23/03/2023
ARRÊT N° 218/2023
N° RG 22/00418 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OSX7
AM/CD
Décision déférée du 13 Juillet 2016 - Tribunal d'Instance de SETE - 1114000873
Mme [T]
S.C.I. CHEMIN VERT
C/
[G] [Z]
[A] [Z] VEUVE [X]
[W] [C]
[L] [C]
[H] [Z]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.C.I. CHEMIN VERT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Audrey LISANTI, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉS
Monsieur [G] [Z]
Es qualité d'héritier de madame [U] [Z], née [J], née le [Date naissance 2] 1914 à [Localité 12] décédée le [Date décès 5] 2013
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe GOURBAL de la SELARL ACTU AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [A] [Z] VEUVE [X]
es qualité d'héritier de madame [U] [Z], née [J], née le [Date naissance 2] 1914 à [Localité 12], décédée le [Date décès 5] 2013
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe GOURBAL de la SELARL ACTU AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [W] [C]
es qualité d'héritier de madame [U] [Z], née [J], née le [Date naissance 2] 1914 à [Localité 12], décédée le [Date décès 5] 2013
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Philippe GOURBAL de la SELARL ACTU AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [L] [C]
es qualité d'héritier de madame [U] [Z], née [J], née le [Date naissance 2] 1914 à [Localité 12], décédée le [Date décès 5] 2013
[Adresse 10]
[Localité 11] (LA REUNION)
Représenté par Me Philippe GOURBAL de la SELARL ACTU AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [H] [Z]
es qualité d'héritier de madame [U] [Z], née [J], née le [Date naissance 2] 1914 à [Localité 12], décédée le [Date décès 5] 2013
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 6]
Représenté par Me Philippe GOURBAL de la SELARL ACTU AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS
Le 9 avril 2010, la SCI Chemin Vert a fait délivrer à Mme [U] [Z], veuve de M. [K] [Z], un congé pour reprise au 31 octobre 2010 de la maison d'habitation dite "L'Etoile", située [Adresse 4] et occupée par cette dernière, qu'elle indique avoir acquise le 18 novembre 1994 de Mme [P], en viager.
Pour le relogement de Mme [Z], la propriétaire, a conclu un bail d'un an à compter du 1er juin 2010 avec M. [O] [I], portant sur un appartement situé à [Localité 6] dont elle a assumé le surcoût de loyer jusqu'au 31 mai 2011.
Mme [Z] est décédée le [Date décès 5] 2013.
PROCÉDURE
Par acte en date du 15 décembre 2014, M. [G] [Z], M. [H] [Z], Mme [A] [Z], M. [L] [C] et Mme [W] [C] (les consorts [Z]-[C]), venant aux droits de Mme [U] [Z], ont fait assigner la SCI Chemin Vert devant le tribunal d'instance de Sète aux fins de la voir condamner à payer le surcoût engendré par la relocation de Mme [U] [Z], suite au congé aux fins de reprise et les frais de déménagement.
Par jugement contradictoire en date du 13 juillet 2016, le juge a :
- dit que les consorts [Z]-[C] ont qualité pour agir,
Vu l'article 7-I al 1 de la loi du 6 juillet 1989,
- dit que l'action n'est pas prescrite,
- dit que le congé aux fins de reprise signifié le 9 avril 2010 est nul,
- condamné la SCI Chemin Vert à payer aux consorts [Z]-[C] :
* 5544 € au titre du surcoût du loyer acquitté de 2011 à 2013,
* 500 € au titre des frais de déménagement,
* 897 € au titre des honoraires de consultation,
*1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Chemin Vert aux dépens,
considérant que le congé violait les dispositions de l'article 15 la loi du 6 juillet 1989 en évoquant fallacieusement une résidence secondaire, omettant de viser l'article précité et fixant un délai de préavis et un terme de bail erronés.
Par déclaration en date du 23 août 2016, la SCI a interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif sont critiqués.
Par arrêt contradictoire en date du 28 mai 2019, la cour d'appel de Montpellier a :
- infirmé le jugement rendu le 13 juillet 2016 par le tribunal d'instance de Sète sauf en ce qu'il a dit que les consorts [Z]-[C] avaient qualité pour agir et que leur action n'était pas prescrite,
L'infirmant en ses autres dispositions et y ajoutant,
- dit que le congé délivré le 9 avril 2010 par la SCI Chemin Vert à [U] [Z] avec effet au 31 octobre 2010 est valable,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [G] [Z], [H] [Z], [A] [Z], [L] [C] et [W] [C] aux entiers dépens.
