21/03/2023
ARRÊT N°198/2023
N° RG 22/01557 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OX2C
CBB/IA
Décision déférée du 12 Avril 2022 - Président du TJ de TOULOUSE ( 21/01954)
G.SAINATI
[X] [Y]
[D] [H]
[A] [L]
[J] [K]
[O] [S]
[U] [F]
C/
S.A.S. [21]
S.A.S. [12]
S.A.S. [26]
Syndicat [23]
Syndicat [19]
Syndicat [20]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Madame [X] [Y]
Es qualité d'inspecteur du travail
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représentée par Me Christophe EYCHENNE, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [D] [H]
Es qualité d'inspecteur du travail
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représentée par Me Christophe EYCHENNE, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [A] [L]
Es qualité d'inspecteur du travail
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représentée par Me Christophe EYCHENNE, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [J] [K]
Es qualité d'inspecteur du travail
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représentée par Me Christophe EYCHENNE, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [O] [S]
Es qualité d'inspecteur du travail
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représenté par Me Christophe EYCHENNE, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [U] [F]
Es qualité d'inspecteur du travail
[Adresse 10]
[Adresse 10]
Représenté par Me Christophe EYCHENNE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES
S.A.S. [21]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Philippe BOUCHEZ-EL GHOZI du PARTNERSHIPS PAUL HASTINGS (Europe) LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.A.S. [12]
[Adresse 11]
[Localité 6]
Représentée par Me Robin TESSEYRE, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. [26]
Représentée par ses représentants légaux en exercice
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Séverine FAINE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON
[23]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Représentée par Me Marie-elodie ROCA de l'AARPI LAUNOIS-ROCA, avocat au barreau de TOULOUSE
Syndicat [19]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Pauline VAISSIERE de la SELARL VOA, avocat au barreau de TOULOUSE
Syndicat [20]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Marianne DESSENA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C.BENEIX-BACHER, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
La SA [21] exploite plusieurs commerces de détail alimentaire à [Localité 28] et sa proche banlieue':
- [24] à [Localité 22],
- Supermarché [14] [Localité 13],
- Supermarché [15],
- Supermarché [17],
- Supermarché [16].
Suivant contrat cadre du 21 juin 2019 elle a externalisé les activités de surveillance et de gardiennage de ses supermarchés auprès de la SA [26] qui les a sous traitées à la SAS [12] lesquelles s'exercent notamment les dimanches de 13 à 24 heures en mode de paiement automatisé.
L'inspection du travail a réalisé des contrôles au sein des magasins [14] susvisés ouverts en mode automatisé notamment les dimanches après midi en juillet et octobre 2021 au cours desquels elle a relevé des infractions à la législation sur le repos dominical en ce que les agents de sécurité présents sur place exerçaient des fonctions habituellement dévolues aux salariés de l'entreprise de commerce de détail alimentaire.
PROCEDURE
Par acte en date du 12 novembre 2021, les inspectrices et inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n° 1, 3, 4 et 5 et de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal, en la personne de Mesdames [Y] [X], [H] [D], [L] [A], [K] [J] et Messieurs [S] [O] et [F] [U], agissant ès qualités ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse la SAS [21] sise [Adresse 1] et pour ses établissements secondaires [24] [Localité 22], supermarché [14] [Localité 13], supermarché [15], supermarché [17], supermarché [16], la SAS [26] et la SAS [12] sur le fondement des articles L 3132-31 du code du travail et 46 du code de procédure civile pour':
- dire recevable leurs demandes,
- obliger les demandeurs à fermer le dimanche à 13 heures leurs magasins,
- interdire à la société SAS [26] d'employer des salariés le dimanche après 13 heures dans lesdits magasins,
- accompagner l'obligation fixée à la société SAS [21] d'une astreinte de 20 000 euros par dimanche et par salarié illégalement employés,
- accompagner l'interdiction fixée à la société SAS [26] d'une astreinte de 20 000 euros par dimanche et par salariés illégalement employés,
- accompagner l'interdiction fixée à la société SAS [12] d'une astreinte de 20 000 euros par dimanche et par salariés illégalement employés,
- dire que le juge des référés se réservera le droit de procéder à la liquidation de l'astreinte qu'il aura fixée conformément à l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,
- nommer la SCP [E] [R], en la personne de M. [R], huissier de justice, chargé de l'application e l'ordonnance à intervenir, en lui permettant de pénétrer dans les établissements, de recueillir le nom des personnes éventuellement présentes dans les locaux considérés, de consulter tout registre ou tout document quel qu'en soit le support permettant de constater l'emploi des salariés le dimanche après-midi et le respect de l'ordonnance à intervenir, en se faisant le cas échéant et selon les besoins, accompagné d'un inspecteur ou contrôleur du travail désigné par lui,
- condamner les sociétés défenderesses aux entiers dépens,
- condamner les sociétés SAS [21], la SAS [26] et la SAS [12] au paiement de la somme de 5000 euros versée au profit du Trésor Public au titre des frais prévus par l'article 700 du CPC.
Par ordonnance contradictoire en date du 12 avril 2022, le juge a :
- déclaré irrecevable l'action engagée par les inspectrices et inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n° 1, 3, 4 et 5 et de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal, en la personne de Mesdames [Y] [X], [H] [D], [L] [A], [K] [J] et Messieurs [S] [O] et [F] [U], agissant ès qualités ainsi que les interventions volontaires de la [23] ([23]), du syndicat [19], le syndicat [20],
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du CPC,
- laissé à chacune des parties, les dépens par elle exposés.
Par déclaration en date du 21 avril 2022, Mme [X] [Y], Mme [D] [H], Mme [A] [L], Mme [J] [K], M. [O] [S] et M. [U] [F] ont ès qualité inspecteurs du travail, interjeté appel de la décision, sollicitant sa réformation en ce que leur action a été déclarée irrecevable.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [X] [Y], Mme [D] [H], Mme [A] [L], Mme [J] [K], M. [O] [S] et M. [U] [F] (les inspecteurs du travail), dans leurs dernières écritures en date du 5 décembre 2022, demandent à la cour de:
- infirmer la décision dont appel en tant qu'elle a déclaré irrecevable l'action introduite par les concluants et les demandes qu'elle supporte.
Statuant à nouveau,
- déclarer ces demandes recevables et y faire droit comme ci-dessous,
- faire injonction à la société SAS [21] de fermer le dimanche à 13 heures les magasins suivants :
* [14] [Localité 13] sis au [Adresse 2],
* [15] sis au [Adresse 8],
* [16], sis à [Adresse 25],
* [17] sis au [Adresse 7],
* [24] [Localité 22], sis [Adresse 27],
- faire injonction à la société SAS [26] de ne pas affecter de salariés dans lesdits magasins le dimanche après 13 heures,
- faire injonction à la société [12] de ne pas affecter de salariés dans lesdits magasins le dimanche après 13 heures,
- assortir l'injonction faite à la société SAS [21] d'une astreinte de vingt mille (20 000) euros par dimanche et par salariés illégalement employés,
- assortir l'injonction faite à la société SAS [26] d'une astreinte de vingt mille (20 000) euros par dimanche et par salariés illégalement employés,
- assortir l'injonction faite à la société SAS [12] d'une astreinte de vingt mille (20 000) euros par dimanche et par salariés illégalement employés,
- se réserver la liquidation de l'astreinte fixée, conformément à l'article L131-3 du code des procédures civiles d'exécution,
- désigner la SCP [E] [R], en la personne de Maître [R], Huissier de justice, chargé de l'application de l'ordonnance à intervenir, et l'autoriser à pénétrer dans les établissements afin de recueillir le nom des personnes éventuellement présentes dans les locaux considérés, de consulter tout registre ou document quel qu'en soit le support permettant de constater l'emploi de salariés le dimanche après-midi et le respect de l'ordonnance à intervenir, en se faisant le cas échéant et selon les besoins, accompagné d'un inspecteur ou contrôleur du travail désigné par lui,
- condamner solidairement les sociétés SAS [21], SAS [26] et SAS [12] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- condamner solidairement les sociétés SAS [21], SAS [26] et SAS [12] à la somme de sept mille (7000) euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit du Trésor public.
La SAS [21], dans ses dernières écritures en date du 24 janvier 2023, demande à la cour au visa des articles L3132-31 du code du travail, L611-1 et L612-2 du code de la sécurité intérieure, de :
- confirmer l'ordonnance rendue le 12 avril 2022 par le Premier vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse et, en conséquence,
- déclarer irrecevable l'action engagée par les inspectrices et inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n° 1, 3, 4 et 5 et de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal, en la personne de Mesdames [Y] [X], [H] [D], [L] [A], [K] [J] et Messieurs [S] [O] et [F] [U], agissant ès qualités ainsi que les interventions volontaires de la [23] ([23]), du syndicat [19], du syndicat [20],
- condamner les inspectrices et inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n° 1, 3, 4 et 5 et de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal, en la personne de Mesdames [Y] [X], [H] [D], [L] [A], [K] [J] et Messieurs [S] [O] et [F] [U], agissant ès qualités, à payer à la société [21], la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel,
- condamner les syndicats [23] ([23]), [19] et [20] à payer, chacun, à la société [21] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel,
A titre subsidiaire, Sur les prétentions des inspecteurs du travail, Vu l'article 568 du Code de procédure civile,
- Juger irrecevable, à tout le moins rejeter, la demande d'évocation formée par les inspectrices et inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n° 1, 3, 4 et 5 et de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal, en la personne de Mesdames [Y] [X], [H] [D], [L] [A], [K] [J] et Messieurs [S] [O] et [F] [U], agissant ès qualités,
A titre très subsidiaire, Vu ensemble les articles L. 3132-3, L. 3132-12, L. 3132-13 et R. 3132-5, L. 3132-31 du Code du travail, Vu les articles R. 123-11 et R. 123-12, devenu R.143-12 du code de la construction et de l'habitation, Vu la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité,
- juger n'y avoir lieu à référé ;
- débouter de leurs prétentions les inspectrices et inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n° 1, 3, 4 et 5 et de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal, en la personne de Mesdames [Y] [X], [H] [D], [L] [A], [K] [J] et Messieurs [S] [O] et [F] [U], agissant ès qualités ;
En tout état de cause, Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile,
- condamner les inspectrices et inspecteurs du travail de l'unité de contrôle n° 1, 3, 4 et 5 et de l'unité régionale de lutte contre le travail illégal, en la personne de Mesdames [Y] [X], [H] [D], [L] [A], [K] [J] et Messieurs [S] [O] et [F] [U], agissant ès qualités, à payer à la société [21], la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel,
Sur les prétentions des syndicats [23] ([23]), [19] et [20],
A titre principal, Vu l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, Vu le principe de loyauté des débats et de l'administration de la preuve en matière civile, Vu ensemble les articles R. 8124-2, R. 8124-15 et R. 8124-31 du Code du travail, Vu les principes d'impartialité, de confidentialité, de discrétion, d'indépendance et de préservation du secret professionnel régissant les fonctions des inspecteurs du travail, Vu l'article 226-13 du Code pénal,
- Juger irrecevables les syndicats [23] ([23]), [19] et [20] en leur intervention volontaire,
- Juger irrecevable le syndicat [23] ([23]) en sa constitution de partie civile,
A titre subsidiaire, Vu l'article 568 du Code de procédure civile,
- Juger irrecevable, à tout le moins rejeter, la demande d'évocation formée par les syndicats [23] ([23]), [19] et [20],
A titre très subsidiaire,
- débouter les syndicats [23] ([23]), [19] et [20] de leurs prétentions ;
En tout état de cause, Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile,
- Condamner les syndicats [23] ([23]), [19] et [20] à payer, chacun, à la société [21] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.
La SAS [12], dans ses dernières écritures en date du 1er juillet 2022, demande à la cour au visa des articles L.3132-31, L.3132-3, L.3132-12, L.3132-13, R.3132-5 du code du travail, L.612-2, L.611-1, R.631-7 et R.631-27 du code de la sécurité intérieure, de':
A titre principal,
- confirmer l'ordonnance du 12 avril 2022.
A titre subsidiaire,
- rejeter la demande d'évocation des appelants et, par voie de conséquence, renvoyer l'affaire devant le juge des référés.
A titre plus subsidiaire,
- rejeter l'ensemble des demandes présentées contre la société [12].
En tout état de cause,
- condamner les appelants à verser à la société la société [12] une somme globale de 2.000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
La SAS [26], dans ses dernières écritures en date du 30 août 2022, demande à la cour au visa des articles, de':
A titre principal,
- confirmer l'ordonnance du 12 avril 2022.
A titre subsidiaire,
- rejeter la demande d'évocation des appelants,
- renvoyer l'affaire devant le juge des référés.
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que les articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du Code du travail ne sont pas applicables à la Société [26],
- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions,
- rejeter les demandes telles que dirigées à l'encontre de la Société [26],
- débouter les syndicats de leurs demandes.
A titre reconventionnel et en toute hypothèse,
- condamner solidairement les demandeurs et les différents syndicats à verser à la Société [26] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.
La [23] ([23]), dans ses dernières écritures en date du 6 décembre 2022, demande à la cour au visa des articles L.132-3 du code du travail, L. 611-1 et L. 612-2 du code de la sécurité intérieure, de':
- infirmer l'ordonnance entreprise en l'ensemble de ses dispositions et notamment en ce qu'elle a déclaré irrecevable les concluants,
Statuant à nouveau,
- faire droit à la demande de constitution de partie civile de la Fédération de l'Equipement, de l'Environnement, des Transports et des Services - [23]
- déclarer recevable ses demandes,
- condamner in solidum les sociétés [21], [24] [Localité 22], supermarché [14] [Localité 13], supermarché [15], supermarché [14] Honore serres, [16], [26] et [12] à payer au profit de la Fédération de l'Equipement, de l'Environnement, des Transports et des Services - [23] la somme de 5.000 € au titre du préjudice subi,
- condamner les sociétés [21], [24] [Localité 22], supermarché [14] [Localité 13], supermarché [15], supermarché [14] Honore serres, [16], [26] et [12] à régler la somme de 5.000 € à la Fédération de l'équipement, de l'environnement, des Transports et des Services - [23], au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le syndicat [19], dans ses dernières écritures en date du 1er juillet 2022, demande à la cour au visa des articles 835 du Code de procédure civile, L.2132-3, R.3132-5, L.3132-3 et L.3132-13 du Code du travail, L.612-2 et L.611-1 du Code de la sécurité intérieure, de':
- infirmer l'ordonnance du 12 avril 2022 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- accueillir l'intervention volontaire du syndicat [18],
- juger que les sociétés [21], [26] et [12] ont créé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession,
En conséquence,
- condamner les sociétés [21], [26] et [12] à verser au syndicat la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner lesdites sociétés à verser au syndicat la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat [20], dans ses dernières écritures en date du7 décembre 2022, demande à la cour au visa des articles L.2132-3, R.3132-5, L.3132-3 et L.3132-13 du code du travail, L.612-2 et L.611-1 du code de la sécurité intérieure, de':
- infirmer l'ordonnance du 12 avril 2022 en ce qu'elle a jugé irrecevable l'action des inspecteurs du travail et l'intervention volontaire du syndicat [20],
Et, statuant à nouveau,
- juger recevable l'action introduite par les inspecteurs du travail,
- juger recevable l'intervention volontaire du syndicat [20],
- Accueillir l'intervention volontaire du syndicat [20],
- Juger que les sociétés [21], [12] et [26] ont causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ;
En conséquence,
- condamner in solidum les sociétés [21], la société [12] et la société [26] à verser au syndicat [20] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner les sociétés [21], la société [12] et la société [26] à verser chacune au syndicat [20] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'action des inspecteurs du travail
La SAS [21] soutient l'irrecevabilité de l'action sur le fondement de l'article L 3132-31 du code du travail d'interprétation stricte en ce que':
- il n'a pas été constaté l'emploi de salariés de son entreprise passé 13 heures les dimanches contrôlés mais seulement la présence d'agents de sécurité salariés des SAS [26] et/ou SAS [12] qui disposent de dérogations permanentes spécifiques à la législation sur l'interdiction de travail du dimanche en application des articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail pour l'exercice de leur emploi conformément à L 612-2 du code de la sécurité intérieure et dont la présence est obligatoire dans les établissements recevant du public comme en l'espèce, les magasins [14] fonctionnant en mode automatique.
- l'article L 3132-31 du Code du travail ne vise que les articles L. 3132-3 et L. 3132-13 à l'exclusion de tout autre texte'; l'action engagée sur le seul fondement de ce texte, ne peut dès lors pas tendre à apprécier - de surcroît au stade des référés - si des agents de sécurité violeraient les dispositions des articles L. 611-1 et L. 612-1 du Code de la sécurité intérieure ou la convention collective. Ce texte a pour objet d'assurer le respect du repos dominical des salariés de l'entreprise contrôlée et non pas de vérifier l'activité des agents de sécurité,
- les inspecteurs du travail ne fondent leur action que sur ce texte spécial et non sur les articles 834 et 835 du code de procédure civile. Dans ces conditions, la sanction de la fermeture des magasins fonctionnant en libre-service en présence des seuls agents de sécurité dûment autorisés et au sein desquels il n'a pas été constaté la violation du travail du dimanche par ses salariés constituerait un contournement de procédure par violation de la loi.
La SAS [26] soutient que suivant contrat cadre du 21 juin 2019, la SAS [21] lui a confié des missions de prévention et de sécurité exercées par des agents salariés dans les magasins de [Localité 28] ([15], [16]) [Localité 13] et, [Localité 22] les dimanches après midi lorsque les magasins fonctionnent en mode automatique. Il s'agit de missions exclusives visées à la convention collective, à la convention cadre, conformes à l'article L 612-2 du code de la sécurité publique et à la législation dérogatoire pour le travail le dimanche.
Les articles L. 3132-13 et L. 3132-31 du Code du travail visent seulement les entreprises de vente au détail, et nullement les entreprises dont l'activité est la sécurité privée de sorte que ces textes ne lui sont pas applicables. L'action contre elle est en conséquence irrecevable.
La seule présence d'agents de sécurité dans les établissements contrôlés est insuffisante pour lui voir appliquer l'article L 3132-31 du code du travail.
Et il n'appartient pas au président de la juridiction statuant en référé de qualifier les prestations exécutées par la société de sécurité ce qui relève des pouvoirs du juge du fond et s'analyse ainsi en une contestation sérieuse au sens de l'article 834 du code de procédure civile.
La SAS [12], sous traitant de la SAS [26], soutient la même argumentation suivant laquelle l'action reposant sur un fondement juridique sanctionnant en application des articles L.3132-12 et R.3132-5 du code de travail, l'emploi illicite de salariés, est irrecevable en l'absence de salariés bénéficiant des dispositions desdits articles, puisque les seuls salariés présents sont ceux qui disposent d'une dérogation légale et permanente. Et si pour se prononcer sur la recevabilité de l'action des inspecteurs du travail il faut préalablement qualifier les prestations réalisées, cela revient à opérer un contournement des dispositions de l'article L.3132-31 du code du travail, en créant de toute pièce les conditions d'une obligation de repos dominical non prévue. Une telle lecture extensive de l'article L 3132-31 accorde au juge des référés le pouvoir qu'il ne détient pas de qualification des tâches accomplies effectivement par un agent de sécurité.
En effet, le juge des référés saisi en application de l'article L.3132-13 ne peut s'exonérer des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de sorte qu'en tant que juge de l'évidence, il doit vérifier l'absence de contestation sérieuse ou bien caractériser un trouble manifestement illicite. Or, dès lors qu'elle a donné des instructions claires à ses salariés et que la clientèle dispose d'indications claires et d'un équipement suffisant pour réaliser ses achats de manière autonome (affichage, hotline), les renseignements donnés à la clientèle par les agents de sécurité ne constituant qu'une activité accessoire et nécessaire à la bonne exécution de sa mission de sécurité, alors la preuve n'est pas rapportée d'un dépassement de fonctions qui en tout état de cause ne relève que du juge du fond.
Les inspecteurs du travail répliquent que l'action est parfaitement recevable'en ce que':
- elle consiste à solliciter du juge qu'il constate, pour en tirer les conséquences, que les salariés exerçant prétendument de strictes fonctions de gardiennage soumises à dérogation exercent en réalité des fonctions confiées en temps normal aux salariés de l'entreprise utilisatrice exclue du bénéfice de la dérogation';
- de telles dérogations d'interprétation stricte ne sont accordées aux sociétés de gardiennage que pour l'exécution exclusive de leurs fonctions de gardiennage et de lutte contre l'incendie de sorte qu'en cas de dépassement d'activité, elles demeurent tenues par les articles L 3132-31, L. 3132-3 et L. 3132-13';
- ainsi, le fait pour une entreprise de sécurité d'employer des salariés à d'autres tâches que la sécurité et le gardiennage la conduit à perdre le bénéfice de sa propre dérogation sans qu'elle puisse pour autant bénéficier de la dérogation réservée aux commerces de détail alimentaire pour lesquels l'emploi de salariés le dimanche n'est partiellement autorisé que jusqu'à 13h00,
- et, dès lors que les salariés de la société de gardiennage ne sont pas affectés à des tâches relevant exclusivement de leur mission de prévention et de sécurité mais relevant des missions des salariés de la société utilisatrice, alors sa présence au débat est impérative puisqu'elle apparaît alors bénéficiaire des dits services voire l'instigatrice et l'action est donc parfaitement recevable qu'elle soit dirigée contre les sociétés de prévention et de sécurité ou contre la société utilisatrice';
- par ailleurs, l'article L3132-31 du code du travail institue un référé spécial étranger au référé de droit commun des articles 834 et 835 du code de procédure civile de sorte qu'il n'y a pas lieu de justifier d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent, seule suffit la démonstration de l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du code du travail au profit d'une société ne bénéficiant pas de dérogation.
Le syndicat [20], la [23] ([23]) et le syndicat [19] soutiennent également que la dérogation à la législation sur le repos dominical de l'article L 3132-5 du code du travail ne s'applique que lorsque les salariés effectuent exclusivement des missions de surveillance, de sécurité et de gardiennage conformément aux articles L612-2 et L 611-1 du code de la sécurité intérieure. Il n'y a pas lieu de faire une distinction entre salariés du prestataire et les salariés de l'utilisateur. L'action des inspecteurs du travail est donc recevable contre la SAS [21] et les SAS [26] et SAS [12] Le caractère illicite de l'emploi salarié relève de l'examen du bien fondé de la demande et non de sa recevabilité. Et le référé de l'article L 3132-31 du code du travail est un référé spécial qui ne répond pas aux conditions des articles 834 et 835 du code de procédure civile.
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Le repos hebdomadaire fixé le dimanche par l'article L 3132-3 du code du travail débute à 13 heures dans les commerces de vente de détail alimentaire en application de l'article L3132-13. Une dérogation à ces règles est prévue à l'article R 3132-5 pour les entreprises de surveillance et de gardiennage et de lutte contre l'incendie. Et les articles L611-1 et L 611-2 du code de la sécurité intérieure disposent que l'exercice de l'activité de sécurité qui se définit comme une activité ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance des biens, est exclusif de toute autre prestation de service non liée à la surveillance ou le gardiennage. Ainsi les sociétés de gardiennage bénéficient d'une dérogation pour l'exercice de leur mission qui est strictement entendue. De sorte que la dérogation ne vaut pas pour des activités étrangères à ces missions.
L'article L 3132-31 du code du travail dispose que «'L'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13 (...)'».
Il en résulte que ce pouvoir peut s'exercer dans tous les cas où des salariés sont employés de façon illicite un dimanche, peu important qu'il s'agisse de salariés de l'établissement ou d'entreprises de prestation de services.
En effet, l'article L 3132-31 vise tout salarié qui serait employé en infraction à la réglementation sur le travail le dimanche dans les commerces de vente au détail.
D'interprétation stricte, ce texte ne permet pas d'ajouter une condition qu'il ne prévoit pas telle que la restriction de son champ d'application aux seuls salariés du commerce de vente au détail donneur d'ordre à l'exclusion de tout salarié d'une entreprise tierce présente dans les lieux et exerçant la même activité que celle des salariés du commerce de détail concerné.
La nature de l'activité exercée dans le commerce de détail alimentaire contrôlé le dimanche après 13 heures constitue donc le critère de l'infraction à la législation sur le travail dominical.
En l'espèce, il est constant que lors des contrôles des mois de juillet et octobre 2021 dans les cinq établissements sus-visés, aucun salarié de la SA [21] n'était présent sur site mais seulement des agents de sécurité de la SAS [12] ou/et de la SAS [26].
Mais, l'absence de salariés de la SAS [21] au sein des établissements lors des contrôles n'étant pas le critère de l'infraction à la législation sur le travail dominical, cette circonstance ne peut être un obstacle à la recevabilité de l'action des inspecteurs du travail agissant sur le fondement de l'article L 3132-31 du code du travail. Ainsi le caractère illicite de l'emploi salarié relève de l'examen du bien-fondé de la demande et non de sa recevabilité.
Ainsi, dès lors que les salariés d'une entreprise de gardiennage exercent le dimanche après 13 heures dans un commerce de détail alimentaire, des fonctions relevant des missions exercées par des salariés du dit commerce alimentaire qu'ils sont chargés de surveiller, alors la dérogation ne lui est plus applicable. Cette entreprise contrevient donc personnellement aux règles sur le repos dominical.
Et, la société utilisatrice qui fait appel et héberge des salariés sur son site le dimanche après 13 heures, en infraction à la législation susvisée et qui profite personnellement des prestations étrangères aux fonctions de gardiennage et relevant de son objet, commet elle-même personnellement une violation de la règle du repos dominical protectrice des salariés, ce qui autorise l'inspection du travail à saisir le juge sur le fondement de l'article L3132-31 du code du travail qui organise un régime spécial de référé dit référé dominical.
Et en application de ce texte spécial, il n'y a pas lieu de vérifier les conditions du référé de droit commun des articles 834 ou 835 du code de procédure civile, seule suffit la démonstration de l'emploi illicite de salariés en infraction aux règles sur le repos dominical dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13 du code du travail au bénéfice d'une société ne bénéficiant pas de dérogation.
Dans ces conditions, la présente action fondée sur ce texte visant la protection du repos dominical est recevable tant à l'égard de la SAS [21] qu'à l'égard de la SAS [26] et de la SAS [12]
La décision qui a déclaré l'action irrecevable aux seuls critères de la présence d'agents de sécurité et de l'absence de personnels de la SAS [21] sera infirmée.
En vertu de l'article 561 l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Le pouvoir d'évocation de l'article 568 du code de procédure civile est ouvert à la cour d'appel lorsqu'elle infirme ou annule une décision qui a ordonné une mesure d'instruction, ou statuant sur une exception de procédure a mis fin à l'instance. Ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le premier juge ayant jugé l'action irrecevable'; or une fin de non recevoir au sens de l'article 122 n'est pas une exception de procédure ainsi que les intimées le reconnaissent expressément.
En conséquence, il appartient à la cour en application de l'effet dévolutif de l'appel, une fois l'action déclarée recevable et alors que les intimées ont conclu au fond sur le bien fondé des demandes, de vérifier la preuve de la matérialité de la violation à la législation sur le repos dominical invoquée par les inspecteurs du travail.
Sur le bien fondé des demandes des inspecteurs du travail
La SAS [21] soutient que
- les éléments avancés par les inspecteurs du travail contreviennent aux dérogations permanentes de droit des articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du Code du travail dont disposent les SAS [26] et SAS [12] dont la présence est obligatoire dans un ERP'; et une analyse des tâches réalisées in concreto ne relève que du juge du fond';
- elle a mis en place une organisation de ses magasins en mode automatisé qui justifie l'emploi d' agents de sécurité qui n'est pas extérieur à leurs missions et ne permet donc pas d'établir un emploi illicite';
- elle produit de nombreux constats d'huissier contredisant les constatations des inspecteurs du travail et attestant du fonctionnement automatisé des magasins, sans aide à la clientèle par les agents de sécurité, la cour devant apprécier les faits au jour où elle statue (signalétique à destination de la clientèle, affichage des missions dévolues aux agents, messages vocaux);
- l'emploi et les missions dévolues aux agents de sécurité exclusivement concentrés sur la prévention, la surveillance et la sécurité sont expressément visés au contrat cadre et au cahier des charges ; ils sont conformes à la convention collective et au code de la sécurité intérieure,
- dès lors leur seule présence ne peut constituer la violation des règles du repos dominical,
- les constatations des inspecteurs du travail réalisées dans chaque magasin sont insuffisamment probantes et ne résultent que de déductions ou d'hypothèses alors qu'il s'avère au travers des éléments quantifiés par l'huissier et constatés sur une longue durée que l'organisation du magasin permet le fonctionnement automatisé et que les agents de sécurité n'ont pas à exercer, du fait de cette organisation, par leur seule présence humaine, des activités extérieures à leur mission de surveillance et de sécurité des biens et des personnes, par ailleurs définies par le cahier des charges, la convention collective et les consignes applicables, de sorte que leur « emploi » ne saurait être établi comme étant « illicite » par cette affirmation tirée de « leur seule présence humaine »,
- le caractère manifeste de l'illicéité et de la violation des règles sur le repos dominical n'est pas établi, de sorte qu'aucun trouble manifeste n'est en l'état caractérisé » les activités reprochées relèvent de la mission de prévention des vols ou de la sécurité des personnes,
- et si une contravention aux consignes était établie ce ne pourrait être que du fait individuel du salarié concerné dont la SAS [21] n'est pas responsable.
Les SAS [26] et SAS [12] soutiennent également que les dispositions des articles L.3132-3 et L.3132-13 du code du travail sont inapplicables à leurs salariés seuls présents sur site, lesquels dépendent des dispositions des articles L.3132-12 et R.3132-5 du code de travail et de l'article 7.01 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ainsi que des articles L 611-1 et L 612-2 du code de la sécurité intérieure. De sorte qu'ils disposent d'une dérogation permanente aux règles sur le repos dominical. Et, leurs salariés sont étrangers à la mission relative à la vente qui est exécutée par les caisses automatiques'; leur seule présence ne peut signer une infraction à cette dérogation. Leurs missions d'agent de prévention d'agents arrière caisse et d'agent de sécurité vidéo sont précisées dans leur contrat de travail et dans leur fiche de poste et sont conformes au contrat cadre. Elles comprennent l'accueil, l'information et l'orientation et l'accompagnement de la clientèle sur le site. Elles ont donné des instructions précises à leurs agents qui les ont respectées': les faits reprochés par les inspecteurs du travail relèvent bien de leur mission de prévention, surveillance et sécurité. La SAS [26] fait en outre valoir qu'il n'a été relevé aucune infraction dans le magasin [14] [Adresse 8].
Les inspecteurs du travail soutiennent avoir constaté personnellement et à l'examen des vidéo surveillance les jours des contrôles que les salariés des entreprises de sécurité telles que définies à l'article L 611-1 du code de la sécurité intérieure n'exerçaient pas exclusivement des missions de surveillance, de sécurité ou de gardiennage en infraction à l'article L 612-2 mais des actes relevant des missions des salariés de l'établissement contrôlé. De sorte qu'ils ne peuvent plus bénéficier de la dérogation de l'article R 3132-5 du code du travail ; les sociétés de sécurité se trouvent donc en infraction à la législation sur le repos dominical. Et la SAS [21] profite de cette aide pour l'exploitation de son commerce.
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Lorsque l'inspecteur du travail agit en référé pour faire cesser le travail dominical illicite, il lui incombe d'établir par tous moyens et en usant des pouvoirs qu'il tient des articles L. 8113-1, L. 8113-2 et L. 8113-4 du code du travail, l'emploi illicite qu'il entend faire cesser.
En l'espèce, les constatations personnelles des inspecteurs du travail et les captures d'écran des vidéo surveillances constituent des moyens de preuve licites et suffisants. Le nombre d'infractions constatées par rapport au nombre de clients habituellement accueillis sur une longue période est indifférent quant au principe de l'infraction. Et dès lors que le seul critère de l'infraction à la législation sur le travail dominical est la nature de l'activité exercée dans le commerce où la surveillance est exécutée, la conformité du contrat cadre, des contrats de travail, des fiches de poste par rapport à la législation sur la sécurité intérieure ou à la convention collective est également indifférente.
En l'espèce les contrôles ont été effectués dans les cinq magasins litigieux les dimanches 18 et 25 juillet 2021 après 13 heures, le magasin [17] ayant également été contrôlé les 4, 11, 18 et 25 juillet et 3 octobre 2021 et le magasin de la [15] dès le 11 juillet ce qui a fait l'objet d'un courrier de réclamation de la part des inspecteurs du travail le 12 juillet 2021.
Il ressort des constats des inspecteurs du travail et de l'examen des vidéos surveillance que les agents de sécurité ont exercé des fonctions étrangères à leur mission préventive de surveillance et de sécurité notamment':
- Aides au paiement'et présence dans la zone de caisses automatisées:
*[14] [Localité 13] le 18 juillet': l'agent scanne une baguette de pain à la place d'un client, appuie lui même sur l'interphone de la Hotline, utilise la «'douchette'» à scanner, débloque une caisse défectueuse, explique le fonctionnement d'une caisse automatique,
*[14] [Localité 13] le 25 juillet': l'agent aide une cliente à contacter la hotline, condamne une caisse automatique, débloque la caisse automatique,
*[14] [Localité 22] le 25 juillet': aide pour scanner un produit,
*[14] [16]'le 18 juillet : intervention en caisse pour aider un client ou pour déblocage'd'une caisse ; discussion avec la hotline'; gestion des files de clients en caisse pour éviter l'attente en raison du blocage de plusieurs caisses';
le 25 juillet': intervention en caisse à plusieurs reprises: notamment un agent a passé lui même un article en caisse pour une personne âgée';
*[17] les 4, 11, 18 juillet où l'agent est vu en train de scanner des produits à la place des clients.
le 3 octobre: les 3 agents se trouvaient dans la zone de caisse, occupés à orienter les clients sur les caisses en fonctionnement et à intervenir sur une caisse afin d'aider deux clientes';
- Renseignements de clients dans la zone de caisse:
*[14] [16] le 18 juillet': renseignement sur un bon d'achat sur visionnage de la vidéo surveillance'; et les inspecteurs du travail ont constaté personnellement qu'un agent présent dans la zone de caisse orientait les clients vers la caisse automatique correspondant à leur mode de règlement (CB ou espèces), pour les renseigner sur le fonctionnement des caisses automatiques et leur expliquer qu'ils devaient contacter la hotline téléphonique en cas de problème,
* [15] le 11 juillet sur visionnage de la vidéo surveillance.
- Ramassage des produits délaissés par les clients - Rangement des produits frais ou non dans leur rayon d'origine:
* [15] les 11 et 18 juillet les inspecteurs du travail ont constaté qu'un agent a replacé des produits délaissés en caisse dans leur rayon réciproque dont la zone réfrigérée
* [14] [Localité 22] les 18 juillet et 25 juillet': récupération de produits dans un panier dédié';
* [14] [16] les 18 et 25 juillet: ramassage d'un produit frais laissé en caisse;
- Ramassage des paniers - Rangement des caddies - nettoyage des caisses à la lingette:
* [14] [16] les 18 et 25 juillet,
* [17] les 4,11, 18 juillet (la zone de caisse est débarrassée des paniers qui y sont empilés).
S'il ne peut être reproché aux agents de surveillance et de sécurité d'aider les personnes à sortir de la zone de caisse lorsque la barrière est défectueuse puisqu'ils sont chargés de la sécurité et de la surveillance des entrées et des sorties, toutes les autres activités ainsi listées plus haut n'apparaissent pas répondre à ces missions mais correspondent exactement aux fonctions exercées par les salariés du magasin [14] utiles à la vente des marchandises proposées.
Et même le rangement des caddies ou des paniers sort de leur mission dès lors qu'il apparaît avoir été exécuté non pas pour assurer la sécurité des personnes mais pour aider à la vente et faciliter le commerce pour la clientèle.
Dans ces conditions la dérogation permanente au repos dominical dont les sociétés de surveillance SAS [26] et SAS [12] bénéficient, qui ne vaut que pour les missions conformes à cet objectif, a été détournée au profit des activités de la SAS [21].
Ce détournement caractérise l'emploi illicite de salariés pour son compte, au regard de l'obligation de repos dominical, justifiant le recours au référé spécial de l'article L 3132-31 destiné à faire cesser la violation d'une législation destinée à « assurer la santé et la sécurité des salariés ». Il appartenait en effet à la SA [21] en sa qualité de donneur d'ordre de faire respecter la législation sur le travail du dimanche par son prestataire sur lequel elle ne peut faire reposer l'entière faute ni l'entière responsabilité.
Ainsi, les mesures d'information par voie d'affichage ou de messages audio diffusés dans le magasin voire les efforts des salariés pour exercer leur mission dans le strict respect de la législation malgré les multiples sollicitations des clients confrontés à un mécanisme automatisé qu'ils maîtrisent mal ou qui est parfois défaillant, n'ont pas évité la commission de telles infractions.
Les constatations des inspecteurs du travail démontrent donc que les magasins [14] susvisés ne fonctionnaient pas de façon automatique les jours des contrôles mais avec l'aide à la clientèle apportée par les agents de sécurité.
C'est donc à bon droit qu'ont été relevé à leur encontre les infractions à la législation sur le repos dominical. L'action est donc fondée et dès lors la sanction de l'article L 3132-31 s'applique.
La sanction
La SAS [21] soutient que la fermeture sous astreinte des magasins contrôlés serait disproportionnée et inéquitable dès lors que l'infraction ne relève que de l'initiative malheureuse de quelques agents de l'entreprise de sécurité tierce et alors que la convention cadre a clairement délimité les obligations de la société de sécurité et que celle-ci a également clairement déterminé dans les contrats de travail le périmètre d'intervention de ses agents. Une telle sanction à l'égard de la SAS [21] constituerait une atteinte excessive à la liberté du commerce et au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre sachant que l'ouverture des magasins le dimanche en mode automatisé est licite et reconnue par la Cour de Cassation. Une injonction sous astreinte à l'employeur des agents de sécurité, de faire respecter la législation et les termes de leur emploi, suffirait, à elle seule, à prévenir le risque d'emploi illicite. D'autant que l'ouverture le dimanche après midi est autorisée si des salariés ne sont pas employés mais le gérant non salarié.
La SAS [26] soutient quant à elle que d'une part, dès lors qu'elle a donné toutes les consignes utiles et que d'autre part, elle bénéficie d'une dérogation aux règles sur le repos dominical, conformément et dans les conditions fixées aux articles R. 3132-5 du Code du travail et 7.01 de la Convention Collective applicables aux entreprises de prévention et de sécurité, elle n'est pas concernée par les dispositions légales revendiquées par les inspecteurs du travail.
La SAS [12] reprend cette argumentation et ajoute que le volume de faits relatés par les appelants au regard de l'amplitude horaire des contrôles opérés est tellement réduit qu'il n'est pas permis «'d'arriver à la conclusion paradigmatique d'un système conçu pour remplacer les caissiers par des agents de sécurité'», ce qui exclut l'application de toute sanction à son égard.
Les inspecteurs du travail soutiennent quant à eux que les mesures sollicitées de fermeture des magasins sous astreinte et d'interdiction pour les sociétés de sécurité d'intervenir dans les magasins contrôlés sous astreinte sont parfaitement adaptées considérant que la violation de l'article L 3132-3 par les sociétés de sécurité est établie d'évidence et que cette violation a directement profité à la société [14] dans l'exploitation des magasins qui en a été l'objet comme l'instrument.
L'article L 3132-31 du code du travail autorise le juge à ordonner toutes mesures propres à faire cesser l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13.
Dès lors que comme en l'espèce, l'action est fondée, la sanction s'applique quelle que soit la situation concurrentielle dès lors que cette législation ne sert pas la protection du commerce mais la protection des droits des salariés.
Suivant courriers des 12, 26 juillet et 6 août 2021, les inspecteurs du travail ont demandé à la SAS [21] pour chaque magasin de prendre toute mesure propre à faire cesser l'emploi illicite de salariés le dimanche après 13 heures à défaut de quoi ils saisiraient le juge des référés sur le fondement de l'article L 3132-31, tout en rappelant que leur position avait déjà été confortée par la jurisprudence de cette cour. Les 12 et 26 juillet 2021 les inspecteurs du travail envoyaient des courriers de la même teneur à la SAS [26] et le 26 juillet 2021 à la SAS [12] concernant le contrôle du magasin de [Localité 13].
Pourtant malgré ces avertissements, les sociétés ont réitéré leurs activités répréhensibles conformément à leur position exprimée dans leurs courriers en réponse des 6 août et 7 septembre pour les sociétés de sécurité et le 5 octobre 2021pour la SAS [21] visant d'une part, la dérogation légale au travail le dimanche et d'autre part, la conformité aux exigences légales et conventionnelles des activités des agents de sécurité.
Dès lors, l'interdiction d'employer des salariés des entreprises de sécurité les dimanches après 13 heures et la fermeture des cinq magasins à partir de 13 heures sont fondées, légitimes et proportionnelles à l'objectif poursuivi par les textes applicables considérant la gravité de la règle d'ordre public transgressée et la man'uvre de contournement adoptée et ce alors que l'inspection du travail avait avisé la SA [21] dès le 12 juillet 2021 à la suite du premier contrôle le 11 juillet au magasin de la [15] puis le 26 juillet dans les autres magasins dont celui de [16] où il a été constaté de nouvelles infractions le 3 octobre 2021.
Considérant la position ferme adoptée par la SAS [21] qui n'a répondu aux inspecteurs du travail que le 5 octobre 2021 pour contester les constatations factuelles et s'opposer fermement aux conclusions des inspecteurs du travail, sa proposition visant une simple «'injonction sous astreinte à l'employeur des agents de sécurité, de faire respecter la législation et les termes de leur emploi'» n'apparaît certainement pas suffisante, à elle seule, à prévenir le risque d'emploi illicite. Et considérant que les sociétés de sécurité ne reconnaissent pas que les agissements de leurs salariés tels que constatés outrepassent leur mission et ne conçoivent même pas l'infraction à la législation dérogatoire par le détournement des textes applicables, la sanction proposée de l'interdiction sous astreinte de professer au sein des magasins [14] contrôlés apparaît également adaptée et proportionnée.
La désignation d'un huissier pour faire vérifier l'exécution de la présente décision relative à l'astreinte n'a pas à être préalablement autorisée par le juge des référés ou la cour.
Sur l'intervention des syndicat [20], la [23] ([23]) et le syndicat [19]
La SAS [21] et la SAS [26] concluent d'une part, à l'irrecevabilité des interventions des syndicats qui n'ont pu être réalisées que grâce à la violation du secret professionnel par les inspecteurs du travail qui ont divulgué l'assignation et d'autre part, au débouté des demandes en l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice et de son montant.
L'article L 2132-3 du Code du travail permet aux syndicats d'exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent devant toutes les juridictions.
Et selon l'article R8124-20 du code du travail « Les agents du système d'inspection du travail fournissent des informations et des conseils aux usagers sur le droit applicable, sur sa portée et sur les moyens d'assurer son respect». Les organisations syndicales sont des usagers au même titre que les salariés qu'elles représentent. Par ailleurs, le procès civil se tient en audience publique et l'assignation qui saisit le juge n'est pas un acte confidentiel protégé par le secret. Par ailleurs, la transmission de l'assignation aux organisations syndicales ne constitue pas la preuve des manquements aux autres obligations déontologiques invoqués par la SA [21] soit les « obligations essentielles de confidentialité, d'impartialité, d'indépendance, de neutralité, de discrétion ».
De sorte que l'information des organisations syndicales par la transmission des assignations afin qu'elles puissent intervenir utilement au débat pour assurer la protection des droits des salariés qui constitue l'objet de leur mission au sens de l'article L 2132- 3 du code du travail, n'apparaît pas illicite ni contraire au principe du procès équitable de l'article 6 §1 de la CEDH invoqué ni de nature à rendre irrecevables les dites interventions dans ce procès relatif au respect du repos hebdomadaire le dimanche.
Les interventions volontaires des syndicats sont donc recevables.
Sur le fond, dès lors qu'il est constaté une infraction aux règles sur le repos dominical, la preuve est rapportée d'une atteinte au droit des salariés qui justifie l'octroi d'une provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice subi qui considérant la réitération des manquements à la législation sera évaluée à 2500€ pour chaque syndicat.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 12 avril 2022 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau
- Déclare l'action et les demandes des inspecteurs du travail recevables.
- Enjoint à la société SAS [21] de fermer le dimanche à 13 heures les magasins suivants :
* [14] [Localité 13] sis au [Adresse 2],
* [15] sis au [Adresse 8],
* [16], sis à [Adresse 25],
* [17] sis au [Adresse 7],
* [24] [Localité 22], sis [Adresse 27].
- Enjoint à la société SAS [26] de ne pas affecter de salariés dans lesdits magasins le dimanche après 13 heures.
- Enjoint à la société [12] de ne pas affecter de salariés dans lesdits magasins le dimanche après 13 heures.
- Assortit les injonctions faites à la société SAS [21], à la SAS [26] et la SAS [12] d'une astreinte de cinq mille (5000) euros par dimanche et par salarié illégalement employé.
- Déboute les inspecteurs du travail de leur demande visant la désignation d'un huissier pour faire exécuter l'astreinte.
- Condamne la SAS [21], la SAS [26] et la SAS [12] à verser aux syndicats [20], la [23] ([23]) et [19] la somme de 2500€ chacun à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice.
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la SAS [21], la SAS [26] et la SAS [12] à verser au Trésor Public, la somme de 6000€ et aux syndicats [20], la [23] ([23]) et [19] la somme de 1500€ pour chacun.
- Condamne la SAS [21], la SAS [26] et la SAS [12] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER