitter, et ce n'est que lorsque les dettes sont pareillement échues et que leur paiement présente un intérêt équivalent pour le débiteur que le critère de l'ancienneté doit être appliqué.

Cependant, ces dispositions sont supplétives de la volonté des parties et il convient de rechercher par priorité si les parties ont convenu de l'affectation des sommes versées par le débiteur volontairement ou par mesure d'exécution.

M. [I] ne conteste pas qu'il a choisi d'affecter les versements effectués du 20 juin 2000 au 25 mai 2001 antérieurement à la mesure de saisie, à hauteur de 4116,15 € à la dette résultant de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000.

En effet, les courriers des 30 mai et 14 juin 2000 accompagnant les deux premiers versements adressés par le conseil de M. [I] à celui de Mme [L] puis à Mme [L] mentionnent que sont joints des acomptes de 3000 Fr. (457,15 €) en exécution de l'arrêt du 19 janvier 2000, par la suite 7 autres versements ont été effectués sans que soit mentionnée une autre affectation.

Suite à l'arrêt de ces versements, par requête du 1er février 2002, Mme [L] a engagé une procédure de saisie des rémunérations perçues par M. [I] pour un montant total de 384'590,82 Fr soit 65'766,84 € sur le fondement des trois titres. Il a été fait droit à la demande pour le montant demandé et la saisie a été fructueuse pour un total de 7792,83 € qui ont été imputés sur les sommes dues en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 19 janvier 2000.

Il convient de relever que l'assignation délivrée par M. [I] le 19 février 2011 en mainlevée de cette saisie des rémunérations indique: « En ce qui concerne le règlement des sommes objet de la condamnation prononcée par l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel du 19 janvier 2020, [M] [I] s'est acquitté du paiement de la somme de 30'000 Fr. soit 4573,47 € réglé par acomptes mensuels de 3000 Fr. soit 457,35 € entre le mois de mai 2000 et le mois de mai 2001.

Parallèlement, Me [O], huissier de justice a procédé à la saisie des loyers revenant à [M] [I] à la société Reno-Fa pour un montant de 44'390 Fr. soit 6767,20 €.

À la suite de la saisie des rémunérations ordonnée le 10 juin 2002, la société BMF a versé directement la somme de 29'975,20 Fr. soit 4569,69 €. ».

Cette assignation n'évoque aucune dette autre que celle résultant de la condamnation par la cour d'appel de Montpellier et il n'est fait référence à aucune des deux autres décisions constitutives pour Mme [L] de titres exécutoires à son encontre.

Ainsi, et alors qu'il avait plusieurs dettes plus anciennes, M. [I] a choisi, pendant un an d'imputer les versements qu'il faisait sur la dette résultant de l'arrêt du 19 janvier 2000. De plus, si les décomptes établis par huissier ne sont pas par eux-mêmes révélateurs d'un accord avec le créancier, il n'en demeure pas moins que les décomptes qui ont été adressés à M. [I] portent exclusivement mention de la dette résultant de l'arrêt du 19 janvier 2020, ceci dans le prolongement des versements qu'il avait lui-même affecté à cette dette et sans contestation de sa part.

Enfin, M. [I] n'évoque aucune modification de sa situation entre la fin des versements qu'il a volontairement affectés à la dette résultant de l'arrêt du 19 janvier 2000 et la réalisation de la mesure d'exécution, justifiant qu'il soit mis fin à l'accord existant entre les parties sur l'imputation des versements.

Dès lors, il ne peut être reproché à Mme [L] d'avoir imputé les prélèvements effectués sur ses salaires conformément à cet accord antérieur que M. [I] n'avait pas remis en cause.

Ainsi, M. [I] ne démontre pas que le produit de la saisie des rémunérations aurait dû être affecté à la condamnation du tribunal correctionnel du 18 janvier 1999.

À défaut pour lui de démontrer que sa dette résultant de la condamnation par le tribunal correctionnel est éteinte, par cette affectation,il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'extinction de la créance de Mme [L] et ordonné la mainlevée de la saisie attribution effectuée le 5 janvier 2018 sur les comptes de M. [I] ouverts auprès de la Banque Populaire du Sud.

Sur les demandes de dommages-intérêts :

- de M. [I]:

Au regard de la solution du litige, M. [I] doit être débouté de sa demande, la mesure d'exécution pratiquée ne pouvant être qualifiée d'abusive. La décision déférée doit donc être infirmée de ce chef.

- de Mme [L] :

Mme [L] souligne que malgré une condamnation le 18 octobre 1999 pour organisation frauduleuse d'insolvabilité et de condamnation pour abandon de famille, M. [I] persiste à tenter d'échapper à ses obligations et multiplie les recours injustifiés, tentant par tout moyen d'échapper à l'exécution des obligations mises à sa charge malgré l'ancienneté des condamnations judiciaires dont il fait l'objet ce qui lui cause un préjudice moral doublé d'un préjudice financier.

L'article 1240 du même code : «Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. ».

Mme [L] invoque aussi l'article 1231-6 alinéa 2 du Code civil qui prévoit que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages-intérêts.

Si l'ancienneté du titre objet de la mesure ne peut être contestée, il résulte des pièces versées que de très nombreuses procédures ont opposé les parties et que plusieurs voies d'exécution ont été exercées par Mme [L]. Que d'ailleurs, si par acte du 2 janvier 2017, Mme [L] a fait signifier à M. [I] un commandement aux fins de saisie-vente pour obtenir règlement de la somme de 57'113,99 €, la contestation de ce commandement a abouti à un sursis à statuer dans l'attente du résultat de la médiation prononcée dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté matrimoniale. Il convient de conclure que les comptes entre les parties sont complexes.

De plus, l'ancienneté des titres dont bénéficie la créancière a aussi eu pour effet de faire courir des intérêts pour des montants particulièrement élevés qui se sont ajoutés à la dette, participant à la difficulté d'établir des comptes précis.

La faute de M. [I] n'est donc pas démontrée.

Au surplus, Mme [L] qui sollicite 2000 € à titre de préjudice moral et 2000 € pour préjudice financier ne caractérise ni l'un ni l'autre et ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande. Il convient en conséquence de rejeter ses demandes.

Elle sollicite au surplus 3000 € pour procédure abusive, sans expliciter sa demande dans la motivation de ses conclusions. En tout état de cause, l'engagement d'une action en justice et sa poursuite en appel constituent un droit dont l'exercice ne dégénère en abus qu'en cas de démonstration d'une faute non caractérisée en l'espèce.

La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée Mme [L] doit en conséquence être rejetée.

Enfin, l'équité commande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a octroyé à M. [I] 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de faire droit à la demande de Mme [L] à ce titre à hauteur de 2000 €.

M. [I] qui succombe est condamné à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, par infirmation du jugement déféré, conformément aux dispositions de l'article 639 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine:

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau :

Dit que la créance de Mme [F] [L] résultant du jugement du 18 octobre 1999 n'est pas éteinte,

Déclare bien fondée la saisie-attribution pratiquée par Mme [F] [L] sur les comptes bancaires de M. [M] [I] auprès de la Banque Populaire du Sud,

Rejette les demandes de dommages-intérêts présentées par Mme [F] [L],

Condamne M. [M] [I] à verser à Mme [F] [L] 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [M] [I] à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond comprenant ceux de la décision cassée et les frais de saisie-attribution.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I.ANGER C. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00386
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;22.00386 ?
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