La cour d'appel a retenu que :
. le document en date du 20 mai 1971 aux termes duquel [K] [Z] reconnaît prendre en location la villa l'Étoile ne peut être considéré comme opposable à [U] [Z], en l'absence de son nom et de précision sur leur éventuel lien de parenté et il ne permet donc pas d'établir l'existence d'un bail écrit en faveur de [U] [Z],
. le bail liant les parties est donc un bail verbal soumis au seul article 1736 du code civil et, en outre, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ne s'applique pas aux contrats conclus antérieurement à la loi, même s'il est visé dans le congé, d'autant que celui-ci dit concerner une résidence secondaire,
. l'article 1736 du code civil exige de respecter seulement les délais fixés par l'usage des lieux et ne prévoit aucun formalisme, ni aucun motif s'agissant d'un acte discrétionnaire et en l'espèce le congé a été délivré avec un préavis de six mois qui doit être considéré comme un préavis raisonnable.
Les consorts [Z]-[C] ont formé un pourvoi.
Par arrêt en date du 24 novembre 2021, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier,
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,
- condamné la société civile immobilière Chemin vert aux dépens,
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société civile immobilière Chemin vert et l'a condamné à payer à MM. [G] et [H] [Z], Mme [A] [Z] et M. [L] [C] et Mme [W] [C] la somme globale de 3 000 euros,
- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.
Pour se déterminer ainsi, la cour a jugé, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, qu'en retenant qu'aucun élément ne permet de considérer que le document en date du 20 mai 1971, aux termes duquel un dénommé [K] [Z] reconnaît prendre la villa en location à compter du 1er juin 1971 pour une période indéterminée, est opposable à [U] [Z], son nom n'y figurant pas et aucune précision n'étant donnée sur leur lien de parenté, qu'il doit donc être considéré que le bail liant les parties est un bail verbal qui ne se trouve pas soumis à la loi n 89-462 du 6 juillet 1989 et que, par conséquent, le congé doit obéir aux prescriptions de l'article 1736 du code civil, qui exige seulement de respecter les délais fixés par l'usage des lieux et ne prévoit aucun formalisme ni aucun motif, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office et tiré de l'absence de lien de parenté entre [U] [Z] et [K] [Z] et du caractère verbal du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Par déclaration en date du 21 janvier 2022, la SCI Chemin Vert a saisi la cour d'appel de Toulouse désignée comme cour de renvoi, pour obtenir dans les limites de la portée de la cassation, l'annulation, l'infirmation ou, à tout le moins, la réformation du jugement rendu par le tribunal d'instance de Sète le 13 juillet 2016 en toutes ses dispositions.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SCI Chemin Vert, dans ses dernières écritures en date du 23 juin 2022, demande à la cour au visa des articles 1736 du code civil, 74§3 de la loi de 1948 et 12 du code de procédure civile, de :
À titre principal,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juillet 2016
- constater la validité du congé délivré le 9 avril 2010,
- débouter purement et simplement les consorts [Z]-[C] de l'ensemble de leur demande, fins et conclusions
À titre subsidiaire,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal d'instance de Sète en date du 13 juillet 2016 comme étant injustes et mal fondées,
- débouter purement et simplement les consorts [Z]-[C] de l'ensemble de leur demande, fins et conclusions.
En toute hypothèse et statuant à nouveau,
- condamner solidairement M. [G] [Z], M. [H] [Z], Mme [A] [Z] veuve [X], M. [L] [C] et Mme [W] [C] à payer à la SCI Chemin Vert une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance, d'appels que de pourvoi.
Elle fait valoir à titre principal que :
- il n'est pas produit de contrat de bail d'habitation écrit entre Mme [U] [Z] et elle :
. le document du 20 mai 1971 fait expressément référence à un bail commercial,
. et Mme [Z] faisait écrire par un courrier de la Confédération Nationale du Logement en date du 22 mai 2000, qu'elle occupait le logement au titre d'un bail verbal depuis 1972 relevant des dispositions de la loi de 1948,
- les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ne sont applicables qu'aux contrats conclus par écrit postérieurement à son entrée en vigueur, et relatifs à une résidence principale : Mme [Z], âgée de 95 ans, vivait en réalité chez sa fille où le congé lui a été délivré à personne,
- les règles de congé sont identiques qu'il s'agisse d'un bail verbal ou d'un bail écrit soumis à la loi de 1948 : aucun formalisme particulier n'est exigé,
. le congé délivré par acte d'huissier le 9 avril 2010 ne fait aucun doute sur les intentions de la SCI Chemin Vert de mettre fin au contrat de location et respecte parfaitement les usages en la matière, un délai suffisant de six mois a été laissé à la locataire et elle a été déménagée et relogée par la SCI Chemin Vert qui a pris à sa charge la différence de loyer pendant un an.
