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15/03/2023 | FRANCE | N°21/00957

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 15 mars 2023, 21/00957


15/03/2023





ARRÊT N°109



N° RG 21/00957 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OAFM

IMM/CO



Décision déférée du 10 Février 2021 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2019J00783

M.[I]

















S.A. BANQUE COURTOIS





C/



[U] [L]





























INFIRMATION PARTIELLE


















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Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



S.A. BANQUE COURTOIS

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avoc...

15/03/2023

ARRÊT N°109

N° RG 21/00957 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OAFM

IMM/CO

Décision déférée du 10 Février 2021 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2019J00783

M.[I]

S.A. BANQUE COURTOIS

C/

[U] [L]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU QUINZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A. BANQUE COURTOIS

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame [U] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabienne MARTINET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseiller, chargée du rapport, F.PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

Par acte sous seing privé en date du 12 mai 2014, la Banque Courtois a consenti à la société A Pleines voiles un contrat de prêt finançant des besoins professionnels d'un montant de 180.000 € stipulé remboursable avec intérêts au taux de 3,39 % en 84 mensualités de 2.453,66 € échelonnées du 13 juin 2014 au 13 mai 2021.

Suivant acte sous seing privé en date du 9 mai 2014, Madame [U] [L] s'est portée caution solidaire, en sa qualité de gérant, des engagements de la société A Pleines Voiles envers la Banque Courtois au titre de l'acte de prêt susvisé à concurrence de la somme de 58.500 € correspondant à 25% de l'encours du prêt en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires.

Par jugement en date du 19 octobre 2017, le Tribunal de Commerce de Toulouse a ordonné le redressement judiciaire de la société A Pleines Voiles, désignant Maître [S] en qualité de mandataire liquidateur.

Par courrier recommandé du 13 novembre 2017, la Banque Courtois a régulièrement déclaré entre les mains de Maître [S] ès qualités, sa créance qui a été admise pour la somme de 103.365,15 €

.

Par jugement en date du 12 avril 2018, le Tribunal de Commerce de Toulouse a converti la procédure collective de la société A Pleines Voiles en liquidation judiciaire.

Par courrier recommandé en date du 24 avril 2018, la Banque Courtois a mis en demeure Madame [U] [L] de procéder au règlement des sommes dues au titre de son engagement de caution

Par exploit du 18 octobre 2019, la Banque Courtois a assigné Madame [L] devant le Tribunal de Commerce de Toulouse afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 25.841,29 €, correspondant à 25% des sommes dues par la société A PLEINES VOILES, outre les intérêts au taux contractuel de 6,39 % à compter du 24 avril 2018, date de la mise en demeure.

Par jugement du 10 février 2021, le tribunal a débouté la Banque Courtois de ses demandes.

Par déclaration en date du 1er mars 2021, la Banque Courtois a relevé appel de ce jugement.

La clôture est intervenue le 3 octobre 2022

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 23 août 2022auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Banque Courtois demandant, au visa des articles 1104 et suivants et 2288 et suivants du code civil de :

Infirmer le jugement du 10 février 2021 en ce qu'il a retenu la disproportion manifeste, débouté la Banque Courtois de ses demandes et statué sur les frais irrépétibles et les dépens,

Le confirmer pour le surplus ;

Statuer à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamner Madame [U] [L] à lui payer la somme de 25.841,29 € outre intérêts au taux contractuel de 6,39 % à compter du 24 avril 2018, date de la mise en demeure, au titre de son engagement de caution,

Condamner Madame [U] [L] à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de la 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 16 septembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [U] [L] au visa des articles L 332-1 du code de la consommation,1382 et 1383 anciens du code civil du code civil ,1134 alinéas 3, 1135, et 1147 anciens du code civil de :

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu que l'engagement de la caution était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et dit en conséquence que la Banque Courtois ne peut se prévaloir du cautionnement,

Par conséquent,

Débouter la Banque Courtoise de l'intégralité de ses demandes ,

A titre d'appel incident,

Si par extraordinaire, la Cour ne devait pas confirmer le jugement du Tribunal de commerce et l'infirmer pour considérer que la disproportion a été retenue à tort,

Réformer le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il n'a pas retenu les manquements de la Banque Courtois tant au regard des obligations dont il est tenu vis-à-vis de l'emprunteur principal qu'au regard de son devoir de mise en garde vis-à-vis de la caution profane, et débouté [U] [L] de sa demande de condamnation de la Banque Courtois à lui payer 25.000€ en réparation de son préjudice.

Et statuant à nouveau

Constater les fautes de la Banque Courtois à l'égard de l'emprunteur, la société A Pleines Voiles, laquelle a manqué à son devoir, de vigilance, prudence et Conseil face à un projet scabreux résultat d'un partenariat douteux et fragile, et le préjudice qui en a résulté pour la caution de l'emprunteur dont la banque lui doit réparation sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil.

A tout moins, constater que la Banque Courtois a manqué à son devoir de loyauté et de mise en garde vis-à-vis de la caution, [U] [L], en lui faisant souscrire un engagement qu'elle savait très risqué et de nature à engendrer inéluctablement l'action en garantie à l'encontre de la caution.

- Constater par conséquent que la responsabilité contractuelle de la Banque Courtois est engagée,

- Constater la réalité du préjudice subi par [U] [L], caution non avertie aujourd'hui endettée et ruinée,

Par conséquent,

Débouter la Banque Courtois de l'intégralité de ses demandes et la condamner à payer à [U] [L] une somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ,

En toutes hypothèses,

Condamner la Banque Courtois à payer une somme de 4.000€ à [U] [L] par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la Banque Courtois aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Motifs 

Pour s'opposer aux demandes de la banque Madame [L] invoque la disproportion de son engagement de caution ainsi que le manquement de la banque à son obligation de mise en garde et une faute de la banque à l'égard de la société A Pleines Voiles

- sur la disproportion de l'engagement de caution

Souscrit antérieurement au 1er janvier 2022, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés mais postérieurement au 5 août 2013, date d'entrée en vigueur de la loi du°2003-721 du 1er août 2003, l'engagement de Madame [L]

est soumis aux dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, devenu L332-1 depuis le 1er juillet 2016, selon lesquelles « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Cette disposition s'applique à toute caution personne physique qui s'est engagée au profit d'un créancier professionnel. Il importe peu qu'elle soit caution profane ou avertie ni qu'elle ait la qualité de dirigeant social.

Il convient d'apprécier la disproportion manifeste de l'engagement à la situation de revenus et de patrimoine de la caution pour chaque acte de cautionnement successif à la date de l'engagement de caution.

L'engagement de caution ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

La proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie.

La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.

Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à la date où l'engagement a été souscrit.

En l'espèce, la caution a complété une fiche patrimoniale dans laquelle elle a fait état de revenus annuels de 50.540 €, dont 9.540 € de revenus fonciers et indique être propriétaire d'un immeuble d'une valeur de 180.000 €, pour lequel elle supporte un crédit sur lequel reste dû 124.000 €;

Enfin, elle précise être titulaire d'un contrat assurance- vie d'une valeur de 20.000 €.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'y a pas lieu d'exclure le montant de l'assurance vie qui constitue un actif devant être pris en compte pour l'appréciation du patrimoine.

Ainsi, le seul patrimoine net de la caution d'une valeur de 76.000 € permettait donc à la caution de faire face à son engagement limité à la somme de 58.500 €.

C'est donc à tort que le premier juge a retenu l'existence d'une disproportion manifeste.

- sur le devoir de mise en garde

En application des dispositions de l'article 1231-1 du code civil, anciennement 1147, la banque a un devoir de mise en garde à l'égard de la caution profane et engage sa responsabilité lorsque au jour de son engagement, cet engagement n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Elle doit donc avertir la caution profane sur les risques découlant d'un endettement né de l'octroi de crédit après avoir vérifié les capacités de la caution à assumer son obligation. Il appartient à la banque de justifier qu'elle a satisfait à ses obligations de mise en garde.

En revanche, la banque n'est tenue à aucun devoir de mise en garde à l'égard d'une caution avertie dès lors que la caution ne démontre pas que la banque aurait disposé d'informations que la caution aurait ignorées sur la situation de la personne cautionnée ou sur ses facultés de remboursement prévisibles.

Il appartient à la banque, qui soutient être dispensée de cette obligation, d'établir que la caution est avertie.

Cette qualité doit être appréciée in concreto, la caution avertie étant celle qui est en mesure de prendre conscience du risque encouru en s'engageant.

La qualité de dirigeant ne peut suffire, en soi, à établir le caractère averti d'une caution. Selon la jurisprudence désormais établie, le caractère averti des cautions étant dirigeants du débiteur s'apprécie en tenant compte des circonstances, de leurs compétences et de leur capacité d'appréciation du risque, mesurée, notamment, à leur degré d'implication dans la gestion de la société débitrice.

En l'espèce, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la banque ne démontre nullement que, compagne de M.[E] dirigeant de la société A Pleines Voiles, Madame [L], disposait de compétences particulières pour apprécier le risque résultant de la souscription du prêt, ce qui ne saurait se déduire de son activité de conseillère commerciale.

Néanmoins, aucun des éléments débattus ne permet de retenir que le prêt accordé à la société A Pleines Voiles était inadapté aux capacités financières de l'emprunteur dont le redressement judiciaire n'a été ouvert que plus de 40 mois plus tard et contrairement à ce que soutient la caution, il n'appartenait pas à la banque, qui supporte une obligation de non immixtion d'effectuer des recherches sur la société Gaastra, dont la société APV souhaitait devenir le partenaire et distributeur sur le territoire français.

La situation de revenus et de patrimoine de la caution qui lui permettait de faire face à son engagement exclut également l'existence d'un risque d'endettement excessif de Madame [L].

Dès lors, la banque, qui n'était pas débitrice d'un devoir de mise en garde, n'a pas manqué à cette obligation.

- Sur la responsabilité de la banque ;

Madame [L] soutient encore que la banque a commis une faute en octroyant à la société A pleine Voile le prêt garanti par son engagement de caution.

Sur ce point, la banque rappelle d'une part que sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société A pleine Voile a été définitivement admise et fait valoir d'autre part que sa responsabilité ne saurait être recherchée que dans le cadre restrictif des dispositions de l'article L 650-1 du code de commerce qui exclut la responsabilité d'un créancier au titre du concours accordé au débiteur, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Or, en l'espèce, aucune fraude ou immixtion dans la gestion de la société emprunteuse n'est invoquée, de même qu'il n'est pas soutenu que la banque aurait pris des garanties disproportionnées.

Le jugement sera donc confirmé par motifs substitués en ce qu'il a débouté Madame [L] de ses demandes indemnitaires.

- sur les demandes de la banque :

La banque justifie de sa créance pour la somme de 25.841, 29 € correspondant à 25 % des sommes dues par la société. Madame [L] sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux de 6, 39 % à compter du 24 avril 2018, date de la mise en demeure.

Partie perdante, Madame [L] supportera les dépens de première instance et d'appel.

Les circonstances de l'affaire ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame [L] de l'ensemble de ses demandes ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne Madame [U] [L] à payer à la banque Courtois la somme de 25.841, 29 € avec intérêts au taux de 6, 39 % à compter du 24 avril 2018.

Condamne Madame [U] [L] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00957
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.00957 ?
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