À titre subsidiaire et si ce congé était considéré comme nul, la SCI soutient que les sommes allouées aux consorts [Z]-[C] sont injustifiées :
- s'agissant du surcoût de loyer, 252 euros par mois, elle l'a assumé au-delà de l'expiration du congé en octobre 2010 et jusqu'au terme du bail conclu par elle jusqu'en mai 2011, dans un souci d'apaisement, mais elle ne s'était pas engagée à le régler ensuite : aucune action en paiement n'a d'ailleurs été engagée entre la fin de ce bail et le décès de Mme [Z],
- pour ce qui est des frais de déménagement et d'emménagement, ils ne sont pas justifiés par une facture, elle a pris en charge le coût du déménagement et aucun frais de déménagement ne peut lui être imputé,
- les frais d'avocat, 897 euros, pris en compte par le tribunal en sus de l'article 700, ont été acquittés par Mme [S] [V], associée de la SCI : les factures sommaires fournies sont établies au nom de M. [G] [Z], et aucun flux financier n'est produit au débat.
M. [G] [Z], M. [H] [Z], Mme [A] [Z] veuve [X], M. [L] [C] et Mme [W] [C], dans leurs dernières écritures en date du 20 juin 2022, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 13 juillet 2016 par le Tribunal d'instance de Sète en ce qu'il a :
* dit que les consorts [Z]-[C] ont qualité pour agir,
* dit que l'action n'est pas prescrite,
* dit que le congé signifié le 9 avril 2010 est nul,
* condamné la SCI Chemin Vert à payer aux consorts [Z]-[C] :
* 5.544€ au titre du surcoût de loyer acquitté de 2011 à 2013
* 897€ au titre des honoraires de consultation
* 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Sur l'appel incident :
- infirmer le jugement rendu le 13 juillet 2016 par le Tribunal d'instance de Sète en ce qu'il a condamné la SCI Chemin Vert à payer la somme de 500€ au titre des frais de déménagement,
Statuant à nouveau,
- condamner la SCI Chemin Vert à payer aux consorts [Z]-[C] la somme de 1000€ au titre des frais de déménagement,
- condamner la SCI Chemin Vert à payer aux consorts [Z]-[C] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et aux dépens liés à l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier cassé par la Cour de cassation, conformément aux dispositions de l'article 639 du code de procédure civile.
Les héritiers de Mme [Z] exposent que celle-ci pensait pouvoir, après des travaux bien nécessaires, revenir dans la maison où elle avait passé la majorité de sa vie : elle a contesté la validité du congé par courrier du 2 mai 2011, en vain.
Ils soulignent que devant le tribunal comme devant la cour, la SCI contestait leur intérêt à agir mais pas l'existence du bail de 1971 et l'application de la loi du 6 juillet 1989.
Sur la nullité du congé, les consorts [Z] soutiennent que :
- un contrat de bail d'habitation a bien été conclu le 1er juin 1971 entre Mme [P] et M. [K] [Z] qui s'y est installé avec son épouse, Mme [U] [J] épouse [Z] :
. le bail s'est poursuivi avec celle-ci au décès du mari le 8 juin 1974, en application de l'article 1751 du code civil,
. la SCI Chemin Vert était informée lors de l'achat de l'immeuble de la présence d'un occupant dont elle devenait automatiquement le bailleur, et le fait que Mme [U] [Z] ait indiqué en 2000 qu'elle occupait le logement dans le cadre d'un bail verbal depuis 1972 ne permet pas d'éluder la réalité du contrat produit,
. il n'y est fait référence aux baux commerciaux que pour l'augmentation du loyer,
- l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, loi spéciale, est applicable aux contrats de location en cours, aux termes de l'article 25, même si une autre loi est applicable au bail :
. le congé n'est pas valable car il vise à tort une résidence secondaire, un terme du bail erroné, et a également été délivré à M. [G] [Z] qui n'a jamais été locataire des lieux,
. Mme [Z] y vivait même si elle se rendait fréquemment chez sa fille, à 150 mètres, et elle a pu ne pas entendre l'huissier s'il s'est contenté de frapper au portillon de la maison,
. en vertu de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 applicable aux contrats en cours, le contrat a été reconduit tacitement pour 3 ans depuis au moins 1989 et pour la dernière fois le 30 mai 2010, de sorte que le congé aurait dû être délivré au plus tard le 30 novembre 2009,
. le bailleur n'a pas proposé le relogement correspondant à ses besoins et possibilités exigé par l'article 15 III de la loi : le loyer était de 540 euros contre 295 euros pour la maison, et son revenu fiscal était de 584 euros par mois.
En conséquence de la nullité du congé, ils réclament :
- la confirmation du jugement en ce qui concerne :
. le surcoût de loyer, assumé seulement un temps par la SCI à laquelle Mme [Z] versait 295 euros de loyer, conformément à l'article 15 III : elle aurait dû pouvoir retourner dans la maison à l'issue des travaux et ne pas supporter la charge mensuelle supplémentaire de 252 euros jusqu'à son décès, et la bailleresse avait d'ailleurs proposé de transiger à hauteur de 4000 euros, donc au-delà du terme du bail selon le congé délivré,
. et les frais d'avocat qu'elle a exposés pour essayer de se défendre à la réception du congé, avec l'aide de son fils qui a reçu les factures afférentes : la facture réglée par Mme [V] est sans rapport,
- et son infirmation sur les frais de déménagement, effectué par la seule famille de Mme [Z].
Enfin, la demande de condamnation au titre de l'article 700 formulée par la SCI Chemin Vert est infondée au regard de l'autorité de la chose jugée, les frais liés au pourvoi en cassation ayant été définitivement mis à sa charge par arrêt de la Cour de cassation du 24 novembre 2021.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, il sera relevé que la SCI Chemin vert qui a saisi la cour de l'ensemble des chefs du jugement du 13 juillet 2016, ne demande pas à la juridiction de déclarer irrecevable l'action des consorts [Z]-[C] pour défaut de qualité pour agir ou comme prescrite, de sorte que ces dispositions seront confirmées, comme sollicité par les consorts [Z]-[C].
Sur le bail liant la SCI Chemin vert et Mme [Z]
Les parties s'accordent à reconnaître que Mme [Z] bénéficiait d'un contrat de bail portant sur la villa l'Etoile occupée depuis 1971. Elles s'opposent sur la portée du document signé le 20 mai 1971 par l'époux de Mme [Z] et Mme [P], alors propriétaire des lieux, et partant, sur l'existence d'un contrat de bail écrit ou simplement verbal.
La SCI Chemin vert indique ne pas savoir le sort réservé à cet écrit, qui, selon elle, ne concerne aucune des parties et même pas Mme [Z] ; il doit cependant être noté qu'elle ne prétend pas avoir découvert inopinément la présence de celle-ci dans les lieux et qu'elle ne produit pas l'acte en vertu duquel elle a acquis le bien et qui a pourtant dû aborder cette question.
En toute hypothèse, elle ne discute pas la réalité et l'authenticité de cet écrit, quoiqu'il en soit de l'allusion à un bail verbal prêtée à Mme [Z] dans un courrier de la Confédération nationale du Logement en date du 22 mai 2000 : elle conteste seulement le fait qu'il caractérise un bail d'habitation, au seul motif qu'il y serait expressément fait référence à un bail commercial pour une durée minimale de 9 années.
En réalité, l'acte est ainsi rédigé : 'Je soussigné, [Z] [K], reconnais prendre en location à compter du 1er juin 1971 pour une période indéterminé qui ne peut être cependant inférieure à 9 ans, la villa 'L'Étoile' appartenant à Mme [F] [P], au prix annuel de 3600 Francs, maison et terrain compris. Les augmentations éventuelles du loyer s'effectuant suivant le principe appliqué aux baux commerciaux. Je déclare également prendre à ma charge les frais d'entretien et des menues réparations. Cette attestation a été faite en deux exemplaires dont l'un a été remis à Mme [P].'.
L'on voit que la référence faite aux règles applicables en matière commerciale est purement incidente et que celles-ci sont présentées comme extérieures au bail convenu, puisqu'il s'agit seulement de leur emprunter un mécanisme d'augmentation du loyer.
Il ne peut pas davantage être considéré que la précision d'une durée minimale de 9 ans est une référence expresse à un bail commercial, même si le chiffre retenu coïncide.
Au demeurant, il n'est pas soutenu que M. [Z] était commerçant et que les époux aient utilisé les lieux pour autre chose que leur habitation, alors que l'immeuble, qualifié de villa et de maison et assorti de terrain, présente à l'évidence les caractéristiques d'une maison d'habitation.
Dès lors, il doit être retenu, par application des articles 1751 et 1743 du code civil, que Mme [Z], qui disposait d'un droit au bail en sa qualité d'épouse de M. [K] [Z], et la SCI Chemin vert, à laquelle le bail consenti par la précédente propriétaire des lieux est opposable, étaient bien liées par un bail d'habitation.
Sur le congé délivré le 9 avril 2010
La SCI Chemin vert soutient que les règles édictées par la loi du 6 juillet 1989 en matière de congé ne concernent pas le bail liant les parties, ne s'agissant ni d'un bail écrit conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, ni d'un bail portant sur une résidence principale.
S'agissant de l'application de la loi dans le temps, l'article 25 de la loi du 6 juillet 1989 a expressément en son paragraphe. II est précisé que les contrats de location en cours à la date de sa publication demeuraient soumis aux dispositions qui leur étaient applicables, à l'exception des dispositions des deux derniers alinéas de l'article 10, des articles 15, 17, 18, 19 et 24 : ces articles s'appliquent aux contrats dès la publication de ladite loi et ils comprennent les règles relatives au congé.
S'agissant de son champ d'application, la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs précise en son article 2 que le titre 1er, en ce compris les dispositions relatives au congé, s'applique aux locations de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu'aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation.
Il incombe aux ayants-droit de Mme [Z], qui revendiquent l'application de la loi du 6 juillet 1989, de démontrer que la [Adresse 4] constituait la résidence principale de la locataire à la date du congé.
Pour ce faire, ils produisent les attestations de quatre de ses amis qui déclarent lui avoir rendu visite à cette adresse jusqu'en avril 2010, régulièrement et jusqu'à 4 fois par semaine, et l'un de ses petits-enfants témoigne dans le même sens.
Des factures de télé assistance lui ont été adressées à cet endroit en avril et mai 2010.
L'association Sesam34 écrit également qu'une aide à domicile lui a été apportée 3 fois par semaine de 11h à 13 heures 'sur son lieu de résidence au [Adresse 4] pour la période du 18 février 2003 au [Date décès 5] 2013", et même s'il y a nécessairement une erreur sur l'adresse de Mme [Z] à partir de juin 2010, il n'est en tout état de cause jamais question de celle de sa fille.
C'était également l'adresse connue de la CPAM.
Enfin, il est à noter qu'après l'avoir quittée suite au congé litigieux, la locataire a emménagé non chez sa fille mais dans l'appartement loué à M. [I], et elle y résidait encore au moment de sa mort, au vu du certificat d'hérédité dressé par le maire.
Au demeurant, l'huissier de justice qui a cherché en vain à vérifier sa présence dans les lieux loués à plusieurs occasions des mois d'avril et de mai 2010, indique certes que personne ne lui a répondu lorsqu'il a frappé au portillon, et non frappé ou sonné à la porte de la maison elle-même, mais il ne décrit pas pour autant une maison désertée, aux volets fermés.
Il apparaît donc que même si Mme [Z] se rendait fréquemment chez sa fille et a pu se trouver chez celle-ci aux heures de visite de l'huissier de justice, elle n'y a jamais eu sa résidence principale et elle continuait à résider effectivement et principalement Villa de l'Etoile où elle était officiellement domiciliée, bénéficiait d'aides à domicile et recevait plus d'une dizaine de visites hebdomadaires de ses proches.
Les dispositions de l'article 15, dans sa rédaction applicable aux faits, trouvent donc bien à s'appliquer au congé qui lui a été délivré le 9 avril 2010.
Elles sont ainsi libellées : 'I. - Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
Le délai de préavis applicable au congé est de trois mois lorsqu'il émane du locataire et de six mois lorsqu'il émane du bailleur. Toutefois, en cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois. Le délai est également réduit à un mois en faveur des locataires âgés de plus de soixante ans dont l'état de santé justifie un changement de domicile ainsi que des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou signifié par acte d'huissier. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier.
Pendant le délai de préavis, le locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.
A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.
II. -...
III. - Le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée.
Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance.
L'âge du locataire et celui du bailleur sont appréciés à la date d'échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.'
Au cas d'espèce, la famille [Z] met en avant le non-respect des délais au regard des reconductions tacites successives et la proposition d'un logement ne correspondant aux possibilités financières de leur parente.
De fait, la SCI Chemin vert ne soutient pas le contraire, il découle des règles instaurées par l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 en matière de reconduction tacite, applicables aux baux en cours comme il a été vu plus haut, que le bail liant des parties a été reconduit tacitement à défaut de congé pour des périodes successives d'abord de 9 ans puis de 3 ans à compter de la loi modificative du 24 juillet 1994 : conclu le 20 mai 1971 à effet au 1er juin suivant, il a ainsi été tacitement reconduit jusqu'au 31 mai 2010.
Dès lors, signifié le 9 avril 2010, le congé délivré par la SCI Chemin vert à Mme [Z] ne respectait pas le délai de préavis de six mois applicable : étant donc tardif, c'est à bon droit qu'il a été déclaré nul par le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point.
Sur les dommages et intérêts
Sur le fondement de l'article 1147 du code civil, les consorts [Z]-[C] réclament les sommes de 5 544 € au titre du surcoût du loyer acquitté de 2011 à 2013, 1000 € au titre des frais de déménagement, et 897 € au titre des honoraires de consultation.
S'agissant du surcoût de loyer, la SCI Chemin vert oppose en substance qu'elle n'était pas tenue contractuellement à son paiement au-delà du terme prévu pour le congé, soit le 31 octobre 2010 : en effet, cette somme est réclamée sur le fondement non des dispositions du contrat mais de sa responsabilité contractuelle, engagée pour avoir imposé un congé non valablement délivré.
Et du fait d'un relogement auquel elle n'aurait pas dû être contrainte avant l'échéance triennale suivante, juin 2013, Mme [Z] a exposé jusqu'à son décès en mars 2013 des frais de loyer dépassant de 252 euros le loyer contractuel, et ce, à compter du 1er juin 2011, selon les déclarations convergentes des parties.
Ce préjudice doit être réparé par l'octroi d'une somme de (252 x 22 mois =) 5544 euros, comme retenu à juste titre par le premier juge.
Pour ce qui est du déménagement, s'il est acquis qu'il n'a pas donné lieu à établissement et acquittement d'une facture, il est en revanche certain qu'il a eu lieu et a constitué une charge pour Mme [Z], indue au regard de la tardiveté du congé délivré. La famille [Z] réclame 1000 euros au titre de ce déménagement qu'elle indique avoir fait seule, même si l'une des intimés le relate, le jardinier de la bailleresse a effectué certains des trajets et transports nécessaires.
Les parents de la personne mandatée par la SCI confirment que leur fils a 'participé au déménagement' contre rémunération, habituellement 500 à 1000 euros par déménagement, en fonction du travail à effectuer.
Il est donc établi que la bailleresse a participé financièrement au déménagement imposé à sa locataire, nullement qu'il n'a ainsi subsisté aucun frais ou dommage pour cette dernière.
Pour autant, la famille [Z] n'en a pas supporté la charge totale alléguée, et c'est donc par une juste appréciation des éléments de la cause qu'une somme de 500 euros a été allouée à ce titre par le premier juge.
S'agissant enfin des frais d'avocat exposés par la locataire en sus des frais irrépétibles liés à la procédure, la somme réclamée correspond au total des trois factures dites acquittées établies par Me [N] et portant la référence [Z]/SCI Chemin vert, même si elles sont adressées à 'Mme [G] [Z]' et non à Mme [U] [Z].
La SCI soutient qu'elle a payé cette somme : elle produit une quatrième facture dite acquittée, établie au nom de sa gérante et avec la même référence mais sous un numéro différent, dont il doit être déduit qu'elle a versé elle aussi des sommes à cet avocat au titre de sa tentative de concilier les parties mais pas qu'elle a assumé le paiement des autres factures présentées à la famille [Z].
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la bailleresse à verser la somme de 897 euros à ce titre aux consorts [Z]-[C].
Sur les frais et dépens
La SCI Chemin Vert qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel devant les deux cours d'appel saisies, en sus des dépens de première instance.
L'équité commande d'allouer aux consorts [Z]-[C] la somme supplémentaire de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la SCI Chemin Vert à payer M. [G] [Z], M. [H] [Z], Mme [A] [Z] veuve [X], M. [L] [C] et Mme [W] [C] la somme supplémentaire de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Chemin Vert à supporter les dépens d'appel devant les cours d'appel de Montpellier et de Toulouse.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER